Arrivée à Beauregard (là ou habitait sa mère), Lyllah se précipita chez elle.

-Salut 'man !

-Bonjour ma chérie ! Tu as passé une bonne journée ?

-Ça va. Où est Lana ?

-Dans sa chambre, ma puce.

Lyllah poussa un soupir d'exaspération. Elle n'était plus sa puce depuis longtemps, sa mère le savait, et pourtant elle continuait de l'appeler par des noms tous plus excentriques les uns que les autres. En montant les escaliers, elle entendit la voix calme de sa mère lui crier : "Tu pourras aller chercher ton petit frère vers cinq heures ? J'ai eu une grosse journée. Les mannequins n'étaient vraiment pas au top aujourd'hui ; il a donc fallu que quelqu'un les rebrief -moi- et là, ce soir, je suis vraiment épuisée ". Lyllah soupira. Pourquoi n'a t-on jamais le droit de dire non à ce genre de questions ?

-Très bien, concéda t-elle.

-Salut ! fit Lana quand sa sœur entra dans sa chambre.

-Ça va ?

-Ouai, répondit-elle d'un air modeste. Pour une fille qui a eu une heure de colle, oui.

-QUOI ?! Maman est au courant ?

Une lueur malicieuse trottait dans les yeux de Lana.

-Je lui ai fait croire que je terminais à midi, comme ça j'ai pu la faire à onze heures, et la semaine dernière, j'ai brulé le papier qui était censé l'en informer.

Un sourire illumina le visage de Lyllah.

-T'as eu chaud !

-Je sais. Bon, c'est la seconde démarque aujourd'hui alors je vais en profiter.

-Ok.

Lyllah pénétra dans sa chambre. "Bon, je vais commencer mes devoirs et après je me ferai couler un bon bain chaud." Elle avait eu une heure de sport au lieu de deux l'après-midi ( d'où l'heure de perm inutile...) et jugeait que sa peau était collante.

Après avoir terminé ce qu'elle avait à faire, Lyllah descendit dans le salon et partit chercher son frère. Un moment plus tard, elle aperçu à travers la vitrine du magasin "Nike" une paire de baskets noires, toute simples, mais qu'elles voulait depuis près de trois semaines."Mes Huaraches chéries !! s'extasia t-elle. Je reviens vite !"

Lyllah revint à sa demeure accompagné de Kenzo. Elle accourut dans sa chambre, prit son porte-monnaie et fila comme une flèche en ville.

Elle revit les baskets de tout à l'heure ; elles étaient à moins soixante-quinze pourcent -ce qui offrait à la jeune fille un prix assez avantageux, surtout pour des Huaraches, soyons sincères. Elle entra dans le magasin.

-Bonjour ! fit-elle à la caissière, postée au comptoir numéro 3, richement orné de divers prospectus. Je voudrai la paire de Huaraches là-bas , en pointure 38 s'il-vous-plait.

-Très bon choix, en plus, c'est la nouvelle édition, souligna la vendeuse.

Celle-ci, aux traits évoquant la jeunesse, entra dans la réserve tout au fond de l'immense magasin et en ressortit avec une boite.

-Tenez ! fit alors Lyllah en donnant l'intégralité du contenu de son porte-monnaie à la caissière. Cette dernière lui confia l'objet.

-Au revoir !

Un échange de sourires après, la jeune fille était sortit de son magasin de baskets préféré. Certes elle avait dépensé tout son argent de poche mais, selon elle, c'était pour une bonne cause.

-Maman ! fit Lyllah en rentrant chez elle, regarde ! Enfin !

-Elles sont belles ! Est-ce que le prix est tout aussi remarquable ? lui dit Mme Atalay avec un petit sourire entendu.

-Hum...Pas si sûr... Quatre-vingt euros, avoua t-elle. Mais, commença t-elle, t'as vu comme c'est pas cher pour des Huaraches ?

- Je me rends surtout compte que tu n'auras pas d'argent de poche avant le mois prochain, et encore ... déclama son interlocutrice d'une voix teintée d'ironie. Tu aurais pu pleinement profiter des soldes au lieu de tout dépenser pour un seul article que tout le monde aura probablement dans quelques jours !

-Oh, feignit l'impertinente, pourquoi le talent économique de papa n'est-il pas passé dans mes gènes ?

Son père travaillait dans le milieu des affaires. Il était beaucoup moins renommé qu'à l'époque, mais il s'en sortait toujours très bien. Il côtoyait l'argent à longueur de journée et faisait la morale à sa fille quand selon lui elle s'achetait des choses aussi chères qu'inutiles. Le visage de sa mère s'assombrit.

-Au fait, on mange quoi ce soir ? tenta Lyllah, ayant remarqué le malaise de sa mère.

-Des pâtes. répondit-elle froidement.

-Chouette ! dit sa fille avec à l'évidence un enthousiasme forcé.

Elle tourna ensuite les talons pour rejoindre sa chambre. Elle s'installa devant son ordinateur dernier cri que son père lui avait acheté lors de ses quatorze ans. Elle consulta ses e-mails et vit qu'elle en avait reçu deux. Le premier provenait de Keziah :

" CC on se fait un cinoche cet aprèm' ? J'ai invité d'autres potes, genre Ali, Clarissa, Max et tout ... On avait choisi le nouveau film qu'a l'air trop bien là, tu sais ... bref, juste histoire que Clarissa et Ali se rapprochent un peu, tu sais de quoi je parle ...

Lyllah sourit effectivement.

Séance à 16h, slt "

Une pointe de déception s'immisça en Lyllah quand elle constata l'heure en bas à gauche de son écran. Il était presque dix-huit heures cinquante et le film, censé durer une heure et quelques, était fini depuis un bout de temps. Soufflant à regrets, elle ouvrit le second e-mail, envoyé par Lana. " Pourquoi tu m'envoies encore des e-mails ? T'as pas mon numéro par hasard ? " questionna intérieurement Lyllah, comme si son amie pouvait l'entendre. Elle lut :

"Slt, tu viens au concours de dimanche ? Notre prof nous a rabâché les oreilles avec ça ! Tu me connais, moi je vais naturellement y participer ! Et puis, moi et le chocolat, c'est une grande histoire d'amour #Chocolator ... "

Lyllah répondit ensuite à chaque e-mails. Elle entendit soudain la voix de sa mère lui annoncer le diner.

-Hum, ça sent bon ! dit Lana, qui était rentrée.

-Oui, et c'est fait maison ! se vanta malicieusement sa mère en contemplant ses lasagnes au saumon.

Lyllah sourit, en revoyant celle-ci pleine de vivacité, la même femme qui l'avait si glacialement répondue une heure auparavant. Mme Atalay posa le plat fumant sur la table et servit chacun de ses enfants avant d'ajouter un joyeux "Bon appétit ! "