1 ...

Màu nền
Font chữ
Font size
Chiều cao dòng


Ayla avait une théorie. C'était la théorie du vide. Elle était simple : les humains sont creux. Seul face à eux-mêmes, ils ne voient que vide. Ayla pensait qu'il y avait quelques chanceux, certains assez accomplis à l'intérieur pour ne pas ressentir cette douleur sourde, mais pourtant bel et bien présente pour elle. Les autres dans leur misère, ou leur ignorance, à choisir, y sont confrontés. Elle ne se voulait pas défaitiste juste réaliste.

La jeune fille ne croyait plus en rien, la plupart du temps tout était gris et dénué de formes, d'intensité. Elle avait l'impression d'avoir un grand trou à l'intérieur, quelque chose d'irréparable, qui l'aspirait toute entière. Plus rien n'était beau, plus rien n'avait vraiment de goût. Ayla était dans sa bulle, éloignée des émotions, des autres, de toute espérance.

La sonnerie retentit, Milo se leva en tapa des mains, ce qui fit sursauter Ayla, sa voisine de table.

— Je déteste la géographie, vive le vendredi !

Le professeur de géographie, Monsieur Moulot, qui l'avait entendu, lui lança un regard noir avant de lui adresser de manière acerbe :

— La géographie ne vous aime pas non plus Monsieur Tremo.

Le visage de Milo passa de joie instantanée à une mine renfrognée et vexée. Ayla se dépêcha de ranger ses affaires devant la présence oppressante de son professeur. Ce n'était pas de sa faute si elle dormait en classe, ses cours étaient ennuyeux à mourir et lui permettaient donc de bénéficier d'un peu de repos. Elle sortit enfin de la classe étouffante et partit retrouver Milo qui semblait profondément perdu dans ses pensées.

— T'attends ta mère devant le lycée ? Lui demanda-t-elle en lui effleurant le bras.

Son ami tressaillit avant de se pencher vers elle,
— Oui, on attend ensemble ?

Ayla acquiesça. Milo était très grand comparé à elle, comparé à la majorité d'ailleurs. Il avait les cheveux châtains toujours bien coiffé et un nez un peu trop grand. Mais c'est ce qui faisait sa personnalité. Il portait également toujours des chemises, parfois certaines plus extravagantes que d'autres. Ayla appréciait sa compagnie, à vrai dire il était son meilleur ami, même si il ne pourrait jamais remplacer Lola. La jeune fille se le refusait, il ne la connaissait pas aussi bien et il n'y avait pas cette connexion si spéciale, cette chose si singulière qui avait pu l'unir avant avec sa meilleure amie. De toute façon, Ayla ne laissait personne accéder à ses sentiments, à ce qu'elle ressentait au plus profond d'elle, elle ne voulait pas.

Milo et Ayla s'appuyèrent contre le rebord de la grille une fois sortie de l'enceinte du lycée. Ils commencèrent à parler de tout et de rien, comme à leur habitude. Ayla posa son regard sur une bande d'amis de leur classe, Loan, Roxane et Pablo parlaient tous les trois avec d'autres personnes qu'elle ne connaissait pas. Certains fumaient, d'autres essayaient, en vain, de faire des figures en skate. Mais pour elle, ils étaient tous les mêmes, des gens qu'elle aurait pu trouver intéressants mais auxquels elle ne s'identifiait pas. Ils étaient inacessibles. Ayla aimait autant qu'elle détestait ce genre de personnes. Elle cultivait une sorte d'admiration mêlée à de la jalousie envers eux, elle ne savait pas pourquoi. Soudainement, Loan une brune au carré court se retourna vers Ayla et leurs regards se croisèrent. Gênée, la rousse détourna la tête en tripotant machinalement ses cheveux.

— Ah les relations humaines, souffla Milo à côté d'elle, c'est compliqué.

Ayla se retourna vers lui, il arborait un léger sourire en coin. Elle croisa les bras amusée.
— Tu as tout vu c'est ça ?

— Il n'y avait pas grand chose à voir à mon avis, la taquina-t-il.

Ayla pinça la côte de Milo qui poussa un petit cri étranglé, il faisait toujours ça quand la jeune fille le prenait par surprise, ça la rendait hilare. Pendant quelques instants elle en oublia presque Loan et sa bande d'amis si mystérieux et attrayants à la fois.

— T'aimerais faire partie de leur groupe ? lui demanda sincèrement Milo.

— Non, s'empressa de répondre son amie. Notre petit duo me va très bien.

Et c'était vrai, Ayla n'avait pas besoin de plus. Elle ne voulait pas sortir de sa zone de confort, elle n'en avait pas le courage. Quelques minutes plus tard, la mère de Milo, un agent immobilier élégamment apprêtée, arriva dans sa voiture. Son ami la salua et avant qu'il ne ferme la portière, Ayla lui lança :

— J'attends ton appel demain parce que t'as encore oublié de noter le travail en anglais.

La dernière chose qu'elle vit fut le visage confus de Milo.

Elle pouffa de rire toute seule avant de prendre la direction des bords de quais. On était vendredi, il était hors de question qu'elle arrive chez elle de si tôt.

Il rentrait ce soir de son déplacement hebdomadaire, sa mère attendait son retour comme le Messi, sauf que ça se passerait comme ça c'était toujours passé. Dans les larmes, les cris et Ayla seule pour essuyer les états d'âmes de sa mère.

Elle aimait donc se promener en fin de journée au bord du fleuve. Au coucher du soleil, un calme tombait sur la ville qui se plongeait dans une torpeur éblouissante. C'était le seul moment de la journée où les yeux d'Ayla brillaient. D'habitude quand elle prenait son vélo, elle faisait le tour des quartiers, de la ville. Du pont Mornille, aux pierres majestueuses, jusqu'aux bases sous-marine, qui étaient l'équivalant des docks. Ayla chérissait particulièrement cet endroit, où des graffitis de toutes les couleurs se dessinaient, entourés de vieux dépôts qui suscitaient certaines énigmes. Le fleuve séparait en deux l'endroit, où de vieux bateaux figuraient.

Mais ce soir Ayla avait opté pour la marche et elle resterait au bord du fleuve. Elle trouva un endroit où s'installer et retira sa veste en jean qu'elle posa sur l'herbe abîmée et desséchée. Il ne faisait pas froid, l'air était incroyablement doux pour un mois de février. Elle resta assise, son menton reposant contre sa main. Le soleil pâle descendit vers l'ouest, disparut derrière les rangées d'immeuble des quartiers les plus défavorisés de la ville, laissa un aura lumineux derrière lui, puis un fin croissant de Lune prit sa place.

Ayla se leva, satisfaite d'avoir assisté à ce spectacle, seule, sans personne pour la déranger. Elle se redirigea chez elle, le plus lentement possible, chacun de ses pas étaient plus lourd que le précédent. L'atmosphère devenait plus oppressante, les nuages s'accumulaient, Ayla ne voyait plus rien, ni la lune, ni les étoiles. Seulement la baie vitrée qui donnait sur son salon et son beau-père assis dans un fauteuil, alors que sa mère débarrassait la table avec des gestes lasses derrière lui. Ayla lui aurait bondit dessus, pour lui dire de partir, comme elle voulait le faire à chaque fois qu'il revenait. Elle aurait ensuite été secouer sa mère, pour lui dire de se réveiller de son idylle de gamine. Mais elle ne fit rien de tout cela et tourna la poignée de l'entrée avec une appréhension qui lui tordait le bas du ventre.

Le volume de la télé était élevé, sa mère avait sa frêle et pâle main posée sur une chaise et elle fixait le dos de son beau père, elle semblait attendre quelque chose. Ayla essaya de faire le moins de bruit possible pour monter dans sa chambre mais malheureusement le chat menaçant de son beau-père vint lui cracher dessus en arrondissant son dos. Il s'appelait Roméo et il n'aimait pas la rousse, le sentiment était réciproque.

Sa mère retourna son visage fermé vers elle et la fixa quelques secondes avant de lui demander :

— Va dire bonsoir à ton père veux-tu ?

Non Ayla ne voulait absolument pas, elle n'avait aucune once d'affection pour lui, et elle n'avait aucune envie de lui claquer la bise. Surtout que ce n'était pas son père, il ne représentait en rien une figure paternelle pour elle, mais sa mère ne semblait pas vouloir l'intégrer.

— Bien sûr, répondit-elle la mâchoire serrée.

Sa mère réajusta le bas de sa jupe en lui adressant un triste sourire qui visait sûrement à exprimer sa gratitude. Ayla s'avança vers le fauteuil et fixa Loïc, ne voulant faire aucun pas de plus. Ses cheveux et sa barbe tendaient vers le gris, et il arborait toujours son costume de travail. Finalement Ayla se pencha pour lui faire la bise en lui maugréant un salut. Loïc ne daigna pas lui répondre et l'adolescente voulait le lui reprocher mais elle n'était pas sûre d'avoir la force de se disputer avec lui ce soir.

— Ayla est-ce que tu pourrais aller dans ta chambre, j'aimerais parler avec Loïc ?

Ayla dévisagea sa mère. Elle n'abandonnerait donc jamais. Pas une question sur la raison de son arrivée tardive, ou sur comment elle se portait, pourtant elle faisait tout pour s'accrocher à son amour perdu, qui n'avait sûrement jamais été partagé. Sa mère s'était maquillée mais cela ne cachait en rien ses profondes cernes, un rictus forcé était plaqué sur son visage. Elle faisait énormément de peine à Ayla.

Un jour elle partirait, et lorsque sa mère déciderait enfin de sortir de la prison qu'elle s'était créée de toutes pièces, elle espérait qu'elle la suivrait. Loïc était néfaste pour tout son entourage, il était calculateur, froid et se servait de sa mère, à tous les niveaux.

Ayla monta le plus vite possible dans sa chambre, enfila un énorme sweat-shirt, et s'assit en haut des escaliers. Elle devait écouter, peu importait la fatigue, il fallait qu'elle intervienne si ça dégénérait, parce que sinon personne ne le ferait.

Ils étaient partis dans la chambre, Ayla entendit des éclats de voix. La voix étrangement calme et froide de son beau-père et la voix tremblotante et déchirante de sa mère.

— Lâche moi Megan, tu n'es qu'une hystérique.

Ayla serra son poing et descendit de quelques marches. Sa mère lui criait qu'elle l'aimait, qu'il ne pouvait pas lui faire ça, quelque chose tomba, une porte claqua, sa mère sortit de la chambre en trombe et se précipita vers la cuisine en larmes. Elle remplit un verre d'eau qu'elle déglutit d'une traite en avalant ses cachets. Ayla ne savait pas quelle était l'utilité de ces médicaments, c'était Loïc qui les lui ramenait. Une fois ils s'étaient rendus chez le psychiatre tous les deux, et depuis ce jour là, sa mère prenait des médicaments. Elle se retourna vers sa fille, et la seule chose qu'elle fut capable d'apercevoir était le vide qui caractérisait son regard.

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen2U.Pro