Ashleen farfouille dans son dressing et en ressort avec une petite robe marron dans les mains ainsi qu'un sous-pull rayé qu'elle enfile avant de passer ses inséparables Converse. Elle se regarde dans le miroir et plisse les yeux avec une moue douteuse avant qu'un joli sourire ne fasse rosir ses joues. La jeune fille se précipite à nouveau dans son dressing et cherche parmi le bazar, puis ressort une veste à franges.

Elle s'observe à nouveau et, contente du résultat, ramasse son cartable avant d'entendre un bruit de moteur dans la rue. Elle regarde par la fenêtre et lève les yeux au ciel en voyant Steve Harrington nettoyer sa chère voiture. Ce garçon lui tape sur les nerfs. Ils se détestent depuis l'arrivée d'Ashleen à Hawkins cinq mois plus tôt. La jolie petite brune descend à la cuisine et trouve ses parents dans la pièce: son père lit le Hawkins Post tandis que sa mère boit silencieusement son café.

Ashleen resserre sa mâchoire et les ignore avant de saisir une pomme et de claquer la porte. Elle les hait, particulièrement sa mère, qu'elle compare souvent à une vieille sorcière. Son père est différent et Ashleen sent parfois qu'il essaie de la comprendre, mais pour elle, peu importe. Elle reste un rat de laboratoire. Elle salue Robin qui l'attend devant la maison sur sa bicyclette toute bousillée et lui sourit.

Ashleen s'approche d'elle avec un vélo bleu pâle muni d'un petit panier devant. Robin mesure plus de 1,80 m et doit se baisser pour embrasser Ashleen. Les filles se fréquentent depuis trois mois. Elle aime Robin, mais ne pense pas que ce qu'elle ressent soit plus que de l'amitié. Ashleen n'a jamais été amoureuse et trouver un petit ami ou une petite amie d'où elle vient est très compliqué. Robin la regarde avec un petit sourire et lui montre sa veste à franges.

— Alors, dit-elle, c'est la fameuse veste?

— Je l'ai terminée ce week-end, qu'est-ce que tu en penses? demande Ashleen.

— Je pense que tu vas tout déchirer à New York et que tout le monde va s'arracher tes créations.

Le plus grand rêve d'Ashleen est de devenir créatrice de mode, mais elle sait que cela n'arrivera jamais. Elle sait qu'elle va mourir avant d'avoir vingt ans. Nancy Wheeler est déjà à l'intérieur du véhicule alors que Steve démarre sa voiture. La jeune fille soupire, elle n'aime pas non plus Nancy qu'elle trouve trop perfectionniste et madame je sais tout.

Ashleen grimpe sur son vélo et se met à la hauteur de Robin. Elles restent silencieuses durant le trajet, préférant chacune être dans son petit monde. Une fois au lycée, elles attachent leurs bicyclettes et Ashleen passe sa main dans celle de Robin.

— Au fait, dit celle-ci en montrant les décorations d'Halloween, tu vas à la fête de Harrington ce soir?

— Il paraît qu'il engage les meilleurs traiteurs, répond Ashleen, alors je ne raterais ça pour rien au monde! Ça doit être sympa la nourriture de riches.

Robin rit et ouvre la porte du lycée pour laisser passer sa petite amie. Ashleen esquive un rouleau de papier toilette volant dans le couloir et pouffe alors que Robin l'attrape par l'épaule.

— Eh, tu as terminé ton costume, ma puce? demande gentiment Robin.

— Oui, s'exclame Ashleen en sautillant comme une enfant. Devant toi se trouve la future épouse d'Aragorn.

— Désolée, je ne suis pas Aragorn, mais je ne connais rien au Seigneur des anneaux. Et puis, dit Robin en plaisantant, je suis très sexy dans un costume de James Bond.

— Il va falloir que je me mette en danger alors, pour que tu puisses venir me sauver, rit Ashleen en s'arrêtant devant son casier.

La jeune fille s'y appuie alors que Robin pose sa main sur le mur et incline la tête pour la regarder. Ashleen sent le regard des autres mais s'en moque. En fait, ils les laissent tranquilles. Ashleen se met sur la pointe des pieds et l'embrasse avant de prendre ses affaires et de la saluer avant de partir pour aller en cours de science.

Elle entre dans la salle de classe et s'installe à sa place habituelle en se serrant la mâchoire. Non seulement elle partage ce cours avec Steve mais en plus, elle partage également son bureau. Comme à son habitude, le jeune homme reste à la traîne et s'assied lourdement sur sa chaise en soupirant. Ashleen sent son odeur de menthe et essaie de l'ignorer mais il adore l'embêter.

— Salut Ashleen, lâche Steve avec son air sarcastique.

Elle ne répond pas et garde la mâchoire serrée, se concentre sur son gribouillage, et se force à ne pas se tourner vers lui pour l'insulter de tous les noms qu'elle connaît et de le taper. Elle se dit qu'il va laisser tomber l'affaire mais il se tourne à nouveau vers elle.

— Viendras-tu à la fête ce soir? demande Steve.

— Tu fais un sondage ou tu veux juste savoir si les lesbiennes vont participer à ta soirée? grogne Ashleen.

— Hein? Non, réplique-t-il piqué au vif. C'est quoi ton problème?

— Mon problème, Steven, c'est que le simple fait que tu respires me donne envie de passer sous une voiture, lâche la jeune fille.

— Ne m'appelle pas Steven!

— Très bien, Steven.

— Tu sais quoi? souffle Steve, tu me prends la tête de grand matin alors que j'essaie d'être sympa mais tu es comme ça depuis que tu es ici, peux-tu me dire pourquoi on ne s'aime pas? Soit tu fais comme si c'était moi qui étais passé sous une voiture!

— Mais..., commence Ashleen la bouche grande ouverte, c'est toi qui viens me parler!

— Oui, par gentillesse parce que c'est énervant de vouloir te sauter dessus tous les jours!

Les yeux d'Ashleen s'écarquillèrent avant qu'elle ne se couvre sa bouche avec un petit rire. Réalisant ce qu'il a dit, Steve regarde son carnet et rougit.

— Je voulais pas dire ... pas se sauter l'un sur l'autre de cette façon... bafouille-t-il.

— J'avais bien compris, rit Ashleen.

— Est-ce que je rêve où tu rigoles? Moi qui pensais que tu savais pas faire, raille Steve.

Ashleen lui donne un coup de coude et il rit, puis lui donne le regard sérieux de quelqu'un qui cherche vraiment une réponse.

— Alors tu peux expliquer pourquoi on se déteste ou pas? demande Steve. Parce que je fais juste comme toi, je n'ai pas de problème.

Ashleen se tourne à son tour vers lui et plonge ses yeux dans les siens pour déceler la vérité. Est-il sincère ou fait-il exprès? Elle n'a pas le temps de répondre, le professeur arrive et claque la porte, cela signifiant qu'il est déjà de mauvaise humeur. Elle sent le regard de Steve, mais retourne à son carnet et à son gribouillage.

— Très bien, annonce le professeur, nous allons travailler en binôme aujourd'hui... Non, Tommy, vous ne pouvez pas choisir votre partenaire. Vous travaillez avec vos voisins de table.

Tommy Hagan soupire ce qui fait grogner Steve et Ashleen le regarde du coin de l'œil. Toute cette haine qu'elle a envers lui a commencé avec Tommy aussi et elle le déteste tout autant, tout comme Carol et Tina. Ashleen prend le papier que le professeur distribue et feuillette les questions sans rien comprendre.

Steve au contraire, semble être dans son élément et commence à manipuler et à préparer les verres. Ashleen se mord la lèvre et le fixe sans un mot. Steve sent son regard et relève la tête en fronçant les sourcils.

— Tu vas passer l'heure à me laisser faire le sale boulot? demande-t-il.

— Je sais pas, tu veux qu'on explose ou tu veux survivre? raille Ashleen. En échange je te ferai une pipe en retour.

Steve s'étrangle à moitié et la regarde avec de grands yeux avant qu'elle n'éclate de rire et ne reçoive une réprimande du professeur.

— Tu devrais voir ta tronche, rit-elle. Je rigolais, c'est trop dégueu d'imaginer que toi et moi ... Je ... Je ne suis pas bonne en sciences mais j'ai besoin de m'améliorer, donc... Est-ce que tu veux bien m'expliquer?

— Quoi qu'il en soit, ma queue est trop bonne pour toi, lâche Steve.

— Ils rient tous les deux et Steve lui explique alors qu'il mène l'expérience et il lui prend sa feuille pour écrire les réponses. Ils n'ont jamais été aussi proches et Steve peut sentir le parfum à la fraise de la brune. Une fois terminé, Ashleen le remercie en rendant sa fiche.

— Tu sais, dit Steve, ça mériterait une explication de pourquoi on se déteste.

— Très bien Harrington, si ça peut faire que tu te taises, réplique Ashleen en ramassant ses affaires alors que la sonnerie résonne.

Ashleen quitte la classe pour sentir Steve juste derrière elle. Elle fronce les sourcils et se tourne vers lui. Il semble attendre. Elle ne pensait pas qu'il voulait en discuter maintenant et elle va être en retard à son cours de Français.

— Qu'est-ce que tu dis de sécher? propose le garçon.

— Quoi? Steve, j'ai des devoirs en français et je ne suis pas bonne non plus.

— Je suis doué avec les langues, je n'aurai qu'à te filer mes cours.

Ashleen se remet à rire et Steve est sur le point de se gifler lorsqu'il se rend compte de ce qu'il a à nouveau insinué contre son gré.

— Très bien, soupire Ashleen. Mais je te préviens, si on se fait prendre, c'est entièrement de ta faute. Tu m'as kidnappée et je n'y suis absolument pour rien.

— Promis, souffle Steve.

Les deux adolescents attendent que les étudiants soient rentrés dans leurs salles et que les couloirs soient vides. Il attrape la main d'Ashleen pour courir avant qu'un surveillant les surprenne, prévoyant de l'emmener à la bibliothèque quand une porte s'ouvre. Steve entraîne Ashleen dans un coin sombre, la plaque contre le mur, pressant son corps contre le sien.

La jeune fille lève les yeux vers lui alors qu'il regarde discrètement le couloir. Elle a l'impression d'être avec un géant. Steve est très grand, il doit faire dans le mètre quatre-vingt alors qu'elle ne fait qu'1.55m. Le garçon baisse les yeux vers elle et se rend compte de leur proximité. Il s'empresse de se décoller d'elle.

— C'est bon, dit-il, la voie est libre.

Ils repartent en silence. Ashleen n'a jamais séché les cours et elle sent son cœur sur le point d'exploser. Steve ouvre la porte de la bibliothèque et laisse passer la jeune fille qui se dirige dans le fond. Elle s'installe par terre et pose son sac contre sa poitrine. Steve s'assoit en face d'elle et la fixant intensément, ravi de connaître enfin la raison de sa haine.

Ashleen n'aime pas y penser mais elle lui doit bien ça après qu'il lui ait fait son devoir. Elle soupire et tripote la fermeture éclair de son sac. Elle garde la tête baissée.

— Le cours de sport, ça faisait un mois que j'étais ici, explique Ashleen. C'était quand tu traînais encore avec Tommy. Toi et tes copains je vous ai entendu. Tommy a dit, dommage qu'elles soient lesbiennes, je me les taperais bien à l'arrière de ma caisse ces chaudasses. Et toi, t'a rigolé et tu as répondu, je te parie que si elles essayaient ma queue, elles reconsidéreraient leur choix. Et Tina en a rajouté une couche, c'est dégueu qu'elles se tripotent entre elles. Tommy a terminé par, ouais, mais ça doit être des grosses cochonnes ces putes. Alors je suis désolée de ne pas te sauter dans les bras dès que je te vois!

Steve rougit de honte. Il a oublié, mais désormais il s'en souvient exactement de cette scène, et il se trouve totalement stupide. Il était un petit con quand il traînait avec Tommy mais il a fait des efforts pour changer. Steve est tellement mal à l'aise qu'il n'ose même pas regarder Ashleen dans les yeux. Maintenant, il comprend pourquoi elle le déteste et elle a tout à fait raison.

— Je suis désolé, murmure-t-il. Je ... Je suis tellement gêné. J'étais un sale con mais j'ai changé. Jamais je ne dirais un truc comme ça maintenant! Et je t'assure que je ne pensais pas ce que j'ai dit. Ash, je ... Je suis désolé.

Ashleen semble surprise d'être appelée par son surnom. Elle voit à ses yeux qu'il est vraiment désolé et elle se reproche même de lui avoir rappelé cette histoire.

— En plus, lâche-t-elle, je suis bisexuelle.