27 | des mots sincères

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INA A PARFOIS L'IMPRESSION que la vie est une partie de jeux de hasard, où chaque carte tirée décide un peu plus de son destin. Aujourd'hui, allongée dans son lit, le regard éteint, elle a juste le sentiment d'avoir fait tomber toutes les cartes.

Edgar est revenu.

Et cela fait trois jours qu'elle s'interdit tous messages, et qu'elle attend qu'il fasse quelque chose pour qu'ils se revoient. Mais le brun n'en fait rien, et Ina a l'impression de patienter sans raison valable.

Depuis son anniversaire, Ina ne pense honnêtement qu'à lui. La brune imagine surtout les situations dans lesquelles elle lui parlerait. Et si ? Et puis... Et encore... Elle anticipe toutes les situations possibles, chassant celles où ils se diraient des choses qu'elle n'aurait pas le courage d'entendre.

Ina a son avis sur son trouble. Elle est perturbée, rien de plus normal. Mais elle se voile encore la face, comme si son retour n'était qu'un songe déjà oublié.

— Allô ? lance Théodore, à l'autre bout du fil.

Elle l'appelle un peu sans réfléchir. Les deux amis n'ont rien à faire et Ina n'arrive pas à profiter de ses derniers jours de vacances. Edgar est revenu et elle a l'impression de devoir tout remettre en ordre alors que rien a changé.

— Tu fais quoi ? demande-t-elle en s'ennuyant.

Ina se relève et ouvre ses volets. Elle regarde dehors, observe le ciel gris. Rien de plus fatigant que l'absence de soleil dès le matin.

— Je faisais ma philo.

— Genre tu bosses... réplique Ina en levant les yeux au ciel.

Théodore est le plus gros branleur et fainéant qu'elle connaisse.

— Moque-toi mais je vais avoir la meilleure note en dissert'.

Ina rit, contente de lui parler. Elle a commencé ses devoirs la semaine dernière, sans réelle envie mais a presque tout fini.

— On peut parler ?

— Mouais, répond Théodore en l'appelant en Facetime.

Son meilleur ami et son double menton la saluent et Ina éclate de rire quand il grimace. Il est trop con, se dit-elle.

— Alors, dis-moi tout.

Ina inspire, expire, cherche les bons mots, avant d'avouer :

— C'est à propos d'Edgar.

— Sans blague, riposte Théo'.

— Hé ! Sois un minimum étonné non ?

Le brun rit de bon cœur.

— Ça fait trois jours que j'attends que tu m'en parles alors vas-y, lance-toi.

La brune n'en croit pas ses oreilles. Quelques rayons de soleil apparaissent et caressent son visage. Elle sent son cœur petit à petit s'ouvrir quand elle ose enfin en parler :

— On se parle pas. Et j'ai pas envie de faire le premier pas.

— Ouais, je sais, il m'a dit qu'il osait pas encore le faire.

— Ah.

Théodore ajoute :

— Vous allez parler de quoi ?

— Je sais pas. Fin si... J'imagine de nous. Mais bon... je sais pas concrètement ce qu'on pourrait vraiment se dire, mais peut-être de pourquoi on a rompu, de ce qu'on représente l'un pour l'autre... Fin... De la merde quoi.

Théo' fronce les sourcils.

— De la merde ? répète-t-il.

— Fin non, mais tu comprends, répond-elle en butant sur ses mots.

Ina sent qu'elle rougit, désemparée par ses propres propos.

— Vous êtes bizarres quand même.

— De quoi ?

Le brun semble réfléchir et arrête de grimacer pour prendre un air plus sérieux.

— Ça se voit que vous êtes encore à fond. Mais vous faîtes comme si c'était mort. Alors que meuf, on connaît le schéma, vous allez vous voir, vous allez vous expliquer, tu vas te rendre compte que tu l'aimes encore et hop... par magie, ça finit ensemble.

Ina trouve le ton de Théodore un peu moqueur, comme si c'était ridicule comme situation. Elle aimerait se défendre, mais face à son ami, elle a l'impression d'exposer toutes les failles de sa pensée.

— Mais tu sais... C'est différent, on n'est plus pareil.

— Ouais, mais y a des trucs qui changent pas. Du genre, la façon dont tu le regardais pendant ton anniv', ou comment il perdait les mots quand il me parle de toi. Ça, ça reste pareil.

Un conflit intérieur se crée en Ina. Le gouffre est immense. Elle doit se l'avouer : ce qui la frustre, c'est qu'un simple retour suffit pour lui donner l'impression que tous ses efforts vont s'évaporer.

— Je suis plus amoureuse de lui, rappelle-t-elle.

— Tu veux la vérité ?

— Quoi ?

— Dans la bande, quand on parle de toi et Edgar, on pense que t'es juste dans un déni. Ou alors que ça te rassure de te dire ça. Mais y a que toi qui te répète ça.

Une colère monte, peut-être par dépit :

— Si j'suis encore amoureuse de lui, tous ces mois auraient servi à quoi ? Tous ces mois passés à essayer de s'en remettre, tous ces mois passés à mieux comprendre qui je suis ? Ça sert à quoi si Edgar balaye tout ? Et puis franchement, j'en sais rien, qui sait s'il s'en fout carrément de moi. La vérité Théodore, c'est que j'ai cette boule de fierté en moi qui me dit de couper les ponts, de continuer à faire ma vie. Puis y a moi, là au fond, qui veut juste réapprendre à le connaître, repasser du temps avec lui. Mais c'est trop facile.

— Ouais il m'a dit que tu lui avais dit ça.

— C'est trop facile. J'ai l'impression que ça va juste être du gâchis.

Le sourire de Théodore est pâle de tristesse.

— Fais le choix qui te rend heureuse. Sinon tu vas passer d'autres mois à être morte intérieurement comme avant. T'intériorises tout. Et t'évites ce sujet depuis des mois. C'est bon Ina, te casse pas la tête, sois juste honnête avec toi-même. Si tu veux plus de ça, bah jette-le. Si tu veux encore de vous deux, arrête d'attendre qu'il revienne. Il a encore moins les couilles que toi.

Le brun raccroche après diverses excuses. Cet appel n'a fait qu'accroître sa confusion. Ina espérait un peu plus de soulagement après cette discussion, pas ce chaos d'idées et de ressentis. Théodore touche toujours là où ça fait mal. Et c'est vrai qu'elle a encore mal.

Ina attend une heure avant de recevoir un message d'Edgar. Théo' a dû jouer le messager. Elle se sent bête : son meilleur pote est génial.

La brune soupire. Désormais, il faut l'affronter et tout mettre au clair, parce qu'Ina n'a plus rien à perdre ni à gagner si elle fait le choix de suivre son cœur aujourd'hui.


***


ELLE SORT DE CHEZ ELLE, les mains dans les poches de sa veste, sa grosse écharpe émeraude encore enroulée autour de son cou. Le souffle court, elle reprend un trajet qu'elle n'a pas pris depuis des mois.

Retourner chez les Reybaud l'intimide. C'est comme si cette ancienne habitude fait partie d'une toute autre vie. Ina a envie de croire qu'elle sera entièrement à l'aise, mais elle se rappelle de la salle de bain le soir de son anniv'. Déjà, là, elle sentait la tension la ronger et la froideur la guider.

Ina appuie le même code qu'elle connaissait par cœur, sonne, attend quelques minutes avant de croiser ses yeux océan. Elle sait qu'il n'y a personne chez lui, et que c'est une des raisons pour laquelle il s'est jeté sur l'occasion pour lui proposer de venir.

Edgar est habillé confortablement, les mains dans son jean, avec son col de chemise mal mis trop visible. Elle hésite à lui faire la bise, patiente puis entre.

— Tu peux mettre tes affaires sur mon lit.

Elle se dirige vers la chambre, pose ses affaires, et regarde autour d'elle. La pièce est quasiment vide, avec tous les cartons et ce gros sac qui traîne dans le coin. Elle se revoit il y a un an, encore ici, à tomber folle amoureuse de lui.

— Tu veux quelque chose à boire ? propose-t-il avec un sourire cordial.

— Je veux bien de l'eau.

Dans le salon, elle attend. Elle observe les portraits de famille, se rappelle du dîner chez eux qui n'avait pas été extraordinairement parfait. Des souvenirs lui montent à la tête en voyant tous ces lieux et objets. Mais c'est sa présence qui la trouble le plus. Il est là. Il existe. Elle le recroise dans sa vie.

— Tiens.

Edgar lui offre son verre d'eau, et dans un silence gênant, les deux s'installent face à face, sur les fauteuils. Ina attend qu'il dise quelque chose même si leur silence lui plaît bien. Comme une bulle d'intimité dans ce capharnaüm d'idées.

— J'ai pleins de trucs à dire mais je sais pas par quoi commencer. Vraiment, avoue-t-il sincèrement.

Ses yeux ont l'air triste, comme s'il savait déjà ce qui allait se passer. Rien que de l'entendre parler d'eux, ça crée des souvenirs tachés de nostalgie.

— Désolé d'avoir pris trois jours. Théodore m'a dit de me bouger le cul. On mérite pas ce mec, il est trop génial.

— Ouais, acquiesce Ina.

Et puis, Edgar ose poser une première question, direct, sans une once d'hésitation :

— T'as quelqu'un dans ta vie actuellement ?

Ina fronce les sourcils. Elle ne s'attendait pas à ça.

— Non, parce que si t'as quelqu'un, j'ai pas envie qu'il découvre qu'un vieux ex est revenu pour te parler. Ça se fait pas, j'ai l'impression de tricher si t'as un gars.

— J'ai personne, assure-t-elle.

Edgar semble surpris.

— Même pas l'autre brun là... Le pote de ta sœur qui me regardait mal à ton anniv' ?

— Samuel ?

— Ouais, ton premier amour.

— Non Edgar, j'ai personne. Et puis, c'est pas mon premier amour, c'est mon premier cœur brisé, c'est pas la même.

C'est Edgar Reybaud, son premier amour, sous-entend-elle.

— OK.

La gêne les enveloppe. Ils se posent des barrières inutilement, mais la pudeur est trop forte.

— T'as fait quoi là-bas ?

— En Afrique ?

— Ouais.

— J'ai rencontré des gens incroyables, et j'ai vécu des trucs... Mince, putain j'aurais jamais cru pouvoir vivre. J'ai vu des choses horribles aussi.

— Tu vas y retourner ?

— Peut-être un jour. Là-bas, ta vision de la vie change entièrement. T'as l'impression d'être de l'autre côté du monde, celui dans l'ombre. Quand j'étais encore en France, je savais que c'était la misère là-bas. Mais le voir, connaître ça... Ça n'a rien à voir.

Leur discussion devient posée. Ils réapprennent à s'apprivoiser. Les mots ne butent plus, ils arrivent parfois à se regarder dans les yeux. Le cœur d'Ina bat, mais elle ne sait pas s'il bat pour le souvenir d'Edgar, ou le garçon qu'elle a en face d'elle.

— Sinon, t'as fréquenté quelqu'un depuis notre rupture ? demande Ina.

Edgar fait non de la tête.

— J'ai pas vraiment cherché à trouver quelqu'un en général.

— Pourquoi ?

Elle sait que cette question est osée, mais ils ne se lâchent pas des yeux, là tout de suite. Et Ina a l'impression qu'ils doivent mettre tout au clair, à chaque réplique.

— Tu sais très bien pourquoi.

— Pourquoi, répète-t-elle encore une fois.

— Je pensais encore à toi.

Silence. Ina boit dans son verre, sourit intérieurement, rougit de cette remarque. Elle s'attendait à cette réponse. Elle sait qu'il aime faire languir son cœur avec ce genre de répliques. Ça a toujours marché quand ils étaient ensemble. Elle n'arrive pas à oublier comment ils se sont dits « je t'aime » pour la première fois. Avec son foutu « Moi aussi » tout bête.

— On peut parler des mails ? propose-t-il.

La brune acquiesce et déglutit. C'est là, le point clé de leur discussion. C'est là qu'Ina a un choix à faire. Lui prouver que ses mails ont raison, ou s'avouer qu'elle peut choisir une autre option. Suivre son cœur ou sa raison ? Dans les deux cas, Ina finira par s'en sortir. Elle a assez confiance en elle pour savoir qu'elle surmontera ses échecs. Elle a assez grandi pour savoir que tous les choix sentimentaux qu'elle fait peuvent être surmontables dans la vie. Elle n'est plus aussi défaitiste qu'avant.

— Ouais. Parlons des mails.

Il toussote légèrement, soupire, passe une main dans ses cheveux. C'est toujours comme ça qu'il montre sa confusion : en se touchant les cheveux.

— J'ai trouvé ça dégueulasse de ta part de ne m'avoir jamais demandé de nouvelles. Je savais que t'étais occupé, mais t'appelais encore Théo' ou parlait en Facetime avec mes potes. Edgar, ces mails là, c'est ce qu'il y a de plus brut par rapport à notre rupture. J'ai appris à passer à autre chose.

— T'es vraiment passé à autre chose ? l'interrompt-il.

Elle aimerait mentir.

— Pas vraiment mais peut-être qu'après notre discussion, ouais. Peut-être que je vais enfin pouvoir me libérer de ce sentiment d'inachevé qui me hante. Putain, t'as rompu au téléphone, tu m'as envoyé un mail horriblement égoïste qui a fait que j'ai tout rangé dans une partie de ma tête. Et là... Et là putain Ed'.

— Ina...

— En fait Edgar, ce que tu dois comprendre, c'est que j'étais tellement, tellement amoureuse de toi. Genre, je vivais pour toi, pour moi, pour nous. Mais surtout, parce que t'étais là. Et je sais pas si c'est sain ou pas. Mais si c'était ça l'amour, ça me va. Parce que j'étais tellement heureuse avec toi.

Elle s'ouvre. Les obstacles disparaissent.

— Samuel m'a dit que t'étais un gros con, que la plus grosse erreur que tu aies faite, c'est sûrement de m'avoir plaquée. Et... j'ai trouvé ça tellement tellement mignon. Parce que j'avais l'impression qu'au moins, je comptais pour quelqu'un. Te voir partir comme si de rien était, briser ce qu'on avait construit, ça m'a fait mal. Beaucoup. Et je dis tout le temps que je suis plus amoureuse de toi. On me croit pas. On pense que je t'aime encore. Mais moi je me crois. Et je sais que si je le voulais vraiment, j'arrêterais de foutre en l'air mon cœur pour toi.

Edgar, bouche bée, l'arrête quand Ina se relève.

— Tu sais pourquoi j'ai rompu ?

— Pourquoi ?

— Parce que je suis un putain de gamin. Un putain de gamin qui voulait grandir sans toi. Mais je peux pas grandir sans toi. J'ai essayé. J'ai grandi. Mais ça suffit pas. Je crois que j'ai juste besoin de grandir avec toi.

— Edgar...

Ses barrières tombent aussi, une par une, à chaque mot qu'il prononce, la gorge nouée :

— Ina. Je t'aime encore. Voilà, si c'est que tu veux entendre. Ouais j'ai été con, ouais je t'ai fait du mal. Ouais, je t'ai plaqué pas comme il aurait fallu. Ouais, j'aurais dû plus parier sur nous. Ouais je sais tout ça. Mais putain, crois-pas que je regrette pas.

Sa voix se brise. Edgar tremble. Elle voit qu'il lutte pour ne lâcher aucune larme. C'est effrayant comme elle a envie de le prendre dans ses bras. Cette franchise qu'ils gardent l'un envers l'autre, c'est peut-être la chose la plus authentique qu'Ina possède avec quelqu'un.

— Alors... excuse-moi. Pardonne-moi. Aime-moi si t'en as encore l'envie et la force. Parce qu'on peut tout refaire. Et non, c'est pas trop facile Ina. T'as dit que c'était trop facile la façon dont je suis revenu, dont on s'est revu. Mais rien n'est facile quand je vois ton cœur brisé que j'aimerais recoller et le mien qui n'assume plus rien..

C'est suffisant pour l'instant. Un silence les cajole. Ils ne se parlent plus, se regardent à peine. Ils s'aiment encore au fond. Ça se ressent.

— On fait quoi ?

Elle passe une main dans ses cheveux noirs. Elle relève sa tête pour admirer ses yeux bleus. C'est Ina qui a le choix.

Fais-le galérer.


Ina n'oublie rien. Enfin, c'est finalement trop facile de mettre de côté les mois de souffrance pour quelques secondes d'apnée en croisant son regard.

— Je me sens pas encore prête, avoue-t-elle.

— J'imagine.

— On doit réapprendre à se connaître, explique Ina.

— Ouais.

— Mais c'est notre nouveau point de départ Edgar.

Elle lui sourit. La main du jeune homme vient toucher du bout des doigts ses cils. Il essuie le mascara qui a coulé de son visage.

Ina se relève, prête à partir avant que ça ne dégénère. Le désir de l'embrasser la bouffe littéralement, même si elle sait que dès qu'elle touchera ses lèvres, elle entendra son ventre rugir en chœur.

Il n'a suffi que d'un après-midi pour bouleverser ses plans. Ina a fait le choix d'essayer de garder Edgar dans sa vie. Elle sait que c'est le bon, parce qu'elle a toujours eu cette confiance aveugle envers lui. Et même si tout s'est terni, elle imagine tout ce qu'il y a d'exaltant à vivre, et ça, sûrement encore avec lui.

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