LETTRE UNE

                    Cher Camille,

J'ai toujours adoré ton prénom. Ça sonne drastiquement bien et j'ai toujours trouvé qu'il t'allait comme un gant. On ne se connaît pas tant que ça, je te l'avoue. Peut-être parce qu'on n'a jamais été dans le même menu au sport ou que nos groupes d'amis ne se sont jamais mêlés comme avec ceux des autres. T'as pris piscine, moi, course. C'est vraiment dommage, au fond.

Tu traînes toujours avec ton meilleur ami Tristan qu'on adore tous dans la S1 parce qu'il est toujours plus beau que les autres et que c'est le moins beauf de notre classe de S. Mais moi, j'ai toujours su que ce qui le rendait moins beauf au fond, c'était toi Camille.

Parce qu'à chaque fois, tu es là. Et je te vois lui dire de ne pas forcer, de ne pas placer sa remarque bête, de ne pas se laisser aller à ses impulsions. Je te remarque toujours en train de lui faire baisser sa main en classe, quand Tristan a une question bête à poser. T'es là, et tu le guides. Et je crois que c'est un peu à cause de toi que l'image de Tristan est si dingue dans notre lycée, qu'il est le terminale que les secondes regardent en douce, et que les premières attendent de croiser en soirée ; que nous, plus grands du lycée pour une année espèrent connaître durant la terminale une première et dernière fois avant de tous s'en aller.

Si je t'écris cette première lettre, c'est parce que tu as un nom de famille qui commence par un A, et qu'il sonne aussi bien que ton prénom. Aubry. Avec un Y, comme tu le précises tout le temps en cours de physique-chimie.

Mon plus grand souvenir de toi, c'est quand tu as rompu avec Alma. C'était grandiose à l'époque, tout le monde adorait votre couple et tu as ruiné tous leurs rêves en broyant le songe de votre relation idéale. Alma avait supprimé toutes ses photos instagram où tu apparaissais dessus et pendant deux mois, tu n'as plus parlé à personne à part Tristan.

Moi aussi, je pense que j'aurais bien voulu te parler, t'aider. Mais on n'a jamais été assez proche pour même s'échanger la bise. Je suis juste une inconnue qui écrit une lettre bizarre qui t'es adressée.

Toutefois, je te considère encore comme la preuve que je manque encore de courage pour m'entendre avec les personnes avec qui j'aimerais m'entendre.

Peut-être que si j'étais plus courageuse, on ne serait pas si éloigné l'un de l'autre. Je ne sais même pas qui tu es, quel menu tu prends au Mcdo, quel souvenir tu chéris, ou tes projets d'avenir. Je sais juste qu'une infime partie de moi a toujours voulu tomber amoureuse de toi en seconde, à la place de Tristan.

Mais comme je te l'ai déjà dit, tu as toujours été dans l'ombre, et ça me fait mal de m'en rendre compte parfois ; que, oui, dans ce monde, il y a ceux en première ligne, et d'autres en seconde. Tu restes le gars avec le plus de potentiel que je connaisse, qui pourrait briller en première ligne comme ton meilleur ami.

Alors n'aie pas peur de lever la main à la place de Tristan ou de sourire aux jolies filles.

Moi, je suis seule en troisième ligne, derrière tous. Ça a toujours été mon choix, d'être la fille invisible dont on ne se souvient jamais d'une année à l'autre.

Bonne chance pour le futur, et bravo pour ton 17 en mathématiques hier ! Ton air surpris a étonné toute la classe. Moi, j'admets avoir senti mon coeur se réchauffer en te voyant sourire adorablement de fierté.

S.