Chapitre 14

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Ta spontanéité créait des situations dans lesquelles je ne serais jamais allée sans toi. Mais, quand tu me les proposais, j'acceptais, parce qu'elles semblaient sans danger.

— Mettez-les là, nous ordonne mon père en désignant une pile de cagettes déjà bien remplies.

Marilou me précède dans le hangar, que je n'avais pas encore vu jusqu'à présent. Une douce odeur de fruits frais s'y répand. Je soulève mon panier, obtenu après une récolte tellement fructueuse que la fille au ukulélé a été obligée d'aller en chercher un second, et je le pose sur la table. Du dos de la main, je m'essuie le front : il ne faut pas croire, mais d'aussi petites billes rouge sang peuvent peser lourd.

— Tu n'es pas très valeureuse, rit Marilou avec un sourire alors qu'elle transfère le contenu de son propre panier dans une cagette.

— Merci, ça fait plaisir.

Mon ton est aussi ironique que le sien amusé. Lorsqu'elle a fini, je m'apprête à prendre sa place, mais elle m'interpelle.

— Tu es libre demain après-midi ?

Sa question ressemble à celle qu'elle m'a posée il y a quelques jours, mais je n'ai pas envie de voir se faner son sourire une seconde fois.

— Tes amis ne m'ont pas invitée pour le moment.

Ses lèvres s'étirent et finissent dans un rire. Je l'imite.

— Pas de sortie avec mes amis, m'annonce-t-elle. Je te propose une balade à vélo.

— Tu vas y aller avec une de tes jolies jupes à fleurs ?

Je ne sais même pas pourquoi j'ai posé cette question plutôt que d'accepter son idée.

— Elles sont jolies ? rétorque-t-elle en fermant les yeux et en soulevant les pans du short qu'elle porte aujourd'hui. Comme tu peux le constater, j'ai aussi des shorts en réserve.

— Ma question était bête. Désolée.

— Tu n'as pas à l'être. Tu n'as fait qu'observer.

Elle m'offre un clin d'œil que je n'arrive pas à interpréter, puis elle me redemande si une sortie en vélo me convient. J'accepte et la questionne sur l'endroit où elle veut m'emmener.

— Je connais des chemins sympas. Je passerai te chercher vers 16h, pour que le soleil soit un peu moins brûlant.

Lorsque sa phrase est finie, elle disparaît derrière la porte du hangar. Je tente de la suivre, mais je tombe nez à nez avec mon père.

— Tout va bien ? s'enquiert-il.

— Très, dis-je dans un sourire.

— Tant mieux alors. Après notre discussion de ce matin, je pensais que...

Il laisse sa phrase en suspens, et je ne la complète pas. Je me contente, à la place, de le rassurer.

— Nous avons tous les deux besoin de temps. Les choses ne peuvent pas être parfaites dès le premier essai.

Il me serre dans ses bras sans prévenir.

— Tu as tellement grandi que j'oublie que tout n'est pas comme je l'ai laissé. Je suis content de voir que tu es devenue une jeune femme réfléchie.

— Attends de m'entendre débiter des bêtises et tu reviendras sur ton choix d'adjectif.

Et là, il éclate de rire. Le même qui a bercé mes blagues d'enfant et mes réflexions impertinentes liées à cet âge.

— J'ai hâte de voir ça, plaisante-t-il en passant son bras autour de mes épaules. Ton humour a toujours fait des ravages. Ta mère passait des heures à te filmer pour en garder une trace.

Je me crispe et je me retire de son étreinte. Maman... Le départ de mon père l'a anéantie et elle a rangé sa caméra avec les souvenirs de notre trio. Je me demande même si elle ne l'a pas brûlée pour le symbolisme : c'est lui qui lui avait offerte quand ils étaient étudiants.

— Cassiopée ?

— Je... juste...

Je recule et sens les larmes monter dans ma gorge en repensant à nos rires.

— J'ai besoin de prendre un peu l'air.

— J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas, c'est ça ?

Je n'ai même pas la force d'acquiescer. C'est tellement dur de jongler entre ce que je ne sais pas et ce que je crois savoir. D'osciller entre ma colère et ma nostalgie. Pourquoi ce vide dans l'histoire me brise-t-il autant ? Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à le négliger et l'oublier quelques temps ? Est-il toujours obligé de revenir tout gâcher ?

Je rejoins l'ombre des arbres fruitiers et je cache mes larmes dans l'horizon.

Un jour, tout ira mieux. Un jour, les choses s'arrangeront. Et je ne serai plus tiraillée entre ma mère et mon père. Car, au final, leur séparation m'a détruite, probablement plus qu'eux deux. Personne ne devrait avoir à choisir le camp d'un de ses parents. Si pendant les sept dernières années, ma décision n'était pas compliquée, maintenant, la balance est totalement déséquilibrée, à cause des données qu'on m'avait cachées. En fait, j'aurais dû ignorer ce message et tout aurait continué comme avant. Pas de silence, de gêne et de colère. Mon père n'aurait pas repris de place dans ma vie, et sa nouvelle famille n'existerait pas. Maman et moi, seules contre tous, comme depuis sept ans.

On dit que le changement a du bon, et j'ai envie d'y croire, mais c'est loin d'être le chemin le plus facile à emprunter. Je sais que les choses ont besoin de temps pour se remettre en place entre mon père et moi, mais est-ce que ça vaut le coup pour trois semaines ? Je repense à Marilou et sa façon de voir la vie. Son sourire quand elle m'a assuré qu'il faut parfois voir la lumière pour ne pas se laisser les ténèbres nous dévorer. Et je ne sais pas pourquoi, mais cela suffit à me donner la force de sécher mes larmes et de rentrer pour le déjeuner. Je m'accroche au positif pour rendre moindre le négatif. Et peut-être que si j'y crois assez fort, j'arriverai à me débarrasser de ce qui m'empêche de voler.

Un pas devant l'autre, j'avance. Ce n'est pas facile car je redoute les conséquences et le regard de mon père. Mais il n'y a rien dans ses yeux, à part de l'incompréhension et de la tristesse. Helynnah me sourit tendrement et me demande si je voudrai l'accompagner pour récupérer Maëlys en fin d'après-midi. J'accepte sans hésiter, parce que si je me mets à réfléchir, je ne sais pas combien de temps mon masque confiant va tenir.

Après le déjeuner, je monte dans ma chambre et je m'effondre sur mon lit. La journée est loin d'être finie, pourtant je suis épuisée. Ce que mon corps traduit par une sieste de deux heures et demi, dont j'émerge en étant confuse mais en meilleur état. Je me redresse pour apercevoir Helynnah qui monte les escaliers. Je remets mes cheveux en ordre, bien que ce ne soit pas très efficace quand on voit à quoi ressemble ma queue de cheval à moitié défaite.

— Bien dormi ? s'enquiert-elle avec un sourire.

J'esquisse un bref mouvement d'épaules et tente d'étirer mes lèvres.

— J'ai l'impression que tu ne vas pas très bien aujourd'hui.

— J'ai connu des jours meilleurs.

— C'est à cause de notre conversation d'hier ? s'inquiète ma belle-mère.

Ses traits se déforment pour le signifier. Est-ce que mon comportement a pu mettre en doute le sien ?

— Non, absolument pas. C'est juste que...

Je suspends ma phrase, à court de mots. Que quoi en vérité ?

— Tu es perdue ? tente Helynnah.

— Probablement en partie.

— Je pense que c'est de ton âge. Tu es à une période charnière où tout n'est plus aussi simple que ce que tu croyais. Des questions se soulèvent, des situations prennent un nouveau sens et des réponses tombent.

Elle me demande alors si elle peut s'asseoir à côté de moi.

— Quand j'avais ton âge, j'ai eu mon premier appart. Ce n'était pas facile car mes parents attendaient beaucoup de moi et je me suis mis la pression pour des questions un peu stupides. Il y avait des jours où c'était facile et tout semblait aller, et d'autres où je m'effondrai en larmes sans savoir quoi faire.

— Et comment tu as fait pour t'en sortir ?

— Je me suis battue, comme je le fais aujourd'hui. J'ai compris que les choses ne viennent pas toujours lorsqu'on les attend, mais elles finissent par rentrer en ordre à un moment ou un autre. Je me suis armée de patience, de courage et de volonté. Et ce n'était pas forcément simple.

Elle pose sa main sur la mienne et me sourit sincèrement.

— Je sais que ce n'est pas facile pour toi. Tu débarques ici en ayant des questions auxquelles tu n'obtiens pas de réponses. Sept ans, c'est long. Tu t'es forgé des convictions et des espoirs. Mais je te promets que ça viendra. Et quoi qu'il arrive, si tu as besoin de souffler, je peux t'écouter. Ton père fait de son mieux pour réparer ce qu'il a brisé, mais il ne peut pas y parvenir seul. Toi non plus d'ailleurs. Tu verras, vous n'êtes pas si différents au fond.

Je bredouille quelque chose qui ressemble à des remerciements ou des excuses, mais au final, ça n'a aucun sens. Helynnah me sourit et regarde l'heure. Elle se lève et me conseille de me préparer pour aller récupérer Maëlys. Elle sort en me lançant un sourire, puis lorsqu'elle a disparu, je me retiens de laisser s'échapper une larme de soulagement. Je ne suis pas seule.

Un chapitre un peu plus calme pour débuter la semaine en douceur

J'espère que ça vous plaît toujours !

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