S'élancer vers la fête

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Trois jours avant Noël. Je me suis réconciliée avec Ondine. Ça va mieux.

Le lycée ne me manque pas. Je n'en parle pas vraiment, mais je n'aime pas beaucoup ma classe. À part Eliss, personne n'est gentil. Les autres sont dans des classes différentes, alors on se voit seulement pendant les pauses.

D'ailleurs, je suis toujours surprise de ne plus être avec Samantha. Je crois qu'elle essaye de revenir vers moi, parfois. Peut-être qu'elle regrette un peu de s'être dirigée vers Chloé. Neuf cents élèves et elle a choisi la fille la plus détestable du lycée. Je trouve ça dommage. J'arrête pas de penser qu'elle aurait adoré être avec nous.

Eliss m'a appelée. Moi, je ne décroche qu'en cas d'extrême nécessité, alors il a fallu qu'elle m'harcèle pour obtenir une réponse. En riant, elle m'a fait promettre de lui répondre, à elle au moins, toujours. Je lui ai promis. Puis, elle est partie sur un autre sujet. Elle devait marcher, parce que j'entendais ses pas rapides heurter le sol et résonner dans mon téléphone. Toute contente, elle m'a dit qu'on allait en soirée le 31. J'ai refusé très vite. Les soirées, avec de la musique à fond et des gens partout, c'est pas mon truc. Et puis, je ne connais même pas la personne qui invite ! Eliss a insisté, a dit que c'était ok, qu'elle s'était organisée avec Samuel pour qu'on se retrouve invités. On resterait ensemble, il fallait juste de la musique et une grande maison, ce qu'on avait pas, à la différence de Claire Hermet, 2nd5, très sympa selon Sam.

J'avais quand même refusé. J'ai inventé que, de toute manière, mon père ne voudrait pas. Ce qui était faux, car il me laisse au contraire énormément de liberté. La seule règle imposée est celle que quelqu'un dans la famille doit toujours savoir où j'étais. Pas grand chose de très embêtant. Mais ça, Eliss ne le sait pas puisqu'elle ne connaît pas mon père.

Aller en soirée m'angoisse terriblement. Avec Samantha, nous nous invitions à dormir toutes les deux. On faisait des pizzas qu'on mangeait ben pyjama devant la télé. Ou on lançait la musique pour faire des karaokes ou danser. On inventait des jeux, on organisait des spectacles que personne ne verrait jamais, on peignait, on parlait pendant des heures, on se battait avec des oreillers. Samantha m'a offert le bonheur dans une amitié réconfortante. Elle m'a confié tous ses secrets et j'ai fait de même. Et pendant tout ce temps, toutes ces années, nous étions deux. Et c'était suffisant, c'était bien.

Souvent, je regrette Samantha. Je voudrais revenir vers elle, lui dire que je suis désolée, que je voudrais que tout soit à nouveau comme avant. Juste nous deux et personne d'autre. Nous deux et le silence. Nous deux et les autres invisibles. Mais je me retiens. Quand il m'arrive de commencer à lui écrire un message, je ne l'envoie pas. Je relis les conversations sur mon téléphone, celles qui font mal parce qu'au milieu des mots joyeux, les disputes se succèdent. On s'engueulait toujours pas messages, comme ça, ça ne paraissait pas vraiment réel. C'était comme un mauvais rêve, une mauvaise blague.

Lors des disputes, Samantha m'en voulait beaucoup. Énormément, même. Elle m'insultait, me balançait des choses horribles à la figure. Elle ne s'excusait pas, je la pardonnais. Je m'en voulais, aussi, parce que dans toutes ces disputes, j'étais la coupable. Le lendemain, elle arrivait et me souriait. Pas un mot sur ce qu'il s'était passé. Ça n'existait pas. Ça n'existait pas pour elle. Pourtant, ça existait bien trop fort pour moi.

• • •

Claude entra dans la maison, accroché au bras d'Ondine qui le guidait gentiment. Il s'assit sur le canapé du salon et l'aînée de la famille s'éclipsa, laissant place à sa cadette comme si elles faisaient une partie revisitée de chaises musicales.

— Grand père, j'ai un gros problème, soupira la jeune fille.

Claude passa sa main dans ses cheveux grisonnants et bouclés et fronça les sourcils.

— Mince, si ma petite-fille a un problème, je me dois tel un homme chevaleresque de l'aider ! Conte moi donc tes péripéties.

Zéphyr, qui se trouvait proche, gloussa bruyamment. Le vieil homme était réputé pour utiliser des mots souvent incompréhensibles ou alors garnir ses phrases de nombreuses figures de styles. Ondine disait que c'était car il était ancien professeur de philosophie et de littérature. En tous cas, la fratrie s'en amusait beaucoup.

— Pas la peine d'en faire des tonnes, c'est juste une histoire d'amitié un peu débile.
— Il n'y avait au début qu'un seul con dans le monde avant que ces êtres dotés d'une intelligence très minime ne nous envahissent.
— Papa, pas de gros mots devant Zéphyr, je te prie ! lança Martin depuis la cuisine.
— Bien reçu, fils !

Il porta sa main à son front à la manière des soldats. Voyant qu'il allait commencer à parler de ses souvenirs de service militaire, Églantine l'interrompit rapidement.

— Toi, quand t'avais mon âge, tu avais beaucoup d'amis ?
— Des amis ? Tu parles que j'en avais ! Tout le monde au lycée me tournait autour. Un roi au milieu de sa cour ! Nous organisions souvent des festivités, d'ailleurs.
— Alors quand on t'invitait quelque part, tu y allais ?
— Toujours !
— Même si tu ne connaissais pas celui qui organise ?
— Bien sûr, c'est le meilleur moyen de faire de nouvelles rencontres.
— Mon souci, c'est que les nouvelles rencontres, ça me tente pas trop...
— Ma chère Églantine, il n'est plus temps de se payer de mots, il faut agir. Tu dois profiter de ta jeunesse et t'élancer vers cette fête !

Cette fois, Zéphyr éclata de rire en imaginant sa sœur courir les bras ouverts jusqu'à la maison de Claire Hermet. Il rajouta en fond une musique joyeuse rythmée du son des tambours, et se dit qu'il ferait un compositeur pas trop mauvais.

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