Chapitre 8 - Mon refuge

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Publié le 17 janvier 2022 à 23h55.

― Où est-ce que tu m'emmènes ? 

― Tu verras bien, je réponds.

Je souris en voyant son visage se fendre d'une moue mal simulée. Nous nous dirigeons vers l'escalier, moi par la force de mes bras et lui d'une démarche lente et patiente.

L'escalier, cet obstacle que je n'ai plus franchi depuis bien longtemps. Étant donné que l'essentiel de ma vie se passe désormais au rez-de-chaussée, je n'ai de toute façon plus de raison de monter, du moins jusqu'à maintenant.

J'approche mon fauteuil roulant du monte-escalier, histoire de faciliter le transfert.

― Tu veux de l'aide ? me demande-t-il.

― Non, ne t'inquiète pas, j'ai l'habitude de voyager d'un fauteuil à l'autre.

Malgré mon ton ironique, il pince les lèvres. Cependant, il ne bouge pas et me laisse me débrouiller.

Avec un peu moins de facilité que pour m'installer dans le grand divan du salon, pour la simple et bonne raison que le divan en question est grand et mou et ne nécessite donc aucune précision dans l'atterrissage contrairement au monte-escalier, je parviens finalement à me positionner correctement dessus et le mets donc en marche. 

Arrivés en haut, sans aucun commentaire, Alexandre me regarde me réinstaller sur une nouvelle chaise roulante.

― Il y a des voitures de course à tous les étages chez-toi ? rit-il.

― Il le faut bien, je m'esclaffe. Je ne peux pas me déplacer autrement.

― C'est vrai, concède-t-il. Bon, où allons-nous maintenant ?

Je me retourne vers lui et le regarde mystérieusement.

― Tu ne devines pas ?

Il fait mine de réfléchir, quand soudain son regard s'illumine.

― Ne me dis pas que c'est ce que je pense ?! m'interroge-t-il. 

Je souris.

― Cela se pourrait pourtant bien.

Il paraît soudainement très excité. Je suis content, c'était bien l'effet escompté. 

Nous arrivons enfin à destination. Devant nous se tient une porte fermée, sur laquelle sont disposées plusieurs images relatives à la musique telles que des notes ou des instruments. Au-dessus de tout cela, centré si précisément qu'on pourrait croire que la personne concernée avait tout calculé au centimètre près, une pancarte indique "Pièce réservée à la musique".

― Je crois que je rêve éveillé, murmure mon ami à mes côtés.

― Tu vois, je t'avais promis que je t'emmènerais ici un jour.

― Je suis impatient de voir cette fameuse pièce-musique !

Entendre tout l'entrain qu'il avait mis dans cette seule et même phrase était comme observer un enfant à qui on vient d'offrir le jouet dont il avait toujours rêvé. Et quand j'ai ouvert la porte l'instant d'après, ses yeux écarquillés valaient tous les jouets du monde.

Devant nous s'étendait une immense pièce dont le thème était simplement et exclusivement la musique. Chaque objet, chaque décoration, tout était lié à cet unique sujet. 

― Oh.

C'est tout ce qu'il est parvenu à dire sur le moment, et je pense honnêtement que c'était une bonne synthèse de la situation.

Outre les innombrables objets et instruments, l'élément central de cette pièce est un magnifique piano-à-queue noir, un Steinway, le meilleur piano au monde. Ce n'est ni le plus grand, ni le plus petit, c'est un piano incroyablement parfait pour un musicien.

― Mon père passe un quart d'heure tous les trois jours à le nettoyer, je lui confie. Il passe beaucoup de temps ici quand il est à la maison, c'est sa pièce préférée.

― Et je comprends pourquoi, dit Alexandre. C'est une vraie merveille. Mais au fait... d'où tes parents sortent-ils tout cet argent ? Rien que dans cette pièce, il doit y en avoir pour une fortune.

Je hausse les épaules.

― Mon père a eu un héritage très conséquent de la part d'un grand-oncle mystérieux, et mis à part cela il est très demandé en tant qu'architecte. Et puis, cette maison faisait également partie de l'héritage... ce qui explique l'âge du bâtiment.

Il hoche la tête, impressionné.

― Eh bien, on peut dire que tes parents sont vernis.

― Ça ne doit pas être héréditaire alors, dis-je en rigolant.

Il se gratte la nuque l'air gêné.

― C'est sûr, dit-il après un moment. Et personne ne pourrait te blâmer pour être au moins un peu gâté d'un côté. 

Je tourne la tête et désigne les instruments d'un geste de la main pour changer de sujet.

― Qu'est-ce que tu attends pour les essayer ? je lui demande.

Il hausse les sourcils, l'air étonné.

― Je peux ? Vraiment ? balbutie-t-il.

Je souris et lève les yeux au ciel.

― Mais évidemment que tu peux, sinon pourquoi t'aurais-je amené ici ?

Son sourire devient encore plus grand qu'il ne l'était déjà.

― Alors je ne vais pas me faire prier, s'exclame-t-il en se dirigeant déjà vers la guitare en acajou posée dans un coin de la pièce.

Il s'installe sur un des tabourets les plus proches et j'en prends un autre. Il positionne la guitare sur son genoux gauche et commence à jouer. Je reconnais la chanson comme étant Hallelujah de Jeff Buckley. Je me laisse porter par le son allègre des cordes pincées, le silence se faisant dans mon esprit. 

Et c'est là qu'il se met à chanter.

D'abord un son mélodieux, une douce vocalise hésitante. Puis des mots, en anglais. Sa voix grave et mature contrastant avec son apparence d'adolescent dans la fleur de l'âge. Alors qu'il chante, ses yeux sont clos, comme s'il se remémorait des souvenirs agréables liés à cette chanson.

Je l'écoute dans un pieux silence, n'osant l'interrompre à aucun moment de peur de briser cet instant magique. Je me balance d'avant en arrière en fredonnant les passages les plus connus. Lorsque s'achève son interprétation, un silence règne dans la pièce.

On dit souvent qu'après une pièce de Mozart, le silence qui suit est encore de Mozart. Je peux aisément affirmer que c'est également le cas pour Alexandre.

― Eh bien... je murmure, j'aurais été bien inspiré de t'emmener ici beaucoup plus tôt. C'était magnifique.

Il rougit, à moins que ce ne soit la lumière du soleil filtrant par la fenêtre ?

― C'est gentil, me remercie-t-il. Je t'avoue que je ne joue pas souvent devant quelqu'un, voire jamais. D'ordinaire, je ne joue que pour moi.

― Alors je suis honoré d'avoir eu ce privilège, je m'exclame. On voit vraiment que tu es dans ton élément.

Il acquiesce.

― Oui, la musique est mon refuge. 

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