CHAPITRE 4

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WILLOW


— Quelle plaie, cette première semaine, maugrée Belle.

— Moi j'ai adoré, riposte Spencer. J'ai déjà terminé la disserte que nous a demandé Mr Wayheming en littérature comparée pour la semaine prochaine et les recherches sur les enjeux démographiques de la guerre de Sécession pour Mrs Whitestone.

Je soupire.

— Spencer ! On vient juste de reprendre les cours, souligné-je. Où t'as trouvé le temps de faire tout ça ?

La concernée passe la main dans ses longs cheveux châtain sans réelle coupe. Depuis le temps que je lui suggère de se faire une frange, je ne sais pas ce qu'elle attend. Comment peut-elle se satisfaire de cette masse informe ?

— Le soir, après être rentrée chez moi. J'ai même potassé le programme des manuels de toutes les matières jusqu'au fall break.

— Attends quoi ? rétorque Ivy en triturant ses ongles peints de noir. T'as déjà appris tous les cours jusqu'aux prochaines vacances ?

Si Spencer ne fournit aucun effort concernant sa chevelure, Ivy au contraire, se perd dans les fantaisies. Je tolère son look de gothique mais le jaune et le noir séparés par une raie nette, c'est non. Malgré mes protestations, elle a l'intention de garder cette abomination.

Cette fille est l'électron libre du groupe. Je n'ai pas autant d'influence sur elle que sur les autres. Tant qu'elle ne va pas trop loin dans les libertés qu'elle s'octroie vis-à-vis de mon autorité, je lui lâche du leste.

— Ben oui... pas vous ?

— Non, Spencer ! On a une vie sociale, nous, lâché-je en levant les yeux au ciel.

— Et des séries Netflix à regarder, renchérit Isis. Vous avez vu Wednesday avec Jenna Ortega ?

Ivy se désigne de la main.

— Évidemment ! Une ode à la noirceur, je ne pouvais pas passer à côté.

— Tu as aimé ?

— J'ai adoré.

— Moi aussi.

— J'ai trouvé l'intrigue lente, commenté-je. Les personnages sont sympas et l'intrigue aussi... mais c'était mou. J'ai même pas vu les deux derniers épisodes.

— Donc tu ne sais pas qui se cache derrière le monstre ? s'étonne Ellen qui a visiblement regardé elle aussi.

— La première qui me spoile, je la fais astiquer toutes mes chaussures, préviens-je. Et je ne vous apprends rien si je vous dis que j'en ai plusieurs centaines.

La main serrée autour de mon gobelet de café latté, je porte le couvercle percé à mes lèvres pour boire une gorgée. Belle, qui écoute la musique d'une oreille, secoue la tête en rythme. Les anneaux qui ornent perpétuellement ses lobes dansent, eux aussi.

— Et toi, tu regardes quoi ? lui demandé-je.

— J'ai fini la saison trois d'Emily in Paris. Je vous jure que si mes parents m'offrent pas un voyage en France pour noël, je me suicide.

La chair de poule me couvre la peau.

— Dis pas des trucs comme ça, murmure Isis.

— Oh ça va ! C'est pas à prendre au sens littéral, répond Belle.

— Isis a raison, renchérit Spencer. La santé mentale n'est pas sujet à plaisanterie.

— Ce que vous pouvez être chiantes quand vous jouez les moralisatrices, vous deux.

Belle soupire puis se tourne vers moi.

— Toi, tu dis rien ?

— Je préfère briller par mon silence qu'ouvrir la bouche et avoir l'air conne.

Cette douche froide raidit ses boucles brunes.

— Vous m'avez toutes saoulée. On se voit en cours !

Belle récupère son sac, enfonce son deuxième AirPod dans son autre oreille puis s'éloigne dans la cour d'Alexander Whitaker.

Tout le monde nous observe. Nous sommes le centre d'attraction de ce bahut. La popularité présente l'avantage d'être désirée par tout le monde. Les seuls qui n'osent pas nous jeter des regards en coin dans l'espoir de recevoir un signe qui dit « rejoins notre bande », ce sont les moutons noirs. Les victimes que je désigne à ma guise sont ensuite humiliées sur la place publique.

Il n'y a qu'à voir Jaden. D'ailleurs, où est-il celui-là ? Je n'ai pas eu ma dose de mortification de la semaine. Il m'en faut plus.

Je lisse les plis de ma jupe beige, plus longue que celle que je portais en début de semaine. Malgré mon envie de lutter contre les commentaires abjects de mon père, je n'ai pas pu m'empêcher de lui obéir.

Je suis faible.

— Vous n'avez pas oublié le rallye chez moi, demain soir ? interrogé-je les filles.

Elles me répondent toutes qu'elles y seront, sauf Spencer. Celle-ci se dandine sur son banc, de l'autre côté de la table en bois.

— Spencer ?

— C'est que... je me suis fait un programme de révision en béton armé. Mes parents n'accepteront pas moins bien que Yale ou Brown.

L'université. Spencer n'a que ce mot à la bouche. À croire que lorsqu'elle en foulera les couloirs, la lumière divine s'abattra sur elle. Je n'arrive même pas à songer à mon avenir. Je ne sais pas comment elle arrive à se projeter aussi loin.

Ce manque de sens à ma quête m'obsède.

À la rigueur, m'imaginer partir dans un autre état s'apparente à une faible lueur au bout du tunnel. Je ne serai plus obligée de supporter ma famille. Enfin, les vestiges de ce qui en a peut-être été une un jour. Nous ne sommes plus que des miettes. Des éclats de verres voués à s'écorcher les uns les autres.

— Spencer ! Tu es déjà hyper en avance, rappelé-je. Tu peux bien t'octroyer une pause le temps d'une soirée.

L'intello nous fixe tour à tour, les unes après les autres. Les filles confirment d'un hochement de tête. Elle finit par sourire et dire :

— Bon OK... je serai là.

Ellen passe un bras autour de son cou.

— Tu vas voir ! On va s'éclater !

— De toute façon, tes parents ont prévu de venir, non ? demandé-je.

Lors d'un rallye, parents et enfants sont invités pour une réception tous ensemble. Inspiré de la tradition mondaine française et remanié à la sauce élite new-yorkaise, nous nous réunissons régulièrement afin d'apprendre à se connaître entre familles puissantes. Le but étant que les enfants y trouvent des relations intéressantes pouvant résulter en un mariage profitable.

— Oui ! Je comptais leur dire que je bossais, mais vous avez raison. Je peux prendre un peu de bon temps !

— Et puis, Jackson y sera, glisse Isis. C'est l'occasion de tenter un move avec lui.

Spencer se recroqueville sur elle-même.

— Je suis pas son genre.

— Qu'est-ce que tu racontes ? grondé-je. Tu crois que je traîne avec les boudins du village ? Si t'es mon amie, t'es une bombe. Point à la ligne. Bon, il faudrait un peu revoir ta coiffure... ou ton manque de coiffure. Mais je te jure que si tu te mets en valeur, tu lui feras tourner la tête demain soir.

— Willow a raison, renchérit Ellen. J'ai repéré des robes incroyables sur le compte Tik Tok de Bergdorf. Tu veux que je t'envoie ma sélection ?

Spencer acquiesce.

— Et toi Willow, tu vas tenter un truc avec Maverick ? me demande Isis en replaçant son serre-tête correctement.

Maverick est un nouveau, fraîchement débarqué du Kansas en fin d'année dernière. Le genre fermier sexy avec des parents plein aux as. Pas mon genre, à la base. Mais j'ai vu comment tout le monde le mate. S'il est l'objet de toutes les convoitises, forcément, il me le faut.

— J'y songe, j'y songe...

Isis et Ellen s'échangent un regard malicieux. Pendant que les filles continuent leur discussion, j'aperçois Jaden au loin, flanqué de son pote Cade.

— Je bouge, les filles ! On se voit en classe.

J'attrape mon sac, glisse l'anse sur mon épaule, puis je marche d'un pas impérial dans la direction de mes sous-fifres. Mes talons claquent au sol. Chaque percussion me galvanise.

Mon pull blanc cassé dénude mon autre épaule. La brise estivale qui s'évanouit progressivement avec l'arrivée prochaine de l'automne me caresse la peau.

Jaden est assis sur un banc. Les fesses de Cade reposent sur le dossier.

— Ah Lucifuge... D'une manière où d'une autre, tu te retrouves toujours aux pieds de quelqu'un, commenté-je en arrivant à son niveau.

Jaden abaisse ses prunelles marron vers le sol. Ses cheveux gominés sont partiellement tirés vers l'arrière mais certaines mèches rebelles tombent négligemment sur son front, lui conférant un air... sauvage. Mon regard longe sa mâchoire saillante et s'attarde une seconde de trop sur le creux qu'elle forme à la naissance de sa joue.

Un frisson me traverse l'échine.

— Qu'est-ce que tu veux, Willow ?! lance froidement Cade.

Contrairement à son pote, lui aime ouvrir sa gueule. Cela explique sûrement pourquoi ses mauvais traitements sont moins nombreux. Si sa détermination à se défendre me fascine et pimente le jeu, je n'ai d'yeux que pour Jaden. Il est mon vilain petit canard favori. Le faire souffrir expie le feu qui crépite dans mes veines.

Mon sadisme est aimanté à son âme. Je ne peux lutter.

— Te demander des conseils make up. En ce moment je teste le smoky eye mais avec mes yeux verts, je trouve pas ça terrible.

Je m'avance vers lui et l'examine sous toutes les coutures.

— Y a pas à dire ! Avec tes yeux bleu clair, c'est canon. J'ai une idée...

Il se raidit. Un rictus m'étire le coin des lèvres. Jaden fixe toujours le bout de ses chaussures, comme je le lui ordonne à chacune de nos rencontres.

C'est bien ! Je n'ai même plus besoin de le dire pour qu'il s'exécute.

— Tu sais, avec les filles on forme un groupe de six mais on s'est toujours dit qu'à sept on serait mieux. Tu veux bien être notre septième copine ?

Il serre les dents, continuant de me fixer droit dans les yeux. S'il pense m'impressionner...

— Tu donnerais des conseils à Spencer, comme ça. Elle est un peu en errance vestimentaire et stylistique. T'en dis quoi ?

— Va te faire foutre, Willow !

Un éclat de rire me secoue.

— C'est qu'il mord, commenté-je sans pouvoir lutter contre ma moue amusée. Grrrr !

Cade lève les yeux au ciel. Jaden reste silencieux. Le besoin de l'attaquer me démange.

— Et toi ? Tu ne défends pas ta copine ?

— Laisse-le tranquille, Willow ! gronde Cade.

— Il va falloir se réveiller, Lucifuge. Tu disparais de jours en jour. Bientôt, je verrai à travers toi.

Il me semble l'entendre murmurer « si seulement » mais ce fut si subtile que je n'en suis pas certaine.

— En tout cas on se voit demain soir, Cade !

Il plisse le nez.

— Pourquoi ?

J'arque un sourcil.

— Tu oses demander pourquoi ? Le rallye se passe chez les Montgomery ce week-end. Vraiment, tu planes au-dessus des réalités de la vie ! Ta mère y sera.

En tant que mannequin internationale de renom, elle est une invitée de choix.

Cade ricane.

— N'inverse pas les rôles. Tu n'as aucune idée de ce qu'est la réalité de la vie, sinon tu ne perdrais pas ton temps à nous persécuter. Ça te fait jouir de nous insulter ?

Je me mords la lèvre en le fixant droit dans les yeux. Il détourne le regard.

— Beaucoup...

Je réajuste l'anse de mon sac sur mon épaule.

— On ne t'entend pas, Lucifuge. Tu peux le dire si tu m'imagines nue pour avoir moins peur.

Je m'accroupis pour le forcer à me regarder droit dans les yeux.

— Ça ne me dérange pas, murmuré-je.

Il frémit. Ses prunelles marron exsudent la détresse. Je lui caresse la joue, il ne bronche pas.

— Tu as de la chance d'avoir une imagination suffisamment fertile pour t'offrir ce que je ne te donnerai jamais. Je ne te vois pas, mais je sais que le soir, sous la douche, tu penses à moi et tu enfles. Tes tétons durcissent. Ta main glisse sur ton ventre, s'accroche dans ta toison et...

— Arrête..., supplie-t-il à voix basse.

Je souris. Cade intervient :

— Pour ton information, Willow, je ne serai pas là demain soir. J'ai prévu de regarder un match important avec mon père. Rien que de savoir que je ne verrai pas ta sale gueule pendant quarante-huit heures, je bande.

Je me relève pour l'affronter.

— Range tes crocs, Harry Styles. On sait tous les deux que ce qui te fait bander, ce n'est pas moi. Ni aucune représentante de l'espèce féminine, d'ailleurs.

Cade secoue la tête.

— Harry Styles n'est pas gay.

— T'as vu les fringues qu'il porte ? Tu ne vas pas me dire qu'il est hétéro ?

Il serre les poings. Visiblement, j'ai touché une corde sensible.

— La sexualité des gens ne nous regardent pas et en l'occurence, Harry Styles n'a jamais posé de mot sur la sienne. Donc non, je ne te dirai pas qu'il est hétéro, ni qu'il est gay. En revanche, je remarque à quel point ta vie est pathétique pour que tu aies besoin de fantasmer celle des autres à ta sauce.

— Tu aurais préféré que je t'appelle Barbie, comme tes coéquipiers ?

Cade se tend.

— Tu es ridicule, Willow. Et pour ta gouverne, un vêtement et du maquillage n'ont jamais défini l'orientation sexuelle de quelqu'un.

Je ricane.

— Ce qui est ridicule, c'est de t'entendre dire que tu vas regarder un match de foot au lieu de venir au rallye.

— J'adore le foot. Je ne vois pas ce qu'il y a de ridicule.

Je lui adresse un sourire carnassier. L'adrénaline coule dans mes veines lorsque je conclus cette conversation comme il se doit.

— Réveille-toi, chéri ! La seule chose qui te passionne au football, c'est la douche collective. Tu feras gaffe, ta savonnette n'arrête pas de glisser...

Sur cette ultime pique, je tourne les talons et m'éloigne. L'étau de la culpabilité se resserre sur ma cage thoracique. Je le sens à peine.

Supplicier les autres m'enivre au point d'anesthésier ma morale.


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