1 : La découverte

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TRIGGER WARNING / Cette histoire comporte des thèmes sensibles pour certain.e.s lecteur.rice.s à savoir :

- Attouchements sur mineur.e.s

- Dépression

- Alcoolisme

- Adultère

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SÉLÈNE


Sélène était toujours la première à se réveiller les lendemains de fêtes. Huit heures tapantes, à chaque fois. Elle n'avait jamais vraiment compris comment les autres faisaient pour faire la grasse matinée après s'être pris une cuite mémorable. Elle, elle avait froid, se sentait nauséeuse et avait la bouche pâteuse. En plus, elle se démerdait toujours pour récupérer la place la moins confortable, souvent sur un tapis de yoga inconfortable, avec un manteau en guise de couverture. Les premières fois, elle avait attendu patiemment que ses amis se réveille, faisait le tour des vidéos Youtube qu'elle avait en retard. Puis, il y a toute une période où elle se cassait dès l'aube. Au moins, elle ne faisait pas le ménage, et en plus, elle avait le luxe de prendre une douche. Mais désormais, maintenant qu'elle savait que son groupe d'amis ne la lâcherait jamais, peu importe à quel point elle était chiante, elle se chargeait elle-même de les réveiller.

Ce matin-là, ils avaient de la chance, il était presque 9 heures et demie quand Sélène émergea. Elle commença par faire du café. La cuisine était dans un état lamentable. Elle ne se souvenait pas bien de ce qu'ils avaient fait la veille, mais au tas de vaisselle qui trônait dans l'évier, elle se dit qu'il avait dû faire un gâteau. Ça leur ressemblait, de se mettre à pâtisser complètement bourrés à trois heures du matin. Pendant que le café, coulait, elle poussa la porte de la chambre à côté du salon.

Le jeune homme dormait sur le ventre, encore tout habillé, sur la couverture. Sélène sauta sur le matelas, et atterrit juste à côté de sa tête. Il grogna.

─ Non, pas le trampoline, marmonna-t-il.

Sélène explosa de rire, et visiblement, le bruit était trop fort et trop aigu pour le garçon, qui grimaça.

─ On a fait un gâteau hier soir ? demanda Sélène.

─ Je sais plus, grommela César. Je crois qu'à un moment, Sam voulait faire un feuilleté au poisson.

Sélène fronça le nez, Sam était toujours celui avec les idées les plus bizarres et dégoûtantes. César se retourna sur le dos et ouvrit ses bras pour que Sélène vienne s'y lover. Elle s'allongea donc, et il resserra son étreinte. Ils n'étaient pas en couple – et ne le seraient jamais – mais avaient cette relation très ambiguë, qui reposait sur une affection et une intimité particulière. Pendant un temps, Sélène avait voulu qu'ils clarifient la situation, qu'ils mettent cartes sur table, pour comprendre réellement ce qui se passait entre eux. Mais face aux réticences de César, et son habileté magistrale pour détourner le sujet, elle avait fini par abandonner. Les deux étaient voués à ne jamais dire explicitement ce qu'ils ressentaient, mais au moins, ils avaient des câlins.

─ T'es la seule réveillée ? questionna-t-il, cette fois d'une voix bien éveillée.

─ Je crois, à moins qu'Émile se soit pas couché. Il avait l'air motivé à jouer à Fortnite quand on s'est endormis.

César acquiesça. Il n'avait pas encore ouvert les yeux, il voulait peut-être se persuader qu'il allait se rendormir. Sélène regarda le plafond de la chambre du jeune homme. Il y avait un énorme tâche d'humidité au plafond, là depuis le début. Il avait essayé de passer un coup de peinture, mais ça n'avait pas fonctionné. La chambre de César était la plus rangée de l'appartement, le mec était un véritable maniaque, il détestait le moindre grain de poussière dans son espace. Difficile de croire qu'il vivait avec les deux gars les plus bordéliques du monde.

César se tourna sur le côté, et sans le vouloir – ou peut-être que si – serra Sélène un peu plus fort, comme si elle était un doudou. Un bip leur parvint de la pièce à vivre. La chambre de César était juste à côté de la cuisine et de la salle de bain. Celles des deux autres garçons se trouvaient de l'autre côté, au bout d'un couloir.

─ C'est quoi ?

─ Le café, dit Sélène. Je vais aller voir si Émile dort.

─ Non ! Reste un peu, se plaignit-il.

Malgré ses jérémiades, elle quitta le lit. Elle éteignit la cafetière, puis traversa le salon. Le plancher collait à cause des verres d'alcool renversé, le cendrier débordait tellement que des cadavres de bières avait été réquisitionnées pour récupérer les mégots supplémentaires. Surtout, Sélène essaya de décompter les bouteilles vides. Presque quatre. Sachant qu'elles étaient pleines au début de la soirée, et qu'ils n'étaient que cinq, ça faisait beaucoup d'alcool pour peu de personnes. Pas étonnant qu'elle ne se souvienne de rien.

L'odeur de cigarette s'atténuait un peu une fois la porte du couloir passée. Elle adorait cet appartement. Il était haut de plafond, le plancher était un peu délavé, et les poignées de portes rondes. Il avait le charme d'une ancienne maison avec tout l'équipement moderne. Les garçons avaient fait une sacrée affaire en le dégotant. Le loyer était peut-être cher, mais à trois dessus, c'était bien plus que rentable. Elle se souvenait encore de leurs discussions de lycéens, quand ils affirmaient qu'une fois étudiants, ils feraient une colocation tous ensemble. Amina et elle n'avaient pas suivi, parce qu'elles avaient chacune besoin de leur intimité, mais les trois mecs avaient continué dans leur idée. Non seulement ils avaient réussi l'exploit de ne pas se perdre de vue après le bac, mais en plus, ils avaient désormais un endroit de choix pour se retrouver.

Cela faisait bientôt trois ans qu'ils avaient quitté le lycée, et leur groupe de cinq amis n'avaient jamais été aussi proches. En général, ils se contentaient de se faire une bouffe deux ou trois fois par semaine, restants sages et sobres. Mais la veille, ils avaient voulu fêter les résultats de leur semestre. C'était peut-être un peu parti en vrille. Enfin, les autres devaient bien avoir des souvenirs. Émile, par exemple, était un monstre de mémoire. Il n'avait jamais fait de black-out en vingt ans d'existence. Lui saurait s'ils avaient fait un gâteau.

Sélène frappa d'abord à sa porte, puis, ne recevant aucune réponse, entra. À sa plus grande surprise, il dormait, plongé dans le noir et roulé en boule dans son lit. Sélène décida de le laisser tranquille, car il était tellement rare qu'il dorme après une soirée qu'il fallait le laisser savourer ce moment. Elle décida donc de rendre une visite à Samuel. Elle y trouva le jeune homme, lui aussi dans son lit, mais bien réveillé. Amina était à ses côtés, ils regardaient le téléphone de cette dernière, bien au chaud sous les couvertures.

─ Et elle ? demanda Amina en montrant son écran à Samuel.

Il grimaça.

─ T'es difficile, se plaignit-elle.

─ Attends, t'es sérieuse, c'est pas moi qui recherche une meuf. Plutôt que me demander si elle est belle, demande-toi si elle te plaît.

─ Fais-moi voir, quémanda Sélène en grimpant sur le lit pour se glisser entre ses deux amis.

Elle réussit à se caler confortablement, et Amina lui tendit son téléphone. Elle tomba alors sur une photo Tinder d'une belle blonde, avec des yeux gros comme des billes. Sélène pencha la tête, se demandant si elle la trouvait objectivement belle. Mais elle finit par avoir la même réaction que Samuel.

─ Je sais pas, on dirait une alien, un peu.

Amina soupira et la passa. La suivante était mieux, et Samuel et Sélène l'encouragèrent à la liker, puis ils continuèrent cinq bonnes minutes, jusqu'à ce que César fasse son apparition dans la chambre, une tasse de café à la main.

─ Vous me faîtes une place ?

Il fallut donc se serrer un peu plus pour rentrer à quatre dans le lit deux places de Samuel. C'était un classique des lendemains de soirée, chez eux. Ils finissaient toujours tous ensemble dans un lit – souvent celui de Sam, d'ailleurs, parce qu'il avait le plus d'oreillers – à regarder des vidéos de théories du complot. Sélène se glissa alors dans les draps pour récupérer un peu de la chaleur des couvertures. Elle avait toujours froid dans cet appartement, et on était en février, ce qui n'arrangeait rien. César posa sa tasse pour s'allonger à côté de Samuel, et Amina, de l'autre coté, dut se décaler un peu. Ils bougeaient tous, de sorte à ce que chacun trouve une place confortable. Sélène avait trouvé la sienne quand, soudain, Amina laissa échapper un cri aigu.

─ Quoi ? s'alarma Samuel.

─ Je sais pas, mon pied a touché un truc tout visqueux.

Les quatre amis se regardèrent, et César glissa à l'attention de Sam :

─ Ne dis pas « Ma bite ».

─ On a peut-être bouffé dans le lit, hier soir, proposa Sélène.

─ Oh, vous êtes sérieux ! s'agaça Samuel. Je viens juste de laver les draps.

─ « Juste » genre, y'a deux mois ? ricana César.

Amina se contorsionna alors pour récupérer l'objet qui l'avait fait crier. Ses traits ne cessèrent de se plisser, jusqu'à ce qu'elle sorte sa main dans le lit. Aussitôt qu'elle dévoila ses doigts au grand jour, elle cria de plus belle, et lâcha le truc.

─ C'est une capote, ah ! Putain, c'est une capote ! Elle est pleine !

Le préservatif usagé tomba sur le visage de Sélène, qui hurla à son tour, et s'en débarrassa à grands gestes. La capote vola pour se déposer une trentaine de centimètres plus loin, sur la couverture. Heureusement pour eux, elle était fermée d'un nœud, ça n'en était pas moins dégoûtant. Sélène eut un haut-le-cœur à l'idée d'avoir eu ce truc sur sa joue, et s'essuya avec l'oreiller de Samuel.

─ Eh, mais c'est dégueulasse, arrête ! Et enlevez ce truc de mon lit !

Sauf que personne ne voulait plus le toucher. Amina avait recroquevillé ses bras contre elle, Sélène regardait le préservatif avec défiance, et les garçons ne semblaient pas plus enclins à le saisir. Une fois passé le choc de la découverte, une atmosphère plus gênante s'installa. Soudain, ils ne dirent plus rien, et fixèrent la capote avec un mélange d'interrogation, de curiosité et de dégoût, avant de se dévisager sans rien dire. Seulement, tout le monde pensait très probablement la même chose que Sélène : qu'est-ce que faisait une capote usagée dans le lit de Samuel.

Peu à peu, tous les regards se tournèrent vers lui, et bien que personne n'ait rien dit, il dut se sentir accusé, car il se défendit aussitôt :

─ Ne me regardez pas comme ça ! C'est pas moi !

César haussa les sourcils, l'air peu convaincue.

─ C'est dans ton lit, quand même.

─ Est-ce que tu sais si on a fait un gâteau cette nuit ? l'interrogea Sélène.

Les autres lui lancèrent un regard intrigué.

─ Quoi ? se justifia-t-elle. C'est pour savoir s'il se souvient de la soirée.

Peut-être avait-il ramené une fille sans s'en rappeler. Et comme jusque-là, aucun d'entre eux n'avait l'air de savoir ce qu'ils avaient, il était probable que ce soit arrivé. Samuel parut de plus en plus offensé, et commença à s'agacer.

─ Mais c'est pas moi, putain ! Et je me souviens d'hier. Oui, on a fait un gâteau, le reste est dans le Frigo, tu peux aller vérifier.

Un nouveau silence s'installa. Sélène continuer de fixer le préservatif. La chose captait ses yeux, elle ne pouvait plus s'en détacher. C'était parfaitement gerbant, et elle ne savait pas comment elle n'avait pas encore vomi. Pourtant, elle ne pouvait se détacher de lui. Que faisait-il dans le lit ? Et bon sang, pourquoi était-il usagé ? Rien n'aurait été si dérangeant, s'il avait été propre. On se serait dit qu'ils l'avaient déballé pour faire une blague. Mais là... Quelque chose s'était passé.

Après de longues secondes de blanc, qui devenaient de plus en plus lourdes au fur et à mesure qu'elles se succédaient, Amina parla :

─ Vous avez conscience de ce que ça signifie ?

Sélène secoua la tête. Elle savait à quoi son amie pensait, mais se refusait de l'admettre.

─ Non, réfuta César. C'est pas ça.

Le temps se suspendit à nouveau, et la capote n'avait toujours pas bougé. Sauf que cette fois-ci, c'était elle qui les regardait. Elle les narguait presque, cette insolente. Le monde commençait un peu à tourner pour Sélène. César n'avait plus touché son café. Amina était comme immobilisé, tandis que Samuel écarquillait les yeux, incapable de poser ses yeux ailleurs. Sélène porta sa main à sa bouche, et continua de secouer la tête.

─ C'est pas possible, chuchota-t-elle. Les gars, ça voudrait dire que deux d'entre nous ont couché ensemble.

Sélène sentit la chape de plomb s'abattre sur eux. Au moment où elle avait verbalisé la chose, c'était comme si elle avait pris conscience de l'ampleur de la situation. Ce n'était pas une banale erreur de soirée, c'était un bouleversement total dans leur amitié. Les cinq d'entre eux se connaissaient par cœur. Ils avaient passé presque six ans ensemble, avait tout vécu, tout vu. Sélène elle-même pouvait dire les secrets les plus intimes de chacun de ses quatre meilleurs amis. Tout au long de leur adolescence, ils avaient là les uns pour les autres, avec une promesse : celle qu'aucun garçon, qu'aucune fille ne ficherait jamais leur groupe d'amis en l'air. Certains avaient essayé. L'ex de Sam, par exemple, elle avait tenté de l'éloigner d'eux, elle n'y était jamais parvenue. L'ancien copain de Sélène avait cherché à mettre la merde entre les trois garçons, elle l'avait largué sur-le-champ. Ils n'avaient jamais déconné avec le groupe d'amis, ils avaient toujours tout fait pour maintenir l'harmonie entre eux.

Mais là... Là, c'était une bombe. Si deux d'entre eux avaient rompus le pacte tacite de l'amitié, alors ça aurait signifié qu'il y avait des secrets, que deux avaient débuté une relation que les autres ignoraient. Et si on commençait à se mentir, à ne plus pouvoir faire confiance aux autres, alors c'était le début de la fin.

Amina fut la première à se dédouaner. Elle se blottit dans la couette, en murmurant.

─ De toute manière, ça peut pas être moi.

─ Et pourquoi ça ? s'exclama Sélène.

─ Euh allô ? J'aime les meufs, et là, clairement, il y a un pénis dans l'équation.

Un frisson de malaise parcourut l'échine de Sélène. Amina avait raison, on ne pouvait pas être si bourrée qu'on changerait de bord. Le problème, c'est qui si Amina était hors jeu, alors il ne restait qu'une fille : elle. Elle ne se souvenait de rien, de surcroît, elle ne pouvait même pas nier fermement. Dans un coin de sa tête, il y avait une petite voix qui lui répétait : « Ça pourrait être toi ». Elle n'osait pas regarder les autres, mais sentait leurs yeux sur elle.

─ Qu'est-ce tu veux, toi ? lança César avec une certaine agressivité.

─ Rien, répliqua Samuel, qui devait sûrement avoir posé sur son ami un regard insistant. Enfin, quand même. S'il y a deux personnes qui auraient pu couché ensemble, ici, c'est bien Sélène et toi...

─ Hein ? Mais tu délires ! s'insurgea la jeune femme.

Son cœur commençait à s'emballer. Elle ferma les yeux, cherchant à se souvenir. Qu'avait-elle fait la veille ? Avait-il vraiment un fait un gâteau ? Elle ne se rappelait même pas du moment où elle s'était couchée, comment pouvait-elle savoir ce qui s'était passé avant ? Et si Samuel avait raison, si elle avait eu un rapport avec César ? Ce dernier leva les mains.

─ Je dis pas que c'est ça, je dis juste que c'est le plus probable.

─ Ferme ta gueule, Sam, s'énerva César.

La tension commençait sérieusement à monter, et Sélène aurait voulu se faire toute petite, se cacher sous les couvertures et ne plus jamais sortir des draps. Sauf si d'autres capotes s'y cachaient, bien entendu. La porte de la chambre s'ouvrit alors, et Émile apparut alors, un bol de céréales à la main. Au début, il ne sembla pas voir la pomme de discorde, puis, il dut bien la remarquer, puisque toutes les paires d'yeux se posaient dessus.

─ C'est quoi, ça ? demanda-t-il, la voix un peu enrouée.

─ Une capote usagée, lui indiqua Amina.

Le jeune homme fronça les sourcils, et s'assit sur le lit à leurs pieds, posant son bol à côté de lui. Comme il était celui avec le moins de pudeur et de retenue, il ne se gêna pas pour attraper le préservatif entre son pouce et son index, et le porta à hauteur du regard. Émile plissa les yeux, comme s'il examinait très attentivement un indice sur une scène de crime.

─ Et c'est à qui ? questionna-t-il.

─ Justement, on sait pas.

Émile rit, d'un rire un peu jaune. Puis, comme si de rien n'était, il reposa le préservatif sur la couverture, avant de reprendre son bol, et de prendre une cuillerée de céréales.

─ Putain, chaud, se contenta-t-il de dire la bouche pleine. 

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