2 : La vidéo

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ÉMILE


Ils avaient fini par jeter la capote usagée. Enfin, Émile l'avait jetée, car il était le moins dégoûté. Mais même une fois que le préservatif avait disparu au fond du sac poubelle, les autres semblaient toujours préoccupés. Tout le monde était sorti de la chambre de Samuel, et ils s'étaient attelés à faire le ménage dans un silence plombant. Émile les regardait, assis sur le tabouret du bar. Il s'était resservi des céréales, et trouvait leur réaction complètement absurde.

─ Sérieusement, vous aviez jamais vu de capote avant ou quoi ? commença-t-il à s'agacer.

Aucun d'entre eux ne parlait depuis près qu'un quart d'heure, et ça lui tapait un peu sur le système. Sélène réagit au quart de tour – normal, elle était sûrement une des protagonistes de l'histoire, même si Émile ne voulait pas en rajouter une couche.

─ Putain, mais Émile, t'as pas l'air de comprendre !

─ Bien sûr que si je comprends, mais vous vous montez la tête pour rien. Ça se trouve, c'est juste une capote de branlette. Sam se sentait seul, il a voulu faire ça proprement, et voilà.

─ T'es taré, toi ! nia aussitôt Samuel.

─ Alors c'est peut-être moi, j'en sais rien. On sait bien que j'ai toujours tendance à laisser traîner mes trucs. Bref, détendez-vous. Y a sûrement rien eu.

Chacun dans le groupe arrêta ce qu'il faisait pour dévisager Émile avec une mine de dégoût, jusqu'à ce que César dise ce que tout le monde pensait.

─ Deg.

Émile haussa les épaules. Très vite, la conversation retomba, et pendant que les autres nettoyait l'appartement, lui faisait défiler son fil Facebook en mangeant le reste du gâteau qu'ils avaient fait la veille – il avait toujours super faim les lendemains de cuite. Il rigola en silence en regardant les vidéos qu'on lui présentait, et avait déjà oublié toute l'histoire, quand Samuel remit ça sur le tapis.

─ On devrait tout oublier. Faire comme si rien ne s'était passé, ou au pire, faire comme si c'était vraiment Émile qui s'est juste branlé et... pour une raison totalement inconnue, a laissé la capote dans mon lit.

Émile, les yeux toujours rivés sur son téléphone, ne les vit pas hocher la tête, mais il devina à leur silence qu'ils s'accordaient sur cette version de l'histoire. Quelque chose le dérangeait, tout de même.

─ J'ai juste un problème, dit-il. J'utilise pas de capote quand je fais ça. Sinon, t'imagines le fric que ça me coûterait. Au moins deux cents euros par mois.

─ Ouah, il te faut vraiment une copine, toi, souffla César.

─ Surtout pas, t'es fou ! affirma Amina. Aucune femme ne devrait avoir à subir pour deux cents euros de capotes par mois. Qu'il reste avec sa main.

─ Je pense pas que ce soit une bonne idée de faire comme si rien n'était arrivé, avança Sélène. Il faut qu'on sache. Moi, il faut que je sache.

─ Parce que t'es sûrement impliquée ?

─ Mais ta gueule, Émile !

Le jeune homme haussa les sourcils, et arrêta de parler, puisque visiblement, à chaque fois qu'il ouvrait la bouche, il se prenait un tir dans les jambes. S'ils voulaient se morfondre dans leurs idées noires, qu'ils le fassent. Lui n'allait pas se pourrir la vie à cause d'une capote usagée. Il en avait vu d'autres, et s'en était toujours porté bien, celle-ci ne ferait pas exception à la règle.

─ Personne ne se souvient avoir couché avec quelqu'un hier ? demanda clairement Sélène.

Ils répondirent tous « non », à quelques secondes d'intervalles. Émile, lui, en était certain. Il s'en serait souvenu s'il s'était tapé quelqu'un. Ça arrivait si rarement que son karma aurait vraiment été un connard de ne pas lui en laisser un souvenir. En fait, il en vint même à se dire que c'était dommage : il aurait bien aimé être celui qui avait tiré son coup la veille.

Son téléphone vibra entre ses mains. Sa mère venait de lui envoyer un message pour lui demander s'il avait appelé sa grand-mère pour son anniversaire. Émile réagit trop tard, et au lieu d'appuyer sur le bandeau pour lui répondre, il fut obligé d'ouvrir l'application de ses messages pour sélectionner la conversation. Au premier abord, ça semblait banal comme changement mais il avait en réalité toute son importance. Car quand Émile découvrit la liste de ses conversations SMS, il vit que son avant-dernier message avait été échangé avec Samuel. C'était un emoji qui faisait un clin d'œil, envoyé à 2 heures 31. Comme il ne se rappelait pas de la conversation, il cliqua dessus, intrigué.

─ Euh... dit-il en remontant les messages. Sam ? Tu devrais regarder les derniers messages que je t'ai envoyés.

Samuel fronça les sourcils, avant de sortir son téléphone. Les trois autres s'arrêtèrent de nettoyer pour l'écouter lire la discussion à voix haute.

─ À 2 heures 28, Émile m'a envoyé « Mec, t'as des capotes ? », j'ai dit « Dans le deuxième tiroir à côté de mon lit, pourquoi ? » et là, il a mis un emoji clin d'œil. Merde, Émile, c'était toi ! Quelqu'un a couché avec Émile !

La première pensée du jeune homme, ce fut que, pour le coup, il était dégoûté, car il ne se rappelait de rien. Puis, il réfléchit, et se rendit compte que les options qui s'offraient à lui était bien pire que le fait d'avoir enfin réussi à pécho, mais de ne pas s'en souvenir. Les gens devant lui étaient ses meilleurs amis depuis des années, et jamais il ne se serait imaginé... Il n'osait même pas se le figurer, c'était parfaitement repoussant. C'était comme coucher avec un de ses frères et sœurs. Alors qu'il prenait conscience de la situation, Émile n'avait plus du tout faim.

─ Tout le monde fouille son téléphone ! ordonna Sélène. Regardez les photos, les messages, les snaps, les tweets, tout.

Chacun abandonna les sacs poubelles et autres cadavres de bouteilles qu'il avait entre les mains pour scanner son téléphone en détail. Émile chercha si, bourré, il avait envoyé d'autres messages, à n'importe qui. Rien. Il n'avait pris aucune photo, n'avait rien envoyé sur Snapchat, il n'avait même pas de statut débile sur Facebook à cause de Picolo.

─ J'ai rien, affirma César.

─ J'ai une vidéo de nous en train de faire un gâteau, dit Amina. Mais on est tous là. Et c'était à 4 heures du matin. Et vous ?

Les autres secouèrent la tête, Émile n'avait pas mieux. Si seulement ils ne se connaissaient pas aussi bien ! Ça faisait longtemps qu'ils avaient arrêtés de prendre en vidéo et en photo leurs virées entre amis. Plus besoin de souvenirs quand on se voyait si souvent, ils passaient leur temps à se les remémorer ensemble.

─ Attendez, attendez, les interpella Samuel. Pourquoi on fait comme si on avait tous pu potentiellement couché avec Émile, quand clairement, il n'y a qu'une personne ici avec qui ce serait possible ?

À nouveau, comme elle faisait une accusée parfaite, les visages se tournèrent vers Sélène. Émile fronça le nez un peu plus. Non, pas Sélène. Il la connaissait depuis qu'ils étaient gamins. C'était leur duo qui était à la base de tout le groupe d'amis. Ils avaient grandi à côté. Petits, ils fêtaient leurs anniversaires ensemble, et leurs parents avaient même adhéré en même temps à l'association des parents d'élèves de leur école primaire. Ils avaient passé leurs après-midis de collégiens à regarder Disney Channel en mangeant des Carambar, juste pour les blagues. En seconde, quand Émile avait commencé à fréquenter Sam et César, il leur avait imposé Sélène, car il ne se voyait pas avoir une bande de potes dans laquelle elle ne ferait pas partie. Sélène aurait été la pire des probabilités. Ça aurait été trahir le jeune Émile qu'il avait été, ça aurait été craché à la figure... non, pas cracher à la figure, mauvaise métaphore. Ça aurait été piétiné leurs années d'amitié. Et puis, merde ! Sélène était presque comme une petite sœur. Il ne pouvait pas avoir couché avec sa sœur !

─ Impossible, affirma Sélène. Pas Émile. Pas moi et Émile.

─ Désolé, Sélène, mais t'étais complètement morte, à ce que tu dis. Comment tu peux être sûre comme ça ?

─ Attends, mais déjà, pourquoi je devrais forcément avoir été dans l'histoire. Émile en a rien à foutre de coucher avec une fille ou non. Émile est tellement désespéré qu'il aurait pu très bien couché à l'un de vous deux.

Émile plissa le nez.

─ Elle a pas tort, admit-il.

Il n'était pas gay, mais enfin... si un garçon lui proposait, surtout bourré, il pouvait accepter. Juste pour voir. Cette idée sembla répugner Samuel au plus haut point, qui s'insurgea soudainement, à la limite d'insulter Sélène. Amina le força à se calmer, car elle avait toujours été la seule à savoir comment dompter son caractère de cochon – peut-être parce que le sien était encore pire. Samuel finit par prendre une longue inspiration.

─ César dit rien, depuis un moment, souleva-t-il.

Celui-ci pouffa avec un certain dédain.

─ J'ai pas couché avec Émile, t'as un problème toi.

─ J'en sais rien, t'as jamais eu de copine, après tout. Et t'es toujours à brouiller les pistes avec Sélène.

─ Est-ce qu'on pourrait ne pas m'impliquer là-dedans, chercha à esquiver la jeune femme.

─ OK, donc, pour toi, quelqu'un qui n'a pas de meuf est forcément gay ? haussa le ton César. Bah bravo, belle mentalité.

─ Je sais pas, moi, t'as toujours été un peu chelou.

─ Oh, oh, oh ! intervint Amina. T'es sérieux là ? Donc l'homosexualité, c'est chelou ? Tu vas commencer par redescendre. T'es peut-être véner, mais dis encore un truc comme ça et je te pète les dents.

─ Ça m'a l'air d'être une réaction de quelqu'un qui est dans le placard, ça, claironna César.

À ces mots, Samuel explosa, et même Amina, qui jusque là, le tenait en place, ne réussit pas à le canaliser. Il s'échappa de son emprise et hurla :

─ J'ai pas couché et je coucherais jamais avec Émile ! C'est pas compliqué à comprendre, merde !

Émile eut pour seule réaction de porter sa main à son cœur et de chuchoter.

─ Aïe, ça fait mal.

─ Stop ! Stop ! cria Sélène encore plus fort. Les gars, vous vous rendez compte de ce qu'il se passe ? On est en train de s'engueuler pour une putain de capote, alors qu'à tous les coups, Émile a raison depuis le début. Il s'est sûrement branlé. C'est tout. Il était bourré, il a voulu se faire un petit plaisir, et comme il était content, il s'est dit qu'il allait s'accorder un petit luxe et mettre un préservatif. Il a fait dans la chambre de Sam, parce que... je sais pas, j'ai pas envie de savoir, mais c'est Émile, c'est normal. Personne n'a couché avec lui, personne n'est gay. OK ?

─ Moi, je suis gay, dit Amina en levant la main.

─ Oui, Amina, toi, tu es gay.

Samuel se tut, et sa colère sembla redescendre. Émile, qui, étrangement, alors qu'il était au centre des conversations, était presque ignoré, décida de donner raison à Sélène.

─ Honnêtement, c'est sûrement ce qui s'est passé. Et puis, j'aime pas faire ça dans ma chambre, il y a des photos de ma mère sur mon bureau.

Au début, personne ne répliqua rien, puis César retint un rire, qui résonna bizarrement, comme il n'avait pas ouvert la bouche. Samuel suivit, éclatant lui d'un rire franc, qui se communiqua au reste du groupe. Bientôt la tension redescendit pour de bon, et ils s'accordèrent sur l'explication donnée au tout début du ménage, puisqu'elle était la plus plausible et de surcroît, ce qui s'était très sûrement passé.


Ils terminèrent de nettoyer l'appartement – enfin, les autres terminèrent, Émile termina le gâteau – et ils passèrent le reste de la journée à regarder House of Cards avec le compte Netflix du frère de César. On ne reparla plus trop de l'incident de la capote usagée, sauf pour se moquer de Sam qui avait pété les plombs pour pas grand-chose. Au début, susceptible comme il était, il se vexa, mais rapidement, il réalisa que son attitude avait été totalement disproportionnée, et en rit à son tour. Les deux filles partirent aux alentours de 18 heures, car elles avaient beau adoré les trois garçons, elles avaient besoin de leur espace de temps en temps. Comme ils avaient la flemme de faire à manger, ils donnèrent tous leur argent à Samuel pour qu'il aille au McDonald's en bas de chez eux.

Pendant qu'ils attendaient leur repas, César et Émile squattait le canapé, ce dernier son ordinateur portable sur les genoux. Un casque sur les oreilles, il jouait à Fortnite avec Greg, un pote québécois rencontré en ligne. Alors qu'une énième partie chargeait, Greg lui demanda :

─ Au fait, t'avais l'air complètement soûl hier soir !

Émile fronça les sourcils. S'était-il connecté pendant la nuit ? Il se souvenait avoir dit aux autres qu'il se ferait bien une petite partie avant de se coucher, mais il avait déjà bien décuvé, et avait fini par s'endormir comme une larve. Il se sentait vieux, à supporter de moins en moins l'alcool et à faire de plus en plus de black-out. 21 ans, c'était vraiment un âge à la con.

─ Comment tu sais ça ? questionna-t-il Greg, et César, à côté, qui entendait la conversation, fronça les sourcils.

─ Bah, la vidéo que tu m'as envoyée sur Messenger, où t'embrassait ton amie !

Émile retira aussitôt son casque et déposa son ordinateur sur le côté pour attraper son téléphone sur la table basse. Il n'avait pas pensé à regarder Messenger, car il ne l'utilisait jamais. Sauf avec Greg. César, qui semblait intrigué depuis le début de la conversation le regarda faire, et quand Émile trouva la vidéo, son ami se pencha lui aussi sur l'écran pour la regarder. C'était d'abord un écran noir, puis on le voyait danser et crier, une bière à la main.

─ Eh, salut Greg ! l'apostrophait-il avec un mauvais faux accent québécois. Chez toi il fait quelle heure, parce qu'ici, il est deux heures moins le Ricard ! T'as compris ?

─ Oh le lourd, commenta César.

Émile ne fit aucune remarque sur la nullité de sa blague, ce qui l'inquiétait plus, c'était ce qui venait après. Alors qu'il continuait des blagues pourries qui n'avait aucun sens et était doublé d'un accent québécois minable, Amina apparut dans le champ de la caméra, et fit, elle aussi un coucou à Greg. Elle avait les yeux à peine ouverts, visiblement très éméchée, au moins autant que le Émile de la vidéo. Celui-ci déclara d'ailleurs, ayant abandonné l'accent.

─ Eh, t'sais quoi. Normalement, Amina, elle aime les meufs. Mais ce soir, c'est moi qu'elle aime.

─ Ouais, j'kiffe Émile ! admettait Amina.

Les muscles du jeune homme se contractèrent quand, dans la vidéo, les deux visages se rapprochèrent, et se rapprochèrent encore, jusqu'à ce que leurs bouches se touchent. Il grimaça, César en fit de même. C'était horrible à voir. Ce n'était même pas un petit baiser pris à la volée, c'était la plus grosse pelle qu'il ait jamais vu, et ça n'en finissait pas. Les secondes défilaient, et Amina et Émile se léchaient toujours le visage.

─ Ah ! s'exclama César. Mais il reste combien de temps ?

Le soulagement vint juste après cette question, quand la vidéo se coupa. Émile resta paralysée, son téléphone ouvert sur la conversation avec Greg dans la main. Il chercha, remua au plus profond de sa mémoire ce moment, rien. Comment était-ce possible qu'il ne se souvienne pas d'avoir roulé un tel patin à une de ses meilleures amies ?

─ C'était tellement... dégueulasse, conclut César.

─ Non, mais mec, attends, il y a pire, réalisa soudain Émile.

Il marqua une pause involontaire, qui rendit l'effet encore plus dramatique.

─ J'ai peut-être couché avec Amina. 

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