12 : La boulette

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ÉMILE


Plus la semaine de vacances avançait, plus les événements laissaient Émile perplexe. D'abord, il y avait eu le matin où ils s'étaient réveillés très tôt, car la cabane dans laquelle ils avaient dormi leur était tombée dessus. Plutôt que de se lever, ou de la reconstruire, ils étaient simplement restés sous les couvertures pendant près d'une demie-heure, à discuter et à rire, jusqu'à ce que la chaleur devienne insupportable. Ensuite, le lendemain, Émile avait dormi chez Sélène, et ils avaient passé la soirée à rattraper les épisodes de The Voice qu'ils avaient manqués. Puis ils étaient partis en virée en montagne, avaient été boire un verre au PMU du village avec le beau-père d'Émile, étaient restés des après-midis pluvieuses dans des plaids, en silence, à lire chacun de leur côté.

Chaque jour passé ensemble en appelait à un nouveau, et bientôt, Émile réalisa qu'on était vendredi, qu'il n'avait pas encore allumé son ordinateur, et qu'à chaque moment de ses vacances, Sélène avait été là, et surtout, qu'il ne voulait absolument retourner à sa vie urbaine.

Il ne comprenait rien aux divers sentiments qui l'animaient, et surtout, à la tournure que la semaine avait prise. En temps normal, quand ils rentraient dans leur village natal, ils se voyaient pendant quelques jours successifs, histoire de réactiver leur relation, et cracher un peu sur le reste du groupe en toute impunité. Puis, généralement, ils restaient chacun de leur côté, pour profiter de leurs familles respectives, et prendre un peu de temps pour eux. Émile était le premier à avoir besoin d'être seul pour mieux se ressourcer. Mais là, il n'en avait jamais ressenti l'envie, bien au contraire : les peu de moments où Sélène n'était pas avec lui, il avait détesté la sensation.

Il ressentait une alchimie étrange, plus que la complicité qu'ils avaient normalement, et c'était avant tout ceci qui le perturbait. Ça ne venait sûrement que de lui, il n'était peut-être pas habitué à autant d'affection – au sens d'écoute, d'empathie venant de son amie – alors que pour Sélène, c'était sa routine, elle était naturellement engagée dans ses amitiés. Émile s'était senti énormément valorisé pendant ces quelques jours, il avait eu l'impression d'être enfin considéré comme quelqu'un d'autre qu'un clown. Tout aurait pu en rester là... S'il n'y avait pas eu le glissement, à savoir le moment où Sélène ne lui semblait plus exclusivement être une de ses meilleures amies, mais... peut-être plus.

Là, quand cette pensée a émergé, Émile prit conscience de sa naïveté. Il suffisait qu'il partage de bons moments avec une fille pour que toutes ses émotions s'en trouvent chamboulé. C'était loin d'être exclusif à Sélène, c'était le cas avec absolument toutes les relations – ou morceaux de relations – qu'il avait eues. La fille lui montrait un intérêt plus grand que la moyenne, il s'emballait, se faisait des films, découvrait qu'en réalité, elle avait simplement été gentille mais n'avait aucune attirance, et Émile se retrouvait comme un débile. Mais contrairement à Sam, qui connaissaient les mêmes déboires, il faisait sciemment le choix de ne pas tirer de grandes généralités sur le genre féminin. En d'autres mots, Émile se faisait toujours avoir, mais acceptait de retomber dans le panneau la fois suivante. Il y aurait bien un moment où cela fonctionnerait, non ?

Bref, sur la fin de la semaine, un peu effrayé par les nouvelles considérations qu'il avait envers Sélène (sa meilleure amie depuis ses quatre ans !), il avait préféré mettre un peu de distance. Ils rentraient le lendemain, de toute manière, la vie reprendrait son cours, et Sélène allait retomber dans les bras de César. Alors Émile se rendrait bien compte que tout ce qu'il avait ressenti n'avait été qu'une lubie, un fantasme de sa part, basé sur du vent.

Alors qu'il jouait, son téléphone sonna, et quand il vit le prénom de son amie s'afficher sur l'écran, il hésita avant de décrocher. Il finit par le faire, car l'inverse aurait élevé les soupçons.

─ Allô ? dit-il en s'enfonçant dans le dossier de sa chaise.

─ T'es habillé ? l'interrogea aussitôt Sélène.

Il baissa les yeux sur sa tenue.

─ Je suis pas nu, on va dire. Mais habillé pour sortir, non.

─ Alors habille-toi.

Émile se mordit la lèvre inférieure, gêné. Il n'avait pas envie de sortir. Enfin non, il voulait bien sortir, mais il n'avait pas forcément envie de se retrouver seul avec Sélène... Non, ça aussi, c'était un mensonge, il aurait adoré être seul avec elle à cet instant précis, mais il ne voulait pas que les impressions étranges qui naissaient en lui en la présence de la jeune femme reviennent. Il ne voulait pas se sentir plus coupable qu'il ne l'était déjà d'avoir eu ce genre de pensées envers son amie. Il se détestait : pourquoi n'avait-il pas pu simplement apprécier les moments, sans se prendre la tête ? Était-il si désespéré que ça sur le plan sentimental pour surinterpréter les mots et actes de sa meilleure amie ?

Comme il n'avait toujours pas répondu, Sélène insista et lui expliqua sa demande :

─ S'il te plaît, je dois manger chez ma mère. J'ai pas envie d'être seule avec elle, là.

Émile soupira. Maintenant, il ne pouvait plus refuser. Il savait à quel point Sélène et sa mère avaient une relation compliquée, particulièrement depuis le divorce. Parfois, quand il regardait l'ensemble du groupe, il se demandait comment était-il possible qu'il soit le seul à avoir de bons rapports avec ses deux parents ? Était-ce donc ça, le mal du siècle ? Les conflits inter-générationnels ?

─ OK, souffla-t-il. Je m'habille.

─ Cool ! T'avais pas vraiment le choix, de toute manière, j'avais déjà dit que tu venais. Oh, et tu peux passer me chercher ? J'ai pas de voiture.

─ Bah... ouais, accepte Émile, sans autre choix.


Quand Émile arriva devant chez Sélène, elle l'attendait, assise sur le perron. Elle se leva quand elle aperçut la voiture, et Émile fronça immédiatement les sourcils. Elle était habillée comme si elle se rendait à un gala mondain, rouge à lèvres criard et fard à paupières en prime. Ses cheveux étaient lissés, sa veste cintrée et tirée à quatre épingles. On avait dû lui échanger son amie pendant la nuit, et Émile eut un sentiment étrange de rejet. Elle ne lui plaisait plus du tout, d'un coup, et il détestait cette idée. Ce qui était bien pire que le fait qu'elle soit presque déguisée à ses yeux. Elle ne l'attirait plus, et il n'aimait pas qu'elle ne l'attirait plus. Bon sang, Émile, arrête de penser !

Sélène s'installa sur le siège passager, et prit une longue inspiration, sans s'expliquer. Émile baissa le volume de la radio, et chercha à glisser une blague.

─ T'aurais pu me dire qu'on allait chez les parrains de la mafia russe.

Sélène lui adressa un regard noir.

─ Alors déjà, de un, slut-shaming, de deux, je ne veux aucun commentaire de ma mère. A chaque fois que je viens, elle me dit « Oh, t'aurais pu faire un effort », « Tu pourrais mettre une jolie robe, je te vois pas souvent », gna gna gna. Je veux passer un bon moment.

─ OK, et donc plutôt que faire comprendre à ta mère que tu as ta propre personnalité, tu préfères te conformer à ses attentes.

─ Oui.

Émile desserra le frein à main dans un soupir.

─ OK, souffla-t-il. Moi, je trouve que ça te va pas, en tout cas.

─ Ah, dit Sélène avec une pointe de dégoût dans la voix et un grimace, on dirait César. Cathy a pas fait partie du MLF pour t'entendre dire des trucs comme ça.

─ Quoi ? s'insurgea Émile. Je dis pas qu'il faudrait que tu portes des trucs en fonction de moi ! Je dis juste que t'as l'air de porter un déguisement.

Sélène esquissa un sourire qu'il entraperçut, et qui laissait croire qu'elle se moquait de lui depuis le début. Émile reprit :

─ César te fait vraiment des commentaires sur tes tenues ?

─ Ouais, des fois, répondit Sélène.

─ Bah, men are vraiment trash.

Sélène rit, et Émile ne relança pas la conversation, incroyablement mal à l'aise, alors qu'il ne l'avait jamais été.

Ils roulèrent pendant une petite demie-heure avant d'arriver à l'endroit où habitait la mère de Sélène. C'était une belle maison moderne, en bois, avec des baies vitrées sur la plus grande partie de la façade. Il y avait quelques années, la mère de Sélène avait repris une formation d'agente immobilière, et s'était spécialisée dans la vente de grosses villas à la montagne. C'était d'ailleurs ce qui avait précipité son divorce : le père de Sélène aimait vivre modestement, dans sa vieille ferme avec son chien. Face aux rêves de grandeur de sa femme, il n'avait pas pu lui suffire. Elle était partie, avait fait construire une maison d'architecte, et désormais, les deux étaient si différents qu'on pouvait se demander comment ils avaient pu avoir un enfant ensemble.

De nombreuses voitures étaient garées dans l'allée, ce qui intrigua aussitôt Émile.

─ J'avais compris qu'on serait que tous les trois.

─ Moi aussi, lui confia Sélène. Je crois que ce sont mes tantes. Super...

Il n'y avait rien dans sa voix qui laissait croire qu'elle trouvait la chose réellement super. Ils sortirent de la voiture, et Émile croisa son reflet dans la vitre. Il n'était pas très bien coiffé, et son visage avait un air très fatigué, comme il n'avait dormi que quelques heures. En baissant les yeux sur son pull, il réalisa qu'il y avait une tache de dentifrice dessus. Sélène avait eu peut-être raison de si bien s'habiller, il allait être celui qui aurait l'air du clown, si tout le monde était aussi apprêté qu'elle. Alors qu'ils marchaient vers la porte d'entrée, il mit son doigt à sa bouche et essaya de frotter la tache.

On leur ouvrit avant qu'ils ne sonnent – logique, avec toutes ces baies vitrées – et la mère de Sélène l'enlaça sur-le-champ. L'ambiance était étrange, Émile était incapable de dire s'il était vraiment aussi émue de revoir sa fille, ou s'il ne s'agissait là aussi que de paraître. Un mix des deux, certainement. Lui aussi, eut le droit à son câlin, ce qui ne le dérangea pas tant que ça. Longtemps, Karine avait fait office de seconde maman. Quand les parents de Sélène avaient divorcé, ça lui avait fait un coup à lui aussi.

─ Vous avez changé, tous les deux ! s'exclama-t-elle. Sélène, t'es vraiment belle, dis donc.

─ Merci ! répliqua Sélène, le visage illuminé par le compliment.

─ Rentrez, rentrez, on vous attendait.

Émile pénétra dans la maison qu'il n'avait vu qu'une ou deux fois. Dans l'immense salon ouvert sur une cuisine à l'américaine, la famille maternelle de Sélène était assise en rond autour de la table basse. On le reconnut, il dut dire bonjour, répéter dix fois ce qu'il faisait désormais, et écouter tous les souvenirs de son enfance que ces personnes avaient de lui. Il aurait bien voulu que Sélène le sauve de ces interactions vides mais obligatoires, mais elle semblait empêtrée dans le même problème que lui. Voilà pourquoi il détestait les repas de famille, surtout quand ce n'était pas la sienne. Mais comme il était un bon invité, et qu'il savait tenir des conversations, il était toujours de corvée. Amina, Samuel, Sélène, chacun d'entre eux abusait de sa capacité à occuper les oncles et tantes.

Le repas s'éternisa jusqu'à tard dans l'après-midi, et les plats n'étaient même pas si bons que ça. Tout était allégé, et vapeur. C'était peut-être un peu cliché, mais lui qui avait grandi avec du beurre et du sel, tout lui semblait un peu fade. Même pas une épice, rendez-vous compte ! Au café, les tantes et la mère de Sélène partirent faire une balade digestive, ne restaient donc dans la grande maison qu'une poignée de cousins, et quelques oncles qui lui parlaient de tous les problèmes d'ordinateur qu'ils avaient connu dans leur vie. Émile profita du départ de l'un aux toilettes pour s'éclipser de la conversation et rejoindre Sélène qui faisait la vaisselle dans son coin. Il attrapa un torchon, et entreprit d'essuyer les assiettes propres.

─ Ça va ? s'assura-t-il.

─ Non, avoua Sélène. Je me sens comme une merde.

─ Ah ouais ? Elle t'a dit quoi ?

Sélène haussa les épaules.

─ Rien, en fait. Mais... Je sais pas. Elle me pose plein de questions, et plus elle en pose, plus j'ai l'impression qu'elle doute de moi. Et après, elle me dit des trucs du style : « Tu es grande, fais ce que tu veux, moi, mon avis ne doit plus compter. »

─ Bah, c'est bien, non, c'est ce que tu veux ?

Sélène se refusait à croiser le regard du jeune homme, les yeux rivés sur l'assiette à dessert qu'elle frottait.

─ Oui, chuchota-t-elle finalement. Oui. Mais... genre, tu sais, j'ai toujours voulu que ma mère me laisse tranquille. Mais maitenant qu'elle me laisse tranquille, ça me fait mal. Est-ce qu'elle en as quelque chose à faire de moi ? Je sais plus.

Émile fronça les sourcils.

─ Ça m'a l'air d'être beaucoup de prise de tête pour un truc sur lequel t'as aucun contrôle.

Lui ne comprenait pas les personnes qui se souciaient absolument de tout ce que l'on pensait d'eux, ou laissaient la manière dont ils étaient traités complètement les submerger. S'il ne pouvait rien y faire, Émile ne s'en préoccupait pas. Là était peut-être la différence majeure entre son amie et lui. Sélène haussa les épaules.

─ Je sais.


**


Le reste de la journée se déroula dans cette même ambiance étrange, et cette fois-ci, Émile en était certain, ce n'était pas que lui. Sélène était extrêmement à fleur de peau et beaucoup plus susceptible que d'habitude. Comme elle avait l'air de vouloir prendre de la distance par rapport à lui, et que lui aussi ne s'y retrouvait plus, la situation donnait une relation artificielle, où ils semblaient faire mine de s'apprécier. Tout ceci n'alla pas en s'arranger dans la soirée. Ils partaient aux aurores, alors Sélène était venue partager un dernier repas avec la mère d'Émile, avant de rester dormir. Quand Émile se retrouva seul dans sa chambre, il ne pouvait pas mettre de mots sur ses émotions. Allongé sur son lit, il fixa le plafond, à la recherche d'une réponse. La seule qui lui venait sur le coup était de mettre toutes les pensées qui le polluaient depuis plusieurs jours bien au fond de son esprit, et faire de son mieux pour que tout redevienne à la normale. De toute manière, quand il allait retourner à la coloc, toute cette affaire avec Samuel allait reprendre, et très vite, il aurait d'autres soucis à régler. Il le sentait. Émile attrapa une bande dessinée dans sa bibliothèque, et retourna dans son lit, mais rien à faire, les mots glissaient sous ses yeux sans qu'il ne parvienne à les lire.

Comme si elle avait deviné à quel point il était agité, Sélène frappa à sa porte, et entra sans réponse. Elle avait les cheveux humides, et avait revêtu un jogging trop grand et un tee-shirt Pucca troué. Elle fronça les sourcils en l'apercevant dans les draps aussi tôt.

─ Ah, mais en fait, ça t'arrive de dormir !

Émile sourit. Il était tellement heureux, au fond de lui, qu'elle ne soit pas restée dans son coin et qu'elle soit venue le voir. Il posa sa bande dessinée, à laquelle il ne trouvait plus aucun intérêt.

─ Pas souvent. C'est mon côté Emmanuel Macron.

Sélène pouffa de rire. Juste un petit soufflement, qui marquait son amusement. Elle souleva la couette du côté non-occupé du lit avant de s'y allonger à son tour, et se tourner vers Émile, une main sous sa tête.

─ J'ai pas envie de rentrer, chuchota-t-elle.

Émile la dévisagea, et déglutit difficilement. Elle était vraiment belle. Il se détestait de le penser, car il ne voulait pas être ce cliché du mec qui découvre d'un coup que sa meilleure amie était belle. Il avait toujours eu conscience que, objectivement, Sélène n'était pas laide. Peut-être un peu banale, mais loin d'être laide. Et sa beauté, à cet instant, ne le frappait pas comme une révélation, mais plus comme un nouveau point de vue. Il la trouvait belle d'une manière dont il ne l'avait vue auparavant. Ce fut dans ce genre, dans ce changement du regard, qu'il comprit qu'il serait compliqué pour lui de tout oublier quand ils rentreraient. Désormais que le déclic avait eu lieu, il ne savait pas s'il y aurait un retour en arrière.

─ Moi non plus, finit-il par lui répondre.

Sélène sourit.

─ Imagine on rentre pas.

─ Comment ça ? questionna Émile.

─ Imagine demain, on part, mais on va ailleurs. Genre l'Italie. Ou l'Allemagne. C'est plus logique, parce que je parle pas l'italien. Mais genre, imagine, d'un coup. On lâche tout, et on part faire une pause dans notre vie. Après on revient, hein. Mais pas tout de suite.

Émile rit doucement. Il ne savait pas trop quoi répondre, tant elle semblait être partie loin dans ses rêves et délires.

─ Si on part, je serais la seule personne présente dans ta vie. Ça me paraît dangereux, comme pari. Tu penses que tu pourrais me supporter ?

Sélène ne rétorqua pas sur le coup, peut-être parce qu'elle réfléchissait, ou qu'elle laissait volontairement planer le mystère. Dans tous les cas, le cœur d'Émile se mit à battre violemment, beaucoup plus qu'il ne l'aurait imaginé. La question avait été posé de manière assez innocente, en réalité, mais quand il l'avait prononcé, il avait réalisé à quel point la réponse lui importait. Sélène murmura – elle n'avait jamais arrêter de chuchoter, en vérité.

─ Ouais, je pense que je pourrais.

Dès qu'elle lâcha ces mots, elle se retourna, comme pour éviter les yeux d'Émile, et avant qu'elle ne lui laisse le temps de réagir, elle continua :

─ Je crois vraiment que t'es ma personne préférée sur cette planète. C'est trop con, parce que j'ai mis du temps à le comprendre. Genre, jusqu'à hier, j'en avais pas conscience.

Émile ferma les yeux. Alors qu'en apparence, c'était une révélation intime, c'était pour lui de la torture. Elle ne pouvait pas lui dire ce genre de choses, comment devait-il se sentir, désormais ? Comment pouvait-il mettre de côté les émotions désastreuses qui l'avaient animé ces derniers jours ? Ça ne l'aidait pas du tout. Il aurait presque préféré qu'elle lui avoue qu'elle sortait avec César. Au moins, il aurait été fixé.

Le jeune homme rouvrit les yeux, et réalisa que son manque de réaction pouvait paraître insolent, et effectivement, Sélène le regardait, dans l'attente d'une réponse. Sous la panique, il répliqua assez froidement.

─ Quoi ? Moi aussi. Je te l'ai dit l'autre jour.

Sélène sourit tristement, et Émile s'en voulut, beaucoup trop pour en rester là.

─ Scuse-moi, baragouina-t-i. Je voulais pas le dire comme ça. Toi aussi.

Les traits du visages de la jeune femme se détendirent, et à nouveau, elle se positionna de côté, face à lui. Émile tournait la tête, ce qui avait pour conséquence que leurs nez n'étaient pas si éloignés l'un de l'autre. Il sentait son souffle. Pendant plusieurs secondes, ils restèrent silencieux, à se regarder, sans que ce soit particulièrement gênant.

Émile venait d'être transporté dans un autre monde, où Sélène n'était plus vraiment Sélène, mais un sentiment chaleureux et agréable. Il n'osait alors plus bouger, de peur de briser l'instant précieux et de le perdre à jamais, car il avait bien conscience que ces quelques secondes changeraient à jamais le cours de leur relation. Après cet échange de regards, plus rien ne serait aussi candide entre, en tout cas, pas de son point de vue.

Ce fut Sélène qui cassa le moment, ou bien elle le prolongea, dans un sens.

─ Tu crois que c'est possible de faire encore plus exploser le groupe ?

Émile la fixa, perplexe, ne comprenant pas d'où cette interrogation sortait. Il fronça les sourcils, sans un mot. Sélène s'expliqua alors, mais pas avec des mots. Elle brisa simplement l'espace qu'il y avait entre eux pour l'embrasser, et la tête d'Émile implosa. Ne répondant plus de rien, tout son être l'abandonna pour ne devenir que sa bouche. Le baiser dura à peine deux ou trois secondes, qui lui parurent à la fois une éternité et beaucoup trop courtes. Quand Sélène se détacha de lui, alors la phrase plus tôt prenait son sens.

Sélène laissa retomber sa tête sur l'oreiller, et fuit les yeux d'Émile qui lui, faisait tout pour croiser les siens. Le regard au plafond, elle prit une longue inspiration, et secoua la tête avant de dire d'une voix étranglée.

─ Bon, eh bah je viens de ruiner notre amitié.

─ Tu rigoles ? s'exclama Émile. C'était trop cool. Est-ce qu'on peut recommencer ?

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