Libre, mais troublée

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Le lendemain, je me rendis chez mon employeur avec une boule au ventre que je ne me connaissais pas. L'état de stress dans lequel je me présentais était inhabituel et stupide. Pourtant, je ne pus arrêter de penser à ce qu'il se passera une fois dans le garage. Et j'allais bientôt être fixé, car je pouvais voir le petit atelier de mécanique ouvert avec une vue sur le dos d'un homme penché sur le moteur d'une voiture.

Je rentrai dans le lieu empestant l'huile et le pétrole tout en observant l'intérieur. À part des torchons quasiment noirs, le local était assez propre. Une légère musique se jouait dans les haut-parleurs. J'avais l'impression d'être retournée chez l'orthophoniste que je voyais quand j'étais petite, et qui n'arrêtait pas de passer des musiques dans la salle d'attente.

« Vous z'vez besoin de que'que chose, m'dame ? demanda l'homme barbu en me faisant sursauter par la même occasion.

– Non, non. En fait, je cherche Alex. Je dois commencer à travailler aujourd'hui.

– Ah ! Z'êtes la nouvelle secrétaire qui arrête pas d'faire râler le p'tit ! envoya-t-il avec un rire. Vous p'vez pas savoir comme c'est dur de bosser quand il est grognon.

– Eh bien, je vais essayer de ne pas trop le mettre de mauvaise humeur alors ! » m'exclamai-je en souriant doucement.

« Serge, retourne au boulot, » ordonna la voix grognon d'Alex.

L'homme s'exécuta en riant. Je marchai vers la porte où venait de sortir Alex. C'était une petite pièce bien éclairée où un bureau se trouvait au milieu, entouré d'étagères. À ma grande surprise, les classeurs colorés reposaient bien sur des étagères en bois. Aucune feuille volante.

« Bon, il y a plein de papiers qui ne sont pas bien rangés dans les classeurs. Vous pouvez commencer par ça. Si le téléphone sonne, vous pouvez noter le nom et l'heure du rendez-vous sur le carnet à côté. »

Il partit ensuite de la pièce sans même que je puisse dire un mot. Je soupirai puis commençai mon travail. Je sortis les classeurs un à un, et vérifiai que tout était à la bonne place. Et je répondis au coup de téléphone qui se fit dans la matinée, c'est-à-dire un seul. À midi, Alex vint m'annoncer que je pouvais aller voir Elena pour manger tandis qu'il serait avec son ami Serge. Le garage était ouvert jusqu'à dix-neuf heures au moins sans interruption. Donc Elena avait l'habitude de leur préparer un bon repas qu'ils pourraient manger dans le garage même.

Je rentrai donc pour voir Elena en train de chantonner un air dans la cuisine.

« Je suis là, m'annonçai-je.

– Oh bonjour ma petite ! dit-elle en laissant la casserole pour reporter son attention sur moi. Alors ce premier jour avec Alex ?

– Eh bien, je suis restée dans la pièce à trier et vérifier que les papiers soient bien rangés, et je réponds aussi au téléphone. Il est assez bien organisé.

– Bien sûr qu'il l'est maintenant ! Je l'ai menacé de ne plus faire de repas s'il n'avait pas rangé un minimum cette pièce. Si tu l'avais vu avant, c'était un vrai débarras !

– Tu n'étais pas obligée de m'aider. C'est mon travail après tout.

– Voyons mon enfant, après les jours que tu as passés à ranger le bureau de son père, c'était normal de ne pas te surcharger de travail, déclara-t-elle en touillant la cuillère dans la casserole.

– Merci alors. »

Après manger, je retournai au garage. Mais je m'ennuyais. Le téléphone ne sonnait pas, et je restais assise à me tourner les pouces. J'allais sûrement avoir des crampes à force.

Soudain, en levant la tête, j'aperçus un carton caché derrière des classeurs. Je me levai et tendis la main pour enlever les classeurs devant, puis essayai de toucher le carton, mais il était trop loin. Une présence derrière moi me figea. Une main s'étendit vers le carton et le prit pour le déposer sur la table. Je me retournai pour voir Alex juste à ma droite. Il ne bougeait pas et moi non plus. Nos regards se capturèrent sans que personne ne le détourne.

« Merci, dis-je dès que l'usage de la parole me revint.

– Que voulez-vous faire avec ce carton ?

– Oh, rien. Je voulais juste vérifier qu'il n'y avait pas d'autres papiers à l'intérieur. »

Je soulevai son haut bleu et regardai son contenu. Je fus surprise de trouver des photos. Certaines en noir et blanc et d'autre en couleur, mais l'usure sur les côtés montraient qu'elles étaient vieilles de plusieurs années et qu'elles étaient passées par plusieurs mains.

« Je ne savais plus que je l'avais mis là, » avoua Alex tout aussi curieux que moi.

Il prit certaines photos de mes mains, et les regardait avec un sourire nostalgique. Je supposais que c'était sa famille.

« Vos parents ? demandai-je en regardant la photo du couple qu'il tenait en main.

– Oui, juste avant qu'ils ne partent. »

Sa voix vibrait d'émotions, mais très vite, il se referma comme une huître qui cachait sa perle. Des souvenirs aussi précieux qu'un trésor. Il replaça les photos dans la boîte et la remit en haut. Dans son coin habituel.

« Vous avez fini de ranger les dossiers ? gronda-t-il presque.

– Oui, j'ai aussi pris deux rendez-vous pour la semaine, » répondis-je, calme.

Ne sachant que faire, je me mis à raconter ma vie. À parler surtout de mes parents. Des personnes qui respiraient la joie de vivre, mais qui adoraient voyager. Pendant toute mon enfance j'avais été quasiment trimballée dans leurs aventures aux quatre coins du monde avant de me poser à dix-huit ans dans une ville que je pouvais appeler mon chez-moi.

« Mes parents étaient très souvent inquiets et m'appelaient tous les jours pour savoir si j'allais bien, si j'avais bien mangé, s'il y avait un problème, exposai-je en riant. Parfois ils essayaient même de me convaincre de revenir avec eux... »

Mes pensées repartirent dans le vague et je revis toutes ces scènes téléphoniques où j'entendais le son de leur voix. La voix inquiète de ma mère et la voix grave de mon père. En vérité, ces sons me parvenaient brouiller. J'avais oublié. Les sons, leurs visages, leurs rires...

Après avoir rencontré David et travaillé comme une acharnée, je n'avais plus eu le temps de les appeler. En fait, c'était souvent eux qui m'appelaient. Et la dernière fois qu'ils l'avaient fait, je les avais engueulés pour avoir pris encore une fois de mes nouvelles.

Les yeux me piquaient de larmes contenues. Finalement, j'avais agi comme s'ils étaient morts depuis tout ce temps. Combien de Noël, de jour de l'an avais-je loupés pour me préoccuper que moi-même ? Tellement, qu'il m'était horrible de les compter. Je ne répondais qu'à quelques-uns de leur message pour qu'il me laisse en paix, mais c'était tout.

« Alicia, » chuchota Alex, ce qui me fit revenir à la réalité. Il me prit la main que je fixais sans pour autant bouger. J'avais trop peur de gâcher ce moment qu'il me fallait. Un moment avec juste un peu d'attention.

« Ça fait longtemps que je ne les ai pas vus. Depuis que j'ai rencontré mon mari, je ne les appelle plus.

– Tu es mariée, demanda-t-il en retirant sa main sous la brûlure de mes mots.

– Divorcée depuis quelques mois, » annonçai-je en le regardant.

Un silence suivit ma déclaration. Il semblait hermétique à mes propos. Je ne savais pas pourquoi, mais ça me blessait de le voir si distant. J'aurais aimé voir son côté vulnérable, comme avant, avec ses photos de famille. Cependant, je ne voulais pas le voir triste.

Tellement de choses que je voulais le concernant qui me donner envie une bonne gifle pour oser penser ainsi. Mes sentiments commençaient à me jouer des tours dont je n'avais pas besoin.

« Mes parents voyagent beaucoup, je ne sais même pas où ils sont maintenant, » avouai-je avec un soupir.

Peut-être qu'une vraie bonne gifle m'éviterait d'étaler encore plus ma vie devant cet inconnu.

« Vous devriez les appeler. On ne sait jamais quand quelqu'un part. »

Sa voix n'était qu'une murmure, mais l'émotion m'atteignit avec force.

« Oui, je sais, » affirmai-je.

Je regardai la boîte maintenant cachée derrière des classeurs, mais d'où l'on voyait le haut bleu. Il fallait que j'appelle mes parents. Ce soir. Une résolution qui me donnait un espoir incertain. J'avais peur qu'il ne me pardonne pas de les avoir ignorer pendant autant d'années. Peur de ses propres parents. J'avais l'impression d'être redevenue une adolescente qui avait fait la pire des bêtises. Je ne pensais pas qu'ils me manqueraient autant. Et ce n'est qu'avec l'aide de la solitude que je m'en suis rendue compte.

L'instant d'après une grande main vint caresser ma joue. Ma tête se pencha vers cette chaleur. Elle semblait me donner, l'espace d'un moment, l'apaisement qu'il me fallait. Les yeux bleus d'Alex s'accrochèrent aux miens. Troublée, je restai à le fixer. Des émotions contraires se miroitaient dans ses yeux. Peut-être que les miens faisaient entrevoir ces mêmes confusions.

Mon regard descendit vers sa bouche. Je passai ma langue sur mes lèvres désireuses de goûter les siennes. Son pouce vint effleurer ma lèvre avec une belle douceur. Je relevai mes yeux vers les siens. Un regard troublé par le désir.

« Mon p'tit, t'es où ?! Y a un client pour toi ! » cria Serge, ce qui brisa toute l'ambiance et la chaleur qui commençait à monter.

Alex s'écarta précipitamment de moi pour partir. Gênée, je restai dans ma petite pièce et poussai un soupir dès que la porte fut refermée.

Qu'est-ce qu'il m'arrivait ? J'avais perdu la tête. Il était mon employeur et il était hors de question que je me refasse piéger par un homme. Hors de question de tomber amoureuse une nouvelle fois pour recevoir un poignard en plein cœur.

Je me remis au travail en essayant de ne plus songer à son regard et son toucher qui ne me laissait pas indifférente.

« Au fait, pourquoi vous ne vouliez pas d'une secrétaire au début ? » demandai-je alors qu'il me raccompagna jusqu'à l'arrêt de bus. J'essayai de rester à une distance respectable pour éviter tout contact physique avec lui. Stupide. J'étais devenue une vraie ado maintenant.

Pendant un instant, il ne me répondit pas. J'avais pensé qu'il n'avait pas entendu ma question en étant trop dans ses pensées, mais une réponse s'échappa de sa bouche alors que je montais dans le bus.

« Pour éviter les complications. »

Étonnée, je crus voir un léger sourire se former sur ses lèvres tandis qu'il s'en allait. Je restai interdite face à ses mots. Venait-il d'insinuer que les femmes étaient chiantes ? Je ris toute seule en secouant la tête.

Une fois de retour dans mon appartement. Je fixai mon portable avec insistance. J'avais changé mon numéro pour éviter que David ne m'appelle, mais je n'avais pas pensé à mes parents qui auraient pu demander de mes nouvelles.

C'était stupide de trembler en composant le numéro de ses parents. Et pourtant ma main mit du temps à appuyer correctement sur l'écran. De simples chiffres appuyer sur un simple appareil qui pourraient me connecter avec leurs voix qui s'effaçaient de ma mémoire. Le dernier message qu'ils m'avaient envoyé remontait au moment du divorce avec David. Il y a quelques mois. J'espérai qu'ils soient toujours au Canada et qu'ils avaient toujours le même numéro.

Habillée simplement en jogging et débardeur, je m'assis en tailleur sur mon lit et portai l'appareil à mon oreille. Les bourdonnements sonnèrent dans mes tympans comme une alarme. L'instant où la sonnerie s'arrêta et où je reconnus la voix de mon père, une larme s'échappa de mes yeux.

« Allô Papa ? » dis-je d'une voix enrouée.

Je souris alors que j'entendis mon père jurer et ma mère crier dans le fond. Jamais je ne fus plus heureuse que de retrouver le son de leurs voix. Jamais je ne fus plus enchantée qu'ils me posent toutes les questions barbantes. Et jamais je ne fus plus ravie que de pleurer de joie. Un bavardage incessant rempli de rires et de larmes dura toute la nuit. Pour mon plus grand soulagement.



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