Jour 43

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Philippe Choupar était psychologue depuis longtemps, et celui de Damien depuis bien des années. En cette lourde chaleur d'été, calepin en main, il l'écoutait répondre aux questions qu'il lui posait sans jamais l'interrompre. Uniquement quand il sentait que le fourmillement de pensées de son protégé avait atteint son but.

« ... parfois un peu idiot. Comme avoir envie de dessiner mais ne pas savoir quoi esquisser. Ou d'écrire sans avoir la moindre trame. Mais une envie irrépressible, incontrôlable, et surtout malvenue. Parce qu'elle est là et qu'il n'y a rien à faire pour la faire partir.

– Mais avec une idée de perdition en plus, je me trompe ? C'est ce que tu exprimais tout à l'heure.

– Oui, c'est tout-à-fait ça. Parce que si on ne sait pas quoi écrire, est-ce qu'on est sûr d'avoir réellement envie d'écrire ?

– Et sans métaphore, que donne ta pensée ?

– Si je ne suis pas certain d'aimer Simon, peut-être que c'est simplement que je ne l'aime pas. »

Silence. Les pensées se tissaient d'elles-mêmes et Philippe ne chercha surtout  pas à les en empêcher.

« Pourtant, il existe quelque chose qui n'était pas là avant. Je le sens. Et finalement, peut-être que la présence même de ce doute ne fait que confirmer celle de cette chose nouvelle.

– Est-ce que tu saurais formuler ce qui te dérange le plus dans tout ça ?

– Ne pas savoir. Ne pas savoir situer la limite entre amour et amitié parce que je sais que j'ai systématiquement besoin du deuxième pour avoir le premier. Intensément besoin. Ne pas savoir de quel côté mes sentiments évoluent : amitié exponentielle ou amour fleurissant ? Ne pas savoir comment savoir.

– Je vois. Le schéma se répète, en quelque sorte.

– C'est très différent. Mais j'imagine que si on regard de loin, ça paraît semblable. Et le problème c'est que quand j'ai l'impression que la balance penche d'un côté, un élément arrive pour la ramener au centre et alors que je pensais pouvoir mettre des mots, je suis de nouveau perdu. Il y a les filles qu'il regarde, qui me provoquent un pincement au cœur et dans le ventre, il y a mes pensées, qui parfois ne m'imaginent pas du tout avec lui... Amour, puis amitié. Perpétuellement. Infiniment.

– Et lui ?

– Il ne regarde que les filles. Mais parfois... parfois je ne sais pas comment il les regarde et comment elles le regardent. J'interprète en ma défaveur ce qui a peut-être une autre valeur. D'amour ce qui n'est que d'amitié.

– Des rivales ?

– Pas vraiment. On ne rivalise pas sur quelque chose, quelqu'un également, auquel on ne peut prétendre. Et le pire c'est que je sais que ces questionnement qui me torturent, et quelle que soit leur réponse, ne changeront au fond rien. J'ai perdu avant même d'avoir pu prétendre jouer.

– Tu disais que quand tu y penses, tu ne te vois pas avec lui ?

– Pas plus qu'avec personne. Je ne m'imagine pas avec quelqu'un. Pas plus qu'avec lui. Mais c'est une seule question d'imagination. Et à côté de ça, j'aime profondément notre relation comme elle est aujourd'hui, et je n'ai ni envie de la perdre ni de la détruire. Ne pas chercher le plus et risquer de tout perdre. Surtout pour quelque chose qui n'existe peut-être même pas.

– Ça échouerait forcément ?

– Tout le monde ne s'aime pas pour la vie.

– Tu l'aimes, donc ?

– Oui. Terriblement. La question c'est « comment ? ». Et ça, je l'ignore. Mais je sens que j'en souffre. »

Damien se tut. Philippe n'ajouta rien. Il n'était pas magicien, ne voyait ni dans le cœur ni dans l'esprit du jeune homme. Et il sentait que son patient avait au fond de lui la réponse à son existentielle et douloureuse question, mais qu'il n'y avait seulement pas accès. Et c'était son boulot de l'aider.

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