Le petit chemin de terre

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Pas vraiment un conte, mais un petit délire née d'une balade bretonne que je ne savais où poster...

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Tout près de la maison de mes grands parents, au fin fond des landes bretonnes, se trouve un petit chemin de terre que personne n'emprunte jamais.

Il part à droite lorsqu'on longe la mer et se perds dans les champs abandonnés, dont les ronces et les hautes herbes débordent sur le sentier. En hiver, un épais brouillard rode toujours à cet endroit, comme un morceau de nuage trop lourd pour voler.

Les vacanciers passent devant sans s'arrêter.

Les vélos l'ignorent.

Les voitures ne le regardent même pas.

Ce n'est qu'un petit chemin de terre, après tout, à peine dessiné, probablement abandonné...

Mais un jour, un jour, j'irai jusqu'au bout.

Car j'ai rêvé hier soir, j'ai rêvé du petit chemin de terre... La lune était blonde et ronde, comme un œil écarquillé dans la voie lactée. J'étais sur la plage, dans mon rêve. À moins que ce ne soit l'endroit où je me sois endormi ? Je ne sais plus.

J'étais sur la plage, sous la lune blonde et ronde, lorsque j'ai entendu une musique. Le son lancinant d'une flute trainant dans le vent, ses notes longues s'y mêlant pour mieux l'apprivoiser.

Je me suis levée, étonnée, un peu perdue. Des voix ont commencé à chanter, scandant en canon des paroles qu'il me semblait pouvoir comprendre, des paroles qui résonnaient dans mon esprit comme... Comme...

« À la mer, à la lune, j'ai cousu ma peau d'écume

Pour traverser la voie où s'échappe la brume

Retrouver le pays du roi sans tombeau

La contrée de la fée jamais sortie des eaux... »

Une pâle lueur a commencé à percer au-dessus de la dune.

« Couds, couds, couds l'écume sur ta peau,

Fuis, fuis, le passage s'ouvre cette nuit ».

Je ne pouvais plus bouger, fascinée, tétanisée, clouée au sol par un inexplicable mélange d'angoisse et de joie, comme si mes sentiments ne venaient plus entièrement de moi.

Dans la lumière, une silhouette s'est dessinée. Celle d'un être sans âge, sans genre, sans contrée. Ses cheveux blancs, longs – si longs – flottaient autour de lui, comme des lambeaux de brouillard. Sa robe argentée trainait indéfiniment dans son sillage, semblable à ce que laissent les vagues qui se sont retirées. Il tenait une lanterne, suspendue au bout d'un long bâton, comme un pêcheur ayant capturé une étoile. Elle jetait sur la dune et la plage un trait de lumière net, comme une coulée argentée – ou un chemin.

L'être continua à avancer vers moi.

Dans son dos, d'autres personnes ont commencé à apparaître. Des adultes et des enfants, des vieillards et des bébés le suivant sans s'arrêter.

C'était eux qui chantaient.

« Couds, couds, couds l'écume sur ta peau.

Fuis, fuis, le passage s'ouvre cette nuit ».

L'être de lumière me dépassa sans ralentir, sans sembler s'apercevoir que j'étais là. L'espace d'un instant, je crus voir dans son dos l'ombre d'une paire d'ailes gigantesques, assez larges pour m'envelopper en entier. Puis tout s'est effacé.

Il a atteint la mer et s'est arrêté, enfin. J'ai vu les autres s'agglutiner autour de lui pour se pencher sur les vagues.

Je n'avais n'avais pas peur, pas froid, et n'était même plus fatigué, malgré l'heure bien avancée. Je ne ressentais qu'une profonde mélancolie, teintée d'une nostalgie lourde, pénétrante, presque douloureuse, comme si je me trouvais sur le point de retrouver quelque chose – ou quelqu'un – d'incroyablement important, mais qui se dérobait toujours, pourtant.

Sans cesser de chanter, ceux qui constituaient la procession – étaient-ils dix, vingt, cents ? – ont commencés à sortir de longues aiguilles nacrés de leurs manches, leurs poches ou leurs cheveux.

« Couds, couds, couds l'écume sur ta peau... »

Je ne me souviens plus des gestes. Tout me semblait si évident, si naturels, que je n'ai rien questionné. Avec la bonne aiguille, il était forcément simple de se vêtir d'écume, n'est-ce pas ?

Alors qu'ils n'étaient plus que des silhouettes flous, comme des rêves obscurs, une autre musique est née. Elle venait de loin, très loin, au large.

Les notes se sont progressivement faites plus fortes, plus pressantes...

Puis la lune à commencer à grossir, grossir, jusqu'à effleurer l'horizon...

Et à ce point de contact, une ombre s'est dessinée.

Une île.

Ceux qui s'étaient parés d'écume se sont avancés vers elle, comme soulevés par une brise légère.

« Fuis, fuis, le passage s'ouvre cette nuit ».

Et tout s'est tu.

L'île n'était plus. La lune ronde, blonde, avait retrouvé sa place dans la voute céleste.

L'être de lumière s'est retourné pour se diriger vers la dune. Je l'ai suivi, même si je savais déjà où il allait.

Car près de chez mes grands-parents se trouve un petit chemin de terre que personne n'emprunte jamais...

Il s'est arrêté devant et a tendu un doigt vers une pierre dressée à l'entrée, comme un menhir presque enfoui, que je n'avais jamais remarqué. Dessus était gravé : Demeure du passeur.

Et je me suis réveillée.

Dans mon lit.

Avec une longue aiguille nacrée entre mes doigts serrés.

Ce n'était qu'un rêve, évidemment. Mais il y a toujours ce petit chemin de terre, près de chez mes grands-parents...

Et un jour, un jour, j'irai voir jusqu'au bout, car quand je passe devant, je peux entendre dix, vingt, cent voix murmurer :

« Fuis, fuis, le passage s'ouvre cette nuit ».

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