Les Sortilèges du bois maudit 1/3

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Il était une fois, dans un royaume lointain, un petit village perdu aux abords d'une forêt.

C'était une forêt sombre, dangereuse et inhospitalière, où l'on voyait roder loups, fantômes, esprits malfaisants et démons assoiffés de sang.

Mais, pour le plus grand malheur des villageois, ce n'était pas la pire créature à hanter les sous-bois.

Il y avait aussi le Sorcier.

C'était un être sombre et vil, que l'on croisait parfois au détour d'un chemin. On ne voyait de lui qu'une ombre, une silhouette informe aux yeux rouges et à la longue robe noir. Mais l'on racontait que quiconque avait le malheur de l'entrapercevoir se trouvait pétrifié par son regard, et avait bien de la chance si son cœur ne cessait pas dans l'heure de battre...

Les nuits de pleine lune, le Sorcier s'aventurait parfois jusqu'au village. On barricadait les portes, on fermait les fenêtres, on se réfugiait au fond des lits... Mais ça ne suffisait pas. Il était trop puissant, ces soirs-là, pour se laisser arrêter par de simples obstacles mortels. Il pénétrait dans les maisons. Il ensorcelait les occupants. Et il enlevait des enfants.

Chaque mois, on entendait le cri des mères monter dans la nuit, et maudire le Sorcier. Mais pas trop fort. Pour ne pas qu'il entende...

Contre lui, au fil des très longues années, les villageois avaient peu à peu développé des moyens de défenses. Ils savaient que les êtres magiques détestaient le fer, alors ils fabriquaient des amulettes et s'enfonçaient dans la forêt, aussi loin qu'ils l'osaient, pour les planter dans les arbres. Il réduisait le fer en poudre, et le jetaient dans la rivière. Ils en faisaient des cercles, autours de leur maison. Ils en répandaient où ils le pouvaient. Ainsi, lorsque la lune ne lui prêtait pas ses pouvoirs, le Sorcier ne pouvait pas les atteindre.

L'histoire commence ici, vous vous en doutez, dans ce petit village rongé par la crainte et le chagrin, petite bourgade isolée à laquelle personne ne s'est jamais donné la peine d'attribuer un nom.

Elle commence avec deux jeunes gens souriants. Et si vous viviez là-bas, vous sauriez à quel point c'est rare. En fait, Frêne et Saule étaient les deux seuls être vivants qui osaient encore rire, dans ces contrées inhospitalières. Ils riaient à en perdre haleine, ignorant superbement les grimaces des plus vieux, qui craignaient que le Sorcier ne les entende et en prenne ombrage.

Ils étaient faits l'un pour l'autre, ces deux-là, aussi complémentaires que les deux pièces d'un puzzle, aussi semblable que différents.

Frêne était pareil à l'arbre qui lui avait donné son prénom. Il était fort, robuste et apaisant. D'un caractère calme et bienveillant, il était mu par un courage tranquille qui l'aidait à surmonter les plus lourdes épreuves. Il ne rechignait pas à la tâche, et aidait qui en avait besoin sans se poser de question et sans porter de jugement. Il n'était pas particulièrement intelligent, mais savait se montrer malin, efficace et pragmatique, quand la situation l'exigeait. Au fond, Frêne était un être simple, qui jouissait des bienfaits de la vie avec délectation, sans jamais compliquer outre mesure sa tâche. Il se contentait de ce qu'il avait, et s'en servait pour construire son bonheur. Bien peu sont ceux qui ont cette sagesse-là.

Saule était son opposé, comme l'air celui de la terre. Lui aussi, il ressemblait à son totem. Il était aussi fin et souple que Frêne était robuste, aussi vif et mouvant que Frêne était tranquille et lent. Il aimait courir dans le vent, lâcher ses longs cheveux d'une rousseur éclatante et nager nu dans la rivière. Il aimait rêvasser en composant des poèmes, écouter des histoires d'ailleurs, peindre des villes impossibles, et rêver d'étoiles lointaines.

Saule rêvait de partir. Loin de ce village gris où chaque éclat de joie était aussitôt sanctionné, loin de cet état de peur permanent qui rongeait l'existence de ses contemporains. Mais il savait que Frêne ne pouvait pas quitter ses proches, alors il restait, simplement heureux de côtoyer son cher ami.

Ils avaient dix-sept ans, et s'aimaient d'une affection sincère, sans oser encore se poser de trop questions.

Tout aurait pu continuer ainsi. Deux jeunes gens découvrant l'amour...

S'il n'y avait pas eut ce triste soir d'hiver, cette sombre nuit de pleine lune, où Saule disparu.

Enlevé.

Par le Sorcier.

Pour les vieux du village, c'était une confirmation : être joyeux n'apportait que des ennuis.

Pour Frêne, c'était la fin du monde.

Il passa une journée et une nuit entière à ne rien faire d'autre que pleurer, pleurer toutes les larmes de son corps. Puis il se redressa. Il partirait à la recherche de Saule. Il découvrirait ce qui lui était arrivé. Et il débarrasserait enfin le monde de ce Sorcier de malheur.

Mais il ne pouvait pas s'aventurer simplement dans la forêt, un pauvre couteau de chasse à la main. D'autres l'avaient fait avant lui. Aucun n'en était revenu.

Frêne était avant tout pragmatique. S'il voulait vaincre le Sorcier, il lui fallait apprendre.

Alors, animé d'une volonté inébranlable, il quitta le village. Il marcha des jours entiers jusqu'à atteindre la capitale, et se fit tant bien que mal admettre à l'école de chevalerie.

Là, il stupéfia ses professeur.es par sa force, son habilité au combat et son équilibre, mais aussi et surtout pour sa bravoure, son intelligence, sa volonté à toute épreuve et sa bonté inépuisable.

Quatre ans plus tard, Frêne était fait chevalier sous les vivats de la foule.

Mais malgré toute cette gloire et cette admiration, malgré ses années passées loin de chez lui, il n'avait pas oublié son but. Il n'avait pas oublié Saule. Comment aurait-il pu ?

Nul ne fut surpris de le voir délaisser les joutes et les tournois pour devenir chevalier errant, au service de son prochain.

Frêne rentra chez lui. Sur le chemin, il terrassa un monstre à trois têtes qui avait capturé un jeune homme, délivra un village d'un serpent géant, et captura une bête qui dévorait les enfants. Il ne garda aucun trophée : les seuls remerciements qu'il acceptait se comptabilisaient en sourires et en pintes de bière fraîche.

Les villageois qui l'avaient vu naître l'accueillirent avec des vivats et des bravos. Celui qui leur revenait était un jeune homme aussi fort que juste, et, accessoirement, assez beau pour faire chavirer le cœur de bien des spectateurs...

Frêne ignora le banquet dressé en son honneur. Il avait assez attendu. Il avait un Sorcier à chasser.

Vêtu de sa plus belle armure, armé de Terren, l'Épée-Étoile au fil assez tranchant pour fendre un cil, juché sur le dos de son fier destrier, Barden le Fidèle, le chevalier s'enfonça dans la forêt.

C'était la même forêt que dans ses souvenirs. Sombre. Dangereuse. Encore plus sinistre, si c'était possible.

Il avança prudemment, conscient de voir bouger des ombres, à la lisière de son champ de vision.

Les amulettes étaient plus nombreuses que dans son enfance, et s'enfonçaient plus loin sous les arbres. Bien. Les villageois avaient gagné du terrain. C'était le signe que l'heure du Sorcier approchait.

Il dépassa la dernière amulette avec appréhension, en resserrant sa poigne sur son épée.

Au fur et à mesure qu'il avançait au-delà du champ des amulettes, la forêt se modifiait, tout autour de lui. Les arbres étaient plus vigoureux, plus droits. Les feuilles plus vertes. L'herbe plus grasse, parsemée de feuilles et de fruits juteux. De multiples animaux grimpaient sur les troncs, plus curieux qu'effrayés de ce nouveau venu habillé si étrangement.

Parmi les insectes qui allaient de fleurs en fleurs, Frêne remarqua, surpris, quelques fées minuscules, occupées à butiner le pollen. Il avait pourtant lu qu'elles avaient toutes disparus. Un cerf croisa son chemin. Un cerf immense, aux bois démesurément grands. Il le dévisagea un instant, un air réprobateur dans ses yeux sans pupilles, et partit.

Sidéré, Frêne mit pieds à terre. Ainsi, le Sorcier utilisait sa magie pour donner à la forêt une apparence agréable, et garder auprès de lui toute sa ménagerie féerique... Le chevalier songea que s'il avait possédé un tel pouvoir, il aurait étendu ses sorts à la forêt entière, et offert au villageois une aire de prospérité et d'abondance sans fin.

Il avança encore, notant avec une certaine tristesse que les fleurs enchantées qu'il frôlait de son armure de fer se recroquevillaient, blessées par ce simple contact.

La forêt était de plus en plus dense.

Il entendit un brame, au loin. Pour une obscure raison, il était certain que c'était celui du cerf qu'il avait croisé.

Et, comme s'il s'était donné le mot, toutes les créatures disparurent. Il était seul, à nouveau.

Alors qu'il se faisait cette réflexion, comme pour le contrarier, quelque chose ébranla le sol. Quelque chose de lourd, violent, qui écrasait la terre à un rythme soutenu. Exactement comme si une créature gigantesque s'approchait de lui.

Enfin, probablement pas « comme si »...

Frêne lâcha les rênes de son cheval et se prépara à l'affrontement.

Devant lui, les arbres se plièrent. La forêt s'ouvrit.

Et, dans un jaillissement d'étincelle, surgit soudain un immense dragon bleu.

Frêne songea fugitivement que c'était un être magnifique. Il devait faire cinq ou six mètres de haut. Son corps élancé, terminé par une queue aussi longue que leste, réfléchissait en miroitant la lumière du soleil qui se fragmentait en heurtant les écailles, drapant d'arc-en-ciel mouvants l'extraordinaire bête. Le chevalier eut de la peine à l'idée de blesser une si splendide créature.

-Qui es-tu, tonna soudain le dragon d'une voix semblable aux roulements de l'orage. Que viens-tu faire en ces lieux ?

-Je m'appelle Frêne ! Répondit l'intéressé, aussi fort qu'il le put. Je suis chevalier, et je viens tuer le Sorcier de la forêt !

À ces mots, les yeux du dragon se rétrécirent, et de la fumée sortit de ses narines. Sa gueule s'ouvrit à demi, laissant paraître des crocs monstrueux.

-Tu es bien téméraire, l'humain, gronda la bête. Si tu veux continuer sur cette voie, je te tuerai, comme j'ai tué ceux qui sont venus avant toi. Tu as encore le choix. Pars, et ne reviens jamais !

Frêne songea à Saule. À son sourire. À ce trou dans son cœur, cette absence qu'il n'avait pas réussit à combler durant toutes ces années.

-Je te renvoie la pareille ! Lança-t-il, la brillante Terren dressée vers la face du dragon.

-Soit. Tu es seul responsable de ce choix, répondit la terrible bête en ouvrant sa gueule pour fondre sur lui.

Frêne eut juste le temps de sauter sur le côté avant que les crocs monstrueux ne le croquent. Il exécuta in extremis une roulade pour éviter la queue du dragon, qui siffla en passant au-dessus de sa tête, se releva, et sauta par-dessus la patte griffue qui tenta de le faucher.

Il devait trouver un moyen de vaincre son adversaire. Et vite.

Il observa les alentours.

À quelques mètres se dressait un surplomb rocheux. Frêne évita un coup de griffe destiné à séparer sa tête de son corps et se rua vers le rocher.

Il brandit Terren, et frappa.

Une lame normale, bien entendu, aurait explosée en milliers étincelles. Mais Terren était faite du même matériau que les étoiles, et ce fut la roche qui se fissura.

Inconscient de ce qui se tramait, le dragon attaqua encore.

Au même moment, Frêne abattit son épée, une deuxième fois.

Il y eut un craquement sourd.

Un énorme morceau de roche oscilla, hésitant entre la roche ou la terre... Et finalement, tomba. Pile sur la tête du dragon. La bête tituba, hésita, puis s'écroula, proprement assommé.

Le silence retomba sur la forêt. Plus lourd, plus angoissant qu'avant.

Frêne grimpa sur le dragon, et pointa son épée sur la gorge de sa victime. Il lui sembla soudain que la nature toute entière retenait son souffle.

Il prit son élan... Mais ne put achever son geste.

Il ne pouvait simplement pas tuer un être inconscient, aussi vil soit il.

Alors, il descendit et tourna le dos à la bête. Terren à la main, il continua son chemin dans la forêt silencieuse.

Cinq minutes plus tard, il arrivait devant la maison du Sorcier.

Enfin.

Il s'était attendu à un château sombre, plein de gargouilles et de courants d'air, et fut un peu déstabilisé de ne trouver qu'une chaumière, mais il savait que les apparences pouvaient être trompeuses.

Alors il s'avança. Prudemment, il poussa la porte, qui n'était pas verrouillée (ce qui était des plus suspects), et entra.

Il n'y avait qu'une grande pièce à l'intérieur. Une pièce ronde, au milieu de laquelle brûlait un petit feu. Sur les murs, des dizaines d'étagères supportaient fioles, sachets de poudres, boites étranges et autres objets inidentifiables.

Et, devant les flammes, lui tournant le dos, il y avait le Sorcier.

Les gens avaient raison. C'était une silhouette frêle, décharné, vêtue d'une robe noire. Debout devant les flammes, les mains dressées au-dessus de sa tête, il incantait dans une langue que Frêne ne connaissait pas. Quelque chose d'ancien et de dangereux, lui souffla son esprit.

-Sorcier ! Lança Frêne, son épée dressée. J'ai défais ton dragon ! Je suis venu te tuer !

Le Sorcier sursauta et se retourna brusquement avant de répondre, d'une voix catastrophée :

-Tu as tué Fafnir ?

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