Chapitre 89 : L'odeur du sang

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« Que les deux équipes entrent dans l'arène ! »

Le menton levé et le torse bombé, nos champions quittèrent les couloirs sombres pour rejoindre la lumière de l'arène. La foule hurla et hissa leurs banderoles à l'effigie de leur équipe favorite. Les drones-caméras s'élancèrent et capturèrent une vue d'ensemble du stade, démontrant la frénésie du public ainsi que les fiers représentants des meilleures académies héroïques.

L'ambiance était à son comble et le championnat à son paroxysme.

Nous étions sur la dernière plaque tournante de la compétition et c'était maintenant que tout allait se jouer. Quelle école se hisserait au rang de numéro une nationale ? Shiketsu ou bien Yuei ? Laquelle des deux ferait la différence ? Ces deux académies qui se confrontaient depuis toujours étaient à nouveau face à face, prêtes à en découdre.

« Il y a comme qui dirait un petit changement chez Yuei ! »

En effet, Tsukuyomi était désormais à ma place. Il avait aussi le droit à son heure de gloire et je ne regrettais absolument pas mon choix. L'apprenti-héros était maintenant aux côtés de Deku, Ground Zero, Creaty, Froppy et Shoto. De l'autre côté, Smog et Reflex s'étaient rétablis de leur affrontement et se tenaient derrière leur leader : Inasa Yoarashi.

Contrairement à moi, le manipulateur du vent n'avait pas cédé sa place et se tenait dignement devant son équipe. J'avais eu un avant-goût incroyable de ses capacités et cela ne manqua pas de m'inquiéter mais étrangement, cela ne dura pas.

Étonnamment, Todoroki s'écarta du groupe et se posta devant l'adolescent avant de lui déclarer quelque chose d'inaudible depuis notre position. Cela eut pour effet de creuser un sourire enchanté sur le visage de son adversaire et je compris rapidement que leur rivalité dont on m'avait tant parlé revenait sur le tapis.

De la même manière que Yoichi et moi, Todoroki et Inasa étaient des rivaux naturels.

« Bien ! Mes chers apprentis-héros, chers spectateurs, laissez-moi vous présenter les consignes de cette finale ! Comme vous le savez, cela change à chaque fois et nous n'avons pas fait dans la dentelle ! Que le stade se mette en place ! »

Il y eut tout à coup un grondement sourd avant que les plaques amovibles de l'arène ne recommencent à bouger. Cela ne choquait plus personne et ce ne fut pas très étonnant de voir les immeubles et la ville entière se faire engloutir sous terre, comme si c'était la chose la plus banale de ce monde.

Il devait y avoir des centaines de mètres de vide sous l'arène pour pouvoir contenir une aire urbaine aussi grande.

J'eus un léger vertige rien qu'en imaginant cette cavité souterraine.

Puis en échange de la ville, le terrain se modifia pour prendre un relief inattendu. Il ne s'agissait pas de la surface plane utilisée pour les duels mais un véritable récif montagneux similaire au SCA de Numéro Treize. Cela ressemblait à la zone des glissements de terrains imaginée par la cosmonaute. Des groupes de rochers émergèrent de la terre et donnèrent un aspect fouillis et désordonné à la fosse.

Immédiatement, des morceaux de roches se détachèrent des plus gros blocs et dévalèrent les pentes, ajoutant ainsi une image sinistre au spectacle. Tout était peut-être calculé, mais cette zone restait tout de même inconnue pour nos camarades.

- C'est quoi ça ? Pensa Kirishima à voix haute.

Mon regard suivit le sien et je fus surprise lorsque deux gigantesques trônes de pierre se dressèrent de chaque côté du terrain. Leur taille titanesque ne pouvait servir qu'à soutenir un géant et nos amis étaient loin de l'être.

Quelle serait leur utilité ?

Perché dans la régie et micro en main, le présentateur ne perdit pas plus de temps et nous éclaira dès que l'aménagement fut terminé :

« Tout est prêt, maintenant ! Pour commencer, le résultat de la demi-finale a monté Yuei et Shiketsu à ex-aequo dans le classement ! Vous êtes donc tous à la première place, mais qui s'y tiendra encore quand tout sera terminé ?! L'épreuve se déroulera avec les équipes au complet... Ou presque ! Un membre de chaque équipe devra s'asseoir sur le trône et y rester jusqu'à ce que le gong de fin retentisse ! »

Le public hurla et les adolescents se concertèrent aussitôt pour choisir qui resterait à l'écart.

« Vous l'avez sûrement compris, mais le but sera de détrôner le roi ou la reine de l'équipe adverse ! Tout est permis, dans le respect évidemment des consignes de sécurité. Ceux qui resteront sur le siège auront le droit de se défendre ! Vous pouvez également ne plus y être assis tant qu'une partie de votre corps est encore en contact avec le fauteuil ! »

Ils allaient devoir assurer attaque et défense simultanément.

Jusqu'ici, nous n'avions pu voir que trois élèves de Shiketsu en action et ainsi se faire une idée de leurs capacités. Malheureusement, ce n'était pas le cas de trois autres d'entre eux et ce manque de connaissance était un sacré obstacle pour cette finale. Ayant quitté l'équipe, mes camarades n'avaient plus l'atout de mon pouvoir inconnu à tous. Ils avaient tous été médiatisés et de toute évidence, les apprentis-héros de Shiketsu devaient s'être renseigné.

Même Tokoyami était connu pour avoir obtenu la troisième place au tournoi de Yuei l'année dernière.

- Ils sont habitués à foncer dans le tas sans réfléchir, ça va les forcer à établir une stratégie, constata Shinso, une main sur le menton. Et quand je dis « ils », je pense bien à Bakugo, Midoriya et Todoroki. Le travail d'équipe n'est pas leur spécialité mais Tokoyami sera le lien de l'équipe entre eux et le génie de Yaoyorozu et Asui.

Iida leva de nouveau la main et répondit aussitôt au jeune homme :

- Yaoyorozu ne les laissera pas faire n'importe quoi !

- Tsuyu non plus ! S'exclama Mina.

« Vous n'avez que trente minutes pour cette épreuve ! Les gagnants offriront à leur établissement le titre de meilleure académie du pays jusqu'au prochain concours ! Faites-vous connaître à travers le monde jeunes héros, la terre entière vous regarde ! »

Un nœud tira mon estomac.

Le monde entier... ? Cela faisait bien trop de personnes. J'étais mieux dans les gradins, un point noir parmi la foule, indiscernable pour les drones-caméras qui voltigeaient tout autour de l'arène.

« Bien ! Maintenant que tout est clair, il est temps pour les élus de chaque équipe de monter sur son trône ! »

Rapidement, ce fut Smog qui s'éloigna de son groupe et prit place sur la gigantesque assise de pierre. Le regard dur et déterminé à rattraper ses erreurs, elle croisa les jambes avec élégance et fit signe à ses camarades que tout était bon pour elle.

- Oh, c'est Yaomomo ! S'écria Toru en sautant dans les bras de Mina.

En un instant, mes yeux se posèrent sur l'opposé du terrain et effectivement, Momo était fièrement montée sur le siège de notre équipe.

Elle était resplendissante. Sa cape d'hiver reposait autour d'elle comme un grand voile sombre, lui donnant une image presque fantaisiste.

Il était surprenant de la voir prendre cette place. Elle qui était un des piliers du groupe, s'était finalement retirée. Les capacités de Momo leur aurait aisément permis d'en finir avec Smog mais visiblement, Yuei allait utiliser une autre stratégie.

« Mesdames, messieurs, et chers téléspectateurs, nous sommes ici aujourd'hui pour disputer la finale du Championnat Inter-Lycées héroïques du Japon ! Ils sont les héros de demain et vous avez dores et déjà pu voir nombre de leurs compétences ! Qu'ont-ils encore à nous offrir ?! Apprentis-héros, en place ! »

Sans grande surprise, Bakugo se mit en avant assez loin de Momo, prêt à tout casser. En arrière et dans une position plus défensive qu'offensive, Midoriya, Todoroki, Tsuyu et Tokoyami s'étaient dispersés de parts et d'autres du fauteuil, prêt à défendre la brune quoi qu'il leur en coûte.

Le silence régnait dans nos gradins. Nous n'avions aucune idée de quelle manière ils allaient gagner. Je redoutais le tempérament de Bakugo mais d'un autre côté, je savais qu'il ferait le nécessaire pour remporter la victoire, peu importe ce qu'il devait faire pour y parvenir. Le blond allait devoir coopérer avec son équipe s'il voulait avoir une chance et ça, nous ne savions pas si c'était possible.

Les secondes passèrent, une à une, d'une lenteur extrême où chacun des candidats en profita pour dévisager ses adversaires. L'hostilité entre eux ne cessa de monter durant cet infime instant que le présentateur se pressa d'interrompre, beuglant dans son micro comme si c'était sa dernière fois :

« Que l'épreuve commence ! »

Un gong retentit et aussitôt, le stade trembla à s'en effondrer.

Ce ne fut pas de la main de Bakugo, ni d'Inasa ou qui que ce soit d'autres. Non. C'était Creaty et Smog qui étaient passées à l'action. Elles avaient visiblement eu la même idée et cela n'échappa à personne. De longues barres en métal émergèrent du corps de mon amie avant de se planter dans le sol autour d'elle, rejoignant ainsi les plaques d'aciers qu'elle venaient tout juste d'éjecter de son dos. Son livre en main et l'air parfaitement serein, Momo fabriqua une véritable forteresse métallique autour d'elle pour se protéger, empêchant ainsi quiconque de s'approcher.

Réciproquement, un voile de brume noire s'éleva du côté de Shiketsu. Raja Kemuri, alias Smog, la camarade d'Inasa, venait de disparaître derrière un épais mur de brouillard, la rendant ainsi invisible aux yeux de tous.

Même les caméras ne la voyaient plus.

« Smog est invisible ! Attention à ne pas descendre de ton siège, jeune fille ! »

- Yaomomo va se défendre seule pendant que les autres attaquent ? Questionna Ochaco.

- Non ce ne serait pas judicieux, intervint Kendo de la classe B, le bouclier qu'elle s'est forgée ne suffira pas contre des élèves aussi bon que ceux de Shiketsu.

- Et elle le sait. Enfin, ils le savent tous. Maintenant, il ne reste plus qu'à voir quelle sera leur tactique, répondit Shinso.

Sans perdre plus de temps, Todoroki tapa du pied et d'immenses pics de glace sortir de terre pour entourer Momo. Ces gigantesques pieux gelés pouvaient empaler n'importe qui et avaient pour objectif de dissuader Shiketsu de s'approcher de l'adolescente.

Spécialisés dans l'attaque à longue et mi-distance, Asui, Todoroki et Tokoyami optèrent pour la protection de Momo tandis que Midoriya et Bakugo s'élancèrent contre leurs adversaires. Or, ce fut étonnant de voir qu'Inasa resta en arrière.

Au lieu de se jeter dans la bataille, le manipulateur du vent resta à la frontière de la brume et ne bougea pas d'un pouce, s'attirant immédiatement les foudres de l'explosif :

- Oï, crâne d'œuf ! Viens te battre !

Midoriya réagit aussitôt au venin du blond et prononça quelque chose d'inaudible pour nous.

Des filaments d'émeraudes l'entourèrent des pieds à la tête lorsqu'il activa le revêtement intégrale de son alter, prêt à en découdre. Aussitôt, un des élèves de Shiketsu que nous n'avions jamais vu se précipita contre Midoriya à l'aide d'un pouvoir de vitesse. Bakugo ne vit rien venir quand le jeune homme le contourna pour s'en prendre au vert.

Habillé d'un simple ensemble de sport à première vue, l'adolescent portait tout un tas de protection aux articulations, comme s'il s'apprêtait à engager une compétition de roller ou de volley-ball. Ses cheveux blonds cendrés étaient attachés en une queue de cheval assez lâche, laissant quelques mèches ondulées tomber autour de son visage. Une paire de baskets aux pieds, des mitaines noires aux mains et un sourire confiant plaqué aux lèvres, il avait plutôt l'air prêt à disputer un match sportif qu'un combat héroïque.

Toutefois, la vie à l'extérieur m'avait appris que les apparences étaient très trompeuses.

- Hé, la gazelle ! Laisse ce foutu nerd et bats-toi contre moi !

« Speed est le premier à passer à l'action ! »

Ayant sans doute vu le coup venir, Deku fléchit les jambes et anticipa le coup du dénommé « Speed ». Les deux s'entrechoquèrent, mains contre mains, et luttèrent de toutes leurs forces pour pousser l'autre. Le pouvoir de Midoriya se concentra dans ses jambes et éclata la terre sous ses pieds, tandis que la vitesse du blond lui procurait une force ahurissante. La vitesse contre laquelle il s'était jeté contre le vert avait soulevé un épais nuage de poussière derrière lui et n'avait pas manqué d'arracher une grimace à Midoriya.

- Il est temps de voir ce que la première ligne de Yuei vaut ! S'écria-t-il, enjoué par l'affrontement.

- Intéressant, commenta Midoriya, un grand sourire aux lèvres malgré son front en sueur.

- Démerde-toi Deku ! Rugit Bakugo.

Notre explosif se jeta corps et âme contre les trois autres qui n'avaient pas bougé, paumes en avant et sur le point de tout détruire. Cependant, ce ne fut pas eux qui l'accueilli, mais plutôt Inasa qui avait peut-être prévu le coup depuis le début. Qu'il ait anticipé l'attaque de ses adversaires, c'était évident, mais que ce soit Bakugo, ça, il l'avait peut-être su dès le début.

Inasa connaissait Bakugo et avait probablement établi son plan en fonction de cet adversaire.

Lorsque le blond fut assez proche du reste de l'équipe, Inasa activa son alter, créant ainsi un tourbillon de vent tout près du blond. Il ne put avancer plus, bloqué par un mur infranchissable. De ce fait, il passa ses mains derrière lui et tenta de se propulser en avant à l'aide d'une explosion. Malheureusement, ce qu'il n'avait pas prévu fut que la brume autour de Smog réagit au vent d'Inasa. Le brouillard s'engouffra dans la tornade, la rendant aussi noire que les ténèbres.

Cette tempête obscure fonça droit sur Bakugo qui ne put rien faire contre cette puissance dévastatrice. Il fut éjecté jusqu'à Midoriya, incapable d'avancer plus loin.

- Pas très soudés les gamins de Yuei ! S'exclama Speed.

Bakugo ne put le supporter et ce fut sans grande surprise que de lourdes détonations explosèrent dans le stade. Les gradins en tremblèrent et cela re-provoqua l'euphorie du public. Ils hurlèrent, sifflèrent et encouragèrent les adolescents.

La liesse des spectateurs était de retour.

Et la bataille débuta véritablement.

- I-Il faut que j'aille voir si Kyoka va bien, déclara soudainement Kaminari derrière moi.

- Ne vas pas aux toilettes des filles, pervers ! Rétorqua Toru, les poings sur les hanches.

Le blond se gratta nerveusement la nuque pour la seconde fois.

Tout aussi inquiète que lui, mon mauvais pressentiment me poussa à intervenir :

- J'y vais.

Les yeux d'or de l'électrique se posèrent sur moi, mais dévièrent aussitôt sur ma jambe blessée.

- Ce n'est peut-être pas une bonne idée.

- Oui, tu devrais te reposer, ajouta Kirishima.

J'attrapais mes béquilles in extremis et me hissais habilement sur mon seul pied valide.

- Mais Toru a raison, tu n'as pas le droit d'aller aux toilettes des filles. Laisse-moi faire, ça ira.

En réalité, je voulais simplement constater par moi-même si elle allait bien. Il était vrai que son cas m'inquiétait depuis quelques minutes et même si je mourrais d'envie d'assister à cette finale, une partie de moi ne pouvait tout simplement pas regarder le spectacle sereinement.

De toute manière, j'étais certaine que la brune n'était pas allée bien loin et que nous pourrions rapidement revenir ici si je me dépêchais de la trouver.

Mon amie ne serait certainement pas ravie de louper un évènement pareil et c'est pour cela que je me devais de la ramener.

- Tu veux que je t'accompagne ? Proposa Mina, les yeux scotchés sur l'arène.

Je secouais la tête au négatif.

- Elle ne doit pas être bien loin, reste assister au match.

Mes camarades acquiescèrent et notre délégué ne manqua pas de m'ordonner de revenir aussitôt que possible. Après les avoir rassuré mille fois, je les quittais en clapotant comme un cheval dans les petites marches des gradins. Ceux-ci menaient vers l'arrière du stade et débouchaient sur la multitude de couloirs qui formaient un vrai labyrinthe dans le bâtiment.

J'essayais de me dépêcher malgré mon handicap et ce fut sans surprise que je ne trouvais personne dans les toilettes adjacentes des gradins. Kaminari disait que Kyoka les avait quittés juste après la pause déjeuner, donc il me fallait au moins remonter jusqu'à la cafétéria.

Je décidais donc de m'éloigner un peu du cœur du championnat et de remonter tout le couloir principal. Celui-ci déboucha sur un petit hall similaire à celui où Yoichi et moi discutions plus tôt.

Ce ne fut pas tant la décoration très sobre ni les quelques pots de fleurs qui attirèrent mon attention, mais plutôt la présence insolite d'une ex-adversaire sur l'une des banquettes.

Les épaules voûtées et la tête baissée, Rei Kemusho, que je connaissais comme Reina, avait le regard perdu dans le vide. La jeune fille ne bougeait pas d'un pouce, les bras ballants. Ses yeux étaient fixés sur un point lointain, noyée dans ses pensées.

Cette vision ne dura pas longtemps puisque le clapotement de mes béquilles attira tout de suite son attention. Comme si elle avait été prise d'un électrochoc, elle releva la tête et planta son regard dans le mien. L'ambre de nos yeux se heurtèrent et s'accrochèrent quelques infimes secondes.

Ne sachant comment réagir, je restais sur mes gardes et ne prononça pas un mot.

Au contraire, Reina prit le temps d'observer chacun de mes petits pansements et bandages avant de pousser un long soupir. Je crus que son âme allait sortir de son corps tellement la jeune fille semblait désespérée. Son dos s'affaissa encore et elle détourna le regard, légèrement mal à l'aise.

- Tu es bien amochée. Yuei n'est pas censé avoir une infirmière au taquet ?

- Elle ne peut pas s'absenter de l'académie, répondis-je sans trop de volonté.

Il m'était impossible d'oublier nos accrochages.

Même si tout cela n'était qu'un « jeu », une compétition, nous étions tous allés trop loin pour que cela soit encore considéré ainsi. Les éliminations des uns et des autres avaient été trop importantes pour faire une croix sur cette affaire.

Reina nous avait marché dessus.

Et j'avais à mon tour piétiné la jeune fille.

- Je vois.

Elle n'ajouta rien de plus et je décidais de continuer mon chemin, priorisant Kyoka à une discussion avec la blonde. Je passais devant elle la tête haute en essayant de ne pas croiser son regard à nouveau. Cependant, la jeune fille s'adressa à moi encore une fois, d'un air bien plus commode :

- Tu es blessée, pourquoi ne restes-tu pas dans les gradins à regarder ton équipe ?

Je me raclais la gorge.

- Mon amie a dû s'égarer et je m'inquiète pour elle.

Elle haussa un sourcil et croisa les bras.

- Le stade n'est pourtant pas si grand.

- Peut-être, mais je dois la ramener quand même.

Reina souffla encore une fois avant de se lever et de me suivre sans un mot. Dans l'incompréhension, je ne pus m'empêcher de la questionner d'un ton quelque peu hostile :

- Tu fais quoi ?

- Ce serait bête que tu te casses l'autre jambe en tombant donc je t'accompagne.

Ce ne fut que lorsqu'elle s'approcha de moi que je vis les rougeurs autour de ses yeux et son visage bouffi. Elle avait sans aucun doute pleuré mais je m'abstins de tout commentaire. Remarquant mon regard insistant, elle tourna la tête sur le côté avant de m'accompagner dans le plus grand des silences.

Je n'étais pas à l'aise avec cette fille.

J'avais cette sensation de ne pas pouvoir être à l'abri. Cela faisait une éternité que je n'avais pas ressenti ça et ce sentiment était plus que détestable. Je restais cependant silencieuse, ignorant un peu la blonde qui ne me lâcha pas d'une semelle.

- Tu penses que ton équipe va gagner ? Intervint-elle après un moment.

- Je l'espère.

- Puisque tu es ici, ça veut dire que tu as un remplaçant ou quelque chose comme ça ?

Cette question m'arracha un petit sourire en pensant à Tokoyami.

- Oui, et mes camarades sont à la hauteur.

- Tes camarades, hein... Répéta-t-elle, un peu dans le vague.

Avant que le silence ne retombe, je m'empressais de poser la question qui brûlait mes lèvres depuis un moment :

- Pourquoi n'as-tu pas laissé tes amis participer ?

La blonde se braqua aussitôt, la mine renfrognée.

- Ça ne te regarde pas.

Je haussais les épaules et repris ma route sans rien dire. Je l'entendis jurer dans sa barbe avant de me rattraper en quelques enjambées.

- Je suis la plus puissante de mon équipe, déclara-t-elle de but en blanc.

- Tu m'en diras tant, répondis-je en levant les yeux au ciel.

On se foudroya comme deux chiens prêts à se sauter à la gorge. Durant quelques instants, la tension devint si glaciale qu'une des employées qui passait par là se pressa de quitter le couloir. Reina s'approcha d'un pas mais, au lieu de s'en prendre à moi, un voile de tristesse emprunt son regard.

- Il n'y a pas que ça, n'est-ce pas ? Insistais-je.

La jeune fille laissa tomber une partie de ses remparts et osa avouer :

- Tch. Qu'on me pardonne pour t'avoir révéler ça. Tu vois, mon alter est très puissant pour quelqu'un de notre âge. Il n'y a aucune explication scientifique et les médecins ne considèrent pas cela comme un fait alarmant. Je ne suis ni malade ni mutante. Pourtant, c'est pour ça que j'ai eu ma place pour le championnat. Mes camarades m'ont poussé à participer en sachant que j'avais la capacité de gagner. Le fossé entre eux et moi est réel. Puisqu'ils souhaitaient décrocher la victoire, c'est moi qu'ils ont mit en avant. Je n'ai pas vraiment eu le choix.

Devais-je la croire ?

- Vos professeurs tolèrent un tel comportement ?

- Il faut croire.

Mes lèvres s'affaissèrent, désappointée.

- Peut-être que Ketsubutsu ne te correspond pas.

- Bien sûr que si ! S'exclama-t-elle aussitôt. C'était le lycée de mes rêves et-

- Alors si c'est celui de tes rêves, fais en sorte que cela ne devienne pas un cauchemar. C'est tout ce que je peux te dire. Je ne sais pas ce que tu vis au quotidien dans ton apprentissage héroïque et je ne sais pas qui tu es réellement. Mais tout ce que je sais, c'est que je ne cautionne pas la violence dont tu as fait preuve sous prétexte qu'il s'agissait d'une compétition. Le massacre de plusieurs élèves, ça ne passe pas.

- Tch. T'es vraiment agaçante, la sauvage.

Mes mains se serrèrent autour des poignées et mes mâchoires grincèrent à l'évocation de ce surnom. Vexée, j'accélérais le pas même s'il m'était impossible de la semer. Personne ne m'avait jamais appelé comme ça depuis que j'étais sortie de Kamaryuu et cette appellation me rappelait inévitablement d'où je venais.

Constatant mon attitude, la blonde voulut se rattraper mais fut coupée au moment où Kyoka apparut dans mon champ de vision. Devant un distributeur et les yeux fixés sur quelque chose à l'intérieur, mon amie se tenait non loin de moi, complètement absorbée par ses pensées.

- Kyoka ! M'écriais-je, soulagée de la retrouver.

L'intéressé sursauta et me jeta un regard surpris.

Je me précipitais à ses côtés, Reina sur mes talons. La brune m'observa longuement avant de se reprendre, visiblement ailleurs. Des petites rougeurs naquirent sur ses joues et elle ne bougea pas d'un pouce jusqu'à ce que je la rejoigne.

- Où étais-tu ? On était tous inquiets. La finale a déjà commencé.

- La finale ? Oh oui, la finale hein.

Je jetais un œil au distributeur.

- Tu souhaitais boire quelque chose ? Lui demandais-je en sortant des petites pièces qui traînaient dans ma poche.

Elle sembla enfin revenir à elle et se pencha vers moi, ou plutôt vers la brique de jus qu'elle convoitait en me la montrant du doigt.

Mais le temps s'arrêta.

À cet instant, une seule et unique chose, un simple détail, pourtant infime, fit naître un nœud d'angoisse terrible dans mon estomac.

Je me figeais, une sueur froide glissant contre mon échine.

Apeurée, ce fut difficile de cacher la pointe d'effroi dans ma voix :

- Dis-moi Kyoka, ça a été hier soir avec Kaminari ? Tentais-je.

L'odeur du sang.

Pour avoir les mains tachées de cette empreinte, pour y avoir baigné et y avoir plongé les pieds, je pouvais reconnaître la senteur du liquide écarlate depuis des années.

Cela n'avait été qu'un courant d'air, juste en se penchant vers moi et pourtant, j'avais pu immédiatement le remarquer.

Et mon amie n'avait jamais porté cette odeur.

Surprise par ma question, les joues de la brune devinrent de plus en plus rouges alors que son petit air timide fut balayé par un sourire béant.

- Oh, bien sûr ! C'était sympa, on s'est amusés !

Ce fut le signal de trop.

À la grande surprise de Reina et Kyoka, je laissais tomber mes béquilles et attrapais le bras de la brune avant de le casser sec. Son os craqua contre mon genou et fut sans doute pulvériser en morceaux. Ses yeux s'écarquillèrent et elle cria de douleur. La pseudo-Kyoka se dégagea avec force de mon emprise et attrapa son poignet en reculant.

Elle ne souriait plus.

Son visage n'affichait que déception.

- Mais ça va pas ?! Hurla presque Reina en me maîtrisant.

- Lâche-moi ! Cette fille n'est pas Kyoka ! Elle n'a jamais vu Kaminari hier et elle pue le sang !

L'intéressée recula encore tandis que mon ancienne adversaire me prit sans doute pour une folle. Cependant, on resta toutes les deux bêtes quand la peau, non, toute l'enveloppe charnelle et vestimentaire de Kyoka commença à fondre en une boue couleur chair.

Reina me lâcha aussitôt, horrifiée par ce qu'il se passait devant elle.

Je me rattrapais in extremis contre le distributeur.

- Toi je ne t'aime pas, commenta l'intrus.

La substance liquide ne cessa de couler jusqu'à dévoiler une jeune fille entièrement nue et qui étonnamment, devait avoir le même âge que nous. Elle avait perdu sa gaieté et nous dévisageait comme si elle ne nous avait jamais vu. Ses cheveux étaient d'un blond très clair et relevés en deux chignons de chaque côtés de sa tête. Son regard de reptile nous fixait alors que sa mâchoire révélait des canines pointues.

- Himiko Toga ! S'exclama Reina. On te croyait anéantie avec l'Alliance ! Si tu crois que je vais te laisser partir !

La jeune fille entreprit d'activer son alter. Malheureusement, la vilaine fut plus rapide et lui décrocha un coup de pied d'une force monstre. Reina tomba la tête la première et fut sonnée par l'impact.

- Oups ! Ricana-t-elle. J'aurais bien pris un peu de votre sang mais voyez-vous, je n'ai ni mes poignards, ni le temps de le faire. Donc sur ce, à la revoyure !

- Attends ! Où est la vraie Kyoka ?!

Un rire dément sortit du fond de ses entrailles avant qu'elle n'ajoute d'un air machiavélique :

- À vous de la retrouver, petits héros.

Sur ces mots, elle se précipita vers la fenêtre la plus proche et la brisa facilement. Incapable de la rattraper, je la laissais fuir en glissant contre la vitre du distributeur, amère. Les larmes me montèrent alors que les débris de verre nous tombèrent dessus par centaines, peut-être même pas milliers.

Et alors que je retins un sanglot d'inquiétude pour ma précieuse amie, la fugue de cette imposteur déclencha une alarme surpuissante à travers tout le stade. 

_________

Hey, hey, hey ! Bonjour tout le monde ! 

Je sais, j'ai mis du temps à vous le poster. Mais le chapitre est enfin là et c'était le plus long que j'ai jamais écris, je crois, enfin bref ! J'étais impatiente de vous le publier !

Les pions de l'échiquier sont tous en place, hâte de lire la suite ? 😏

N'hésitez pas à me laisser vos avis, je sais que mon écriture a légèrement changé ces derniers chapitres donc ne soyez surtout pas timides ! 

Bisous ღ 

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