La vieille dame qui regardait les étoiles

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              Je suis de ces personnes qui aiment se promener le soir, quand la nuit tombe et que les étoiles pointent le bout de leur nez. J’affectionnais beaucoup le parc à deux rues de chez moi, pour sa beauté et sa tranquillité, et c’est pourquoi j’en avais fait mon lieu de ballade.

                Il y avait en son centre un petit étang, où se reflétaient les astres et où dansaient les roseaux dans la brise légère. Et face à celui-ci se trouvait un banc. Pourquoi est-ce si important ? Parce que c’est là que j’y ai fait la plus belle des rencontres.

                Sur ce banc donc, se trouvait une petite vieille. Elle venait s’asseoir tous les soirs et restait de longues minutes à contempler les étoiles. Qu’il pleuve ou qu’il vente, elle était là, imperturbable. Et elle était belle ainsi, cette vieille femme qui l’espace d’un instant semblait dans un autre monde, à fixer la voûte céleste à la recherche d’on ne sait quoi.

                Elle m’intriguait. Que pouvaient bien cacher ses grands yeux de cristal ? Quelle raison la poussait à venir ici chaque jour sans rien faire d’autre que regarder les étoiles ? Je voulais savoir. Alors, un soir, je m’assis moi aussi sur le banc.

                Elle ne me regarda pas, elle n’esquissa pas le moindre geste. Alors j’attendis. J’attendis que ses yeux se détachent du ciel et se posent sur moi. Quand son regard croisa le mien, je ne pus m’empêcher de rester ainsi quelques secondes.

                Ce que je vis dans ses yeux restera à jamais gravé dans ma mémoire. Une myriade de sentiments défilait devant moi. Insouciance, joie, peine, tristesse, amour, colère… Tout se croisait dans ses iris aux couleurs de glace.

                J’ouvris enfin la bouche :

- Excusez-moi de vous déranger, mais je voulais vous poser une question qui me trotte dans la tête depuis un moment.

- Il n’y a pas de mal mon garçon, faites, faites ! Murmura-t-elle en souriant.

- Eh bien, je voulais savoir la réelle raison de votre présence ici, sur ce même banc, chaque soir. Parce que je sais que vous faites plus que regarder les étoiles, n’est-ce pas ?

- Vous avez raison. Il y a bien plus que cela. Mais c’est une histoire assez longue, je le crains !

- J’ai tout mon temps, continuez, je vous en pris ! 

                Son regard se perdit dans la nuit et elle entama son récit :

- La réalité, c’est que ce banc a été au cœur de ma vie. Il est au centre de chacun des moments importants que j’ai vécu, dans chacun de mes souvenirs.

C’est sur ce banc que je m’asseyais petite fille pour donner du pain aux canards, sur ce banc que je passais des après-midi entiers à lire. C’est sur ce banc que je l’ai rencontré, lui. L’homme de ma vie.

Il était venu me poser une question, comme vous l’avez fait aujourd’hui. Et il est revenu chaque jour après ça. C’est sur ce banc qu’on s’est embrassé pour la première fois, sur ce banc qu’il m’a demandée en mariage… Oh vous l’auriez vu ! Il avait disposé des bougies et des roses tout autour, il avait attendu que la lune ait fait son apparition, il voulait que tout soit parfait. Et ça l’était.

Après ça, ce banc à été mon siège quand je laissais nos enfants courir dans le parc, il a connu les pique-niques et les goûters après les promenades, les rires et les chansons. Mais il n’y a pas eu que de la joie sur ce banc, non.

Il a aussi été le témoin des disputes entre ma fille et moi, des cris et des insultes, mais il a surtout été témoin de la plus affreuse des nouvelles. Mon mari, mon cher et tendre époux, avait l’obligation de partir combattre aux côtés de nos soldats. C’est ici qu’il me l’a annoncé.

Il n’est jamais revenu. Des années plus tard, un de ses compagnons m’a apporté une lettre. C’est ici que je l’ai lu pour la première fois. Je la connais par cœur à force de l’avoir parcourue. Je vous la ferais lire un jour.

Je l’aimais tellement vous savez… Alors j’ai continué de venir ici chaque soir, parce que sur ce banc, je le retrouve. Il est là, à côté de moi, il me montre les étoiles et me dit qu’un jour, on en fera partie, de cette immensité brillante et mystérieuse. Et puis il s’en va, emportant ma peine avec lui. Ce banc, c’est le dernier lien qu’il me reste avec la personne que j’ai le plus aimé. Et je viendrais m’asseoir là jusqu’à ce que la mort m’emmène auprès de lui. »

             Elle se tu, et je pris alors conscience du bruit des voitures et des passants autour de nous. C’est comme si le temps de son discours la ville toute entière avait retenu sa respiration, et qu’elle expirait enfin.

              Avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, elle se leva et partit, aussi soudainement que les autres fois.

              Quelques jours plus tard, on retrouva son corps gelé sur le banc. Par les températures glaciales de ce mois de janvier, la pauvre femme avait dû s’endormir pour ne plus jamais se réveiller. Ce banc avait été à ses côtés jusqu’à sa mort.

                Le lendemain, en ouvrant la boîte aux lettres, j’y trouvais une enveloppe où été écrit à l’encre bleue : « Pour l’homme qui a voulu savoir ». J’attendis d’être assis sur le banc devant l’étang pour l’ouvrir. A l’intérieur, deux lettres, l’une rédigée sur un papier blanc et l’autre sur un papier jauni par le temps. Je commençai par la plus récente.

« Si vous lisez ces quelques mots, c’est que je ne suis sûrement plus de ce monde, mais ne soyez pas triste. Il était temps pour moi de rejoindre mon amour, et c’est avec le cœur léger que je quitte cette terre. Comme promis, voici la lettre de mon défunt mari.

Je vous souhaite une belle vie,

La vieille dame qui regardait les étoiles »

                Je m’empressai d’ouvrir la deuxième lettre.

« Ma chère et tendre épouse, je crois bien que mes jours sont comptés, et c’est pourquoi je t’écris.

J’aurais voulu te serrer une dernière fois dans mes bras, mais je me contenterai de te dire que je t’aime. Je t’ai aimé dès le premier jour où je t’ai vue, assise sur ce vieux banc, les yeux rivés sur ton livre. Et je n’ai jamais cessé de t’aimer.

Ne t’arrête jamais de rêver et de rire, même si je ne suis plus là pour le faire avec toi. Je suis arrivé au bout du chemin, mais ce n’est pas ton cas, alors continue de vivre, et un jour, on se reverra, là-haut, dans les étoiles.

Adieu mon amour, je t’aime à jamais,

                                                                                                                      Ton époux »

               Une goutte vient s’écraser sur le papier. Tiens, il pleut ? Alors je réalise, ce n’est pas une goutte de pluie, mais une larme, je suis en train de pleurer. Je renverse ma tête en arrière et fixe les étoiles de mes yeux embués.

                Ces deux-là s’aimaient, du véritable amour, celui dont tout le monde rêve, mais que très peu connaissent. La cupidité de l’homme et sa soif de pouvoir les a séparés. Mais maintenant ils sont ensemble pour l’éternité, à contempler le monde depuis la Voie lactée.

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