i. la dernière fois est une première fois

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hey,
voici danser avec le langage des yeux, une œuvre qui a la prétention d'être plus longue que tout ce que j'ai pu écrire jusque ici. pour le moment, j'ai moins d'une dizaine de chapitres déjà rédigés donc je posterai de façon aléatoire (et j'espère finir cette œuvre un jour, on verra bien où cela me mène)
en tout cas, je prends énormément de plaisir à écrire sur soren et azadée, à les écrire et je me plais à les faire évoluer et à leur faire vivre leurs propres existences.
j'espère que cela te plaira également ! bonne lecture :)

- fau 🌻

la première fois que azadée vit soren, il ne se passa rien. elle ne ressentit qu'une admiration profonde en remarquant des cicatrices au niveau de ses pectoraux, là où se tenaient avant les seins. ceux-ci avaient fané, disparu et azadée s'est immédiatement réjouie de cette fierté exprimée, farouchement revendiquée. chez soren, elle ne s'est souvenue que de ce torse fort, solide et exposé comme un trophée. elle a sûrement eu une pensée sauvage, furtive qui marqua dès à présent son attirance pour le jeune homme, mais a dû l'éluder avec la même simplicité que l'on oublie tout un tas de détails. et puis, une fois les cicatrices vues, elle a secoué la tête, souriant à demi et s'est pleinement replongée dans le spectacle de danse dont ce corps était le soliste principal.
il ne se passa rien quand azadée vit soren pour la première fois, il ne se passa rien de plus que la banalité du quotidien et des émerveillements de la jeune femme. il ne se passa rien qui aurait pu présager la suite, l'envisager sans aucune peur de se tromper. en plus, soren ne vit même pas azadée ; il ne la connaissait pas, ne connaissait rien de son existence.
cette première rencontre n'en est une que dans les romans et rien dans le réel des jours usés ne donnait à voir le beau qui allait arriver. en ce jeudi vingt-trois avril deux-mille-vingt-et-un, au soir, rien ne débuta entre azadée et soren.

à la fin du spectacle, azadée rentra chez elle, évitant la rue sombre et sale qui donnait tout près de son appartement et se coucha immédiatement, se collant contre maé, celle qui partageait sa vie. elle aima la simplicité de ce contact, sentant sa peau s'agripper à celle de sa petite amie, y retrouver tous ses repères comme s'il lui était possible de les perdre en une journée passée sans elle. les deux femmes firent l'amour ce soir-là, avant même que maé ne lui demande alors ce spectacle, c'était comment ? avec une jalousie certaine de l'avoir manqué, retenue par le travail. peut-être que si maé n'avait pas eu ce manuscrit d'une célèbre autrice à corriger au plus vite, rien ne se serait passé ainsi ; rien ne se serait sûrement passé tout court.
elles firent l'amour longtemps, perdant presque leurs souffles dans toute cette intimité qui ne faisait que s'étioler. elles ne pensèrent à rien, ni pendant l'amour, ni après. elles parlèrent ensuite de leur journée, de la banalité des jours, des gens, de ce rien qui prenait possession de leurs vies. pourtant, ni l'une ni l'autre ne semblait nostalgique ou contrariée de cette existence qui était la leur, commune et pourtant si étrangère et lointaine. leur amour, même s'il tendait à disparaître, réparait ces choses-là, cet affaiblissement de la passion et de la vitalité. alors elles firent l'amour comme si elles s'aimaient de la même façon qu'au premier jour, avec la même intensité, comme si elles s'étaient toujours aimées et rien ne vint troubler ce calme, cette nécessité du désir d'être ensemble.
en s'endormant, longtemps après l'amour, confortablement lovée contre le corps de son amoureuse, azadée ne pensa pas au spectacle, et encore moins au torse délicat du jeune homme. elle avait oublié soren, oublié qu'elle l'avait vu ; il n'y avait rien entre eux.

soren, lui, après le spectacle, fit la fête. c'était la première et le public avait été au rendez-vous, enthousiaste de cette grâce s'échappant des corps. après s'être changé et démaquillé, perdant alors une partie de lui-même, le jeune homme se rendit avec aliaume et pavel, deux autres danseurs, dans l'un des bars les plus proches. il ne mangea pas, bien qu'il mourrait de faim. il bu beaucoup, hypnotisé par le soleil qui déclinait dans le ciel, lui offrant une teinte rose pâle, rose comme un souvenir. il rit à pleine gorge, tremblant de sa propre énergie, effrayé même par tout ce qu'il avait encore à dire, à évacuer. il parla fort et personne n'osa le lui faire remarquer. on le laissa être heureux, une seconde à peine, au moins.
et puis on se disait il est beau ce jeune homme, ça se voyait dans les regards, ceux des inconnu.es du bar et ceux de ses amis aussi. danser faisait du bien à soren, lui donnait une raison d'être, quelque chose de grand auquel il pouvait se raccrocher pour exister. alors, il était heureux de son corps, de ce qu'il avait fait, de celui qu'il avait été pendant plus d'une heure et demie.
tout le monde le trouva beau et rayonnant ce soir-là, uriel encore plus que les autres. iel avait assisté au spectacle et était venu.e dans ce même bar, seul.e avec le ravissement de lol v. stein et sa playlist "beaux moments". iel lu toute la soirée, lançant sans même s'en rendre compte des regards à soren. iels passèrent ensemble la fin de la soirée, la nuit - et puis quelques autres après celle-ci. soren emmena uriel dans son petit appartement, situé à quelques arrêts de métro plus loin - iels auraient pu y aller à pied mais le silence des rues les aurait intimé de se parler. iels firent l'amour sans un bruit, sans un mot, sans un soupir, sans un prénom et uriel s'endormit vite, avant que soren ne remarqua le sommeil dans ses yeux.
alors, il resta seul avec lui-même, enlevant avec douceur et tendresse le bras d'uriel qui entourait sa taille, et alla fumer une cigarette sur son balcon. il ne fumait jamais et avait pris la cigarette dans les affaires d'uriel. le ciel sombre et lointain fut le seul témoin de ses multiples échecs lorsqu'il voulut l'allumer : il avait une peur inexplicable et terrassante du feu. il fuma sans savoir pourquoi il le faisait et retourna dans le lit plus d'une heure plus tard, l'esprit rempli de ces pensées qui ne savaient pas mourir. il regarda uriel, profondément endormi.e et se dit, comme pour s'en assurer, que l'amour n'aurait pas raison de lui cette fois-ci. il l'oublia tout en lae regardant, et se laissa tomber là où il n'y avait rien entre le monde et lui.

soren rêva qu'il se fracturait la cheville et, ne pouvant plus danser, tentait une nouvelle fois de se suicider. azadée rêva que maé avait perdu ses seins et qu'ils n'étaient plus que deux cicatrices rosées et sensibles, de celles qu'on regarde de loin alors qu'on ne souhaite que les embrasser. aucun des deux ne rêva de l'autre - bien que l'inconscient de l'azadée l'aurait voulu - ou d'un amour qui transcendait tout, qui donnait à voir une existence toute entière.
le jeune homme fit en sorte qu'uriel parte tôt le lendemain matin, prétextant des répétitions pour le spectacle du soir. iel ne contesta pas ce départ forcé, décidé arbitrairement, dans le manque de sentiments mais promis de venir le voir danser le soir-même. il ne sut pas comment lui dire que ce n'était pas la peine alors il ne dit rien, lae laissant le trouver beau et rayonnant de nouveau.
azadée, de son côté, accepta, dans une parole distraite par la latence du matin, de retourner voir le spectacle avec maé. ensuite, elle partit à l'université, déposant un baiser furtif mais tendre sur les lèvres de sa petite amie. elle sourit lorsque celle-ci lui murmura à ce soir mon ange, je t'aime et continua de sourire lorsqu'elle lui dit je t'aime aussi, passe une bonne journée. elle ne savait pas pourquoi elle souriait, ne parvenait pas à le savoir, ne voulant pas le savoir. l'amour, pensait-elle, n'a pas besoin d'explication ou d'être expliqué.

il ne se passa rien dans leurs journées respectives, rien de plus que dans toutes les autres journées. aucune étincelle ou anecdote n'intervint dans leurs journées, rien qui méritait d'être raconté, retenu. azadée enfourcha son vélo vers sept heures quarante cinq, le souffle déjà court de cet effort qu'elle faisait tous les matins. elle pédala vite, plus vite qu'à l'accoutumée, comme si elle avait besoin de se montrer que son corps était en état de marche, en était capable. sur le chemin, elle perdit le billet du spectacle de la veille qu'elle avait encore dans la poche de sa veste - un bleu de travail trouvé en friperie - et ne se rendit jamais compte de cette disparition. le morceau de papier s'échoua sur l'asphalte, sombrant dans l'oubli dont il était victime. le vent renonça même à le faire voler, virevolter, le laissant simplement à la merci d'une flaque d'eau qui datait de la dernière pluie.
la jeune femme arriva en avance - ce qui, pour elle, signifiait être à l'heure - et retrouva nour, côme et aloyse, des étudiant.es de sa promo, avec qui elle espérait rester amie pour toute une vie. azadée ne leur parla pas du torse du jeune homme, ni même du spectacle qu'elle avait vu la veille. à vrai dire, elle ne dit quasiment rien, les écoutant simplement se chamailler à propos de l'endroit où iels allaient se rendre manger le midi et débattre du dernier cours de monsieur giraud, leur professeur d'histoire de l'art qu'aucun.e des trois n'aimait. elle était la seule à, secrètement, apprécier la gestuelle, la voix et la façon de parler. elle avait écrit quelques lignes sur lui, dans un carnet noir abîmé et corné, comme pour garder un souvenir de ce monsieur et des détails qui constituaient sa personne. elle était intriguée par lui, son allure détendue, presqu'encore adolescente alors qu'il devait, approximativement, avoir quarante cinq ans. azadée était une personne attentive à chaque détail, reconnaissante de la beauté qu'elle retrouvait en chacun.e et de la douceur qu'elle éprouvait en regardant les inconnu.es.
ainsi, à ce moment-là seulement, elle se souvint du jeune danseur et des cicatrices qui avaient éclos sur son torse. elle sortit alors avec empressement son carnet noir et écrivit dedans sans la moindre considération pour ses ami.es qui parlaient maintenant de la soirée organisée chez aloyse, quelques jours plus tard. personne ne lui demanda ce qu'elle écrivait, ni pourquoi elle le faisait à cet instant précis ; tout le monde savait qu'azadée était comme ça, à l'affût de toute cette réalité qui existait en permanence autour d'elle, comme si elle en était parfois étrangère. et puis il fallut aller en cours, laisser traîner les conversations pour les reprendre - ou non - plus tard et azadée garda le carnet fermement serré dans sa main toute la matinée, donnant la possibilité à qui le souhaitait d'entrevoir une date et une phrase, écrites au stylo vert : 24.04.21 - hier, dans la danse il y avait un jeune homme au torse fleuri par la fierté, il était beau.
dès lors, azadée ne put s'empêcher de penser à soren. il ne s'était rien passé entre eux, la veille, pourtant à cet instant, il se passa quelque chose entre leurs deux existences. elle pensa alors très fort à la représentation à laquelle elle allait se rendre ce soir-là. elle oublia même qu'elle irait avec maé, obnubilée par le désir de revoir le torse tendre et fort du danseur.

soren, lui, ne pensa pas à azadée.. il ne pensa qu'à son corps, sa peur atroce et désastreuse de se blesser en s'échauffant ou lors de la générale qui précédait chaque spectacle. il passa la journée à danser, dans le studio de sa compagnie. il s'y était rendu en métro, lui qui y allait pourtant souvent à pied, de peur de se faire renverser par une voiture sur le chemin. jamais il n'avait été aussi stressé à la venue d'une représentation, même lors de la première de la veille. son rêve tournait en boucle dans sa tête, le corps lourd de toute cette peur. il ne pensa pas à uriel, déjà lassé de son corps qui ne savait pas se mouvoir comme le sien. il dansa juste, oubliant tout sauf son corps qui vivait dans cette expression sans limite et sans faille qu'on lui offrait.
il improvisait beaucoup, laissant les chansons venir à lui et la danse se saisir de son corps comme si celui-ci ne lui appartenait plus vraiment. il était seul dans le studio, laissant le silence de la réalité planer sur son corps, sur les mouvements qu'il donnait à voir. il préférait danser dans la solitude, se sentant enfin détaché de lui-même, comme si tout ce qui n'allait pas chez lui pouvait disparaître au profit de la beauté qu'il faisait naître de son corps. soren dansait bien, très bien même et il le savait ; on le lui disait souvent. il se savait satisfait de sa danse, de son corps dans la danse et n'était pas de ceux qui se tuaient à la tâche pour effectuer tel ou tel mouvement en apparence impossible. non, soren était de ceux qui laissaient leurs corps danser, qui s'observaient eux-mêmes dans cette prouesse de leur existence.
il n'entendit pas aliaume et pavel arriver, une heure à peine avant la générale, dans les bruissements des corps qui se préparent, brûlant de cette impatience qui surplombait tout. les deux jeunes hommes le trouvèrent en transe, incandescent de lui-même et de ce qu'il parvenait à faire. quand il dansait, soren ne voyait personne, il était seul. c'est pour cela sans doute qu'il n'a pas remarqué le regard d'azadée tendrement déposé sur lui durant le spectacle du soir passé. peut-être que s'il voyait les regards qui lui coulaient dessus tout aurait été différent. peut-être qu'il n'y aurait pas eu uriel mais azadée dans son appartement et qu'il aurait éprouvé ces sentiments de passion qu'on éprouve pour toute une vie.

dans le studio, cette après-midi là, soren ne s'arrêta de danser seulement lorsque pavel baissa le volume de la musique, de sorte à se faire remarquer. le jeune homme bredouilla des excuses pour ne pas avoir vu ses amis et, dans l'incompréhension générale, se mit à pleurer. ce n'était que quelques larmes, rien que trois petites perles d'eau translucides, cristallines mais tout le monde les remarqua. dans les miroirs de la salle, soren les vit avant de les sentir, lointain de lui-même. pavel et aliaume ne dirent rien, familiers de la souffrance de soren et se précipitèrent vers lui pour le serrer dans leurs bras. il ne fallut rien de plus pour que soren perde ses larmes et découvre sa voix. j'ai peur pour ce soir, je sens qu'il va se passer quelque chose, il chuchota, le corps tout tremblant et ses deux amis se regardèrent furtivement. aucun des deux ne lui demanda ce qu'était ce quelque chose mais soren le dit quand même, surtout pour lui-même : il va se passer quelque chose pour lequel je ne suis pas prêt, quelque chose de si beau que je trouverai ça terrible. soren ne connaissait pas azadée, ne savait rien d'elle mais, sans le vouloir, avait déjà envisagé sa présence, son existence.

rien ne s'est passé quand azadée a vu soren pour la première fois. pourtant, tout entre eux était né dans cette latence des regards, dans cet évitement involontaire des existences qui ne demandait qu'à être résolu. soren et azadé étaient des inconnu.es, auraient pu ne jamais se connaître, comme ça, sans que personne n'en sache jamais rien. ils auraient pu ne jamais se voir, se savoir, vivre dans cette ignorance confortable et délicate de l'autre. mais il n'en sera rien ; il ne se passera plus aucune léthargie entre azadée et soren.

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