Chapitre 7: Kroì, ou le soldat infortuné

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Yūnan arriva enfin à la caserne, en pleine nuit, et s'arrêta devant une herse de fer, portant les armoiries de Tsolais, et fermée. Ce fut un soldat royal qui l'interpella. Il avait vêtu les armures caractéristiques de bronze et d'acier des militaires du seigneur Égée. L'homme en armure s'adressa à lui:

-Qui êtes vous et d'où venez vous? Répondez ou vous serez empalé! Déclara le soldat, qui mit mal à l'aise le frère d'Aisling.

Il s'empressa de répondre, car le garde n'avait pas l'air patient:«Je m'appelle Yūnan et je viens d'Imeachta. Je suis venu par ce que j'ai été appelé pour servir le roi et son armée»

Le vigile semblait satisfait de sa réponse, qui lui fit signe de passer la herse, maintenant ouverte.

-Nous allons te montrer au capitaine. Tu as de la chance, il a décidé de passer la nuit dehors.

-Eh bien, je compte bien faire le mieux que je peux pour réussir! S'écria Yūnan, plein d'espoirs.

-Oh, non. Tu penses ça, mais les premières semaines sont éprouvantes, seuls quelques d'entre nous restent après leurs deux ans de service... Ce sont souvent les meilleurs, comme notre capitaine. Pour te dire, c'est mon deuxième mois, et je suis déjà à bout...

Yūnan suivit son guide, immédiatement remplacé par un autre clone en armure, pour le tour de garde. Ils suivirent des allées de tentes dressées partout dans le camp. Au bout de quelques minutes, les deux hommes atteignirent une habitation plus imposante que celles alentours, et une lueur était perçue à l'intérieur.

Le garde entra en premier et s'arrêta après le palier. Il s'inclina et dit, de façon solennelle, un texte qu'il devait avoir appris par cœur:

«Je vous salue, capitaine Œil de Tigre. Voici un nouvel aspirant qui répond à la lettre de Cesare.» Il se retira après avoir dit ces mots, et fit passer Yūnan devant lui, qui s'interrogeait sur le caractère du capitaine. Il priait intérieurement :«Œil de Tigre, je l'espère assez bon, pour pouvoir bien m'intégrer au camp.»

Le capitaine concerné était debout, de dos, les mains sur une carte d'Alkarim. Il était chauve et avait les muscles apparents, forgés sans doutes par des années d'entraînement et de batailles. Il se retourna lentement, et Yūnan put constater qu'il était borgne. Un bandeau noir lui cachait l'œil droit.

Œil de Tigre dit d'une voix forte:«Approche toi, Yūnan, fils de Dùnkan.»Le futur soldat s'exécuta et attendit un signe, ne serait-ce qu'un regard, pour prononcer le serment. À la place, le capitaine lui demanda ce qu'il espérait trouver ici.

Yūnan savait cela comme étant un piège, et adapta le serment pour commencer par cette partie sur les valeurs apprises à la caserne. Il prit une voix décidée, plaça la main sur sa poitrine et prononça sa version du serment:

«Moi Yūnan, fils de Dùnkan, je fais ce périple et cet entraînement afin de forger mon corps comme mon esprit, à travers des exercices physiques, des batailles pleines de gloire. Je recherche aussi des valeurs morales, comme ma patience, mon sens de la justice, ma convivialité et mon amitié envers mes pairs. Je jure aussi de respecter mes camarades, les autres soldats, et d'en accorder plus encore à mes supérieurs.»

Après avoir entendu ces paroles, Œil de Tigre l'interrogea sur la deuxième partie du serment, et lui fit dire ce à quoi il s'engageait. Mais il posa cette question à mi-mots, comme pour la centième fois de la journée où il devait poser la question. Alors Yūnan reprit:

«Je jure sur l'honneur et sur celui de mon père, ma mère et mes descendants, de servir au mieux l'armée du seigneur Égée, roi d'Alkarim et chef de la ville de Tsolais. Je m'engage à faire la différence lors d'une bataille, car comme un seul grain de riz peut faire pencher la balance, un seul soldat peut renverser le cours d'une guerre.
Je m'engage à accepter tous les devoirs qui me seront décernés, et à les accueillir avec le même respect qu'une médaille, car il n'y a pas de tâche ingrate.»

Yūnan n'en revenait pas d'avoir réussi à dire tout le serment sans faillir devant le regard impassible du capitaine, qui lui dit d'une voix lasse: «C'est bien. Tu peux aller poser ta tente parmi les autres.»

Un soldat lui indiqua son nouvel espace de vie. Une fois sur le terrain, il se rendit compte avec découragement qu'il ne pourrait pas faire sa tente seul. Et aucune autre n'était éclairée, peut-être qu'ils dormaient.

Mais il entendit les coups d'une épée contre le bois derrière lui. Yūnan se retourna et vit le terrain d'entraînement, où seul une personne s'entraînait, sûrement un homme, car il savait que les femmes ne venaient pas dans les casernes. Il partit voir le soldat qui s'entraînait et le héla de loin:

«Toi aussi, tu ne dors pas?». La personne concernée ne devait pas être plus vieille que lui, mais semblait être là depuis plus longtemps, et avait déjà des traits plus durs que le nouveau. Une fois à ses côtés, il s'adressa à Yūnan:

-C'est toi qui a fait ouvrir la herse? Ce n'est pas un reproche. Je m'appelle Kroí, tu dois être Yūnan, le seul soldat estropié, sans méchanceté. C'est bête de t'avoir fait venir.

-Salut à toi, Kroí, mais je ne pense pas que j'aurais dû rester chez moi. Je me dois d'être égal aux autres hommes d'Alkarim. Mon handicap se compense.

-Sages paroles, désolé pour ce que j'ai dit. Chacun qui arrive au camp a une histoire à raconter, quelle est la tienne
pour en arriver à venir ici?

-J'arrive d'Imeachta, et mon bras est porté disparu, emporté par un loup blanc, répondit Yūnan avec humour. Lorsque nous avons reçu le lettre de Cesare à la maison, je me suis préparé et suis parti au plus vite. À mon avis, ils ont hésité à me demander et c'est pour cela que je ne viens que maintenant. Rien de particulier à part ça. Et toi?

-N'imagine rien, Cesare n'écrit pas toutes ses lettres. Dans chaque caserne, des hommes sont engagés pour rédiger à sa place. Sans critiquer le tien, j'ai eût un périple très long, sombre et peu honorable. Assis-toi, cela va durer.

Yūnan s'exécuta, attentif aux paroles de son nouveau compagnon.

                                                                 *

Kroí était né sur la glace, presque au sens propre. Il venait d'un village très petit, ancré sur une montagne, réduit en ruines aujourd'hui, mais il se souvenait du nom de Surroc, loin vers le Nord Est d'Alkarim.

Ses parents, pour résumer, n'avaient pas eu autant de chance qu'ils en méritaient. Lors d'une des fêtes du village célébrant l'approche de la naissance, leur histoire bascula. Le but était, durant la gestation de la mère, de faire voyager les futurs parents jusqu'au sommet de leur montagne, sur lequel un esprit millénaire vivait et accordait sa bénédiction de santé et de fortune, en échange d'offrandes diverses qu'ils avaient emmené.

Mais pour les parents de Kroí, le ciel en avait ordonné autrement. Lors de leur périlleuse ascension, la mère avait accouché, en plein blizzard. Normalement, la naissance se faisait au village, après le voyage, mais le nourrisson était né prématurément.

Kroí aurait dû mourir du froid mordant, pire que celui qui régnait à Imeachta. Étonnamment, ce furent ses parents qui perdirent la vie, et leurs dernières traces avaient été emportées par la neige. Kroí appris depuis sa naissance à descendre la montagne, sans la bénédiction héréditaire, jusqu'au village.

Une fois arrivé, grelottant, apeuré, mais vivant, le miraculé partit trouver refuge auprès des habitants, nu comme un ver, ou presque. Il ne lui restait que le mouchoir de sa mère, avec son nom, Maria.

Les gens le reconnurent comme l'enfant des disparus et il vécu avec la chamane du village. Il apprit à manier les potions, herbes médicinales et certains sorts de froid ou de guérison. Il eût une vie presque normale, mais n'était pas destiné à être chaman, même s'il en avait eu l'éducation, car elle avait déjà une fille dont la vie était choisie plus tôt.

Et à un âge plus avancé, il sût manier l'épée, un art dont il semblait être prodige depuis le début, et partit du village pour répondre à l'appel de l'armée royale. En chemin, des brigands le rencontrèrent. Celui qui semblait être le chef s'avança:

«Alors, le petit, tu es perdu? C'est très lourd ce que tu as sur le dos. On va te soulager de ce poids!»

Alors ils commencèrent par le voler et le rouer de coups et, seul contre les cinq personnes qui l'encerclaient, il n'eut d'autre choix que de les désarmer .

Mais malencontreusement, il ôta la vie du premier, le chef, et fut pris de panique en réalisant ce qu'il avait fait. Il avait tué. Les autres voleurs détalèrent et Kroí les poursuivit un à un, avant qu'ils ne laissent tomber leur butin en fuyant, alors il ne les avait pas pourchassé.

Depuis il n'avait jamais réussi à enlever le sang séché sur sa lame, qui portait désormais le nom de Rougegorge. Il n'avait pas ressenti de plaisir à tuer, pour lui cet acte était abominable, mais il y était contraint et il se promit de ne plus tuer personne à l'avenir.

Après cela, il était arrivé à la caserne et avait commencé son service, à l'âge de quinze ans, il y a deux lunes.

                                                                                                     *

-Voilà, conclut Kroí après son récit, ma triste histoire. Veux-tu croiser le fer, pour voir ta force et pour passer le temps?

-Je viens d'arriver, mais si tu veux, je m'entraîne avec toi et après, tu voudrais m'aider pour ma tente, s'il te plaît? Demanda Yūnan.

Kroí acquiesça, et se tint en garde, avec une épée semblable à celle du nouveau. Mais après avoir entendu son histoire, le novice reconnut l'arme, qui portait toujours la trace de sang, séché depuis trois mois, selon le bretteur. Yūnan prit la même position d'attaque. Et au moment où Kroí se lançait, ils entendirent une voix:

«Arrêtez vos gamineries, les petits! Vous feriez pire que des enfants avec un soldat atrophié et un autre qui n'obéit pas à ses supérieurs!»

C'était un homme de leur âge qui s'avançait vers eux, vêtu d'une armure bardée d'une médaille de sous-officier, et de beaucoup de graisse.

Il parla ensuite à Kroí:«Alors, morveux, tu me serviras enfin, comme la première ligne devrait le faire?» Le "première ligne" resta impassible et silencieux, ce qui permit à l'ancien soldat de s'adresser à Yūnan:

«Désolé, le manchot! Je ne t'avais pas vu. Je m'appelle Roden et, en tant que sous-officier, je dois être servi par les gens inférieurs comme toi!»

-Dégage, fils de riche, rétorqua Kroí, tu n'as rien à faire ici!

Roden se tourna vers lui et tenta de lui asséner un coup de poing furtif dans l'estomac. Kroí fut le premier à réagir et barra avec le tranchant de son épée, ce qui entailla profondément la main de l'agresseur, qui la retira en hurlant:«Tu vas payer ça, encore une fois!»

Yūnan se rendit enfin compte, et s'adressa à Kroí. Il lui demanda si c'était vrai qu'il avait désobéi à un supérieur, ce qui lui semblait une faute impardonnable. «Je n'ai pas respecté ce qu'il m'a commandé, par ce qu'il n'a pas eu ce grade par honneur, mais ses parents ont acheté ce titre pour leur enfant. Je ne respecte que l'honneur, les muscles des efforts et l'esprit endurcis par les épreuves, comme le notre. Mais pas l'argent et l'héritage que l'on ne gagne pas soi-même.»

Il adressa un sourire à Roden et lui dit:

«On vas voir si tu sauras te montrer digne de mon respect. Si tu gagnes, je te sers durant tout le service. Mais si j'obtient la victoire que je mérite, tu me donnes ton grade!»

La proposition était folle des deux côtés, mais Roden prit part au marché, sûr de sa victoire. Ils se tinrent en garde. Le gros garçon chargea en premier, et ne se rendit compte de son erreur qu'après que ses pieds aient quitté le sol.

Kroí esquiva ce coup en adressant ses félicitations au supérieur pour avoir fait un coup d'apprenti, avant de le désarmer d'un tour d'épée habile et de le pousser à terre d'un coup de botte avant de pointer la lame maudite sur sa gorge.

Un homme effrayé, immobilisé sur le sol, était menacé par un première ligne, Rougegorge prête à faire son travail. Quand Kroí relâcha son emprise, cette arme semblait triste de ne pas pourfendre, car Kroí avait fait couler une goutte seulement de son sang,l'avait laissé sur son épée, et cela donnait l'illusion que la lame pleurait.

Ce bretteur, en plus d'avoir sa justice, savait faire la mise en scène. Après avoir arraché la médaille de Roden du bout de son arme, il dit, à l'attention de Yūnan,«Voilà comment monter en grade. Combat l'injustice et fais toi remarquer. Viens, on va faire ta tente, et désolé si tu n'as pu t'entraîner. Mais puisque même toi, si tu dis vrai et que tu compenses ton handicap, tu pouvais le battre, attrape, je ne cherche pas les honneurs, mais juste à finir ce service au plus vite!»

Yūnan prit au vol l'insigne que Kroí lui avait lancé, celui de sous-officier, et ce dernier garda pour lui le plaisir de prendre le plat de Rougegorge et d'assommer Roden avant de partir avec Yūnan. Si le novice montait aussi facilement en grade durant son service, il serait général dés le premier mois! Au moment où ils rentraient, un soldat de garde le héla:

-On te donne deux jours pour t'installer. Après, tu vas commencer les tours de garde. Rassure-toi, ça ne durera pas toute la nuit.

Puis il fit mine de partir, mais revint sur ses propos:«Par contre, la cantine est au sud du camp, à l'opposé du terrain d'entraînement, n'oublie pas.»

Yūnan commençait le service avec un ami à ses côtés, ce qui était un avantage, payé au prix d'un ennemi inoffensif. Mais cet inconvénient n'inquiétait pas le novice.

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