Irokaï attendit qu'il fasse nuit noire pour quitter le clan et Ahandel. Il était déjà transformé en lynx et portait sur son dos le strict nécessaire à son voyage, qui s'avérait court mais intense. Il ne prévoyait pas de s'arrêter, à part pour manger et dormir quelques heures. Son pelage sombre lui assurait d'être repéré plus difficilement si jamais les sbires de son père venaient à le poursuivre mais il doutait que cela arrive. Son père préférerait sans doute s'en prendre à ceux qu'il a sous la main et le forcer à revenir fissa. Son cœur se tordit à l'idée qu'il pose ses sales pattes sur Nin.

Il secoua la tête et fonça vers la sortie de la ville. Il ne regarda pas en arrière, sinon il vacillerait et il ne pouvait pas se le permettre. Il n'avait qu'un seul objectif en tête : retrouver son frère.

Il lui fallut 2 jours et demi avant d'arriver à Ivory. La route était beaucoup plus escarpée qu'il ne le pensait et il avait du faire un détour à cause d'un glissement de terrain dans la montagne. Il fut soulagé de voir les lumières de la ville. Il n'avait aucune idée de l'heure qu'il était, il avait calculé dans les environs de 18h.

Il se changea en humain dans un coin tranquille et frissonna malgré lui. Rester aussi longtemps sous forme animale compliquait le retour à la forme humaine. Il enfila les vêtements de son sac, et rabattit une capuche sur sa tête. Il devait se faire discret.

Maintenant il devait trouver Amanaël. Il concentra ses sens sur l'odeur de son frère mais elle était quasiment inexistante dans cette partie de la ville. Il demandait aux rares personnes qu'il croisait s'il le connaissait, à tout hasard. La ville n'était pas si grande, quand il s'était renseigné, il avait vu 1 600 habitants. Le tour devrait être vite fait.

Au bout de deux heures, il commença à fatiguer et songea à reprendre ses recherches le lendemain mais une boutique attira son attention. Ou plutôt son flair. Il était certain d'avoir reconnu l'odeur d'un thériantrope mais impossible de discerner s'il s'agissait d'Amanaël ou non.

Il s'approcha de la devanture et en déduit que ce devait être une boutique artistique ou artisanale, au vu du nom grec qui figurait sur la pancarte. Il avait toujours apprécié l'Art, depuis son enfance, mais il n'y avait plus porté d'intérêt depuis que son père avait prit les rênes de sa vie.

Il toqua à la porte et attendit une réponse. Il entendit nettement des pas à l'intérieur et son cœur commença a battre plus fort. Ce dernier manqua même un battement quand il vit celui qui lui ouvrit.

Il ne s'était pas trompé, c'était bien un thériantrope mais pas de son espèce. Reptilien sans doute ? Il fut néanmoins couper dans ses pensées par la voix de l'étranger.

- Je peux vous aider ? demanda-t-il d'une voix calme.

- Je cherche quelqu'un, vous pourriez peut-être m'aider.

- Si c'est dans mes compétences je le ferai avec plaisir.

- En fait je...

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'un corps puissant le renversa à terre et qu'une main enserrait sa gorge.

- Ne t'avise pas de t'approcher de lui, gronda la voix au-dessus de lui.

- Amanaël calme-toi enfin ! fit Eliam en posant une main sur son épaule.

- Non Eliam c'est Irokaï !!! hurla-t-il presque que toute la rue avait du l'entendre.

Le sculpteur eut un geste de recul et s'éloigna prudemment. Son instinct lui disait de ne pas se mêler de ce qui allait suivre et de rester en sûreté.

- Comment oses-tu venir ici, sale bâtard ?

- Ecoute moi s'il te plait, avant de m'écorcher vif, veux-tu.

Irokaï se dégagea sans trop de mal de son frère et enleva la poussière de ses vêtements une fois debout.

Mais c'était sans compter sur l'autre félin qui le plaqua contre le mur, le menaçant de nouveau de ne pas tenter quoi que ce soit envers lui.

- Tu as deux minutes pour parler, ensuite je te jette dans le caniveau à moitié mort.

Irokaï devait la jouer fine et aller à l'essentiel. Il inspira un grand coup et posa sa main sur celle de son frère.

- Ce que j'ai fait, j'ai du le faire sous la menace de notre père, je n'ai jamais eu l'intention de te nuire, à toi ou ta famille. Je n'avais pas le choix. Je devais te faire disparaître ou mes propres amis auraient été tués. Il voulait que j'utilise un maléfice de notre clan, pour marquer le coup. Je suis vraiment désolée de tout ce qui t'est arrivé mais maintenant il faut que tu reviennes avec moi, lâcha-t-il comme une bombe.

- Attends attends tu vas trop vite là ! Tu comptes me faire croire ces conneries en plus ?!

Irokaï sentait que c'était mal barré et il essaya de nouveau de parler lorsque l'autre homme se décida à intervenir.

- Amanaël, tu peux sentir si il ment ou non. Ecoute les battements de son cœur.

- Eliam s'il te plait, écarte-toi de lui.

Ce dernier s'exécuta mais insista pour vérifier les dires du nouveau venu à son jeune amant. Amanaël posa sa main libre sur le torse de son demi-frère et constata effectivement

que les battements de son cœur étaient stables. Par ailleurs il lut très clairement la sincérité au fond de ses yeux dorés. Il claqua sa langue, passablement énervé.

- On devrait tous rentrer et discuter tranquillement avant d'ameuter tout le quartier, vous ne croyez pas ?

Amanaël grommela mais libéra son frère de sa poigne. Eliam déposa un léger baiser sur sa joue et rentra le premier, soulagé que son homme n'ait pas explosé de colère en pleine rue. Avant qu'Amanaël n'ait pu emboiter le pas au sculpteur, Irokaï le retint.

- Toi aussi, il y a des choses que tu vas devoir m'expliquer visiblement.

- Je n'ai pas à me justifier de quoi que ce soit devant toi. Avance, fit-il en le trainant dans l'atelier.

Le son de la porte résonna dans la nuit.