Chapitre 3

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17 janvier 2021
138 jours


La chaleur de l'eau qui tombait sur mes épaules et le long de mon dos me faisait du bien. Comme la tendresse rassurante d'une mère, elle venait détendre les muscles noueux de mon cou, les torsions désagréables de mon estomac. Les yeux fermés, je profitais des jets de la douche pour me perdre dans mes pensées déstructurées, guidées par le chaos et les souvenirs qui revenaient en masse. Depuis combien de temps étais-je en train de me laver. Une minute ? Cinq ? Dix ? Plus ? Et puis, qu'est-ce que j'en avais à faire... J'étais bien là, dans ce silence, dans ce cocon chaud.

Alors que je laissais couler l'eau sans pause sur mon corps, sans réflexion particulière dans mon esprit, mes oreilles perçurent légèrement le claquement d'une porte au loin, puis d'une seconde plus proche de moi. Mais je ne bougeai pas, restant piégée dans cette douce léthargie.
« Crystal ! »

Je reconnus le timbre de voix de Saphir. Doucement, mes paupières se relevèrent, papillonnant rapidement pour chasser de leurs cils les gouttes d'eau, puis je portai mon intention sur mon aînée. Cette dernière battait l'air de sa main avant de se diriger vers la fenêtre qu'elle ouvrit, chassant l'atmosphère étouffante causée par la buée et ma douche bien trop chaude. Pouvant de nouveau respirer normalement, elle revint vers moi, remonta la manche de son pull sur son bras droit et brava les jets d'eau pour venir les éteindre.
« Saphir, soufflai-je en rejetant la tête en arrière.
- Ce n'est pas toi qui payes la facture d'eau je te signale, articula-t-elle sévèrement en quittant l'espace de la douche italienne.
- J'étais bien... »

Elle ne releva pas mes mots. Elle se contenta d'aller s'adosser contre le mur de la salle d'eau, ses prunelles océan m'observant avec un mélange d'agacement et de peine. Une expression qui ne me plaisait guère. S'ils m'avaient laissée tranquille, ils n'auraient pas à ressentir de la pitié pour moi. Ils étaient responsables de mon état. Je soufflai une seconde fois en quittant à mon tour l'espace vitré, sachant qu'elle n'allait pas sortir de la pièce par peur que je reprenne ma douche. D'un mouvement de mon index, je lui demandai de me passer la serviette se trouvant à côté d'elle et elle me la lança sans rien dire. Je nouai rapidement le tissu autour de mon corps humide tout en lui tournant le dos, pour par la suite m'approcher du miroir embué. D'un rapide coup de main, je laissai place à mon reflet, pas pour me regarder mais pour garder un œil sur la brune qui n'avait pas bougé d'un pouce.
« Vas-y, parle. Je vois que tu meurs d'envie de me faire une remarque, dis-je doucement.
- Cela fait deux jours Crystal...
- Hum.
- Namjoon nous héberge, attendant que tu te sentes assez bien pour venir lui parler. Il serait bienvenu de ta part de lui rendre visite, à lui mais aussi à Ava, expliqua-t-elle la raison de sa venue.
- Je vois, laissai-je simplement entendre.
- Tu vois ? Répéta-t-elle dans un rire sans joie. Crystal, tu te rends compte que tu leur dois la vie ? Tu pourrais juste aller les remercier et...
- Les remercier ? La coupai-je en serrant fortement les poings. Je suis fatiguée Saphir... Fatiguée de remercier sans cesse des personnes qui soi-disant m'ont sauvée alors qu'elles étaient aussi responsables du piège dans lequel je me trouvais, continuai-je en me tournant vers elle.
- Crystal, ce n'est pas de leur faute si tu t'es retrouvée à Domination's scent...
- Qu'est-ce que tu en sais ? Tu leur as demandé ? Répliquai-je en fronçant les sourcils. »

Elle ouvrit la bouche dans l'intention de me répondre, avant de refermer cette dernière, tout en détournant son regard sur le côté. Non, elle ne leur avait pas demandé et je savais pourquoi. Elle avait besoin de croire une personne, de garder un espoir. Et je ne pouvais lui en vouloir de se raccrocher à la seule bouée qui lui restait pour ne pas sombrer dans les eaux ténébreuses du découragement. Après un temps de silence durant lequel elle devait sûrement chercher ses mots, je la vis entrouvrir ses lèvres à nouveau, mais la coupai dans son élan avant qu'elle n'énonce quoi que ce soit :
« Je ne veux pas qu'ils m'entraînent dans leur bataille. J'ai déjà bien trop donné. Je veux qu'on me laisse tranquille... avouai-je en resserrant le nœud de ma serviette sur ma poitrine.
- Je sais que c'est égoïste de te demander ça, mais on ne pourra jamais vivre tranquillement si tu ne te bats pas avec nous. Nos sœurs ont besoin de toi, tenta-t-elle de me convaincre.
- J'aimerais disparaître à tout jamais, pour que personne ne me retrouve et ne se serve de moi à nouveau.
- Crystal, tu ne retrouveras jamais le repos si tu continues à vivre dans ce monde... Fais-nous confiance... Joins toi à nous...
- Je ne veux plus faire confiance à qui que ce soit, déclarai-je plus durement. »

Je passai vivement à côté d'elle pour quitter la salle d'eau et rejoindre ma chambre. Devant mon armoire, je pris des vêtements larges composés d'un baggy jean et d'un sweat à capuche noir, que j'enfilai rapidement alors que ses pas se faisaient entendre dans la pièce.
« Tu ne me fais pas confiance ? Murmura-t-elle tristement.
- Ne dis pas de bêtise, soupirai-je en lui faisant face. Tu as toute ma confiance Saphir et rien au monde ne pourra changer cela. Je te fais confiance et je fais confiance à nos sœurs, mais... Mais toutes les autres personnes, je ne peux plus. On m'a bien trop trahie, rongeant alors cette bienveillance et cette foi que je pouvais avoir pour les autres.
- Alors ne garde cette confiance que pour nous et nos sœurs, dit-elle en venant prendre mes mains.
- Saphir... Soupirai-je en retirant mes paumes des siennes. Ce que je suis en train de dire ne signifie pas que je me lancerai dans votre bataille. Ma position reste la même, vous y arriverez très bien sans moi.
- Tu sous-estimes totalement l'influence que tu peux avoir sur le monde, rétorqua-t-elle sérieusement.
- J'ai compris... Ils t'ont demandé de venir me convaincre, c'est ça ? Grognai-je en m'écartant de quelques pas.
- Je ne suis pas un chien à qui on dicte des ordres, je ne l'ai jamais été. Non, je suis venue de moi-même parce que je veux protéger mes sœurs, empêcher que d'autres petites filles vivent ce que nous avons vécu en devenant des Dolls, expliqua-t-elle en portant sa main sur son cœur.
- Je veux aussi les protéger mais après ce que j'ai vécu...
- Après ce que tu as vécu ? S'exclama-t-elle, me faisant sursauter de surprise. Tu n'es pas la seule à avoir souffert Crystal ! Tu as peut-être connu la trahison mais nous avons toutes connu des douleurs, des souffrances indescriptibles !
- Désolée Saphir, ce n'est pas ce que je voulais dire...
- J'ai été abusée tout comme toi ! J'ai vécu plus longtemps que toi avec Graham. J'ai vu nos sœurs mourir devant mes yeux ! J'ai connu l'impuissance face à ce que vous viviez toutes à Domination's scent parce que j'étais la seule à être consciente de notre condition ! La seule à comprendre cette injustice ! J'étais seule Crystal ! Si seule... Si inutile... termina-t-elle dans un murmure étranglé. »

Mon cœur se serra douloureusement dans ma poitrine lorsque je remarquai les larmes qui s'installaient dans ses yeux. Je fis un pas en avant dans l'intention de m'excuser et de la réconforter, mais elle leva sa main pour m'arrêter.
« C'est égoïste de ma part de te demander de prendre part à ce combat, car je ne connais pas réellement l'ampleur de tes souffrances... Mais... Ce que je te demande pour l'instant, c'est juste de les écouter. Je ne te demande pas de leur faire confiance mais de me faire confiance, me supplia-t-elle en plantant ses iris océan dans les miens. »

Je baissai la tête tout en me pinçant les lèvres. Étais-je assez forte pour cela ? Avais-je les épaules assez solides pour continuer à marcher dans ce monde, même pire, affronter ses maux ? Je ne m'en sentais pas capable. J'étais fragile. Une simple pichenette pouvait me faire m'effondrer. Je connaissais mes forces et mes faiblesses, et en ce moment, je n'étais que l'ombre de moi-même. Ma lumière s'était éteinte quand Monsieur Kerberton m'avait fait cette remise à zéro. Bien évidemment, je voulais sauver mes sœurs et les protéger d'un destin funeste qui pouvait leur arriver, d'un destin identique au mien. Mais je n'en avais plus le courage ni la force.

Je relevai mon visage pour faire de nouveau face à mon aînée. Elle ne me demandait que de lui faire confiance. Avoir une discussion avec Namjoon Kim et Ava ne devait pas être un problème. Je finis par acquiescer dans un hochement de tête silencieux, accompagné d'une longue expiration. Elle murmura un remerciement et se dirigea doucement vers la sortie, en ouvrit la porte et resta sur le seuil en posant sa main sur le cadre.
« Pardonne-moi de te forcer la main, murmura-t-elle avec une triste grimace.
- Tu ne me forces en rien. Je n'ai pas dit que j'allais accepter mais juste écouter, déclarai-je en sortant de ma chambre. »

Je me retrouvais assise sur une chaise confortable, devant le bureau en bois de chêne clair de Kim. Saphir se trouvait à ma droite, sur le fauteuil en cuir blanc qui était placé face à moi était installée Ava, quant à notre hôte, ce dernier se tenait devant la grande vitre derrière la brune. Cela faisait déjà cinq minutes que nous nous trouvions dans ce vaste espace en silence après de simples salutations et une invitation à s'asseoir. Depuis, plus personne ne laissait entendre sa voix et cela me gênait autant que m'agaçait. Pourquoi vouloir me voir s'ils ne lançaient pas d'eux-mêmes la discussion ? Le sourire bienveillant que m'offrait Longhess qui pouvait cacher bien des choses, et l'indifférence de Namjoon à mon égard, ne me plaisaient guère. Je n'allais pas pouvoir supporter ce silence bien longtemps et Saphir sembla le comprendre, puisqu'elle prit soudainement la parole :
« Namjoon, Madame... Serait-il possible que vous expliquiez à Crystal ce que vous attendez d'elle, ou du moins la situation, comme vous l'avez fait avec moi, quémanda-t-elle poliment.
- Serais-tu sceptique à l'idée de travailler avec nous Crystal ? M'interrogea aussitôt la brune.
- Je pense que vous êtes loin d'être parfaitement honnête avec moi, répliquai-je en croisant mes mains sur le bureau. »

Mes paroles semblèrent réanimer le blond qui se tourna enfin vers nous. Dans un profond soupir, il retira ses lunettes noires et referma leurs branches avant de déposer la paire sur le meuble. Ses iris d'acier vinrent cueillir les miens tandis qu'il s'installait sur l'accoudoir de son fauteuil où se trouvait notre aînée à tous.
« À quoi bon perdre du temps à tenter de te convaincre sur nos actions si tu ne nous fais pas confiance, laissa-t-il entendre posément. Pose tes questions et nous y répondrons.
- En embellissant ces dernières avec de beaux mensonges ? Fis-je avec un sourire ironique.
- Nous serons parfaitement transparents, promit Ava après un rapide coup d'œil jeté à son collaborateur.
- Vraiment ? Alors... Êtes-vous responsables de mon retour à Domination's scent ? Osai-je demander sans aucune hésitation. »

Je sentis Saphir se tendre à côté de moi après avoir entendu ma question. Je la surprenais sûrement à les accuser d'une telle chose, mais j'étais également certaine qu'elle ne savait pas quel rôle ils avaient joué sur bien des parties de ma vie. Et avant de les écouter parler sur leurs rêves d'un monde meilleur, je voulais être sûre que pour une fois, ils étaient en dehors de cette sombre histoire. Mais à en voir le pincement de lèvres de la quarantenaire et l'expression stoïque de l'homme à ses côtés, je ne me faisais pas d'illusions. Leur silence en disait déjà beaucoup.
« Si tu nous poses cette question, c'est que tu as tes propres doutes... voire que tu connais déjà la réponse, déclara finalement Namjoon.
- C'est plutôt un maigre espoir de vous croire innocents, rétorquai-je en fronçant les sourcils. Alors, à quel point êtes-vous impliqués ?
- Nous avons demandé à Jimin de te ramener à Domination's scent, annonça-t-il, s'attirant un regard stupéfait de la part de Longhess.
- Namjoon ? Articula-t-elle, les yeux grands ouverts.
- Elle mérite qu'on soit honnête, expliqua-t-il son choix. Et maintenant Crystal, tu dois sûrement vouloir savoir pourquoi nous avons fait cela, continua-t-il en reportant son attention sur moi. »

Je ne répondis rien et me contentai de me lever pour me diriger vers la sortie, évitant soigneusement la tentative de me retenir de ma sœur. Déçue n'était même pas un mot assez fort pour qualifier ce que je ressentais en ce moment. Je ne voulais même pas perdre du temps à les écouter justifier leurs manigances. Ils me dégoutaient.
« Si nous avons choisi de prendre le risque de te ramener à Domination's scent, c'était pour te protéger ! S'exclama soudainement Ava. »

Je me figeai sur place, la main sur la poignée et mon regard fixant le battant en bois. Étrangement, je ne ressentais ni colère ni frustration. J'étais d'un calme olympien. Mon cœur battait avec légèreté dans ma poitrine et mes pensées s'étaient soudainement stoppées. Me protéger... J'étais fatiguée d'entendre cette excuse. Me protéger de quoi ? De qui ? Je n'en avais que faire maintenant. Le mal avait été fait et je ne voulais plus qu'on se serve de moi, qu'on me fasse souffrir pour soi-disant le bien commun.
« Vous vouliez me protéger... Et bien, vous avez échoué, soufflai-je tout bas.
- Nous avons sous-estimez l'affection que te porte Kerberton. Nous ne pensions pas qu'il allait t'envoyer dans la salle de l'orgie, avoua Kim avec une pointe de regret dans la voix.
- Et est-ce que vous pensiez que j'allais accepter docilement de vous suivre après ? Continuai-je en les observant par-dessus mon épaule.
- Tu veux la vérité ? Me demanda-t-il simplement. »

Sa question me sembla absurde. J'avais quémandé de la sincérité depuis le début, alors bien évidemment je voulais la vérité. Mais Namjoon n'était pas un idiot et s'il avait posé cette question, c'était sûrement parce que la réponse pouvait ne pas me plaire ou... pire... me blesser. Et je compris que la bonne hypothèse était la seconde, lorsque je leur fis de nouveau face et que je croisai le regard peiné d'Ava mais aussi de Saphir qui devait déjà savoir ce qu'il allait dire. Mais qu'est-ce qui pouvait me faire plus souffrir que ce que j'avais déjà enduré jusqu'à maintenant ?
Doucement, je retirai ma main de la poignée et me rapprochai par la suite du trio mais surtout de la chaise. Je m'installai en silence dessus, sentant qu'il était préférable pour moi de prévenir une possible chute, suite à une nouvelle déstabilisante. Le blond s'assura qu'il avait toute mon attention, avant de se lever de l'accoudoir et de se pencher vers moi, les paumes plaquées contre le bureau. Le fait qu'il prenne autant de temps pour me répondre me faisait appréhender douloureusement la suite. Je voulais savoir et en même temps, je voulais fuir. Il soupira, puis prit de nouveau la parole :
« Si Ava avait espoir que tu retombes sur tes pieds, moi, je redoutais que tu cherches à quitter ce monde, déclara-t-il sombrement. »

Sa réponse fut comme un coup de poing que je recevais dans le ventre, si fort qu'il me coupait la respiration. Le suicide, c'était cela qu'il pensait que j'allais faire ou bien simplement y songer. Et ce qui était le plus douloureux dans cela, c'était qu'il n'avait pas tort. En deux jours, ces pensées désespérées m'avaient assaillie sans repos, et si Saphir n'avait pas été autant présentes à mes côtés, peut-être qu'elles auraient eu raison de moi. Je m'étais souvent demandé ce qui pouvait me rattacher à ce monde d'une cruauté sans pareille...
« Mais peut-être que je me suis fourvoyé, continua-t-il plus bas.
- Crystal a peut-être perdu espoir mais elle n'a jamais voulu en finir, intervint soudainement Saphir, les sourcils froncés de consternation.
- Non... J'y ai vraiment pensé, la contredis-je dans un murmure.
- Quoi ? Fit-elle, sa voix mourant dans sa gorge. Mais Crys... Pourquoi ... Pourquoi tu ne m'as rien dit ?
- Parce que je ne savais pas complètement moi-même. Je n'ai plus de raison de vivre, comprends-moi, finis-je sur un ton suppliant. »

Mais elle détourna le regard, étant incapable de supporter le poids de mes iris teintés de désespoir. Je la vis prendre le tissu de sa jupe flottante entre ses mains et le serrer fortement tout en coinçant sa lèvre inférieure entre ses dents. Il ne fallait pas être un génie pour comprendre qu'elle se sentait coupable de ne pas avoir compris les signaux inconscients que mon corps et ma voix exprimaient. Mais je ne lui en voulais pas.
« Crystal, m'appela doucement Ava. Mettre fin à ta vie n'est pas la solution...
- Je n'ai plus rien qui puisse me retenir. Jungkook m'a abandonnée... Il n'a même pas essayé de me chercher, soupirai-je, le cœur serré.
- Ce n'est pas tout à fait vrai, rétorqua-t-elle en portant son regard sur les lunettes de son partenaire sur le bureau. Il t'a cherché, un jour ou deux, puis nos contacts nous ont affirmé qu'il avait repris son poste à son entreprise.
- Pourquoi me dire ça ? C'est presque plus douloureux d'apprendre qu'il a rapidement jeté l'éponge...
- Cela me tue de le dire mais tu avais tout de même une place spéciale auprès de Jungkook. Il tenait à toi et c'était cette affection qu'il te portait qui allait causer ta perte, avoua-t-elle en se levant de son fauteuil.
- Mais pas votre obsession, si je comprends bien, répliquai-je fatiguée par cette discussion.
- Si vouloir un monde meilleur pour les futures générations est une obsession, alors je suis fière de l'avoir, articula-t-elle plus sévèrement. Tu veux une raison de vivre Crystal ? Vis. Bats-toi pour tes sœurs, pour ces innocents qui souffrent. Prouve à Jungkook qu'il se trompe en étant aux côtés de personnes qui font pourrir notre monde, énuméra-t-elle en frappant le bureau de ses mains. Mais surtout, réveille-toi Crystal. Nous avons besoin de toi et tu as besoin de nous, termina-t-elle plus bas en se redressant.
- Vous savez ce que j'ai vécu... murmurai-je difficilement.
- En effet. Mais tu n'es pas la seule à avoir souffert dans cette vie, crois-moi. Et pourtant, nous continuons à nous battre pour ce qui nous paraît être juste. J'ai voulu te sauver pour de nombreuses raisons, alors je t'en prie, ne brise pas la foi que je te porte, déclara-t-elle avant de passer à côté de nous et de sortir de la pièce sans que personne ne la retienne. »

Ils étaient bornés et ne semblaient pas vouloir comprendre que j'étais lessivée de tous ces conflits qui ne faisaient que pomper mon énergie comme une sinistre sangsue. Mais d'un autre côté, je ne pouvais que compatir et admirer leur motivation. Seulement, je me sentais incapable de participer à leur mouvement.
« Tu sais Crystal, j'ai moi-même manqué d'abandonner tout espoir, commença soudainement Namjoon. Mais j'ai retrouvé goût à la vie en donnant la mienne pour faire bouger les choses. Tu n'as pas confiance en nous après ce qu'on a pu faire pour te libérer de tes chaînes, et je le comprends totalement. Mais... Je te demande simplement de réfléchir à la peste qui nous entoure et à l'antidote que l'on pourrait apporter à toutes ces âmes en peine, articula-t-il en récupérant ses lunettes sur son bureau.
- Je ne sais pas...
- Réfléchis-y juste. Prends le temps qu'il te faudra. Le jardin est un endroit apaisant si tu recherches un lieu de paix, dit-il en nous invitant à quitter la pièce à notre tour. »

J'acquiesçai d'un hochement de tête puis sortis du bureau en compagnie de Saphir qui était restée étrangement silencieuse. Nous marchâmes sans rien dire pendant quelques temps avant qu'elle n'attrape soudainement mon poignet et qu'elle ne me stoppe doucement. Sans avoir besoin de me retourner ou de lui poser la question, je savais qu'elle allait me parler de mes anciennes pensées noires. Et j'avais vu juste :
« Tu allais m'en parler quand ? M'interrogea-t-elle sévèrement.
- Jamais. Et avant que tu ne me demandes pourquoi, c'est parce que je n'étais pas entièrement consciente que j'avais ces pensées, ajoutai-je en soufflant longuement.
- Tu allais m'abandonner ? C'est ça ?
- Je ne l'ai pas fait. »

Je me tournai enfin vers elle. J'étais égoïste, il était vrai. Je pensais que ma souffrance n'était rien comparée à celle des autres et je ne me préoccupais guère des douleurs que je pouvais apporter à mon entourage en disparaissant. Mais après cette discussion que j'avais eu avec Ava et Namjoon, je m'étais rendu compte de la fausseté de mon comportement. J'avais pris conscience que mettre fin à ma vie n'était pas la solution, cependant, je ne me sentais pas capable d'accéder aux demandes de collaboration avec le mouvement « A ». Il me fallait du temps...
« Je ne l'ai pas fait et je ne le ferai pas, assurai-je en m'approchant d'un pas.
- Comment puis-je te croire ? Tu pourrais très bien dire cela pour baisser ma garde, répliqua-t-elle en fronçant les sourcils.
- Parce que tu es tout ce qu'il me reste et je sais que je suis tout ce qui te reste... Je ne veux pas être responsable d'une profonde tristesse en disparaissant. J'ai l'égoïste envie que ma mort ne touche personne, fis-je avec un triste rictus. Donc, ne te fais plus de souci pour moi, je vivrai encore longtemps à tes côtés, promis-je sincèrement.
- Tu as fait une promesse, tu as intérêt à la tenir.
- Je la tiendrai. »

Elle soupira longuement avant de me prendre dans ses bras. Je répondis brièvement à son étreinte avant d'annoncer que j'avais besoin de me promener seule, histoire de remettre de l'ordre dans mes pensées. Elle sembla hésiter quelques secondes avant de finalement accepter. Elle embrassa rapidement ma tempe, puis s'écarta de quelques pas avant de prendre une direction dans un des couloirs de la grande villa. Je me mis alors en route, entreprenant un voyage parmi les escaliers et les étages de la demeure pour rejoindre le jardin dont m'avait parlé Kim. Arrivée au rez-de-chaussée, je me dirigeai vers la baie vitrée qui menait à une étendue de verdure qui n'attendait que le printemps pour exprimer leur beauté et de graviers blancs. Après une légère hésitation, je finis par sortir de la maison pour m'avancer dans ce jardin aux mille mystères. Je n'avais jamais vu une décoration pareille : un carré de terrasse en bois avec sa table et ses chaises était entouré d'un petit ruisseau qui alimentait une petite fontaine jouant une mélodie apaisante ; au loin se trouvait un pont rouge qui surmontait un petit étang et qui menait à une étendue de terre circulaire où en son centre se tenait majestueusement un arbre sans feuille. En traversant la passerelle, mon regard fut happé par des choses mouvantes dans l'eau : des poissons tachetés de blanc, de rouge et de noir. Penchée par-dessus la balustrade pour observer le ballet fluide de ces animaux, je sursautai soudainement en sentant une main se poser sur mon épaule.

À ma droite se trouvaient deux jeunes filles. Celle qui avait attirée mon attention était une jeune femme blond platine à la peau d'ivoire. Ses yeux verts me fixaient avec un mélange de douceur et de soulagement. La seconde blonde aux reflets roux avec une triste grimace qui étirait ses lèvres charnues tandis que ses prunelles grises se noyaient sous un torrent de larmes. J'avais devant moi Narcisse et Tulipe, mes petites sœurs qui tout comme moi avaient été victimes de la violence de Damien Graham.

Mon cœur se réchauffa soudainement en les voyant en bonne santé et plus vivante que jamais. Elles semblaient timides à l'idée d'effectuer un quelconque geste envers ma personne, mais je ne me préoccupai pas de cela et vins tout de suite les prendre dans mes bras. Et automatiquement, elles vinrent enserrer mon corps des leurs avec force et affection. L'une sanglotait sur mon épaule, tandis que l'autre laissait silencieusement ses larmes tomber dans mon cou.
« Je suis tellement heureuse de vous voir ici, chuchotai-je en embrassant tour à tour leur tempe.
- Nous aussi, répondit Tulipe tandis que la seconde acquiesçait vigoureusement les dires de notre sœur avec un hochement de tête. »

Nous restâmes quelques minutes dans cette position avant de s'écarter. À tour de rôle, je vins prendre leur visage entre mes mains pour vérifier qu'elles n'avaient aucune blessure. Toutes deux étaient plus jeunes que moi : Tulipe avait dix-neuf ans et Narcisse les avait atteints en fin décembre. Je ne les reconnaissais plus : elles souriaient, laissaient transparaître leur joie et n'avaient plus les marques des coups que nous portaient notre ancien Maître. Leurs yeux brillaient d'une lueur qui nous était inconnue lorsque l'on vivait à Domination's scent.
« Comment... Comment êtes-vous arrivées ici ? Osai-je leur demander en décalant une mèche de cheveux du front de Narcisse.
- Lors de la dernière soirée de Graham, Saphir nous a toutes réunies pour nous enfuir. Nous ne voulions pas partir sans toi mais elle a insisté en disant que tu allais t'en sortir, commença honteusement Tulipe.
- Et elle a eu raison de vous faire sortir de cet enfer sans moi, la rassurai-je. Mais pourquoi êtes-vous chez Namjoon Kim ?
- Saphir voulait venir ici et nous ne voulions pas être seules, donc on l'a suivie, répondit à son tour Narcisse.
- Que vous deux ? Fis-je en me pinçant les lèvres de nervosité.
- Non. Lavande est également ici mais elle aide Monsieur Kim. Il est vraiment très gentil.
- Est-ce qu'il vous a obligé à participer à ses projets ? Demandai-je en fronçant les sourcils.
- Pas du tout ! Il nous l'a proposé mais seule Lavande et Saphir ont accepté. Nous, on avait un peu trop peur... avoua la jeune fille aux cheveux blond vénitien. Il nous a proposé par la suite de simplement nous reposer ici, mais on trouvait que c'était injuste de vivre sous son toit sans contrepartie. Donc, je m'occupe de la cuisine puisque j'y ai été formée par Monsieur Kerberton.
- Et moi, je m'occupe du jardin ! Je n'avais jamais vu un tel endroit ! Monsieur Kim m'a dit qu'il s'était inspiré des jardins japonais. Je me demande où se trouve le japonais, finit-elle pensivement avec toute innocence. »

Et à partir de ce moment-là, elles commencèrent à me raconter leur quotidien joyeusement, un quotidien paisible qui me semblait irréel. Les louanges sur Namjoon, mais aussi Ava, pleuvaient sans pause avec une sincérité si intense qu'elle ne me permettait pas de douter de leur bienveillance envers ces deux filles. Ils prenaient soin d'elles... Ils avaient ravivé ce cœur d'enfant dont nous avions été privées trop tôt pour devenir une parfaite Doll. Un sourire tendre étira à nouveau mes lèvres et je les pris encore une fois dans mes bras.
« Je suis tellement soulagée de vous voir ici, déclarai-je en fermant les yeux.
- Nous aussi. On était inquiète pour toi... laissa entendre doucement Narcisse.
- Tu nous as tant protéger Crystal... Nos autres sœurs méritent d'être sous ton aile aussi, ajouta posément Tulipe en me serrant plus fortement contre elle. »

Je ne dis rien et me contentai de me reculer sans perdre mon sourire. Il n'y avait pas qu'un seul démon prénommé Damien Graham. Notre monde pullulait de ces créatures infâmes qui se nourrissaient de notre chair et nous tuaient sans pitié. Des centaines de mes sœurs devaient être en train de vivre un enfer sans nom en ce moment, tandis que d'autres supportaient la dure éducation des poupées. Je connaissais cette vie. Je connaissais la douleur et la manipulation. Mais je connaissais aussi le chemin pour s'en affranchir.

Je comprenais pourquoi Ava et Namjoon me voulaient à leurs côtés...

La Doll était la plus belle création de l'homme.

Elle était aussi la raison de son annihilation.

Un rire soudain me prit et j'enserrai une dernière fois mes petites sœurs avant de leur souhaiter une bonne journée. « Le jardin est un endroit apaisant » Namjoon  avait dit. Son intelligence pour convaincre les gens était stupéfiante et effrayante. Il savait qu'en voyant mes proches en sécurité, j'allais faire pencher la balance de son côté.

Mais avant de réellement accepter, je devais m'assurer d'une chose.

Que rien n'allait me rattacher à ma vie passée. 

Je me tenais nerveusement devant un gigantesque immeuble vitré, d'une trentaine d'étages. Avec la capuche de mon sweat remontée sur ma tête, j'hésitais à faire un pas supplémentaire, mes doigts s'entortillant autour des cordons du vêtement. Étais-je en train de faire une erreur ? Mon cerveau me dictait de faire demi-tour, au contraire de mon cœur qui réclamait une vérité qui pouvait m'être douloureuse. Mais cette vérité me serait également libératrice. Après une grande inspiration qui me permit de collecter le peu de courage qui me restait, je me mis finalement en marche et franchis l'entrée du bâtiment. Je ne restai pas longtemps dans ce grand hall vivant dans lequel les personnes ne se préoccupaient pas des autres et me dirigeai rapidement vers un ascenseur. Sans attendre une seconde, je fis fermer les portes pour empêcher quiconque d'avoir l'idée de monter avec moi et appuyai par la suite sur le numéro trente. Il fallut une bonne minute pour arriver à destination.

Lorsque les battants s'ouvrirent, j'émergeai aussitôt de la carcasse métallique avant de reprendre ma marche en direction d'un couloir que je ne connaissais que trop bien, pour l'avoir emprunté un bon nombre de fois. Par chance, personne ne fit attention à moi et je pus aisément atteindre la porte que je cherchais. Sur cette dernière en verre trempé opaque était marqué deux mots, ou plutôt une identité : Jungkook Jeon. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine de nous savoir si proches, seulement séparés par une barrière fragile. Connaissant parfaitement cette ouverture, je savais que sur le bord droit, une bande transparente allait me permettre de jeter un coup d'œil dans la pièce. Me permettre de le voir. Mais surtout, me permettre de vérifier qu'il m'avait parfaitement oubliée.

Je pris une grande inspiration tout en tenant fermement mon collier de cristal dans ma main, puis, lentement, je me penchai pour observer le bureau. Je repérai facilement le directeur de Jeon's industrie derrière le meuble principal, son regard focalisé sur l'écran de l'ordinateur qui se trouvait devant lui. Vêtu d'une chemise blanche déboutonnée de son premier bouton, il était toujours resplendissant : ses cheveux noirs étaient parfaitement coiffés et son visage ne portait aucune trace d'un possible chagrin ou d'une fatigue due par un sommeil qui se faisait léger. Pas de perte de poids, pas de cernes, rien qui trahissait une affliction causée par ma disparition. Il m'avait bel et bien oubliée, et surtout, il était passé rapidement à autre chose. Mais étrangement, cela ne me fit pas aussi mal que je l'avais craint. Non, je me redressai silencieusement, un sourire maigre sur les lèvres.

Je me libérai.
« Puis-je vous aider ? Intervint poliment une voix sur ma gauche. »

Je ne sursautai pas et me contentai simplement de me tourner en direction de la nouvelle personne, gardant tout de même mon identité cachée par ma capuche. Ce fut avec un doux étonnement que je reconnus ce châtain grand, aux épaules larges et au visage bienveillant : Seokjin Kim.

N'ayant obtenu aucune réponse de ma part, il se rapprocha doucement de quelques pas et se pencha en avant, essayant de voir qui se trouvait sous la capuche. Ses yeux s'ouvrirent grandement de surprise lorsqu'il croisa mon regard cristallin et il entrouvrit ses lèvres pour parler, sûrement pour prononcer mon prénom. Cependant, je le coupai dans son élan en comblant l'espace entre nous, me mettant sur la pointe des pieds pour venir entourer sa nuque de mes bras afin de l'enlacer. Je lui étais reconnaissante d'avoir toujours été aussi gentil avec moi. Il était l'une des rares personnes à m'avoir respectée comme une personne entière, lui et sa fiancée Leslie.
« Je ne suis jamais passée ici, murmurai-je faiblement. »

Il ne prononça aucun mot mais me fit comprendre qu'il avait perçu ma demande, ses bras venant trouver leur place dans mon dos. Notre étreinte ne dura pas longtemps, car rapidement j'y mis fin, pour par la suite passer dans son dos dans l'intention de quitter Jeon's Industrie.

Je partais pour ne pas revenir.

Je partais pour le destin qu'on avait tracé pour moi.

Je partais pour devenir l'aile protectrice de mes sœurs.

Je partais pour devenir l'espoir et l'antidote de notre pays malade.  

Coucou tout le monde ! 

Nous nous retrouvons avec le chapitre 3 qui lance enfin le tome ! On a fini la mise en place de l'histoire et on rentre dans le vif du sujet ! 

Comme d'habitude, j'espère que vous prenez des notes sur de possibles indices sur la suite que je laisse par-ci par-là haha ! 

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? 

Que pensez-vous d'Ava et de Namjoon ? 

Que pensez-vous de ma précieuse Saphir ?

Que pensez-vous de ma petite Crystal ?

Je vous dis à très bientôt pour le chapitre 4 que je posterai normalement le 2 octobre à moins d'avoir pris de l'avance dans la rédaction des autres chapitres !

Merci d'avoir lu ce chapitre et d'avoir pris le temps de me laisser suivre votre réflexion !

À bientôt mes petits loups ! 

Alys

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