Exy regarda Eléa qui dormait paisiblement dans son petit lit miteux. Il venait juste de se réveiller et était encore tout endormi mais malgré tout il sauta et atterrit sur le parquet froid. Il était décidé mais il se sentait déjà nostalgique. Jamais plus il ne retrouverait la cabane dans cet état et peut-être qu'à son retour elle n'existerai même plus... Enfin du moins si il revenait. Il s'approcha de la porte et la poussa le plus délicatement possible en espérant que pour une fois elle ne grince pas. Une fois cette tâche accomplie, il se retourna et regarda encore une dernière fois sa maîtresse avec tendresse puis il franchit la porte et la referma avec le plus grand soin. La chambre de la fillette donnait directement sur un long couloir au long duquel se trouvaient toutes les chambres des dieux. Ce couloir était son parfait opposé le jour et la nuit. Pendant les journées, les doux et chaleureux rayons du soleil filtraient à travers les vitres et réchauffaient le pelage du petit Esprit tandis ce que la nuit, le couloir était froid et semblait vide. Seul le vent glacial passait par les fenêtres et la lumière était presque inexistante. Exy regarda dehors. La nuit était claire et seules les lointaines étoiles éclairaient ce ciel bleu foncé. Il continua sa route jusqu'à la porte principale où il usa du même stratagème que pour la porte de sa maîtresse. Une fois à l'extérieur, il sentit le froid mordant essayer de franchir son pelage et tenter de le transpercer. Il observa la colline où il avait joué tant de fois avec Eléa, la cabane miteuse où il avait vécu pendant de nombreux jours et la forêt en face dont tout le monde l'avait défendu d'y aller. Il se remémora les instants de bonheur qu'il avait vécu ici mais il était déterminé et rien n'aurait pu l'empêcher de mener à bien son projet. Il avança dans l'herbe qui avait perdue sa couleur vert tendre pour laisser place au bleu marine de la nuit et se planta devant l'arbre où était encore assise la déesse du feu.

« Alors ça y est » murmura Chlorma « Tu es enfin décidé... Je suppose que tu es au courant que la jeune Eléa sera désespérée par ton départ mais tu as dû le prévoir, ça aussi, je me trompe ?» continua la jeune fille, son regard toujours porté vers le lac. « Tu as l'intention de revenir ?» demanda-t-elle, et après qu'Exy détourna le regard elle ajouta : « Tu n'en sais rien hein ? On se ressemble, au fond. On est alter-égos dans un sens, tu es ma version animale et je suis ta version humaine. Moi non plus, je ne me confie pas. Jamais je ne le ferai et d'ailleurs, toi, ça ne compte pas hein ? Tu est un Esprit après tout... En tout cas, essaye de revenir vite, ta maîtresse fera des folies sinon et nous voudrions tous éviter que cela arrive n'est-ce pas ?»

Exy s'attendait à la voir là. Chaque nuit il l'entendait passer dans le couloir et parfois même, il allait la rejoindre et passait des heures, avec elle, à contempler les reflets gris et verts du lac.

Exy se dirigea vers la forêt qui grignotait la grande plaine. On lui avait défendu de s'y rendre mais sa décision était déjà prise depuis un bon bout de temps. Il s'avança et posa une patte dans la sombre forêt que la nuit n'aidait pas à rendre plus lumineuse. En continuant son chemin alors qu'il n'était encore qu'à l'orée du bois, il entendit la déesse du feu pousser un long soupir avant de se lever et de se diriger vers la cabane. Il ne se retourna pas pour autant et continua à se frayer un chemin parmi les ronces et les épais fourrés. Il était impatient de savoir ce qu'il allait trouver et il était évident que peu de gens le avait la réponse à cette question. Au bout d'environ quelques minutes, il arriva à traverser ce bois qui n'était au final pas si grand que ça même si la flore n'aidait pas vraiment le déplacement. Le petit esprit se retrouva face à une immense zone d'eau, si grande qu'il peinait à apercevoir la rive d'en face. Il réfléchit à un moyen de traverser mais n'en trouva aucun... Il se demanda si son périple touchait vraiment à sa fin. Si peu de temps et c'était déjà fini ? Il n'avait traversé qu'une toute petite forêt et son voyage s'arrêtait déjà. Déçu et dépité, il approcha du rivage et tandis sa patte vers l'eau qui, à sa grande surprise, gela. Pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt ? C'était pourtant logique que l'eau gèle à son contact puisque en tant qu'Esprit il était doté du pouvoir de la glace. Il regarda derrière lui et vit la traînée blanche qu'il laissait sur son passage. Cela lui ôtait aussi sa discrétion puisqu'on pourrait le pister à la trace mais d'un autre côté, il pouvait traverser et avec un peu de chance, la fine couche de neige fondrait sous le soleil.

Il posa prudemment sa deuxième patte sur l'étendue liquide et en voyant se la glace solidifiait assez pour supporter son poids, il continua, patte après patte à avancer doucement pour ne pas risquer de tomber. Il leva la tête et vit qu'il n'avait même pas parcouru le sixième de la distance totale. Il réfléchit un moment et se dit qu'après tout, courir sur un étendue d'eau n'était pas plus dangereux que quitter son refuge en pleine nuit sans aucun endroit où aller. Il courra donc, jusqu'à être essoufflé, il sentait le vent glacé passer entre ses poils, ses longues oreilles se plaquer sur sa tête, il entendit le bruit cristallin de la glace sur laquelle il courrait, sans arrêt. Il avait froid, il était exténué mais il ne s'arrêta pas, non pas parce que cela aurait été dangereux, non, il aimait le danger, mais simplement il n'avait jamais ressenti de sentiment pareil à celui là. Cette émotion vibrante l'obligeait à courir de plus en plus vite, à regarder devant lui sans flancher, elle exigeait à ses frêles petites pattes endolories et engourdies de continuer leur course. Il n'avait jamais ressenti ce sentiment de liberté, jamais il n'avait été aussi fort qu'à cet instant précis et il s'avérait que cet instant était aussi un des meilleurs qu'il n'ait jamais vécu, un moment qu'il aurait voulu prolonger pour toujours même si ce soir était aussi le soir de sa fugue. Le soir qui rendrait sa maîtresse inconsolable. Il y avait songé mais il avait aussi persisté pour une seule et unique raison, en dehors des sensations comme celle si intense qu'il vivait à ce moment, une raison qui comptait énormément pour lui. Toutes ces questions, tous ces doutes, tous s'étaient envolés loin derrière, emportés par la brise qui s'était transformé en vent violent au moment de sa course. Sa tête était vide et tout ce qu'il savait, c'est qu'il était heureux.

Sa course touchait à sa fin. Il freina avant de s'arrêter sur la berge couverte d'herbe douce. Il était heureux et exténué. Ses pattes engourdies refusèrent de supporter son poids une seconde de plus et il s'effondra, plongeant dans un profond sommeil dont il ne ressortirai pas de sitôt.

Voilà, un nouveau chapitre, et à l'heure en plus ! ( oui pour une fois je sais ) En tout cas, je vous remercie d'avoir lu et j'espère que ça vous a plu. Je vous ai rajouté un dessin que j'ai fait d'Exy pour que vous vous fassiez une idée plus claire de son apparence parce que j'ai un peu de mal à le décrire ^^'
Bon, sur ce, à la semaine prochaine et n'hésitez surtout pas à laisser un commentaire si vous voulez vous exprimer au revoir les gens !!