II- Nouvelle Vie

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On me fit attendre sur une chaise, dans un long couloir. J'étais toujours vêtue de ma robe d'hôpital blanc cassé qui sentait l'eau de javel, et les médecins, qui ne semblaient pas se soucier de moi, avaient oublié de me donner des chaussures. Je scrutais l'horloge, anxieuse de retrouver ma famille et de voir si j'avais réellement perdu la mémoire. Il faisait froid, et je grelottais. Au bout du couloir, la porte s'ouvrit, et je vis apparaître trois personnes. Un homme de taille moyenne à la chevelure grisonnante, une femme, de même taille que lui, et un jeune garçon d'environ quatorze ans.

« -Jay, ma chérie ! » dit la femme en me prenant dans ses bras. « Tu nous a tellement manqué ! Ton père et moi étions morts d'inquiétude à ton sujet. »

Elle était très grande, blonde, de carrure mince et dure, et sur son visage ovale on pouvait déjà voir des rides relativement apparentes, alors qu'elle ne devait avoir qu'une cinquantaine d'années. Elle empestait le parfum bon marché à la rose et au citron, et son visage était recouvert de maquillage grossier et mal appliqué, ce qui lui donnait une apparence assez rebutante. Elle se tenait droite comme un pic, perchée sur les hauts talons de ses escarpins. Ses cheveux, retenus par un serre-tête bleu ciel, arrivaient à hauteur de menton, et une frange droite recouvrait son front vieilli. Elle avait des ongles courts, recouverts d'un verni incolore qui brillait à la lumière, et ses longs doigts squelettiques, crispés et bougeant au rythme de ses paroles semblaient désigner  toutes sortes de choses autour d'elle qui semblait lui déplaire ou ne pas être conforme à ses principes. Elle s'appelait Helen.

Son mari, silencieux à ses côtés, était un peu plus vieux qu'elle. Il avait le visage rond et les joues épaisses. Il souriait en permanence, à tout le monde et en toutes occasions. Cette expression qu'il affichait en permanence lui donnait un air assez idiot, il ne semblait jamais réfléchir à quoi que soit et ne tenait que rarement une longue conversation. Il portait un costume vert bouteille, uniforme, et ses cheveux fins, gris, dressés sur sa tête, semblaient voler au-dessus de son crâne.

Le jeune garçon, lui, était la figure même de l'adolescent. Grand, mince, partiellement musclé, habillé en jean, baskets, et veste de sport. Je n'ai presque rien à dire à son sujet. Il semblait renfermé et à moitié endormi.

Je dus faire semblant d'être contente de les revoir lorsque chacun à leur tour ils me prirent dans les bras, m'assommant de leurs réflexions et de leur attention vis-à-vis de ma maladie. Ils semblèrent si heureux, que je n'osai pas leur dire qu'ils étaient pour moi de véritables inconnus. Je les ai suivis jusqu'à leur appartement, qui se situait dans le même bâtiment que l'hôpital.

L'appartement en entier n'était fait que d'une couleur, habituelle : le blanc. Il était composé de six pièces. Le salon-salle à manger, la cuisine, la salle de bain, la chambre de mes « parents », celle de mon « frère », ainsi que la mienne. Un ensemble de pièces toutes semblables, de même forme, avec les mêmes codes couleurs et les même types de meubles. Tout était droit, blanc, et conforme aux principes de l'hôpital. Impossible de me sentir chez moi dans cette prison d'ivoire où le blanc était roi. Pas une seule couleur, nulle part. Seuls du gris et du noir en petite touches, à certains endroits. 

Ma « famille » était habillée normalement si j'ose dire, mais moi, j'avais droit à l'uniforme de l'hôpital, bien plié et propre, sur mon lit à mon arrivée. Un ensemble de sport blanc, composé d'un pantalon de jogging blanc, d'un t-shirt blanc, d'une veste de sweat blanche, et d'une paire de baskets, blanche également. Tout ce que je portais était exclusivement blanc. De mes chaussures à l'élastique qui retenait mes cheveux, tout était d'albe. C'était totalement impersonnel. J'avais la forte impression d'être une de ces personnes parfaites dans les pubs de lessives, où tous les vêtements sont éclatants de propreté, et où tous les gens affichent un immense sourire. Mais ça n'était que le début de mon malheur. Il y avait aussi le règlement. En version courte (car il existait la version longue, qu'heureusement on ne m'obligea pas à lire), ça donnait ça :

-Règle n°1 : Ne pas dépasser les limites autour de chez soi

-Règle n°2 : Ne pas sortir au-delà des heures de couvre-feu

-Règle n°3 : Ne pas porter autre chose que l'uniforme réglementaire

-Règle n°4 : Ne pas rater de séances de rééducation obligatoire

-Règlen°5 : Toujours obéir aux médecins

Voilà ce qu'il disait.

Ces règles étaient affichées dans ma chambre, dans les couloirs de l'hôpital, et sur le bracelet de mon téléprésence. Je devais le connaître par cœur, et bien évidemment le respecter, sous peine de passer devant le médecin général, qui, pour me punir, pouvait doubler mes exercices physiques, avancer le couvre-feu, ou m'interdire de sortir de mon appartement. J'étais censée être ici pour le bien de ma santé, après avoir enduré une « dure maladie », et déjà on me donnait des règles ? Tout ça commençait à sonner faux. Sous la menace, évidemment, je préférais suivre ces exercices.

Les dits exercices physiques étaient très présents dans mon emploi du temps, peut-être même trop présents. A mon réveil à l'hôpital, j'étais bien trop frêle et maigre, pas assez musclée et sportive à leur goût. J'avais alors droit à une heure de sport par jour, sur des dizaines de machines différentes, toutes plus douloureuses les unes que les autres. Si je venais à défaillir, on me relevait aussitôt et on m'obligeait à continuer jusqu'à la fin de l'heure. Ces séances de remise en forme étaient en réalité des séances de torture. J'étais obligée de les suivre, selon la règle n°4, mais à la moindre occasion de les rater, je restais chez moi. Tantôt angine, tantôt blessure, je trouvais toutes sortes d'excuses. Mes parents s'y laissaient prendre, mais les médecins avaient vu clair dans mon petit jeu, et déjà augmentaient mes exercices pour me punir de ma nonchalance. Mes premiers instants dans cette nouvelle vie me semblaient être mes premiers instants en prison. Tout le monde faisait attention à moi, on s'occupait de ma personne comme si j'étais en verre, je devais me plier à des règles, mais personne ne semblait se demander si j'allais bien psychologiquement. Je tentais de faire remarquer à ma famille ou aux médecins que je supportais mal le rythme des exercices, mais rien n'y faisait, ils restaient insensibles à mes remarques.

La vie était également rythmée par le téléprésence, aussi appelé TP, un appareil aux multiples capacités. C'est grâce à lui que nous étions informés d'événements particuliers, de nos prochains rendez-vous prévus, ou que nous pouvions communiquer avec nos amis à distance – bien que je n'ai aucun ami -. Nous pouvions également nous divertir, en programmant les rêves que nous souhaitions faire, ou en visionnant des souvenirs de vacances d'événements ou des films. Le téléprésence transmettait directement par ondes des informations dans le nerf optique et dans le nerf auditif, qui le faisaient passer au cerveau. Ainsi nous pouvions profiter pleinement de toutes ses options sans déranger quiconque autour de nous. Si le téléprésence nous envoyait des images, nous les voyions, même si elles n'existaient pas en réalité. Il était commandé par une petite télécommande que nous portions autour du poignet, à la manière d'une montre.

Au fil de mon adaptation dans cette vie, je ne cessais de découvrir chaque jour de nouvelles choses, de nouveaux principes qui m'étaient inconnus. Je fus notamment impressionnée par l'avancée technique et technologique dont elle faisait preuve, et je découvris l'utilisation de bon nombre d'objets dont je ne connaissais pas l'utilité.

Dans cet endroit futuriste qu'on pourrait trouver si idéal, je me sentais horriblement seule. J'avais peur, très peur, et je commençais à ne plus croire à mes propres mensonges. J'étais persuadée de ne pas connaître ma « famille », de ne pas connaître cet endroit, et de n'être pas souffrante. Leurs mensonges étaient peu crédibles, il ne m'a pas fallu longtemps pour commencer à avoir des doutes et me demander si tout cela n'était pas une immense supercherie. Bien que je ne me rappelais pas de mon passé, j'étais capable de me rendre compte que ce nouveau monde n'avait aucun rapport avec celui que j'avais connu. Je restais en permanence sur mes gardes, ne sachant pas ce qu'on allait me faire subir à l'avenir. M'échapper était impossible. Je n'étais jamais sortie du bâtiment, et je n'avais jamais vu d'autre fenêtre que le hublot le jour de mon réveil. Cet endroit était une vraie forteresse. 

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