Elle était pourtant minuscule.

Mais qui aurait pu se douter que, par sa simple présence, cette si petite chose allait provoquer tant de dégâts ?

Tout a commencé par un cri strident. Puis, après plusieurs pas précipités en arrières, de nombreux doutes et d'autres hurlements de terreurs, on sacrifia une première pantoufle qui finit son vol plané sur le mur du fond.

On en arriva aux questions et aux nouvelles peurs. Plusieurs "elle est où ?" et autres "tu la vois ?" se firent entendre dans le salon.

La deuxième pantoufle frôla le vase précieux. Il bascula légèrement sur le coté. Une goutte d'eau eut le temps de perler sur un front, puis le joli pot repris sa belle posture immobile, sur son socle.

Mais la guerre n'en était pas fini pour autant.

Tout ce qui passait sous la main, ou presque, pouvait potentiellement servir de munition contre la bête féroce.

Il faut dire que personne ici n'était particulièrement bon viseur, alors lorsqu'il n'y avait plus rien à jeter sur le mur, il n'y eut pas d'autre choix que de désigner un courageux, et sortir l'artillerie lourde.

La dispute éclata aussi rapidement que les cris.

Toutefois, pendant que certains réglaient leurs comptes à coups de pierre-feuille-ciseaux, de Courtepaille, et de tricherie, il y en avait un qui restait calme, et paisible.

Et aussi étonnant soit-il, cette personne en question est aussi celle qui est à l'origine de tout ce grabuge.

Cette petite araignée marchait paisiblement. Son seul soucis était de savoir quelle mouche avait eut la maladresse de rester piéger dans ses filets.

A aucun moment de sa misérable vie ce pauvre animal n'aurait pu s'imaginer de si grands tracas par sa seule présence !

Du haut de ses quelques millimètres, elle ne passait ses journées qu'à tisser, broder, manger, se reposer, se balader...

Certaines rumeurs qui couraient entre les toiles racontaient que ces grosses bestioles avaient peurs des plus petites.

Que pouvait-elle bien gagner à effrayer des monstres grands comme la lune ?

Comment ces créatures qui étaient capables de l'écraser avec le pouce pouvaient avoir peur d'elle ? Ce n'était pas imaginable !

Mais elle, elle ne s'en souciait pas. Elle avait bien d'autres choses à penser que ces ragots.

Et puis malgré tout... Cette demoiselle devait bien s'admettre que, certains soirs de solitude, elle se laissait dévorer par la curiosité de rencontrer et discuter avec ces animaux dont tout le monde parle. Des choses qui marchent sur deux pattes, et qui ont un squelette à l'intérieur du corps... De quoi faire des cauchemars ! Certains ne les distinguaient pas seulement par leur taille, ou par leurs caractéristiques physique. Ils étaient, a priori, doté d'une grande bêtise.

Notre araignée n'en croyait pas un mot. Elle était persuadé qu'une telle force, une telle grandeur, ne pourrait vivre sans un peu d'agilité mentale. "Sans quoi, notre monde serait déjà mort !" se disait notre petit arachnide.

Non, elle était persuadé que si un jour, elle avait la chance d'en rencontrer un, et de pouvoir lui parler, leur dialogue serait plein de philosophie et de poésie, comme elle aime tant.

Pour revenir à notre groupe de combattants, ils s'étaient enfin mis d'accord, au grand désarroi du jeune homme désigné.

C'est donc muni d'une sandale qu'il s'approcha du petit être. Alors qu'elle crut voir un espoir venir, quelle fut sa surprise de voir ses idées de dialogues et de poèmes réduit en miettes, écrasées sur une semelle.

Et c'est dans cette nature sauvage et dangereuse, que ces monstres hauts comme la lune, continuèrent à vivre dans la crainte de voir apparaitre une nouvelle peur dans le salon...

Combien de nuits blanches au total, à réfléchir au meilleur moyen de la détruire et l'arme la plus adéquat pour pouvoir les faire tomber dans l'oublie.

C'est avec tant d'acharnement que chacun cherche une pantoufle à lancer à nos peurs, tout en restant caché derrière le canapé, sans prendre le temps d'écouter ce qu'elles ont à nous dire...