Départs et adieux

La sirène et la sorcière

Prêt des côtes d'Onigashima se trouve plusieurs petites îles sans nom. Ce ne sont que de gros rochers sans végétation et personne n'y vit, seul quelques bateaux de pêche s'en approchent.
Sur l'une de ces petits îles se trouvent un étrange personnage, au torse de femme humaine mais avec en guise de jambes une queue couverte d'écailles et de nageoires. On l'appelait "sirène" et les humains la cherchaient, car la légende voulait que manger sa chair rendrait immortel. La sirène elle même se demandait qui avait eu l'idée de raconter des choses aussi stupides.
Cela faisait cinq ans qu'elle vivait ici et personne n'avait encore réussi à la capturer. Ou du moins à la capturer et s'en sortir vivant. Mais aujourd'hui, elle avait l'impression qu'elle ne pourrait plus fuir. Si la sirène avait pu fuir les humains et leurs bateaux, c'était principalement grâce à sa vision perçante au champ très grand. Mais récemment les bateaux de la Firme Freezis avaient posé beaucoup de problèmes. A l'inverse des bateaux jakokuais, ils pouvaient très rapidement se mouvoir et changer leur route avec aisance. Bien évidemment, ils n'allaient jamais aussi vite que la sirène elle même, mais ils restaient tout de même des ennemis à surveiller. Cependant, un départ s'organisait. La Firme Freezis avait préparé son plus gros bateau, et Perrié Cutie Marlon était à bord. La Firme Freezis allait sans doute retourner en Evillious, et ainsi la sirène retrouverait le calme d'autrefois.
Mais son ennemie la plus important avait fini par la repérer. La sirène voyait une femme, seule, naviguant sur un petit bateau en mer. Personne ne ramait, pas même la femme, et pourtant le bateau fendait les flots. La sirène ignorait si elle pouvait s'enfuir : après tout, cette femme était bien capable d'aller aussi vite qu'elle. Si elles se battaient, cela se conclurait sans hésitation sur la défaite de la sirène. La femme qui s'approchait d'elle était, sans conteste, la détentrice du plus grand pouvoir magique connu sur ce monde. Elle ne l'utiliserait sans doute pas, mais elle n'en reste pas moins très redoutable.
Alors la sirène décida d'attendre la femme sur son rocher.

Une fois le bateau accosté, la femme en sortit et salua la sirène. Elles se reconnurent immédiatement, même si chacune avait une apparence différente. La sirène demanda par quel nom elle devrait appeler la femme : Elluka ? Irina ? Eve ? MA ? Ou bien Lévia ? Après tout, cette femme était la fusion de toutes ces personnes. "Ma" était le terme général désignant l'être ayant hérité des souvenirs de toutes ses personnalités, mais "Lévia" était l'identité la plus connue de la sirène. Ma s'amuse de s'entendre appelée "Lévia" car sans doute personne dans le monde terrestre ne penserait à ce nom. La sirène mentionne Béhémo, mais Ma explique qu'elle et lui ne sont pas adressé la parole. Elle ignore pourquoi il est apparu en ce monde, et elle s'en fiche : il n'a pas cherché à la contacter ni à s'opposer à ses projets, alors il peut bien faire ce qui lui chante. Ma mentionne cependant la clé dorée, Grim La Fin, et se demande si le Vaisseau n'a pas influencé la sirène. Celle-ci rit en réponse, expliquant qu'elle n'est pas si aussi faible... contrairement à l'occupante actuelle des ciseaux. Oui, c'est elle qui a emprisonné Kagura Sudou dans les ciseaux.
Autrefois, les ciseaux étaient des épées jumelles. Elles furent transformées il y a prêt de trois siècles par Chartette Langley, qui porta à Jakoku le nom de Saruteito. En reforgeant les lames, elle plaça sur elles un sceau magique empêchant le Démon du Péché à l'intérieur d'exercer ses pouvoirs. Voilà pourquoi Elluka et Irina ne s'y sont jamais beaucoup intéressé et n'ont jamais réussi à les trouver. Deux personnes seulement savaient que les Lames Jumelles de Lévianta étaient devenu les Doubles Ciseaux : Chartette elle-même, et un certain Gaou Octo. Gaou, à qui Chartette avait confié les ciseaux, les a scellé dans une caverne d'Onigashima, interdisant à sa famille et ses amis de s'en approcher. Voilà pourquoi les descendants de Chartette et de Gaou ignoraient que les lames n'étaient plus des épées. Ma elle même n'a compris que très récemment que le Vaisseau s'était changé en ciseaux. Mais elle a comprit il y a environ deux décennies que le Vaisseau de l'Envie de trouvaient à Jakoku, grâce à une intuition. Pourquoi a-t-elle eu cette intuition ? Parce qu'il y eut une perturbation magique. A cette époque, le Démon de l'Envie a emprisonné Kagura dans les ciseaux et a pris sa place pour s'évader dans le monde humain. Et ce Démon habitant le corps de Kagura est bien la sirène à laquelle Ma s'adresse : le Démon de l'Envie en personne.
Arrivé à cette conclusion, la Démone ne prend plus la peine de parler et s'adresse à Ma comme les autres Démons, par la télépathie. La Démone s'amuse de voir Ma comprendre qu'elle n'est pas la seule possédant la Technique de l'Echange. Ma répond qu'elle se souvient de qui lui a enseigné cette technique en premier lieu : la Démone elle même. Ma demande à la Démone pourquoi elle a voulu voler le corps de Kagura après des siècles de docilité et de sommeil. La Démone répond qu'elle était tombée amoureuse de Nagare Sudou, mais face aux doutes de Ma, elle avoue qu'il y avait bien évidemment d'autre raison pour lesquelles elle a prit ce corps. Voyons-voir... c'était une jeune femme, avec un fort potentiel magique, un très beau visage et un corps fort attirant... Ma est dégoûtée de voir que la Démone n'a pas changé : toujours une traînée. La Démone a commencé une nouvelle vie sous le nom de Kagura Sudou, et ensuite Kayo est née. Une femme présentant tous les traits d'un contractant, non pas parce qu'elle avait vendu son âme à un Démon, mais parce qu'elle était la fille d'une Démone. La sirène doit s'avouer déçue de voir que Ma n'a pas deviné plus tôt, étant donné qu'elle a échangé son corps avec celui de Kayo, mais étant donné que les pouvoirs et influences démoniaques résident dans l'esprit, et non dans l'enveloppe charnelle, elle a une excuse pour avoir été si "lente à la détente". Le corps de Kayo est né de celui de Kagura, c'était donc un corps humain : mais elle a hérité des connaissances du Démon, ce qui lui permettait de posséder des pouvoirs surnaturels.
Une voix jaillit alors des ciseaux reposant dans les vêtements d'Elluka "Ma", demandant pourquoi Kayo avait obtenu des rêves prophétiques. Elluka répondit que le Rêve Violet était un pouvoir spécial, dont la source n'était pas dans l'esprit mais dans le corps. Béhémo en saurait plus, mais il n'est pas là, alors Ma ne veut pas parler plus que cela de lui. Durant leur conversation, le corps de la sirène se transforma : sa queue de poisson se changea en jambes humaines. Elle s'amusa de voir que Kagura et Ma s'entendaient bien, ce à quoi la dernière répondit qu'elles partageaient simplement une haine profonde de la Démone. Questionnée par Ma, la Démone expliqua n'avoir vécu que seize ans sur terre avant de se changer en sirène car le plus tôt elle disparaissait, le mieux ce serait. La mort de Nagare lui avait fait perdre tout intérêt pour le monde humain, mais elle tenait tout de même à voir le mariage de Kayo avant de disparaître. Ma est agacée de voir que la Démone se prétend être une "bonne mère". Cette dernière tente de la convaincre que les gens peuvent changer, mais Ma ne veut pas l'écouter : cette femme n'est pas une personne, mais un démon.
Elluka "Ma" a une dernière question pour la Démone : pourquoi envoyer Kokutan-douji voir Kayo. La Démone explique qu'elle voulait le dévier de son but originel. Si elle utilisait Kayo comme leurre, il ne retrouverait jamais son autre fragment, et durant sa quête il ne penserait même pas à se souvenir de son objectif. Cependant, elle n'avait pas prévu que l'autre fragment se trouve à Enbizaka. Elle a même eu des sueurs froide en l'apprenant... mais au final tout est bien qui finit bien. Ma voit bien son opinion confortée : la Démone ne voulait pas devenir une mère aimante, elle n'a utilisé Kayo que comme un instrument pour ses plans ! La Démone se défend qu'elle avait d'autres attentes, d'autres plans. Elle avait espéré que lui, qui est "irrégulier", puisse sauver Kayo. Elle s'est à moitié trompée : il n'a pas pu empêcher la destruction de sa fille, mais au moins il a pu la sauver un petit peu, à la fin. Ma tient à savoir pourquoi elle a voulu empêcher Allen et Riliane de se retrouver : la Démone explique qu'elle trouvait ce monde trop amusant, c'est aussi simple que cela. Elle voulait encore jouer et n'était pas prête à voir tout cela se terminer. Ma lui dit que ses petits jeux vont prendre fin, car elle va retourner dans les ciseaux. La Démone accepte, car elle sait qu'elle n'a aucune chance de gagner contre Ma, mais elle lui assure qu'elle ne lui obéirat jamais. Elle va dormir pendant très longtemps, et de toute manière le jour de la fin approche, alors... Mais elle ne peut en dire plus, Ma la coupe :
"Démon de l'Envie, Rahab Barisol, toi qui était autrefois subordonnée et mère de Lévia, je t'ordonne au nom de Ma de revenir dans ton vaisseau !!!"
Le corps de la Démone émit une lumière, les ciseaux luirent, et le premier disparut dans les seconds. Kagura, ou du moins son esprit, sortit des ciseaux. Elluka s'excusa d'avoir emporté le corps dans le Vaisseau : après tout, Kagura aurait pu le réintégrer sans problème. Kagura lui dit que ça ne fait rien, elle s'est toujours considérée morte de toute manière. Elluka rassura Kagura : elle n'aurait qu'à errer quelques temps en tant que fantôme jusqu'à ce qu'elle accède au Jardin Céleste, et alors... Ma fut brutalement interrompue par Béhémo, qui proposa à Kagura de l'emmener avec lui au Paradis, Sukhavati. Kagura fut surprise de voir Bufuko ici, mais Bufuko se présenta, humblement, comme étant une fausse identité pour "Dieu". Il saisit la main immatérielle de Kagura, et s'envola avec elle dans le ciel. Elluka, abasourdie, resta au sol. Elle avait été complètement ignorée par Béhémo. Cela la mettait en colère, bien sûr, mais au moins elle avait accompli son but premier : retrouver les ciseaux et le Démon.
Elluka remonta dans son petit bateau et s'en alla vers le port.

Le printemps à Enbizaka
Tout en s'envolant dans les airs, Béhémo discuta avec Kagura. Il lui fit remarquer qu'elle avait été sous l'influence de Grim La Fin. D'après Béhémo, après la mort de Kayo, le Vaisseau est devenu incontrôlable et a disparu. Même Dieu ne sait pas où il se trouve pour le moment. Kagura était toujours sous le choc de voir que Bufuko était Dieu. Se souvent d'Inukichi, elle le plaignit : non seulement il était tombé amoureux d'un Dieu déguisé en humain, mais en plus c'était un homme déguisé en femme. Le pauvre... Béhémo n'était pas trop intéressé par ce sujet et préféra complimenter Kagura pour son dur travail : après tout, elle avait surveillé pendant toute son existence une personne qui n'était même pas sa fille. Kagura répondit qu'elle ne lui avait peut-être pas donné naissance, mais que Kayo restait comme une fille pour elle.
Béhémo lui annonça qu'avant d'aller à Sukhavati, ils ont besoin de faire un petit arrêt à Onigashima pour prendre un dernier passager sur le vol. Kagura lui demanda si Kayo aurait jamais la moindre chance d'aller à Sukhavati. Béhémo lui répondit que c'était impossible. Non seulement elle avait tué plusieurs personnes, mais elle était également née avec le karma des Péchés Capitaux. Pour cela, le Jardin Céleste ne pourra jamais l'accepter.
Béhémo et Kagura allèrent se poser tout prêt du site d'exécution d'Enbizaka. Kokutan-douji les attendait.

Kagura avait été enfermée dans les ciseaux pendant très longtemps, alors en attendant de monter au Paradis, elle décida d'explorer les alentours d'Enbizaka, afin de dire adieu à cette ville.

Tout d'abord, elle assista à une conversation entre Perrié Cutie Marlon et Ana Octo. Perrié ne rentrait pas dans son pays d'origine de bon coeur : elle avait obtenu de bons résultats concernant le commerce avec Jakoku, mais son plus grand objectif restait encore irréalisé : ouvrir complètement les frontières de Jakoku. On lui avait donné l'ordre de rentrer au quartier général, mais elle prévoyait bien de revenir, et cette fois avec des vaisseaux de guerre afin d'intimider Jakoku et les forcer à des négociations pacifistes. Anan, désespéré par l'attitude de Perrié, la remercie de ne pas déclarer de guerre à son pays. Anan lui même tenait apparemment à se rendre à Maistia avec les membres de la Firme Freezis. Il avait depuis longtemps voulu voir à quoi ressemblaient les pays étrangers, et puisqu'il avait été incapable de retrouver l'héritage de la famille Octo, il en avait été renié. Perrié, en entendant parler de ces "Lames Maudites" se souvint de la rumeur selon laquelle se trouvait en Evillious un katana détenant d'étranges pouvoirs. Anan reconnut que puisqu'Onigashima était le seul lieu de commerce de Jakoku où les étrangers pouvaient entrer, il était fort possible que les Lames Maudites aient tété emportées dans un autre pays.
Tout en se rapprochant du bateau, Perrié avoua être tout de même heureuse de pouvoir revoir sa famille : elle possède notamment un fils aux grandes ambitions, tout comme elle. Il voudrait apparemment créer un système judiciaire international afin que les crimes soient jugés par-delà les frontières.
Kagura observa ces deux personnes qui n'étaient pas prêtes d'abandonner leurs ambitions avant de pénétrer à l'intérieur d'Enbizaka.

Les rues étaient pleines de monde.
A la boutique d'épingles à cheveux, Eikichi était de nouveau là à traîner sans que l'on veuille de lui. Oyuka le disputait, l'accusant d'éloigner les clients. Eikichi expliqua qu'il voulait juste se reposer puisqu'il y avait enfin la paix à la magistrature. Oyuka reçut tout de même un client, venu avec toute sa famille.
Au dehors, les plantes grandissaient et bourgeonnaient. Le printemps était de retour à Enbizaka.

Kagura retrouva Bufuko et Kokutan-douji devant la Maison de Commerce Freezis. Inukichi et Saruteito étaient également là. Kokutan-douji leur annonçait qu'il devait partir dans un pays étranger, car Bufuko avait des informations pouvant indiquer où se trouvaient ses véritables parents. Cela semblait probable : après tout, Bufuko et Kokutan étaient tout deux blonds et avaient des visages similaires. Inukichi prit à part Kokutan pour le prévenir que s'il essayait de lui piquer Bufuko pendant son voyage, il ne lui pardonnerait jamais. Kokutan-douji lui fit le serment qu'une telle chose n'arrivera jamais. Kokutan alla ensuite dire au revoir à Saruteito, qui le remercia pour cette relation pleine d'émotion et cette intéressante expérience. Elle déclara aussi que, puisqu'elle n'avait pas pu trouver les lames, elle allait abandonner et plutôt en forger de nouvelles, encore plus réussies, et si prestigieuses que tout le monde en oublierait les anciennes.
Kokutan-douji ne répondit rien et se contenta de la fixer très longuement jusqu'à ce qu'elle réalise qu'elle n'avait pas terminé sa dernière phrase par "... ouais". Elle se corrigea, rouge de honte. Kokutan-douji éclata de rire. Il la complimenta : elle faisait de son mieux pour respecter les anciennes traditions et faire les meilleurs katanas. Aussi loin qu'il soit, il continuerait à la soutenir. Saruteito lui rendit ses compliments en affirmant que peu importe à quel point le katana sera bon, il manquera toujours quelqu'un d'excellent pour les manier.
Kagura savait que Kokutan et Saruteito ne se reverraient jamais, malgré leur promesse de se retrouver un jour. Cependant, si jamais les "miracles" existaient, peut-être un jour se retrouveront-ils ensemble au même endroit...

La nuit était tombée, et la pleine lune brillait dans le ciel. Béhémo s'envola dans les airs. Kokutan-douji flotta lui aussi jusqu'à rejoindre le Dieu. Kagura les suivit.
Tout en grimpant, Kagura réfléchit à Kayo. Un péché est un péché. Un châtiment est un châtiment. Ce que Kayo avait fait ne pourrait jamais être pardonné. Elle avait tué Mei, Miku et Rin par jalousie, envie et désir de vengeance. Mais, sous Kagura se trouvait Enbizaka. La belle, grande, paisible Enbizaka que Kayo avait voulu protéger. Et Kagura pria, pour que même si son âme tombe en Enfer, Kayo finisse par être heureuse d'une manière ou d'une autre.
Béhémo, Kokutan-douji et Kagura se dirigèrent ensemble dans le ciel vers Sukhavati, le Paradis, le Jardin Céleste, ou bien, comme l'appellent vulgairement les êtres humains... la lune.