Chapitre 33 (partie I)

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C'est après un reniflement assez peu gracieux que je finis par m'écarter du jeune homme, passant une main sous mes yeux pour essuyer les dernières traces de larmes. J'inspire profondément avant d'à nouveau lever les yeux vers le tatoué, essayant de remettre un peu d'ordre dans mon chemin de pensée. 

Un rire nerveux m'échappe en observant les yeux humides de Benny face à moi, qui m'imite après quelques secondes de silence et d'immobilité, bien qu'il finisse par détourner les yeux, visiblement mal à l'aise. Mon cœur semble sombrer dans mon estomac face à cette réaction, me rappelant soudain que nous ne sommes plus habitués à être dans la même pièce. 

Je remarque alors que Madigan a quitté la pièce. Probablement pour nous laisser en paix, même si je la soupçonne d'avoir simplement eu d'autres patients à gérer – Madigan n'a jamais été vraiment du genre à laisser les gens avoir de l'intimité. Finalement, Benny est le premier à briser le silence qui s'est instauré dans la pièce :

— Après huit mois, je te retrouve à l'infirmerie, hein ?

Je tourne la tête vers lui, un petit sourire au coin des lèvres. Benny m'observe, un sourcil levé et un petit sourire hésitant sur les lèvres, tâtant le terrain avec un peu d'humour pour essayer de briser la glace. 

J'ouvre la bouche pour répondre avant de me souvenir des consignes de Madigan –et surtout de mon impromptu saignement du nez et me contenter d'un haussement d'épaule accompagné d'un bref signe de tête positif, le tout joué avec une candeur que je ne comprends même pas. 

Cela semble cependant plaire au jeune homme qui pose une main réconfortante sur mon épaule, fronçant les sourcils lorsque ses yeux se posent sur mon nez. Ah. Il a dû voir les traces qu'a laissées le sang en séchant. Je laisse échapper une grimace tout en faisant « non » avec le doigt pour lui faire comprendre que ce n'est pas douloureux, ce qui le fait soupirer.

— Pourquoi fait-il toujours que je te retrouve dans une infirmerie ? plaisante à moitié le jeune homme.

Je glousse telle une enfant face à cette remarque pourtant lourde de sens. Le jeune homme sourit face à ma réaction tandis que je cherche dans ma tête les mots à ajouter. J'ai l'impression que mon cerveau tourne dans le vide. 

Après tant de mois de séparation, je n'aurai rien à lui dire ? Cela me paraît improbable. Je me refuse d'admettre que cette séparation nous a peut-être éloignés. J'ai attendu son retour avec ferveur, même si j'ai également dû apprendre à faire ma vie de mon côté. 

Je baisse la tête et pose une main contre ma tempe, comme si cela pouvait l'aider à trouver une idée plus rapidement, ce qui est assez stupide. A moins de m'envoyer un choc électrique, il n'y a pas grand-chose que je puisse faire pour stimuler mon cerveau si ce dernier refuse de coopérer. 

Et ce n'est pas comme si mon Intelligence Artificielle pouvait m'aider sur ce coup, c'est quelque chose que je dois faire seule. Heureusement pour moi, Benny semble être plus réactif. Il a sans doute des choses à me raconter... 

Et il est possible qu'il me pense toujours muette, après tout. Le jeune homme se contente simplement d'un rire bref qui paraît presque forcé, ce qui me fait froncer les sourcils, avant de reprendre la parole :

— Madigan m'a dit que tu bossais au Labo' avec Aksel, c'est chouette. C'est différent de l'hôpital pour toi ? Je veux dire... Un Labo', c'est une sorte de petit hôpital après tout... Et avec Aksel en plus. Je ne l'ai pas rencontré, mais Madigan m'en a déjà parlé. Je suppose qu'il te mène un peu la vie dure ? D'après ce qu'en dit Mad', ce n'est pas vraiment quelqu'un de très avenant avec les nouveaux venus. Il faut être à l'heure, ne pas le déranger... Mais bon, après tout ce temps je suppose qu'il s'est sûrement décoincé, souffle-t-il avec une pointe d'humour.

Mon sourcil droit monte en flèche suite à ses paroles. Peu avenant avec les nouveaux venus ? C'est probablement la dernière chose que je dirais au sujet du jeune homme, qui m'a pratiquement accueilli les bras ouverts. Je croise mes bras sur mon torse, observant le jeune homme qui balaye la pièce du regard, visiblement gêné. 

Pourquoi ? Est-ce qu'il ressent lui aussi ce malaise, créé par notre séparation ? Il ne semblait pas aussi inconfortable tout à l'heure pourtant... Une partie de moi est tout de même soulagée d'entendre que Madigan lui donnait de mes nouvelles régulièrement. 

Ma main droite vient se refermer sur le pendentif que je porte toujours, sur lequel est gravé ma date de naissance, mon nom et le lieu dans lequel je travail. Je suppose que Benny porte le même, mais je ne le vois pas. 

Il a dû le cacher sous son pull, comme certains Survivants. Après plusieurs minutes de silence, j'ouvre la bouche pour lui répondre mais le jeune homme me coupe sans jeter un regard dans ma direction.

— J'ai tellement de questions sur ta Cure, Madigan refusait toujours de m'en parler ! Je ne sais même pas combien de temps elle a duré. Trois mois, quatre, cinq, peut-être même six ! J'ai demandé de tes nouvelles, mais à chaque fois on me répondait que je devais d'abord me concentrer sur moi. Et... Il y a des moments où... Je n'en ai pas demandé. Quand mes souvenirs sont remontés, en fait. Disons que ce n'était pas beau à voir. Et j'avais autre chose en tête, donc je n'ai pas demandé à Madigan de tes nouvelles. Mais je crois que toi à ce moment-là, ça allait pas trop mal. J'espère que les tiens ont été moins traumatiques, termine-t-il en posant finalement ses yeux sur moi.

Je grimace, repensant à mes journées enfermée dans une cellule derrière le bureau d'Ethel, ou encore du jour où nous avons découvert l'Intelligence Artificielle dans mon cerveau. Ou encore...la mort de mon petit frère, que je n'ai pas vraiment accepté. Définitivement traumatique.

— Pas vraiment. Mais ce n'est pas comme si j'avais un élément de comparaison vu que je ne sais rien sur tes souvenirs, je réponds laconiquement.

A peine les mots ont-ils quittés ma bouche que je peux sentir mes yeux s'ouvrir en grand. Merde. Relevant lentement le regard pour observer Benny, je remarque qu'il en est de même pour lui. Aucun de nous ne s'attendait à ce que je parle à cet instant précis. 

La bouche du jeune homme est légèrement entre-ouverte tandis que ses yeux me renvoient de la confusion et une certaine fascination qui me fait détourner le regard. J'avais prévu de lui parler, je ne m'attendais pas vraiment à le faire sur un coup de tête. 

Le silence perdure mais cette fois, je sais que c'est à moi d'y mettre un terme. Je ferme les yeux, inspirant un grand coup, avant de faire face à Benny, qui continue de m'observer avec cette fois un visage un petit peu plus neutre, bien que la surprise marque encore chacun de ses traits.

— Ma... Ma voix est revenue. Ce matin. C'est assez nouveau alors je préfère ne pas trop l'utiliser. La dernière fois que j'ai « trop » parlée, j'ai fini ici avec un saignement du nez assez soudain et terrifiant, j'explique, un petit sourire sur les lèvres.

L'expression de Benny passe de la surprise à la compréhension en un battement de cil. Ses yeux se posent sur mon nez et je devine qu'il observe mes narines légèrement rougies comme pour attester de mes propos. 

Finalement, ses yeux me renvoient l'émerveillement. Je cligne des yeux, ne m'attendant pas à cette réaction de la part du jeune homme, qui fixe désormais mes prunelles. Cette fois, le sourire qui apparaît sur ces lèvres est un vrai sourire, éclatant. Un sourire que je n'avais jamais vu, surtout pas à l'hôpital. Un sourire qui me donne envie de sourire aussi.

— C'est incroyable Felidae ! Tu dois être tellement soulagée de pouvoir à nouveau parler, se réjouit Benny.

Je lui souris et hoche la tête, ravie de voir qu'il ne m'en veut pas de ne pas lui avoir avoué cela dès le départ. L'expression du jeune homme redevient grave quelques secondes, avant qu'il ne continue :

— Je suis désolé pour tes souvenirs. Si tu ne veux pas m'en parler, je comprendrais, crois-moi. Mais sache que je suis vraiment désolé de tout ce que tu as perdu par le passé.

Le sous-entendu est clair : il a également vu des choses qui l'ont secoué. J'aimerai qu'il m'en parle, mais je ne préfère pas amener la conversation là-dessus. Si je le fais, je devrais parler de l'I.A dans ma tête et je ne sais pas comment formuler une telle révélation. Je me mords la lèvre et hoche la tête lentement, avant de répondre.

— Merci. Mais je préfère me concentrer sur ce que j'ai gagné récemment. Comme ma voix, par exemple, je lâche avec un petit sourire.

Le jeune homme redevient alors un petit peu plus taquin avec moi, haussant un sourcil avant de me demander s'il était la première personne à entendre ma voix, ce qui me fait lever les yeux au ciel. 

Je lui réponds simplement que non, ce à quoi le jeune homme réagit en faisant mine d'être choqué. J'éclate de rire et il me suit, me donnant l'impression, l'espace de quelques minutes, qu'une nouvelle fois nous ne sommes plus que tous les deux, à l'abri de tout danger. 

Jusqu'à ce que le mot « danger » ne me rappelle les importantes responsabilités que j'ai désormais sur les épaules et qu'il me faut retourner rapidement au Laboratoire pour terminer mon prototype. 

Mais une partie de moi se refuse à mettre une fin à ce moment, ces retrouvailles tant attendues. Alors je reste dans la petite salle qu'est l'infirmerie, à échanger quelques anecdotes avec Benny, parfois en parlant, parfois en signant.

Pendant plusieurs minutes, nous échangeons simplement sur nos métiers respectifs. Benny m'apprend qu'il a réussi à fabriquer plusieurs couverts pour la cantine, quelques petits pendentifs pour certains Survivants qui voulaient une réplique des bijoux de leurs parents ou frères et sœurs, ainsi que des petites breloques suivant les traits de ses tatouages, qu'il garde dans un tiroir dans sa chambre et qu'il n'a montré à personne. 

Cette anecdote me pousse à demander ce que signifient certains de ses tatouages. Je peux voir un voile passer sur le visage du jeune homme suite à cette question avant qu'il ne réponde que l'animal qu'il a sur le côté droit de son cou est un « kraken », une créature mythologique ressemblant à un poulpe géant, abaissant légèrement son tee-shirt pour que je puisse observe le dessin et que c'est le premier tatouage qu'il s'est fait.

— Le premier que je me suis payé moi-même. Je voulais quelque chose de « badass » et d'assez large. J'ai opté pour un Kraken parce que j'en avais vu un sur un holo-écran la veille et que j'étais assez intrigué par la bête, avoue le jeune homme avec un sourire triomphant qui me fait rire.

Puis, il pose des questions sur le laboratoire et je lui réponds du mieux que je peux, gardant pour moi tout ce que je sais sur mon Intelligence Artificielle. Une partie de moi tente de se convaincre que c'est pour ne pas gâcher le moment, pour ne pas voir Benny me rejeter, tandis que l'autre partie susurre « menteuse » dans mon oreille en permanence. 

Je fais de mon mieux pour l'ignorer, préférant rassurer Benny sur le fait qu'Aksel ne m'a jamais mal traitée et qu'au contraire, il est la personne dont je suis la plus proche en ce moment. Cet aveu me tord l'estomac en réalisant qu'en fait, Aksel est probablement la personne dont je suis la plus proche...tout court. 

C'est une amitié différente de celle que j'ai avec Benny, mais qui m'est indispensable. Puis Benny me sourit et fait une blague sur ma passion pour les tubes à essai et j'en oublie tout de ma culpabilité à son égard ou les conséquences de notre longue séparation qui pourtant refait surface à chaque silence un peu trop prolongé. Finalement, après plusieurs minutes de discussion, la conversation revient doucement vers le cœur de tous mes tourments.

— Tu sais, à propos de ma Cure...Je ne sais pas si Madigan t'en a parlé ?

L'entendre formuler le nom de la procédure me fait frissonner et je fais de mon mieux pour cacher mon malaise. Je sais qu'il finira par apprendre ce qui se trouve dans ma tête, mais je refuse de voir son regard sur moi changer. 

Je refuse de perdre Benny une nouvelle fois, pas aujourd'hui. La voix de Benny est pleine d'espoir, pour je-ne-sais-quelle-raison. Ses yeux m'implorent de lui dire que je ne sais rien, que Madigan ne m'a rien dit. Les paroles de la jeune femme, m'annonçant que Benny devait rester en Cure plus longtemps, qu'il était devenu violent remontent dans ma mémoire, mais je me contente de secouer la tête négativement afin de rassurer le jeune homme. 

Benny m'offre un petit sourire triste, signifiant peut-être « merci » avant que son visage ne s'assombrisse. Je signe qu'il n'est pas obligé de m'en parler avant de poser une main sur son épaule.

— Je ne pense pas être encore prêt à en parler. Disons simplement que les souvenirs que j'ai récupérés ont été plutôt difficiles à encaisser. Je ne suis même pas sûr de les avoir acceptés complètement et ça fait presque un an. Je ne sais pas si j'y parviendrai un jour, pour être franc. Ce que j'ai vécu... Je ne le souhaite à personne. Je... J'en fais encore des cauchemars, la nuit. Madigan m'a donné des médicaments mais je refuse de les prendre. J'ai peur... J'ai peur d'oublier, encore une fois. Je ne veux pas oublier, mais je ne veux pas accepter de m'en souvenir non plus, pas entièrement, avoue le jeune homme, au bord des larmes.


Hello tout le monde, what's up ?
Hugh, je viens de finir d'écrire mes 50 pages de mémoire, je suis le-ssi-vée.
J'ai juste hâte de passer la soutenance et de laisser ça derrière moi, de commencer ma nouvelle vie sans ce mémoire, ni ce prof, ni cette université.... Bref, j'ai hâte de quitter tout ça en fait.


Sinon, on en parle de miss "j'utilise-jamais-ma-voix-au-bon-moment" ?
Que pensez-vous de ce chapitre ?
L'amitié entre Benny et Felidae vous avait manqué ?
Dites-moi tout !

Je suis désolée de ne plus publier à 17H, il faut dire qu'avec tout mon boulot c'est de plus en plus dur.... Mais je vais finir par y arriver !
Gros bisous à tous et à toutes ^^ 

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