Chapitre 9 - Sortir de l'ombre (1/2)

Màu nền
Font chữ
Font size
Chiều cao dòng

— Il faut que vous alliez à ce bal.

Adossé à la porte de la chambre de Danila, Duncan ne la quittait pas du regard.

— Je ne peux pas, affirma-t-elle en secouant la tête. Ma tante ne tient pas à ce que j'y participe et du reste, je ne suis pas certaine de vouloir me montrer à tout le monde.

— Pourtant, vous le devez, rétorqua-t-il avec une rudesse qu'elle ne lui connaissait pas. Cela fait déjà cinq jours que votre tante vous garde terrée dans cette chambre. Il est temps que vous montriez à votre meute qui est sa véritable alpha.

Assise sur le bord de son lit, la louve remua tristement les jambes. Quelques jours plus tôt, elle n'avait pas vraiment été surprise d'apprendre que son ancienne chambre avait été réattribuée à l'un de ses cousins. Elle avait dû se contenter d'une pièce à la décoration vieillotte, exilée dans l'une des ailes les plus reculées du château. Personne ne s'y aventurait, hormis quelques domestiques qui passaient de temps à autre dépoussiérer les candélabres.

Quand Gladis lui avait dit qu'elle préférait que Danila reste "discrète", celle-ci n'avait pas vraiment compris qu'elle se retrouverait assignée à résidence, sans avoir le droit d'aller plus loin que le bout du couloir. Seuls les employés qui avaient la confiance de sa tante pouvaient lui rendre visite pour apporter ses repas. Tu comprends, il ne faudrait pas que quelqu'un commence à répandre la rumeur de ton retour sans que nous y soyons préparés, s'était justifiée Gladis avec regret.

— Ce n'est que temporaire. La situation est très compliquée pour ma tante, ce n'est pas facile d'avoir une nièce qui revient d'entre les morts pour vous reprendre votre titre...

— Rien n'est facile pour vous non plus. Si Isabella était là, elle vous dirait que votre tante cherche à vous maintenir dans l'ombre afin de mieux briller.

— Vous avez réussi à recevoir l'une de ses lettres ?

Il se renfrogna et croisa les bras sur son torse.

— Non, tant que je ne peux pas sortir d'ici pour envoyer mon courrier moi-même, je préfère ne prendre aucun risque. Je l'avais informée que nous étions arrivés sur la Terre de l'Émeraude, mais depuis, je ne lui ai rien dit d'autre. Les palais et les alphas ne sont pas réputés pour leur grande confidentialité.

En cela, Danila ne pouvait pas le contredire.

— Je connais assez ma femme pour savoir ce qu'elle penserait de cette situation, reprit-il. En essayant de retarder chaque fois un peu plus l'annonce de votre retour, votre tante se laisse le temps d'élaborer un plan afin de vous évincer. Elle ne...

— Gladis serait incapable de faire ça ! s'offusqua-t-elle. Vous avez bien vu, elle m'a laissée revoir mes cousins et...

— Ce n'est qu'une stratégie pour mieux vous attendrir, grommela-t-il. Peut-être qu'elle ne manigance pas à proprement parler quelque chose pour vous éloigner, mais elle espère que vous vous conforterez dans votre position de fantôme. Pardonnez-moi de vous le dire ainsi, or elle a toutes les raisons de souhaiter que vous renonciez à votre rôle.

Danila soupira et baissa les yeux sur le vieux tapis marron qui ornait le parquet.

— Elle a sûrement raison de le souhaiter. Même si je m'ennuie un peu à force de rester ici, je n'ai pas vraiment hâte de reprendre ma place et...

— Vous voyez, fit-il en pointant un doigt vers elle. C'est exactement le genre d'attitude qu'elle attend de vous. Elle guette le moment où vous lui demanderez de partir et où vous la supplierez de continuer à jouer la comédie.

La louve refusait de voir les choses sous cet angle. Ou plutôt, elle comprenait que Duncan puisse raisonner ainsi, or il ne la connaissait pas comme Gladis connaissait sa nièce.

— Vous ne savez pas tout, avoua-t-elle en triturant une mèche de ses cheveux bruns. Si Gladis n'est pas pressée d'annoncer mon retour, c'est parce qu'elle sait combien la tâche sera difficile pour elle et moi. Elle devra recommencer à me conseiller en permanence, à rattraper mes frasques, à effectuer tout le travail que je ne comprends pas... C'est pour cette raison qu'il vaut peut-être mieux qu'elle conserve son titre.

Exaspéré, Duncan marmonna des propos inintelligibles dans sa barbe. Si Danila avait été moins affligée par la situation, elle aurait pu s'amuser de constater à quel point il ressemblait à un grand-père grincheux lorsqu'il agissait ainsi.

— De toute façon, vous êtes l'alpha, trancha-t-il. Votre tante ne pourra pas éternellement mentir au monde entier. Quelqu'un finira bien par se rendre compte que son aura brille moins fort qu'autrefois.

La jeune fille ne répondit pas. Elle savait qu'il avait probablement raison. Gladis avait beau afficher de grands sourires et la couvrir de belles paroles, elle ne semblait pas aussi réjouie de son retour qu'une tante aurait pu l'être. Même si elle laissait ses cousins rendre visite à Danila, elle ne passait pas la voir très souvent. Elle prétextait sans arrêt être occupée, ou ne pas avoir eu le temps de songer à l'avenir de sa nièce, mais au fond, celle-ci n'ignorait pas qu'elle retardait l'échéance autant que possible.

Le silence fut rompu par quelqu'un qui toquait à la porte. Duncan s'en écarta et après avoir consulté Danila du regard, il ouvrit.

— Bonjour ! s'exclama une petite voix que la louve reconnut aussitôt. Dani est là ?

La visiteuse n'attendit pas la réponse de l'ancien garde pour entrer. Danila fut heureuse de voir apparaître sa cousine Kiera, accompagnée de son petit frère Morgan.

— Toi non plus t'es pas au bal ? se lamanta Kiera. Maman n'est vraiment pas gentille, il n'y a que Mike qui a eu le droit d'y aller !

Âgée de neuf ans, la jeune louve était un parfait mélange entre sa mère et son père. Danila conservait de bons souvenirs de ce dernier – décédé six ans plus tôt – et Kiera avait hérité de ses yeux verts. Ses cheveux noirs rappelaient sa mère, alors que Morgan, le plus jeune de la fratrie, était un petit blond au teint doré.

— Votre maman a ses raisons, déclara Danila avec un sourire peu convaincant. Vous êtes trop jeunes pour participer au bal et moi... Comme vous le savez, il vaut mieux que je continue de jouer à cache-cache.

— C'est pas juste ! T'es plus un enfant comme nous, tu devrais être au bal !

Danila échangea un bref regard avec Duncan, qui inclina la tête. Vous voyez, même vos cousins pensent que vous devriez y aller, semblait-il vouloir lui dire.

— Quand bien même je me déciderais, je n'ai aucune robe de soirée à me mettre. On ne peut pas aller à un bal sans une belle robe, ajouta-t-elle à l'adresse de sa cousine.

Elle avait simplement voulu amuser la petite fille, mais celle-ci prit sa remarque très au sérieux.

— Oh, ça c'est pas un problème ! s'exclama-t-elle avec entrain. Attends, bouge surtout pas !

Elle entraîna son petit frère et ils disparurent aussi vite qu'ils étaient apparus.

— Elle va sans doute me ramener l'un de ses déguisements dans l'espoir que je le porte, commenta Danila.

Loin d'être attendri, Duncan s'approcha de la vieille armoire qui trônait dans la chambre.

— Je peux ? s'enquit-il.

— Faites ce que vous voulez, mais... Vous n'allez vraiment rien trouver là-dedans, il n'y a que des vieilleries.

Il ne se découragea pas et inspecta l'armoire sans toutefois oser trop fouiller.

— Ceci pourrait peut-être convenir ? proposa-t-il en désignant une longue tenue blanche au col dentelé.

— C'est une chemise de nuit. Je sais que votre femme aimait porter des tenues qui s'apparentaient à celle-ci, mais...

Il n'eut pas besoin qu'elle se perde en explications. Que Danila envisage la perspective de se rendre au bal était une chose, qu'elle y aille habillée comme la princesse en était une autre.

Sans surprise, Duncan ne trouva pas son bonheur dans la penderie. Cela rassura la louve, qui avait une bonne excuse pour rester dans sa chambre. Néanmoins, au moment où l'ancien vampire allait renoncer et regagner ses appartements, Kiera et Morgan réapparurent.

— Et voilà ! s'écria la petite fille en traînant un tissu rouge derrière elle. Regarde !

Danila crut d'abord qu'il s'agissait d'une vulgaire cape dénichée à l'angle d'un couloir, mais quand elle regarda de plus près...

— Par la Lune, où avez-vous trouvé cette robe ?

Kiera la déposa sur le lit et l'étala fièrement devant elle.

— T'as vu comme elle est trop belle ! Elle est trop grande pour moi, mais toi comme t'es une grande elle devrait t'aller !

Et effectivement, la tenue semblait assez adaptée à la taille de Danila. Des strass venaient habiller la soie rouge, qui paraissait plutôt seyante.

— Faut que tu la mettes ! insista Kiera. Comme ça tu pourras aller au bal !

Bien que son enthousiasme touchât la louve, elle ne se sentait pas encore tout à fait convaincue. Gladis lui en voudrait terriblement si elle outrepassait ses recommandations. De plus, une fois qu'elle serait apparue publiquement devant tout le monde, son existence redeviendrait un véritable tumulte. Elle reprendrait réellement son rôle d'alpha, devrait répondre aux questions des curieux, serait obligée de justifier ses agissements... Mais n'est-ce pas pour cela que tu es venue jusqu'ici ?

Elle avait déjà réussi la prouesse d'entreprendre le voyage. Si elle restait dans l'ombre, ce serait comme si elle n'avait rien fait. Pire encore, elle serait de nouveau une lâche qui finissait toujours par se dérober.

— Je... Avec ce rouge, tout le monde va encore plus me voir, s'inquiéta-t-elle. J'aurais préféré quelque chose de plus discret pour une première apparition...

— Au contraire, c'est parfait, certifia Duncan. Même si je sais que cela est difficile, vous devez être vue par le plus grand nombre.

Danila grimaça et se cacha le visage entre les mains.

— Ce bal n'a même pas été organisé pour moi. Ma tante a dû se donner beaucoup de mal et je vais lui voler la vedette, ce n'est pas...

— On s'en fiche ! la coupa Kiera. Maman veut jamais partager ses bals, elle veut jamais que j'y sois ! Elle m'a dit que quand je serai assez grande, on pourrait organiser des bals pour mon anniversaire, mais c'est long !

— Dani, tu dois y aller ! renchérit Morgan. Maman sera contente de t'y voir en plus, elle doit s'ennuyer toute seule avec Mike !

Elle n'eut pas le coeur à leur dire que leur mère risquait d'être déjà assez occupée, et qu'elle espérait sûrement que Danila ne vienne pas s'en mêler...

Fatiguée par toutes ces marques d'insistance, elle se sentait sur le point de céder. Un ultime regard vers Duncan la convainquit de suivre leurs conseils.

— Très bien, abdiqua-t-elle en se levant de son lit. Je vais au moins essayer cette robe, mais si elle ne me va pas, je reste ici.

Kiera poussa une exclamation pleine d'enthousiasme, tandis que Morgan arborait un sourire édenté. Bien que moins démonstratif, Duncan semblait aussi satisfait. Il quitta la pièce, suivi de près par le petit garçon, afin que Danila puisse s'habiller. Malgré sa petite taille, Kiera se fit une joie de jouer les habilleuses et aida sa cousine du mieux qu'elle put.

— T'es trop belle ! la complimenta-t-elle une fois que l'arrière de la robe fut noué. Regarde !

Elle invita Danila à se contempler dans un miroir strié de quelques rayures. Ce qu'elle y vit ne lui plut qu'à moitié.

La robe était indéniablement belle et adaptée à un bal. Le tissu rouge chatoyait avec éclat, tout comme les légers strass qui agrémentaient le bustier. Cependant, la coupe était bien trop près du corps. C'était le genre de tenue qui allait parfaitement à des femmes dotées de jolies formes, telles que Gladis ou Beatricia. Sur la louve, cela ne faisait que souligner son absence de poitrine. L'ancienne chef des Blackfire s'était souvent moquée d'elle à ce sujet et Danila avait toujours eu du mal à prendre ses paroles avec du recul.

— T'as vu, ça te va trop bien ! fit pourtant Kiera. Quand je serai grande, je veux être comme toi !

Sa cousine eut du mal à prendre son compliment au sérieux. Elle aurait plutôt dû souhaiter être comme Gladis, qui embellissait tout ce qu'elle portait.

— Je ne suis pas sûre que ça m'aille tant que ça, regretta Danila en pivotant un peu. Les bretelles sont trop lâches, le dos est beaucoup trop découvert...

— Mais non ! Je te rappelle qu'on est des princesses, c'est ce genre de robes qu'on doit mettre !

Peu convaincue, la louve fut tentée de tout enlever et d'enfiler une chemise de nuit, afin de pouvoir aller se coucher sans plus songer à ce bal. Hélas, Kiera appela son frère et Duncan.

— Dites à Dani comment elle est trop belle !

La concernée se sentit presque honteuse d'apparaître ainsi devant le mari de la princesse. Heureusement, son grand âge devait déjà avoir offert à sa vue toutes sortes d'accoutrements, car il ne parut pas particulièrement choqué en la voyant.

— C'est ce qu'il vous fallait, approuva-t-il avec un simple hochement de tête. Maintenant, nous pouvons y aller.

Il en avait lui-même profité pour se changer. Il portait le genre de costumes noirs qui lui servaient d'uniforme à la Cour du roi.

— Sans vouloir vous blesser... Êtes-vous certain qu'y aller ainsi soit une bonne idée ?

— Je n'ai rien de mieux, se justifia-t-il. De toute façon, je ne compte pas vous escorter en permanence. Je serai simplement dans la salle au cas où vous auriez besoin.

Garde du corps un jour, garde du corps toujours. Elle le remercia, avant de tenter de démêler un peu ses cheveux bruns. Elle n'avait aucune poudre à se mettre sur le visage et hormis ses bagues, ne détenait pas le moindre bijou. Elle serait sans doute la plus ridicule de la soirée, mais ce ne serait pas la première fois qu'elle ferait tache lors d'une réception.

— Vous êtes sûrs qu'il n'est pas trop tard pour y aller ? s'inquiéta-t-elle, dans un dernier espoir de trouver une bonne raison de rester tranquille. Les festivités ont dû commencer depuis un moment.

— Comme aime à le dire l'une de mes connaissances, une princesse n'est jamais en retard à un bal qui se tient chez elle, avança Duncan.

Il ponctua sa phrase d'un très léger sourire. La rareté de celui-ci donna à Danila le courage qu'il lui manquait. Elle se regarda une dernière fois dans le miroir, puis se décida à suivre les loups.

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen2U.Pro