Mercredi, jour de Mercure

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La journée avait bien commencée : le voisin avait laissé cinq mégots dans mon jardin durant la nuit. Je les ramassais avec satisfaction dans la lumière matutinale ; la rosée les avait à peine détrempés et il ne faudrait pas plus de quelques heures pour les sécher à point. Je rendis grâce au ciel qui était splendide et dégagé et qui avait su m'épargner d'un réveil tonitruant et divin.

Ce fut donc avec une bonne humeur affichée que je pris place au volant de mon véhicule individuel moyennement polluant. Un coup d'œil à l'horloge du tableau de bord m'indiquait que je risquais d'arriver avec seulement cinq minutes d'avance à mon rendez-vous au Pôle Emploi. Il était temps de me dépêcher puisqu'il était de bon ton d'arriver en avance pour profiter des files d'attente et badiner avec les inconnus qui patientaient eux aussi.

À peine le moteur enclenché, la radio s'alluma et m'offrit un condensé des informations essentielles du début de journée : une énième divinité s'était écrasée sur le sol d'Ardèche dès les premières lueurs de l'aube. Les experts du Ministère de l'Immigration peinaient encore à déterminer son essence, mais d'après les premiers constats il s'agissait d'un obscur ressortissant du panthéon égypto-romain. Le fait que ce dernier refusait obstinément de décliner son identité aux facteurs qui l'avaient appréhendé, faisait supposer aux commentateurs qu'il devait s'agir d'Harpocrate. Pour ma part, c'était un nom totalement inconnu au bataillon.

Le reste des nouvelles était d'un intérêt équivoque et plutôt inquiétant : Véolia menaçait d'enrôler de force un millier de T.I.G. supplémentaire si le Palais de l'Élysée n'accédait pas à ses requêtes en terme de déduction fiscale ; le gouvernement était bien décidé à ne pas céder aux pressions des travaillistes, lesquels refusaient toujours d'appliquer l'augmentation de la distribution gratuite de carburant de dix-neuf à vingt-trois litres de gazole par semaine et par chômeur.

Je haussai les épaules et me permis un petit rire sardonique en écoutant le porte-parole du Parti des travailleurs au Sénat. Ce type était vraiment un crétin obtus et le plus indigne représentant de l'Ancien Régime ! Pour ma part, j'avais fait le plein la veille et j'avais même dû remplir un jerrican de diesel pour bénéficier pleinement de mes minima sociaux.

9 h 48.

Il était désormais plus que temps de me dégourdir si je ne voulais pas arriver à l'heure au Pôle Emploi. Au carrefour devant l'école primaire du quartier, je décidai de passer à l'orange pour gagner du temps. J'entrevis les regards colériques et remplis de préjugés des autres automobilistes qui devaient me prendre pour un crevard de salarié en retard.

Hélas, ma vilaine manœuvre ne passa pas inaperçue des forces de l'ordre. J'aurais pourtant dû me méfier : à cette heure-ci ça circulait mal et les facteurs-policiers étaient en pleine distribution de courrier. Je ne remarquai que trop tard le scooter électrique de l'officier-postier en faction dans cette zone de la ville. Il démarra en trombe et brancha sirène et gyrophare pour venir se mettre à mon niveau. Le salaud me fit signe de m'arrêter sur la place de parking payante en face du PMU. J'obtempérais de mauvaise grâce et dépensais trois francs à l'horodateur, soit le tarif pour la durée minimale de sept minutes. Fort heureusement, j'avais toujours dans ma voiture un stock de diverses devises (y compris des euros... on ne savait jamais quand une ancienne monnaie pouvait resurgir).

Le flic-préposé inspecta mes papiers, ma vignette d'assurance, mon niveau d'huile et l'état de mes plaquettes de freins. Il rédigea une lettre-amende et me l'expédia en LRAR qu'il me délivra immédiatement non sans avoir vérifié le cachet de la poste faisant foi.

La Police-PTT était l'un des seuls organes qui n'avait pas été dissout lors du passage au Nouveau Régime. Ce reliquat des anciens temps se justifiait, paraissait-il, par un décret d'exception qui avait été prononcé par l'Empereur Nicolas lui-même, en remerciement des bons et loyaux services qu'avait rendus cette administration lors de sa prise de pouvoir onze ans auparavant. La fusion des Postes et de la Police avait été encouragée par les anciens dirigeants socialo-libéraux lorsqu'il s'était agi de trouver des solutions concrètes pour assumer une politique d'austérité quasi-permanente. Très vite, les consultants des cabinets ministériels s'étaient aperçus qu'il y avait essentiellement deux administrations qui patrouillaient cinq jours et demi par semaine aux heures ouvrées : la Police et les Postes. Il était donc devenu logique que pour réduire les budgets de ces deux missions régaliennes, les deux entités dussent s'absorber mutuellement. Depuis, les inspecteurs-distributeurs se chargeaient à la fois des enquêtes de proximité, de la régulation du trafic routier et de l'acheminement des courriers officiels. Pour le reste, les succursales de Véolia subvenaient aux besoins primaires de la société en matière de courrier et de justice privés.

Après une admonestation en bonne et due forme, le postier-policier me libéra pour la modique somme de cent-quinze écus (que je payais grâce à un chèque dématérialisé de mon compte courant au Luxembourg).

Je redémarrai le mors dans l'âme (ou un truc du style) et rageai contre ma propre bêtise. La radio interrompit son programme musical (cette semaine c'était la semaine Philippe Lavil) pour un flash breaking news d'alerte urgence. Le Grand Chambellan fit une allocution sur le perron de l'Élysée pour annoncer que suite à des tensions communautaires à Bruxelles, l'Union des Royaumes et Empires Occidentaux d'Europe, de Crimée et de Scandinavie (communément appelée « l'Union ») venait de renoncer partiellement et pour une durée indéterminée à l'usage de l'European Curency Unit (autrement dit l'ÉCU – code ISO 4217 : XEU). Je me rendis alors compte qu'à deux minutes près, je n'aurais pas pu m'exonérer de l'amende du postier et j'aurais sans doute écopé d'un redressement ou d'une surtaxe pour retard de paiement ou pour fraude fiduciaire à la monnaie invalide (punie par trente-cinq jours de Travaux d'Intérêt Général au profit d'une multinationale d'intérêt communautaire).

La chance !

Je parvins dans la file d'attente de Pôle Emploi à 9 h 58, soit deux minutes en avance, ce qui n'était pas terrible, mais demeurait honorable. Dans la queue je rencontrai quelques autres collègues sans emploi que je fréquentais parfois en dehors des heures chômées. Il nous arrivait de prendre nos voitures individuelles et de rouler deux ou trois heures en file indienne sur les voies expresses gratuites, juste pour le plaisir de dépenser du carburant gratuit ensemble. Parfois nous poussions jusqu'à Ouistreham ou Saint-Malo et nous buvions un ou deux cafés au casino avant de revenir en ville.

Sur les fauteuils dans l'espace d'attente, je m'amusai à toiser les petits nouveaux qui révisaient leurs leçons et relisaient pour la trentième fois leurs livres de réhabilitation sociale. Ceux-là n'avaient jamais encore pointé au chômage. Ça se voyait à leurs fringues : ils avaient tellement l'habitude de travailler qu'ils continuaient de porter les polos aux sigles de leurs anciens employeurs. C'était pathétique ! Je détestais ces petits arrivistes, ceux-là même qui avaient participé à l'effondrement de la société et à l'ubérisation de la vie sous l'Ancien Régime. Si ça n'avait tenu qu'à moi, j'aurais mis tous les salariés au T.I.G. et en route pour les mines de lithium ou les champs d'éoliennes ! Ça leur aurait fait la bite de compter les drones dans les carrières d'Argentine ou d'empêcher les vaches de s'approcher des pylônes énergétiques auvergnats !

Le numéro du type devant moi s'afficha sur l'écran LCD géant et il se dirigea vers la cabine numéro quatorze. J'avançais d'un pas. J'étais désormais le premier de la file, ce qui était la meilleure place pour regarder les spots publicitaires sur l'immense télévision du hall d'accueil. Les publicités pour de grandes marques de diesel, de cosmétique ou de services de paiement en ligne étaient parfois entrecoupées d'annonces officielles du Gouvernement ou d'extraits d'émissions politiques. Toutes les heures le temps d'attente était interrompu par un flash d'informations et une pause de dix minutes. Les chômeurs pouvaient alors déguster un bon café ou une bonne cigarette. Généralement, c'est à ce moment que je vendais mes clopes reconstituées.

Je savais que ça n'était pas tout à fait légal d'ubériser des cigarettes artisanales (ni moralement satisfaisant), mais au prix de quatorze shillings l'unité, les cigarettes étaient l'un des biens de consommation les plus prisés des non-employés. Certains étaient même prêts à débourser des tonnes de kilo-franc-or pour des transplantations de poumons en provenance d'Asie du Sud-Est, juste pour le plaisir de fumer et de prouver au monde entier qu'ils surfaient sau sommet du standing contemporain. Le must était de fumer au théâtre devant une pièce de Bernard Werber ou d'Anton Tchékov (perso j'aimais bien l'Oncle Vania et Platonov que j'avais vu deux fois chacun au théâtre municipal de Six-Fours- les-Plages). Mes cigarettes étaient très prisées des connaisseurs de tabac artisanal. Je prenais un soin tout particulier à sélectionner les meilleurs mégots trouvés par terre, ainsi que les fibres de papier les plus fines que je mâchouillais moi-même des heures durant (surtout le dimanche). Je recyclais les filtres et parfois en fabriquais des neufs avec de la ouate hydrophile 100 % bio de Camargue. J'avais acquis une superbe technique de roulage après un stage de formation chez un grand rouleur de tabac guatémaltèque (financé pour moitié par le Pôle Emploi et pour moitié par le Conseil Régional). Je pouvais donc me permettre de vendre ma propre production sous le manteau au tarif raisonnable de trois guinée la pièce.

Mon numéro fut appelé juste après la fin de la pause. Dommage, j'espérais revoir le spot commercial avec les trois rouquines qui dansent en bikini dans une piscine à remous pour vanter les mérites du dernier désherbant loca-éco-responsable de Bayer (hypoallergénique, sans paraben ni graisses animales et avec 15 % DE SEL EN MOINS ! Truc de fou).

Je me concentrai deux secondes en prenant une grande inspiration et en posant ma main sur la poignée de la cabine dix-neuf où je venais d'être convoqué.

J'étais bon. Je n'avais jamais raté un examen de contrôle social en huit ans d'inactivité. Depuis mercredi dernier j'avais lu deux fois les neuf chapitres du dernier essai de Pierre Rabhi. J'avais fait des fiches de révision et je me sentais prêt à répondre à l'interrogation de mon agent de Pôle Emploi.

Je pénétrai dans le petit bureau constitué d'une chaise passablement confortable en velours élimé orange et poussiéreux, d'un pupitre à écran plat dix-sept pouces et d'un distributeur d'eau fraîche. L'écran était en veille et un message défilait à des emplacements aléatoires, parfois en haut à gauche, parfois en bas au milieu ou au centre à droite. On pouvait y lire cette phrase que connaissent tous les chômeurs : « Merci de patienter, un opérateur va vous répondre ». Généralement le visage de l'agent apparaissait entre treize et quarante-quatre minutes d'attente. Au-delà d'un délai de cent minutes, les utilisateurs étaient en droit de déposer une réclamation et d'obtenir un bon d'achat pour un Samsung ou bien une semaine de vacances en demi-pension à Hammamet (facilement échangeable l'un comme l'autre contre d'excellents filtres de cigarettes de seconde main).

Le visage de mon interlocutrice se matérialisa sur l'écran du pupitre. Je retins un geste de victoire : elle avait l'air d'être Turque, ce qui voulait dire que je comprendrais assez facilement son accent et que je n'aurais pas à lui demander de bien vouloir répéter ses questions. Les interros les plus difficiles étaient celles menées par des Pakistanais, des Indonésiens ou des Jurassiens ; leurs accents étaient incompréhensibles et on devait souvent les faire répéter. Et souvent les notes s'en ressentaient au terme du trimestre lorsqu'il s'agissait de consulter le bulletin de reconduite des droits sociaux.

Une fois je n'avais pas eu la moyenne et j'avais dû partir un mois entier en T.I.G. à Mâcon où un contre-maître de Vinci m'avait obligé à tenir les outils et à allumer les clopes d'un salarié pendant quatre heures par jour sur un chantier autoroutier. L'enfer !

L'oral se déroula très bien et j'obtins la note de neuf sur dix ainsi qu'une prime de douze millions de lires (soit plus ou moins cent-vingt-trois marks ou neuf milliards de sesterces).

De retour sur le parking, je me permis d'en griller une avant de remonter dans mon Porshe Cayenne. Il était encore tôt et le soleil approchait dangereusement de son zénith automnal. Lorsque soudain !

Poc !

Surgit de nulle part, une boule noire aux reflets irisés s'abattit sur le pare-brise de ma voiture laissant un impact pas plus gros qu'une pièce de deux francs CFA. Je regardai les ailes de papillon se déployer et laisser apparaître une petite bonne femme d'à peine quarante centimètres. La créature se frotta les tempes, l'air un peu déboussolé. Puis elle regarda autour d'elle, fit un tour circulaire sur elle-même en esquissant une petite danse sur le capot de la bagnole avant de s'apercevoir que je l'observais avec des yeux ronds.

« Oh, salut ! Je suis Nælicya, déesse sarde des confluents, gardienne des hymens des futures mariées, protectrice des lépidoptères et principe virginal de la féminité. Je suis la fille de Clytemnon, dieu étrusque des pommeraies et d'une bergère Atride. Quoi dire de plus sur moi... Ben, voilà ! Je crois que c'est tout. Et toi ? Tu es qui ? »

Oh putain ! Il fallait que ça tombe sur moi. Je venais d'hériter à l'instant d'une divinité à la con. Une nobody en plus ! Très vite, je lui balançai le chandail que je portais noué autour des épaules pour la dissimuler. Je ne voulais pas qu'on me voit en compagnie d'une déesse en situation irrégulière. C'était le genre d'anicroche qui pouvait me coûter ma carrière. Je l'emballai donc à la va-vite et enfournait le paquet dans la boîte à gants.

Durant le trajet de retour jusqu'à chez moi, je l'entendis tambouriner de ses poings minuscules contre le battant du réceptacle. Je haussais le volume de la radio pour étouffer ses complaintes. La voix de Philippe Lavil parvint presque à masquer son vacarme. Je craignais par dessous tout un contrôle inopiné des douanes volantes. J'avais lu sur un encart défilant de BMF TV qu'il y avait une recrudescence du trafic de parmesan dans la région. Ce type de contrebande attirait les douaniers comme des mouches à merde autour d'un cadavre de ragondin pris dans les filets d'un roundball au cœur d'un été caniculaire (truc du style).

Arrivé chez moi, je fermai les rideaux et déballai ma déesse sur la table du salon. Elle était toute ébouriffée et tirait la tronche. Elle me gratifia d'une expression mi-figue mi-raisin tandis qu'elle remettait de l'ordre dans sa tignasse brune. Je la détaillai plus attentivement : elle était plutôt jolie pour une créature païenne et antérieure au Concile de Chalcédoine. Elle portait une espèce de tunique d'une couleur étrange entre le turquoise et l'ultramarine qui couvrait une partie de son buste. Elle avait de longues jambes nues et hâlées qui se terminaient par une paire d'espadrilles en jute et ses ongles lilliputiens étaient manucurés avec soin.

« Bon et maintenant ? On fait quoi ? Tu m'ériges une stèle ou on se regarde en chien de faïence le reste de la saison ?»

Sa voix claire et impérieuse me donnait l'impression de recevoir des ordres de la part d'une gamine de six ans.

« Euh... Tu sais que tu ne peux pas rester ici. Je dois te remettre aux autorités locales.

— Je ne sais même pas où c'est ici !

— Bah... on est en France !

— C'est où ça en France ? Je ne connais pas cette colonie. Ça fait partie de l'Empire Romain ?

— En Gaule ! On est en Gaule si tu préfères.

— Ah... C'est loin de chez moi.

— Rappelle-moi d'où tu viens, déjà ?

— De Sardaigne.

— Ah... Oui, c'est pas la porte à côté. Mais je suppose que ça fait un moment que tu n'habites plus en Sardaigne.

— Bah, non, hein ! J'ai été virée comme tous les autres. Depuis on vit tous là-haut puisque les monothéistes nous ont expulsé.

— Triste histoire... C'est où « là-haut » au juste ?

— Oh, arrête avec tes questions stupides ! Construis-moi un temple au lieu de parler. Tiens, là-bas, à côté des broussailles, ça sera très bien.

— Ce ne sont pas des broussailles, c'est le ficus que ma mère m'a offert pour mes trente-cinq ans.

— Ça fera très bien l'affaire. J'aime bien le marbre et l'albâtre, mais si tu es trop pauvre, du stuc ça suffira. Tout sauf du granit : ça me donne mal au crâne. Et puis après apporte-moi des offrandes : des oranges, des cerises, des faines, des fleurs de réglisse et des graines de courges.

— Tu ne veux pas que je te dépose à la Biocoop plutôt ?

— Hors de question ! Je mérite mieux que ça. Si tu es gentil et dévot j'exaucerai tes prières et je te rendrai ton hymen pour te marier si tu as pêché.

— Euh... Tu sais, les choses ont bien changé depuis que vous avez été expulsés. Aujourd'hui, les divinités de l'Ancien Régime qui tombent sur Terre sont confiées au Ministère de l'Immigration avant d'être parqués dans des camps de rétention où on... où ils attendent d'être jugés.

— Jugés ?

— Oh, je n'en sais rien moi ! Je n'y connais rien à la politique d'immigration. Ne me regarde pas comme si j'étais responsable de tout ce fatras ! Je sais juste que tu n'as pas le droit d'être là !

— Mais... Où je vais aller alors ? Tu ne m'aimes pas ? Tu ne me trouves pas jolie et fascinante et virginale ?

— Euh... Ce n'est pas la question ! »

Là, elle se mit à faire des trucs mignons avec ses yeux chagrins et ses petits pieds.

Je savais que je m'apprêtais à commettre une erreur mais pour une raison inconnue, je ne trouvai pas la force de la dénoncer. J'avais vu des reportages sur les conditions d'accueil des réfugiés divins. Ce n'était pas très digne de l'Union des Royaumes et Empires Occidentaux. Les anciens dieux étaient au mieux livrés à eux-mêmes dans des zones de lagunes ou de tourbières où s'entassaient des préfabriqués d'occasion récupérés sur des chantiers autoroutiers. Areva avait même refusé de leur fournir de l'électricité nucléaire.

Je regardai à nouveau la petite Nælicya. Contrairement à la plupart des siens, elle ne prenait pas de place. Par exemple Neptune avait dû être enfermé dans le bassin des orques au Marineland d'Antibes. Là, il se prêtait de mauvaise grâce à des parades trois fois par jour avec les autres mammifères marins pour le plaisir des touristes. Jupiter quant à lui avait été installé dans une fontaine décorative en face du mausolée de Jacques Séguéla dans les jardins de l'Élysée. Ne parlons même pas de Vénus et de son frère qui en étaient réduits à distribuer des échantillons de Godiva à la réception du Cæsar Palace d'Atlantic City.

Peut-être que l'infime déesse des confluents présentait une menace négligeable à l'ordre public ?

« Bon, ok. Je veux bien te garder ici, mais tu ne dois pas te faire remarquer.

— Ok !

— Et tu resteras dans le jardin où je te construirai un petit sanctuaire.

— D'accord !

— Et si les voisins demandent qui tu es, tu leur répondras que tu es ma petite nièce dont les parents ont fuit au Kazakhstan.

— Ça marche !

— Et que tu as dix-neuf ans mais que tu souffres d'un problème d'hypophyse.

— Parfait !

— Sinon, tu sais faire des trucs magiques ?

— Bien sûr ! Regarde ! »

Et là, sous mes yeux de gosse émerveillé, Nælicya se transforma en une nuée de lépidoptères bigarrés qui voleta dans mon salon. Après une série d'arabesques et de tableaux majestueux les insectes terminèrent leur spectacle en mimant la forme du divin visage.

« Bon, mignonne, tu feras gaffe quand même : les chattes de mon voisin aiment bien niaquer les papillons ! ».


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octobre 2016

vainqueur du défi libre Ter Aelis 2016

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