Meredith

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Mérédith n'avait pas son pareil pour attirer l'attention sur elle. Déjà son prénom dénotait. On le qualifiait tantôt de pseudonyme d'actrice porno, tantôt d'anglicisme snob. À vrai dire les deux lui convenaient, tant elle se jouait du conformisme de rigueur imposé par sa scolarisation dans ce lycée de catholiques cul-serrés.

Le bac, une fin en soi pour pour ses professeurs et la plupart de ses camarades de classe, ne représentait pour elle rien de plus que le sésame pour une vie estudiantine qu'elle attendait impatiemment depuis des années. Par provocation, elle annonçait cependant à la cantonade, qu'elle se ferait une joie d'y échouer volontairement, ne serait-ce que pour offusquer le conseil d'établissement pour qui le taux de réussite à l'examen justifiait à lui seul une bonne partie du coût exorbitant des droits d'inscription.

Bien entendu, sous ses airs de pimbêche rebelle, elle bachotait comme tout le monde, allant même jusqu'à espérer une mention honorifique. Son intelligence, acquise plus qu'innée si elle en croyait l'ineptie de ses ascendants, la mettrait relativement à l'abri d'un quelconque échec scolaire.

Non, vraiment les études n'étaient pas un soucis pour elle ; elle connaissait ses nombreuses capacités et ses rares lacunes dans les domaines théoriques. Elle se payait même le luxe d'exceller en sport et dans les matières artistiques. C'est ce qui d'ailleurs la rendait particulièrement agaçante aux yeux de ses professeurs. Derrière ses allures négligées, sa verve et son arrogance inébranlables, ceux-ci ne pouvaient même pas se rabattre sur une quelconque médiocrité dans ses résultats. Cette fille était vraiment un démon à leurs yeux, et si elle était irréprochable dans ses devoirs, ils se faisaient cependant une joie de profiter du moindre prétexte pour lui rappeler l'incongruité de son comportement. Il n'était donc pas rare qu'un mot de travers, une attitude trop débonnaire ou un simple sourire de satisfaction provocatrice entraînent des colles ou autres punitions sans réelles conséquences. En réalité, elle aimait ces moments de quiétude loin des autres ados attardés, lorsqu'ayant fini ses devoirs elle se mettait à bouquiner des œuvres particulièrement mal vues dans une école lassallienne, au fond du réfectoire dédié aux retenues, obligeant ainsi un prof ou un pion à rester une heure entière à ne surveiller qu'elle seule. Le jeu en valait parfois la chandelle, surtout lorsque Madame Salys, sa prof de sciences, et farouche ennemie, était d'astreinte. Celle-ci, trop fière et surtout trop conne, ne s'apercevait même pas qu'elle était elle-même victime de Mérédith. La jeune fille, contrairement à son aînée, n'avait pas de vie de famille après les cours.

Mais les profs n'étaient pas ses uniques victimes. Elle prenait tout autant de plaisir à passer des heures entières d'études au premier rang, à croiser et décroiser ses longues jambes devant de pauvres pions, étudiants par ailleurs, à peine plus âgés qu'elle. Ses accessoires gothiques se mariaient tellement bien avec l'uniforme imposé de l'éducation privée, il eut été dommage de ne pas en profiter.

Forcément, de telles exactions n'étaient pas sans inconvénients parmi lesquels le plus palpable était le rejet et l'hostilité que lui affichaient ses camarades. Elle avait parfois à se battre pour maintenir sa paix intérieure ou tout simplement sa santé mentale.

Ce que les filles pouvaient être garces ! En plus d'être dégourdie, cultivée et brillante, Meredith était dotée d'impressionnants atouts physiques. Autrement dit, elle tenait la meilleure position pour attiser les jalousies et les vacheries.

La plupart du temps elle en éprouvait une sorte de satisfaction malsaine et se disait que tant de haine à son encontre était plutôt flatteur, surtout venant de personnes aussi limitées que celles qui l'entouraient. Cependant, dans la vie de tous les jours, les maltraitances psychologies et les agressions physiques devenaient difficiles à gérer, et derrière son masque de cynisme, le burn out couvait, d'où ses accès de colère et ses poings serrés offerts au visage des autres filles.

Bien sûr, aucun élève ici n'étaient mis à la porte. Au prix que coûtait le lycée, on ne virait pas les pensionnaires, d'autant que la plupart des élèves étaient issus de bonnes familles et seraient amenés à se croiser durant leurs carrières respectives. L'élite cohabitait du berceau jusqu'au cimetière. Meredith quant à elle prenait son mal en patience, espérant de tout son cœur qu'elle n'aurait plus à vivre dans ce panier de crabes d'ici quelques années. En attendant elle demeurait seule contre les futurs notaires, chefs d'entreprise et autres notables dégénérés qui perpétuaient les traditions familiales et vieille France de cette pseudo bourgeoisie provinciale.

Le weekend et les vacances scolaires étaient à peine plus enrichissants que les périodes de cours. Il n'y avait ni musée, ni cinéma dans sa cambrousse. Les seuls spectacles qui parvenaient jusqu'à son bourg étaient les restes délavés de vaudevilles chers aux aspirations parisiennes des crétins de la campagne. Elle traînait parfois autour de l'étang les beaux jours, seule, son ipod accroché à la cervelle et s'autorisait un ou deux flirts annuels autour du café des sports, entre une kermesse communale et une étape du Tour de France.


Lundi matin. Premier cours : philosophie.

« Hey Mérépute ! T'as passé un bon weekend ? C'était la pleine lune, non ? T'as encore fait des sacrifices de poussins à poil recouverte de sang de cochon ? »

Gloussements concertés. Bonjour à vous aussi les filles. Il vous en faut peu pour planer.

« Bah quoi tu dis rien ? T'es choquée ou quoi ? C'est pas ce que font les vikings dans ton genre ?

— Et toi, Princesse ? C'était bien le touche pipi de samedi soir après le match ? Ils ont gagné au moins les tocards de ton équipe de foot ?

— Ta gueule, Morticia ! Si t'es frustrée de ne pas avoir de vie sexuelle, tu n'as qu'à te taper un âne.

— Waow ! Je ne pensais pas qu'une fille de la ferme comme toi pouvais autant fantasmer sur les bêtes... T'es née dans une étable toi aussi ? Ou je confonds avec quelqu'un d'autre ?

— Va chier, morue !

— Y'a pas à dire, la répartie et toi, ça fait deux. T'avais pourtant bien commencé ; tu t'étais entraînée tout le weekend pour m'insulter comme ça ?

— Ta gueule, je t'ai dit !

— Mesdemoiselles ! Ça suffit, on s'assoit et on commence dans le calme...

— Le luxe et la volupté ?

— Mérédith, s'il vous plaît, ne commencez pas dès le lundi matin. Il est encore trop tôt pour ça. »

Le cours se passa. Les esprits encore ensommeillés, les zombies adolescentes notèrent docilement la sagesse de leurs aïeux sans rien comprendre ni à Kant, ni à Descartes. Quelle foutaise que cette discipline qui voulait ouvrir les esprits par la logique, la métaphysique et la réflexion des Lumières, et qui pourtant ne se sanctionnait que par des citations apprises par cœur et une forme rigide de rédaction. Puéril !

Meredith rêvait. Elle mordillait son crayon et ne prenait même plus la peine d'écouter le professeur. Avec quatre fascicules des PUF et deux « Que sais-je » elle avait déjà assimilé le sommaire de tout le trimestre. Alors à quoi bon perdre son temps à se tordre le poignet et à se tacher les doigts en noircissant un cahier avec les petites phrases formatées de l'Education Nationale ? On tentait de leur inculquer le libre arbitre, l'esprit critique et la réflexion. Et au final quoi ? Des gamines parquées dans une boîte à bac, futures rombières incultes et ineptes. Meredith regarda autour d'elle les nuques baissées et offertes à la vacuité. Toutes ces têtes bien élevées aux cheveux soyeux et brillants, se remplissant bien consciencieusement de vide. La jeune fille écouta le silence rythmé par la voix professorale et monocorde d'un fonctionnaire désabusé et le bruissement d'une vingtaine de stylos glissant d'un seul geste comme à la parade. Et dans ce grand silence, au beau milieu du transept sacrifié de la sagesse, un sourire lui parvint. Un timide signe de reconnaissance brillait dans la blancheur fade des néons trop blancs et trop bien alignés. Meredith au regard froid savait qu'il suffisait d'un rien pour faire voler en éclat des années de cynisme protecteur. Son cœur glacé manqua un battement et elle sentit une chaleur colorer ses joues trop pâles. Là-bas sous cette frange cuivrée, lui apparut un espoir dans ce timide sourire. Meredith désabusée prit quelques secondes pour étudier ce signe. Il n'y avait là, dans ses yeux lointains, aucune mesquinerie ou méchanceté. Alors Meredith sourit en retour. Ce moment d'apesanteur perdura encore un peu, même après que le sourire se fut caché derrière une longue mèche de cheveux, à nouveau penchée au dessus d'un cahier, et qu'un vingt et unième stylo alla rejoint le chœur studieux.

La pointe de Meredith quant à elle se dirigea vers la marge de sa feuille restée vierge sous la date de ce jour nouveau. Elle joignit son chuchotement d'encre à celui des autres, et dessina une tulipe d'un bleu métallique.


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mai 2011

reprise 02/11/2016

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