❂ intro. (abylone) • FULL SENSATION

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La première fois est comme un renouveau mentaphysique. Croyez-moi, le coup que je me suis pris dans l'estomac valait bien l'invention d'un nouveau mot. Mental pour le vide de l'univers sans horizon qui s'étale autour de vous et physique pour la légèreté qui s'empare une à une de tous vos os. Oubliez les clignements, vous maîtrisez vos paupières comme bon vous semble. Oubliez l'effort de contracter vos muscles : votre corps ne vous possède plus. Chacun de vos mouvements est alors réfléchi comme on pense à mettre un pied devant l'autre.

Une aura invisible m'a ensuite emplie d'un sentiment de facilité inouïe. Les flaques dans lesquelles mes mains nageaient n'étaient que fumée, quant aux cailloux qui s'enfoncaient dans mes doigts ; ce n'était pour moi que du coton. Il ne paraissait pas avoir une molécule d'air. Pas un seul de mes cheveux ténèbre ne frissonait. Je me suis redressée sur mes coudes lorsque j'ai compris qu'ils étaient en fait ramenés en arrière, plaqué contre la courbe de mon crâne, comme laqués.

J'ai cligné des yeux par envie et maintenant je regarde autour de moi. Je ne reconnais rien. L'endroit ressemble à un centre ville yankee perdu dans les nationales poussiéreuses des fifties. Le ciel est coloré mais plat. Un silence absolu comble l'atmosphère vide. Rien ne bouge. Je me lève, tourne (un pas, deux pas ...) j'avance, descends quelques marches et m'enfonce dans ce paradis perdu. Tout m'est étrange mais rien ne me surprend. Je sais qu'il y a une poubelle derrière le muret, à côté du candy grabber violet qui clignote en silence. Je sais aussi que l'écriteau open accroché à la baie vitrée du dinner penche vers la droite, et que la plantation des palmiers dans l'allée que je traverse n'est pas symétrique.

Je fronce les sourcils un instant, pensant être devenue sourde face au silence continuel qui m'entoure. Mais est-ce que les sons existent vraiment ? Mes pas qui claquent sur le goudron me font prendre conscience de l'idiotie de ma question. Mon regard s'oriente en direction
du car wash dont la peinture bleu cyan commence à s'écailler, puis dérive vers les boutiques imaginées les unes sur les autres, comme une bande de truites serrées à l'intérieur d'une boîte de sardines. Je n'ai pas soif mais ma gorge est sèche.

« -60% sur toute la gamme des bougies à la mangue ! » « Grand destockage de mi-octobre, venez en profiter dès le 20 février ! »

Je stoppe mon avancée une fois au bout de l'avenue piétonne. Ma tête se baisse ; Le pull noir que je porte ne m'apparaît pas familier, il est troué au niveau des mains pour séparer le pouce du reste de doigts et en-dessous des aisselles. Je ne sais pas s'il tient chaud mais je n'ai pas froid.

Attirée par la poche qui traverse mon ventre, je glisse mes mains à l'intérieur en recherche d'une quelconque sensation. Elles s'y glissent sans bruit, et je suis même surprise de constater la douceur de la matière.

Subitement, un grincement de porte interrompt tout. Je pivote, esquissant un reniflement surpris. La porte du dinner est à sa place, correctement fermée ; écriteau qui penche vers la droite. Rien ne bouge, sauf mon coeur qui tambourine dans ma cage thoracique. Comme un retour au stade humain, j'ai l'impression d'hurler en respirant, au centre de cet éternel silence qui se fait de plus en plus lourd. Je lève la tête pour m'assurer que les nuages sont encore bien immobiles dans le ciel : ils le sont.

Mais la mitraillette qui se vide en moi ne veut pas se taire. Je continue de tourner, hésite à sortir de l'allée pour rejoindre les passages plus étroits qui s'étendent devant les commerces. Gauche, droite ? Droite, gauche ? Je m'aventure finalement vers le car wash et passe au travers de la rue principale, en conservant la prudence de toujours vérifier que mes pas résonnent conformément sur l'asphalte brun.

Je descends une marche, les mains toujours à l'abri dans mon pull et mes cheveux contre mon crâne. Les secousses qui s'excitent en moi me font instinctivement pencher la tête vers la sortie qui rejoint la rue, et ce que j'y distingue me fait lâcher un cri étouffé. Des ombres difformes tâchent le paysage. Elles se mouvent dans le vide de l'air.

Je prends du temps avant d'apercevoir un bras se détacher de la masse, puis un pied, une jambe ... c'est le bruit de leur marche qui me fait comprendre le reste : elles viennent vers moi. Des millions de personnes accourrent en ma direction.

À la façon d'un tsunami, une vague de poussière s'élève jusqu'au-dessus de leur tête, ce qui m'empêche de déterminer leur nombre. Beaucoup. Elles couvrent toute la surface du sol. Leurs visages sont crispés, mais le fracas qu'elles produisent n'est que respiration et foulée. Elles affluent en un ouragan, et il prend du terrain à chaque nouvelle seconde. Je me sens microscopique, mes pieds s'enfoncent dans le sol pendant que mon corps s'alourdit pour devenir impossible à supporter.

Mais tenir debout ne me semble pas d'un grand recours, et je laisse la masse que je suis tomber au sol durant l'espace d'un instant. Je me ressaisis en m'appuyant sur mes paumes juste avant de m'écraser par terre. Elles approchent. Il n'y a qu'une vingtaine de mètres entre moi et le brouahaha mortel.

Mon instinct d'humain me veut loin d'ici, mais c'est mon poids d'humain me bloque au sol. Un pas devant l'autre ; comment fait-on déjà ? Ma gorge se tord, les visages qui constituent la vague se clarifient jusqu'à devenir complètement distincts : ce fut le signal. D'une soudaine coordination entre mes pieds et mes mains, je parviens à me redresser et quitte du regard la catastrophe humaine qui déferle sur moi. Un pas devant l'autre, mes jambes tremblent et je manque de m'affaler sur le bitume à chaque nouveau mouvement. J'aggrandis la distance, écrase mes deux mâchoires l'une contre l'autre et ferme mes paupières aussi fortement que je peux.

Quand je les rouvre, je jette un coup d'oeil en arrière : des milliards de paires d'yeux sont toutes rivées sur moi, tellement que certaines n'y parviennent même pas. Mon pull suit le rythme de ma course effrénée, s'élève puis retombe sur mes épaules indéfiniment. Un poids contenu dans mon crâne tente encore de me plaquer au sol, mais mes jambes n'obéissent pas. Je sens ma poitrine rebondir douloureusement, et mes pieds se faire frapper par la surface sans pitié que je parcours de toute ma force restante. Je ne peux pas réfléchir. Toutes mes pensées s'emmêlent dans mon esprit avant que je n'arrive à en attraper une.

À ce moment précis, rien ne m'importait plus que de continuer à vivre. Ironiquement.

| ιɴтrodυcтιoɴ • HIDDEN WORLD_(abylone)

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