Kill Me (2)

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 OK, elle se comporte vraiment bizarrement, elle a définitivement quelque chose à cacher. Et comme si je n'avais pas assez de soupçons, je n'ai même pas posé un pied sur l'entrée que Ruth part comme une furie vers son salon. Mais qu'est-ce qui lui prend ? Ça ne lui ressemble pas du tout, je ne comprends même pas pourquoi elle réagit comme ça, c'est peut-être parce que j'ai ramené une personne qui ne fait pas partie du groupe d'amies. Mais même ça, ce n'est pas très logique, elle ne fuit pas les personnes comme ça normalement.

Par curiosité, plus qu'autre chose, je la suis vers la pièce et je comprends tout de suite pourquoi elle a réagi ainsi à notre arrivée, puisque son séjour est totalement en désordre, alors qu'elle est honnêtement maniaque. Tout autour de sa batterie, dans un coin de la pièce, sont éparpillées des dizaines de feuilles roulées en boule, que Ruth se dépêche de ramasser et je devine sans peine que la batteuse était en train de composer un nouveau morceau, profitant de la solitude. Ça explique clairement son comportement, ce n'est même pas étonnant pour elle qui n'aime pas montrer ses créations avant d'être sûre de ce qu'elle fait, sa fuite était totalement prévisible. D'ailleurs la connaissant, je ne suis pas près d'entendre la musique, encore moins aujourd'hui alors qu'il y a une inconnue avec nous en plus.

Heureusement pour Ruth, elle est assez rapide à tout ranger, ou plutôt pour tout dissimuler, il n'y a presque plus aucune trace de désordre lorsque Déborah arrive dans le salon avec Ann, qui a vraisemblablement compris comme moi que quelque chose se passait, mais elle a plutôt tenté de faire gagner du temps à notre amie. Et assez vite, la batteuse reprend un comportement normal, nous permettant d'avoir une conversation naturelle. Je suis d'ailleurs étonnement surprise de l'intégration de Déborah au groupe, nous nous connaissons toutes depuis plus de quatre ans et elle, elle vient d'arriver, pourtant, ça semble totalement naturel.

Nous passons alors l'après-midi à parler et à rire de tout et de rien, comme si Déborah était dans le groupe depuis plusieurs mois, alors que ça ne fait même pas vingt-quatre heures que nous l'avons rencontré. Mais la discussion s'arrête à l'arrivée de Scott, non pas parce que nous avons peur de parler devant lui – il n'y a aucun risque à ça –, mais plutôt parce qu'il vient chercher Ruth pour l'emmener au cinéma. Quand Scott dit ça, nous avons un regard entendu avec Ann, pensant toutes les deux à la même chose, Ruth a beau dire qu'il ait juste un très bon ami, nous ne la croyions plus depuis un petit bout de temps et nous avons maintenant une preuve de plus qu'ils ne sont pas juste amis. Du coup, Déborah, Ann et moi nous sortons, laissant les deux « amis » aller au cinéma ensemble.

Après nous être donné rendez-vous le lendemain à midi devant le pub L'Impérial, nous décidons de rentrer, nous avons déjà passé beaucoup de temps ensemble et il commence à se faire tard. Je propose alors aux deux filles de les ramener, après tout, je suis la seule de nous trois à avoir une voiture puisque j'ai fait taxi à l'aller. Je dépose alors Ann à Camden, près de chez Leroy, là où elle a abandonné son véhicule ce matin, puis je conduis Déborah jusqu'à son hôtel.

— C'était vraiment chouette cette journée, j'ai adoré, affirme-t-elle pendant le trajet.

— Tant mieux, j'ai beaucoup apprécié aussi. Ça aurait sûrement été encore mieux si nous ne nous étions pas fait surprendre ce matin à l'observatoire.

— Nan, franchement, je ne regrette même pas, je me suis éclatée.

— Je suis désolée d'ailleurs, je t'avais dit que je te montrerais la ville et nous n'avons pas fait grand-chose finalement...

— Ne t'en fais pas, j'aurai d'autres occasions de voir la ville. En plus, c'était vraiment chouette de passer du temps avec Ruth et Ann et ce n'est pas le genre de chose que je pourrais faire n'importe quand. C'est vraiment agréable d'apprendre à connaître des membres de Her Majesty. D'ailleurs, en parlant de musique, j'adorerais t'entendre jouer un morceau au violon, tu n'as jamais de solo dans les morceaux de Her Majesty, mais j'adore ton instrument et je serai curieuse de t'entendre sans qu'il n'y ait qui que ce soit d'autre en même temps, remarque-t-elle en semblant de plus en plus gênée au fur et à mesure qu'elle parle.

— Malheureusement, ça ne pourra pas être possible. Je ne sais pas si tu l'as remarqué hier, mais les crins de mon archet sont foutus. Alors sans archet, pas de violon. L'instrument, c'est l'archet; si tu n'as pas le bon archet, tu ne peux pas jouer correctement. Donc je ne peux plus en jouer avant d'en avoir un nouveau, mais il ne devrait pas arriver avant ton départ, refusé-je gentiment, étant moi-même plutôt déçue, j'aurai vraiment apprécié pourtant.

— Tu n'as pas d'autre archet ? s'étonne-t-elle, ne paraissant vraiment pas comprendre.

— Si. Officiellement, j'en ai un autre oui, mais malheureusement, ce n'est pas le même, je l'ai acheté par dépit il y a trois ou quatre ans quand je n'ai pas réussi à retrouver le même que le mien, mais définitivement, je ne joue pas aussi bien avec, c'est une catastrophe, honnêtement, je ne recommande pas de m'entendre comme ça.

— Alors fais en sorte dans avoir toujours deux. Ça ne doit pas être si dur que ça. Et au moins, si tu en as toujours deux, tu ne seras jamais contrainte d'arrêter de jouer x temps. En tout cas, c'est ce que je ferais à ta place, c'est déjà ce que je fais avec les chaussures de danse d'ailleurs.

Je la regarde un peu septique, elle ne connaît sans doute pas le prix d'un archet de violon comme ceux que j'utilise, je ne suis certainement pas prête à mettre six cents livres pour en avoir deux. J'allais lui faire remarquer ça, quand je réagis que si à un moment je suis un peu moins juste niveau de l'argent, c'est-à-dire quand je n'aurai plus un prêt sur mes études et sur ma maison ou alors quand j'aurai une rentrée d'argent régulière, je pourrai en prendre deux. Au moins, à ce moment-là, je n'aurais plus de problème d'archet, au fond, son idée n'est pas si bête, juste, vu ma situation actuelle, je ne peux pas l'appliquer, mais ce n'est pas un vrai problème, ça s'appelle l'endettement et j'espère vraiment que je ne serai pas toujours dans cette situation.

— On t'a déjà dit que tu étais maligne ? Tu ne pourras pas m'entendre jouer en solo, mais tu es maligne.

— Tu sais, ce n'est pas très grave, c'est juste un bonus, c'est déjà incroyable d'apprendre à te connaître vraiment. Et de toute façon, je ne doute pas un seul instant qu'un jour, il y aura une musique où tu joueras seule du violon sur l'un des albums de Her Majesty et à ce moment-là, peut-être qu'avec un peu de chance, je pourrais te revoir en concert, affirme-t-elle convaincue.

— Qui tu dis qu'il y aura d'autres albums ? rigolé-je sachant très bien qu'en janvier, nous allons enregistrer un quatrième album.

Je reconnais que son double sous-entendu me perturbe un peu. Dans la même phrase, elle parle d'un nouvel album et d'un morceau avec une partie de violon solo et justement, dans moins de deux mois, nous allons enregistrer un disque où j'aurai mon solo... C'est peut-être le hasard, mais c'est un peu gros quand même...

Elle ne répond rien, paraissant chercher ses mots, avant de dire simplement :

— Vous avez déjà fait trois disques en deux ans, un quatrième paraît être la suite logique des choses. Et je reconnais que j'espère de tout cœur entendre de nouveaux albums, soupire-t-elle avec une certaine déception dans la voix. Ça y est, on est arrivées... Il va falloir que je rentre, vraiment merci de m'avoir raccompagnée et de toute manière, on se verra demain... affirme-t-elle une fois que je me suis garée devant son hôtel.

— Mais de rien, ça m'a fait très plaisir. À demain. D'ailleurs, j'aime beaucoup ton bracelet, la constellation des Gémeaux c'est ça ? ajouté-je quand elle pose sa main sur la portière pour la refermer une fois sortie.

Je n'ai quasiment aucun doute, je sais que j'ai raison, je connais trop bien les constellations pour confondre avec une autre. Mais je pose tout de même la question, trouvant personnellement que c'est bizarre de porter la constellation d'une autre signe astrologique que le sien, je ne me verrai d'ailleurs jamais porter un autre que celui du scorpion.

Elle ne répond rien, regardant plutôt son poignet étonner, ne semblant pas en revenir d'y voir le bijou accroché. Puis elle touche son cou où elle porte un pendentif représentant un couple de valseurs et semble de plus en plus étonnée et plongée dans l'incompréhension.

— Oh... ça... c'est une broutille. Je ne savais même pas que c'était un signe astrologique si tu veux tout savoir. Je trouvais juste que c'était beau... déclare-t-elle avec beaucoup trop de retard pour que ça fasse naturel.

Je ne sais pas du tout ce que ça signifie, mais pour moi, elle ment comme un arracheur de dents, c'est tout simplement une catastrophe. Pourquoi elle ment, je n'en ai aucune idée, parce qu'une fois de plus, ce n'est pas sur un détail important, c'est sur une broutille sans la moindre importance, mais elle ment tout de même, c'est incontestable. Je n'ai même pas envie d'insister et de me focaliser sur ça, je trouve juste que c'est étrange.

— Allez, faut vraiment que je rentre maintenant. Merci encore pour tout, vraiment, j'ai passé une journée magnifique, ajoute-t-elle comme pour m'empêcher de remarquer quoi que ce soit.

— Ça m'a fait plaisir. À demain.

Cette fois, elle ferme la portière de la voiture et part. Je la regarde alors s'éloigner puis je rentre chez moi, heureuse de retrouver ma petite campagne après avoir passé la journée dans la capitale. Je suis d'ailleurs très contente d'avoir acheté cette maison, c'est agréable de vivre seule après avoir partagé pendant cinq ans un petit appartement avec mon jumeau. En plus, elle me rappelle presque celle de mon enfance, qui était elle aussi à une demi-heure de Londres, ce n'était juste pas le même pays – ma petite sœur s'est d'ailleurs moquée de Warren et moi au moment où nous lui avons annoncé ça.

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