Painting My Life (3)

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 Seul l'amour m'a délaissée, pourtant maintenant je rencontre de nouvelles personnes, mais il n'y a malheureusement jamais de relations vraiment sérieuses. Mais ça ne me gêne pas vraiment, je le vis bien alors c'est presque tout ce qu'il compte.

Même l'actualité semble être du côté du positif avec la fin de la Guerre froide et la chute du Mur de Berlin. C'est d'ailleurs perturbant d'entendre parler d'Allemagne unifiée, pour moi, ça appartenait qu'à l'histoire, c'était presque une utopie, après tout, je n'ai jamais entendu parler du pays autrement que morcelé avec un mur en travers. Mais c'est bien que la paix revienne comme ça, maintenant, il n'y a plus qu'à espérer que ce soit la même chose pour tous les autres pays en guerre, même si ce n'est pas garanti.

Par contre, j'ai peut-être été trop euphorique à la fin de la Guerre froide en rêvant d'une évolution globale, j'ai placé trop d'espoir dans l'humanité, je me fais presque penser à ma sœur comme ça... Très vite, les journaux commencent à nous parler de nouveaux conflits, de pollution de plus en plus souvent et de catastrophes naturelles soi-disant de plus en plus fréquentes. Ils arrivent même à nous faire flipper par rapport à l'an 2000 avec les bugs informatiques, la fin du monde et tout le bordel. Et la tempête qui ravage la France, l'Allemagne et la Suisse quelques jours avant le changement de millénaire n'est pas non plus là pour nous rassurer.

Je commence presque à me sentir comme une vieille superstitieuse à force d'interpréter tous les mauvais présages comme ça. Surtout que je suis particulièrement idiote, je sais déjà qu'il y aura un après, Déborah ne serait pas venue si c'était la fin du monde dans le futur. En plus finalement, tout va bien, il ne se passe absolument rien après minuit alors que je suis avec mon frère et tous mes amis pour fêter le Nouvel An comme nous le faisons toujours depuis plusieurs dizaines d'années.

Après quoi, même si ce n'est pas raisonnable du tout, je commence à me mettre franchement à l'informatique pour tenter de retrouver la trace de Déborah avec les minces informations que j'ai sur elle. Je sais que c'est idiot et que ça ne servira sans doute à rien. Mais même après presque trente ans sans la voir, j'ai vraiment envie d'au moins ré-apercevoir son visage, même si je ne lui parle pas, je m'en fous, je veux juste la revoir pour être certaine que tout ça n'a pas été qu'une illusion. C'est sûr que je suis toujours d'accord avec son point de vue comme quoi nous allons nous faire plus de mal que de bien en nous revoyant, mais ce n'est pas grave, je veux la revoir, même si c'est juste en vidéo, je serais déjà satisfaite, ce sera beaucoup mieux que rien.

Il me faut un moment avant de la retrouver, mais je finis par tomber sur une Déborah, Déborah Sekongo, née le 2 juin 1998, qui fait de la danse avec son petit frère et qui a deux parents danseurs, la mère ancienne étoile à Paris et le père danseur de salon, ce qui colle parfaitement avec ce qu'elle m'a dit sur elle.

Ça me fait plaisir de la redécouvrir tant d'années après, même si elle est encore loin d'être comme la fille que j'ai aimée, elle n'a que sept ans. Mais elle est déjà magnifique et gracieuse même si c'est très étrange de penser ça. Elle est encore très jeune, mais je la reconnais déjà, elle a la même couleur de peau, les mêmes cheveux crépus, les mêmes grains de beauté, le même sourire. C'est elle en enfant, ce qui est à la fois fascinant et effrayant. Et étrange, surtout étrange, de se dire que j'ai 56 ans et qu'elle, elle en a tout juste sept. Heureusement qu'on avait le même âge en 70, parce que ça fait vraiment pédophile là. Je me fais peur parfois.

Régulièrement, je surveille s'il y a de nouvelles vidéos qui ont été postées, parfois je me demande si c'est bien moralement. Et après je me rassure en me disant qu'elle fait sans doute la même chose sur mon compte, sauf qu'elle le fera à l'envers. Alors si l'on est toutes les deux en train de le faire, juste à des moments de l'espace-temps différent, je suis sûre que c'est toléré, voire normal. Et j'ai bien le droit de découvrir un peu plus la personne que j'aime, ce n'est pas interdit, je suis sûre que dans le futur, plein de personnes le feront, ça sera peut-être même normal à force de chercher des gens sur Internet.

Au fil des mois puis des années, je la vois grandir et se rapprocher un peu plus de la personne que j'ai connue. Elle devient une adolescente, puis une femme et elle fête ses vingt et un ans. Je ne sais pas exactement quand elle va revenir de son dernier voyage dans le passé et je ne le saurai sans doute jamais, mais c'est très agréable de la revoir au moins en photos et en vidéos. Elle est bien là à quelques milliers de kilomètres de moi, elle existe, la personne qui détient mon cœur depuis presque cinquante ans est bien réelle et je suis en train de vivre l'époque dans laquelle elle a toujours évolué. Je commence d'ailleurs à bien mieux comprendre comment elle faisait pour savoir autant de choses sur Her Majesty, elle a une banque de données presque infinie à sa disposition, elle peut avoir accès à un nombre hallucinant d'informations.

Et un presque hasard va me conduire, avec Her Majesty, à Abidjan, la ville à côté de laquelle elle habite pour notre première tournée depuis quatre ans dans le cadre de notre nouvel album Life Is Real dont la chanson phare s'appelle Painting My Life, illustrant l'évolution de notre vie depuis ces cinquante dernières années.

Bon, la ville n'est pas un hasard du tout, nous l'avons demandée dans notre tournée. Et je tiens à dire que je n'étais pas la seule à le demander, tous les autres membres du groupe m'ont soutenue puisqu'ils sont aussi informés que moi, ça fait longtemps que je ne leur cache rien. Je n'allais pas m'y mettre après tant de temps, surtout qu'ils sont tous au courant pour Déborah. Et Internet m'a aussi aidée à déterminer qu'Abidjan est la bonne ville puisqu'elle est de plus en plus perfectionnée, on y trouve définitivement de tout, c'est fantastique.

Par contre, tout le reste, c'est vraiment le hasard, même si la coïncidence est plutôt marrante et que ça n'aurait difficilement pu tomber mieux. Surtout que la date tombe le sept novembre, ce qui signifie que Déborah a forcément déjà passé un mois en soixante-douze, alors elle se souviendra de tout. Je n'ai pas encore décidé si je faisais en sorte qu'elle puisse me voir si elle le voulait ou non, mais bon il me reste plusieurs semaines de réflexion.

Je finis par me débrouiller pour lui obtenir un passe VIP qui lui permettra de venir nous voir si elle veut. Je ne sais pas encore si elle le fera, après tout pour elle, ce n'est pas du tout la même chose, il se sera passé seulement quelques semaines, peut-être quelques mois depuis la dernière fois qu'elle m'a vue. Je ne sais pas si je lui manque déjà autant qu'elle me manque... Et je sais que le physique n'a pas d'importance, mais j'ai soixante-dix ans... je ne suis plus du tout la jeune fille de vingt-trois ans qu'elle a aimée, alors qu'elle n'a pas du tout changé. Je comprendrais sans problème qu'elle ne veuille pas me voir en vrai après que j'ai vécu tant d'années. Surtout que c'est mon initiative, elle n'a pas décidé de me revoir, c'est uniquement moi qui lui en donne l'opportunité...

Et même si je sais bien que ça ne pourra pas du tout être pareil que dans le temps, ça me plairait quand même de la revoir, au moins pour la remercier d'avoir sauvé la vie de mon frère et de lui avoir permis de rencontrer Tom. De toute façon, rien que lui reparler ou la revoir en vrai me ferait plaisir, je ne demande pas grand-chose, même la voir dans la foule me suffirait.

Avant le concert en Côte d'Ivoire, nous avons plusieurs autres dates un peu partout dans le monde, sur les six continents et nous finissons presque par l'Afrique même si nous avons encore trois dates en Angleterre après. Comme toujours, la tournée passe très vite, presque trop vite, nous n'avons pas le temps de profiter du public, mais c'est tellement épuisant que ce n'est pas plus mal. Parce que s'il y a bien quelque chose de dur, c'est d'enchaîner presque cinquante concerts à travers le monde entier en trois mois. Et limite, les deux heures de show et les conférences de presse, c'est ce qu'il y a de moins mauvais. Le plus dur, c'est le décalage horaire et les heures indues, ça, c'est tout simplement insupportable et invivable. À chaque fois, ça me rappelle pourquoi nous faisons de moins en moins de tournées, alors que c'est super agréable d'être au contact de la foule.

Mais quand le moment du concert arrive, même si je m'y suis préparée, je commence à très sérieusement stresser, j'angoisse presque plus que mon jumeau, c'est peu dire. Aussi, je ne sais pas du tout à quoi m'attendre ni comment réagir si jamais Déborah vient ou non. Je ne sais même pas comment appréhender la déception, je suis presque complètement perdue. Et je ne sais encore moins comment réagir si elle est là.

— Tu peux le faire. Ça ne change rien d'un concert normal, ne te pose pas de question. Fais exactement comme d'habitude, nous sommes rodés maintenant, tu ne réfléchis pas et l'on fait le show. Tout va bien se passer, me rassure Warren quand nous sortons des loges en voyant bien que j'angoisse face à cette date en particulier, puisqu'il est au courant qu'il y aura Déborah.

Je lui prends la main comme en temps normal, mais cette fois-ci, c'est plus pour me fournir un point d'appui que pour lui en fournir un. Nous traversons alors les couloirs suivis par le reste du groupe, c'est tellement habituel que c'en est réconfortant.

Bientôt une fois sur scène, je me laisserai entraîner par la foule et le public et rien d'autre ne comptera. Nous attendons encore un peu et dès que nous avons le feu vert, nous montons sur scène en courants accueillis par la foule en délire. Comme toujours, mon frère et moi nous plaçons face au public en attendant que Leroy, Dean et Ruth s'installent.

Et avant que la musique démarre, je ne peux pas m'empêcher de scruter la foule à la recherche de Déborah. Au milieu de tous ces autres visages métis, elle n'est plus autant reconnaissable qu'à Londres, mais je réussis quand même à la repérer, au tout premier rang. Elle est exactement comme d'habitude, mais quelque chose chez elle a changé, impossible de dire quoi et je ne peux pas y réfléchir maintenant... Elle voit que je la regarde et m'observe à son tour avec beaucoup de tristesse dans les yeux, plus que pour un simple chagrin d'amour. Mais il m'est impossible d'en chercher la raison maintenant. Ça me fend le cœur, je sens vraiment sa souffrance dans son regard et je suis tellement impuissante, j'aimerais tellement l'aider... Si jamais j'ai la chance de lui reparler, je compte bien comprendre ce qu'il se passe, aucun doute là-dessus.

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