Like Bygone Day (1)

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Une fois que j'ai annoncé ma grossesse à mes amies, il a fallu que je l'annonce à mes parents, ce qui m'a paru beaucoup moins simple, même si finalement, ils l'ont plutôt très bien pris. Bien sûr, ils ont stressé par rapport à mes études et la manière dont j'allais gérer un bébé alors que je n'avais personne à mes côtés et que je n'avais même pas d'emploi. J'ai donc dû les rassurer et au passage suivre certains de leurs conseils, après tout, ils ont sans doute raison. C'est sûr qu'un enfant ne bloque pas toute une vie, mais ça la contraint forcément, impossible autrement, surtout que je serai seule pour m'en occuper. Alors je me mets à faire un petit boulot après les vacances d'été durant lesquelles je travaillais déjà.

Je n'arrête pas la fac non plus, je n'ai pas laissé tomber mon ambition de devenir avocate, enfant ou non, ce sera possible, même si ce ne sera pas forcément simple. Je demande donc à ma fac si je peux faire le premier semestre et poursuivre le deuxième l'année prochaine pour ne pas foirer ma quatrième année et être obligée d'arrêter maintenant la fac pendant deux ans alors que je pourrais encore continuer un peu. Avec l'argent que j'économise, je prévois de louer un appartement avec option d'achat pour ne pas faire subir un enfant en bas âge à mes parents ou à mes amies – puisque je vis actuellement soit avec les uns, soit avec les autres. Et peu à peu, ma vie se réorganise et je commence à me faire à mon nouveau train de vie.

Par contre, même si je ne devrais pas, Terrie me manque horriblement. Chaque jour, je perds un temps incalculable à penser à elle, à regarder des photos ou des vidéos d'elle, à écouter ses musiques. Je ne peux pas m'en passer, j'en suis incapable, ça m'aide à tenir, ça m'aide à ne pas m'écrouler sous la pression de savoir qu'elle a été là, qu'elle m'a aimée, qu'elle est presque derrière moi à chaque instant.

Par contre, dans les gros moments difficiles de doutes, rien que penser à elle empire la situation plus qu'autre chose. C'est idiot pourtant vu que sa présence indirecte me réconforte en temps normal. Surtout que je ne peux pas lui en vouloir de ne pas être là. Je ne peux pas lui en vouloir de m'écrire des musiques. Je ne peux pas lui en vouloir de m'aimer même si elle ne sait rien de ce que je vis. Mais ça ne m'empêche pas d'être furieuse contre elle par moment.

Le pire, c'est que je ne suis même pas sûre d'être furieuse contre elle. Je suis surtout furieuse contre la vie en général et elle est uniquement un prétexte, comme s'il fallait que je lui en veuille pour ne pas craquer et pour ne pas prendre une décision sur un coup de tête. Parce que je me retiens souvent de prendre mon carnet et d'y noter un aller sans retour en 1973, j'ai même fini par mettre mon carnet dans le grenier pour ne pas y toucher dans les moments de doute.

Surtout que plus j'y pense, plus je trouve que c'est une mauvaise idée d'aller vivre dans le passé. Non seulement parce que ce serait horrible d'imposer une femme enceinte à Terrie. Et que je n'aurais pas le moindre argent, pas le moindre point de chute, uniquement Terrie et l'amour que nous nous portons, qui si ça tombe est uniquement un fantasme entretenu par le peu de temps que nous avons et qui ne sera jamais rien de sérieux. En plus, j'aurais quelle vie dans le passé ?

Je ne veux pas finir mère au foyer et dépendre de Terrie. Mais reprendre mes études depuis le début, en plus dans un pays étranger, ce serait très compliqué, et la danse, je ne peux pas gâcher mon talent et ma passion pour une fille. Ici, j'ai peut-être même une chance d'avoir un avenir dans le sport, mon frère et moi, nous nous sommes même fait repérer pour intégrer une troupe de danse célèbre. Ce serait idiot de laisser cette chance me filer entre les doigts, je vaux mieux que ça. Même en peaufinant parfaitement les détails, je ne pourrais pas refaire ma vie exactement comme actuellement dans le passé et j'ai trop à perdre dans le présent.

J'essaye aussi de ne pas trop réfléchir l'éventualité que je rejoigne Terrie dans le passé, je sens que je pourrais très facilement faire une bêtise sans y réfléchir du tout avant. Je préfère uniquement penser aux problèmes, au moins ça a le mérite de m'en dissuader. Même si c'est plutôt démotivant de savoir que la personne que j'aime est complètement inaccessible – même si c'est franchement prévisible, et ça depuis le début.

Aujourd'hui, j'ai reçu un mail m'annonçant que je pouvais récupérer mon billet pour le concert de Her Majesty, j'ai presque hésité à aller le chercher, je ne suis pas sûre et certaine de vouloir m'y rendre. Après tout, ce n'est sans doute pas une bonne idée en plus de revoir Terrie en vrai. Surtout que si jamais elle me voit, elle risquera de deviner que je suis enceinte d'elle puisqu'au moment du concert, j'en saurais presque à cinq mois de grossesse, ça se verra et je ne pourrais pas le cacher.

Je ne sais même pas comment Terrie réagirait en l'apprenant, ça fait si longtemps pour elle, ça n'aura sans doute pas la même importance à ses yeux que pour moi, je ne suis même pas sûre qu'elle aura conscience d'en être la mère ou si elle pensera que j'ai rencontré quelqu'un autre. Et en plus, je me fais sans doute des idées, elle ne prêtera sans doute même pas attention à moi, je vis trop dans une utopie, comme si après presque cinquante ans, elle se souciait encore de moi... Je suis trop crédule, c'est effrayant. Du coup, je vais chercher mon billet, je ne devrais pas me poser tant de questions, dans tous les cas, c'est ma vie, elle n'aura rien à redire si par malheur – ou par chance, je n'ai pas encore décidé –, elle remarquait quelque chose.

Par contre, ce que je n'avais pas prévu, c'est que lorsque je réclame mon billet, la caissière me dise :

— Ah oui, Déborah Sekongo, il y eut un changement de dernière minute au niveau de votre billet, vous allez plutôt avoir un passe VIP, quelqu'un de l'organisation l'a demandé pour vous tout spécialement.

Du coup, je suis surtout trop naïve de penser passer inaperçue, apparemment une personne – impossible de deviner son nom par contre, mais peut-être qu'il commence par un T – a réussi à me repérer dans la liste des spectateurs et a eu envie de m'offrir un petit cadeau malgré toutes les années passées depuis la dernière fois que nous nous sommes vues, me permettant ainsi de la revoir une fois malgré tout. Elle m'a peut-être même repérée sur Internet depuis longtemps, elle est suffisamment maligne pour en tout cas. Mais même si ça parait d'une bonne intention, ça me rend encore plus réticente de me rendre à ce concert, ça sera compliqué de passer inaperçu avec ça, même si je ne me rends pas en coulisse alors que le passe me le permettra. Ça complique quand même beaucoup les choses.

Quand je rentre à l'appartement, je suis seule et furieuse, Terrie veut bien agir, mais elle fait pire que mieux. Elle pense me faire un cadeau, me faire plaisir, mais elle m'offre un revers de médaille compliqué. C'est comme dans ces foutues musiques où elle parle d'amour comme si c'était quelque chose de simple, de quantifiable, de gérable. Alors que c'est tout le contraire, l'amour est un sacré fouillis bordélique où c'est impossible de se repérer au milieu de tous ces sentiments ingérables et ces promesses intenables où l'on ne comprend même pas ce qui nous arrive.

Et comme si l'amour c'était simple, si c'était vraiment simple, je ne serais pas en train de vivre une grossesse seule alors que la femme de ma vie est dans le passé et n'a même pas conscience de ce que je suis en train de vivre. Il y a bien la Terrie actuelle, mais à quel moment je vais débarquer dans la vie de quelqu'un qui ne m'a pas vue depuis presque cinquante ans avec un bébé dans les bras, c'est juste impossible, il faut être réaliste.

En plus, dans ces belles paroles, elle ne sait pas ce que je suis en train de vivre et elle ne pourra jamais le comprendre. Elle n'est pas en train de porter la vie seule loin de l'être aimée. Elle n'est pas en train de payer un peu plus cher chaque jour ses choix. Elle n'en est pas à un point de non-retour sans la moindre solution. Elle ne sait rien de tout ça. Elle n'a même pas dû y penser une seule fois alors que moi je suis en train de trimer comme une malade pour me faire vivre et faire vivre son enfant, sa petite fille qui n'est même pas encore née, qui ne connaîtra jamais sa mère en vrai et que je vais devoir éduquer toute seule.

Et moi en attendant je suis une putain d'égoïste parce que je suis en train de lui en vouloir alors qu'elle n'a rien fait et qu'elle n'y peut rien elle si elle a mis en cloque sa petite-amie venant du futur, aucune de nous n'y est pour quoi que ce soit d'ailleurs. C'est juste le putain de destin qui est en train de m'insulter et de me narguer parce que je ne peux pas rejoindre Terrie alors que j'en meurs d'envie. Et il insiste, il s'acharne même, il ne veut pas lâcher l'affaire, il veut absolument que je regrette ma décision, quelle qu'elle soit.

Surtout qu'en y réfléchissant bien, je n'ai même pas le droit de régler le moindre détail avant d'aller dans le passé parce que je n'avais que neuf mois et maintenant, j'en ai beaucoup moins. Parce que s'il y a quelque chose qui est bien sûr, c'est qu'une fois que j'aurai eu cette enfant, ma vie sera définitivement dans le présent, c'est impossible autrement, je n'aurai pas donné la vie pour abandonner ma fille après, sinon il aurait mieux valu avorter. S'il y a une décision à prendre, c'est dans peu de temps ou jamais, le délai est court.

Et voilà, encore une fois je réfléchis à ce qui va se passer si je pars dans le passé, je suis incroyable, c'est effrayant à un certain stade, ce n'est pas la peine d'étudier toutes les options, je ne partirai pas dans le passé, je n'en aurai jamais le cran. Enfin si, peut-être que j'aurais du cran si j'avais la certitude que j'aurais du soutien dans le passé et que Terrie ne m'abandonnera jamais, mais ça, c'est impossible d'en être certaine, surtout que je ne pourrais pas lui demander. Dans un sens, je pourrais lui demander là, tout de suite, en la voyant après le concert, j'en aurais l'occasion, mais je ne me vois toujours pas lui annoncer ma grossesse quarante-sept ans trop tard et même si actuellement elle me donne une réponse, qui me dira que son point de vue n'aurait pas changé depuis, après tout, les idées changent pendant tant d'années.

Ma vie est un casse-tête quand on y pense, c'est effrayant, c'est pour ça que j'évite d'y réfléchir sinon, c'est un coup à devenir complètement folle. Surtout que c'est facile de trouver des problèmes à tout – surtout que je n'ai même pas besoin de trouver de problèmes, ma décision est prise depuis plusieurs mois, je reste dans le présent, c'est là que j'ai ma vie, c'est tout. Et les faux prétextes aussi sont très simples. En plus, là je suis énervée contre le monde, ce n'est sans doute pas le bon moment de réfléchir à mon avenir.

Et je n'ai toujours pas choisi si je me serre de mon passe VIP pour aller voir Terrie ou non. Mais ça, je ne peux pas vraiment décider aujourd'hui, ça dépendra de beaucoup de paramètres à étudier en temps et en heure. Alors maintenant, je me calme et j'arrête de détester le monde, j'ai plein d'autres choses plus utiles à faire en ce moment et je ne pourrai rien accomplir de bien en étant en colère. Parce que c'est bien beau de m'apitoyer sur mon sort, mais ça ne me fera pas avancer et ça ne changera pas non plus quoi que ce soit.

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