35. Troyan

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Elyse est morte.

Elle ne reviendra pas. Son corps gît à quelques mètres de moi, les yeux fixant à jamais le vide. Le responsable de tout cela est une minuscule marque, d'environ huit millimètres de diamètre, en plein milieu de son front, là où la balle a percuté sa tête. Ni moi, ni Kalen, ni Iwhaell n'avons osé lui fermer les yeux, attendant un miracle qui n'arrivera jamais. J'ai passé ma nuit à prier toutes les Déesses que je connais, à prier des Dieux que je ne connaissais même pas, à supplier quelqu'un de venir la ressusciter, en vain. Elle est morte et c'est de ma faute.

Iwhaell s'est enfermée dans la salle de bain d'hôtel dans lequel nous sommes. Kalen vit avec les deux petits dans une autre chambre, à l'étage du dessous. Le corps d'Elyse repose sur le lit de l'hôtel. Cela semble vraiment glauque, mais je ne pouvais pas la laisser dans la prison, baignant dans ce sang inconnu. J'ai eu ce besoin de la prendre avec moi, de continuer de lui parler comme si elle allait répondre et sourire, avec cette étincelle dans les yeux qui la rendait spéciale. Réveille-toi Elyse, je t'en supplie. Je refuse de te perdre de cette façon.

Un bruit de verrou se fait entendre et je relève la tête à temps pour voir Iwhaell sortir de la salle de bain. Le teint blafard, les yeux rouge d'avoir trop pleuré et vide de toute expression, elle ressemble presque au cadavre d'Elyse étendu sur ce lit. Elle ne jette pas un seul coup d'œil dans la direction de son amie, qui a pris une balle pour elle. Elle me fixe moi, rejetant tous les défauts de la Terre sur ma personne. Elle me déteste et je ne peux pas dire qu'elle a tort. Je suis un monstre.

- Elle ne méritait pas ça.

Sa voix est brisée et je sens les larmes derrière cette phrase. Iwhaell a mal, elle essaye de le cacher mais elle ne peut pas. Je ne sais pas ce qu'elle a pu vivre après mon départ, ni ce qu'elle et Elyse ont vécu pendant leur incarcération, mais elle vient de perdre la seule amie qu'elle ait sans doute jamais eu. Je ferme les yeux, laissant une dernière larme couler sur ma joue, incapable de répondre autre chose que :

- Non. Personne ne mérite ça.

Iwhaell relève la tête dans ma direction.

- Elle n'était pas personne ! Elle était quelqu'un, quelqu'un de bien, de courageux, d'altruiste ! Elle ne méritait pas de mourir d'une balle dans la tête, balle tirée par sa propre mère ! ELLE. NE. MÉRITAIT. PAS. ÇA !

La douleur se mue en rage, la rage se nourrit de la douleur, le cercle vicieux se referme. Si on rentre dedans, on dépérit, on meurt a petit feu et on finit seul, en peignoir dans un vieux fauteuil, à jouer avec une arme jusqu'à trouver le courage de se tirer dans la bouche. Mes yeux sont attirés par Elyse, si près et pourtant si loin. N'y tenant plus, je m'approche d'elle et ferme ses yeux, incapable de les voir fixer un point qu'elle ne voit pas. Ses beaux yeux bleus se ferment à jamais sous une simple pression de mes doigts qui me fait frissonner.

Quand je l'ai connu, je n'avais aucune envie de lui faire confiance. J'ai appris à lui faire confiance et je l'ai tué. Comment le destin peut être aussi cruel ? Je n'aurai jamais la réponse à ma question. Je ne serais jamais complètement humain. Je ne connaîtrais plus jamais les sentiments comme le bonheur, la joie, l'amour ?

- Elle est morte pour te sauver la vie. Y a-t-il une fin plus noble que celle-ci ?

A peine ma question posée, je me trouve ridicule. Évidemment qu'il y a des fins plus noble, comme celle de finir heureuse après tout ce qu'elle a pu traverser. Maintenant, elle est avec le reste de sa famille, son père, son frère. Mais elle est morte par la main de sa mère, je ne sais pas comment je le vivrais. Je n'ai pas à me poser cette question puisque ma mère est déjà enterrée. J'entends Iwhaell rire, le genre de rire qui veut dire "je me fous de toi, royalement".

- T'es débile ou tu le fais exprès ? Elle ne l'a pas fait pour moi, elle l'a fait pour toi ! Tout ce qu'elle a fait, depuis qu'elle te connait, a été pour te sauver la vie. C'est dingue, je vais mettre ça sur le compte du "soldat sans sentiments", mais tu n'as jamais vu qu'elle était attirée par toi ?

Une gifle. Une énorme gifle. Voilà ce que sa question a soulevé en moi. Elyse, amoureuse ? Je n'y ai jamais réellement réfléchis. Pourquoi l'aurais-je fait ? Notre but était de sauver la Terre, pas de devenir un couple. Maintenant, je n'ai plus le moindre but ni la moindre envie de faire quelque chose. Quelque chose a changé en moi, il manque quelque chose. Je me sens vide. Un vide si profond que j'ai peur d'y tomber et de ne plus jamais en sortir. J'ai peur de voir où ce vide peut me mener, mais je sais que je ne dois pas y tomber.

- En quoi te sauver la vie a été dans mon intérêt ?

Je ne sais pas qui regarder. Elyse ? Iwhaell ? Je ne fais pas le lien, le puzzle n'est pas complet et je crains qu'il ne le soit jamais.

- Parce que tu es mon frère.

J'éclate de rire. C'est plus fort que moi, mais cette nouvelle ne m'atteint pas. Je n'y crois tout simplement pas. Iwhaell, ma petite sœur ? N'importe quoi ! Mes parents m'auraient tenu au courant je pense. Mon rire s'arrête quand je réalise qu'avec le programme MEMORIAE, tous mes souvenirs sont partis avec mes sentiments. Donc même si je l'avais su, j'ai très bien pu oublier....

- C'est impossible.

Iwhaell sourit.

- C'est ce que Myala a dit. Et elle avait beau être la plus grande malade de cette planète, l'être que je déteste le plus au monde, elle était sincère. Je n'y ai pas cru plus que toi, mais je me rends à l'évidence. Nous avons les mêmes yeux, la même couleur de cheveux, nous sommes de la même tribu et tu a tout fait pour me sauver la vie pendant les tests... Je pense que tu savais à ce moment-là. Je crois que tu as essayé de me prévenir et que je n'ai rien écouté, parce que je voulais juste sortir de là. Et ensuite, tu es devenu soldat et tu as tout oublié. C'est pour ça qu'Elyse ne voulait pas que je meure. Elle ne voulait pas te voir souffrir, parce qu'elle sait ce que ça fait que de perdre un membre de sa famille.

Mon rire devient presque cruel.

- C'est idiot.

Iwhaell s'arrête enfin de tourner en rond comme elle le faisait pendant son récit.

- Pardon ?

Je lève les yeux vers elle.

- C'est idiot. Ta mort ne m'aurait pas affecté plus que ça, vu que je ne me souviens pas de toi ! Elle est morte pour m'épargner une douleur que je ne peux pas ressentir, pour ne pas que je perde un membre d'une famille dont je ne me souviens plus ! Est-ce que tu te rends compte de la stupidité de son acte maintenant ? Elle était ma famille ! Tu n'es rien à mes yeux, juste une gamine que j'ai sauvée de la mort par charité ! Tu aurais mieux fait de mourir à sa place, parce que je m'en fiche de toi ! Rentre-toi ça dans le crâne.

Un long silence suit ma déclaration. Puis Iwhaell se contente de quitter la chambre pour aller je ne sais où, mais je n'en ai rien à faire. Je ne pensais peut-être pas tous les mots que j'ai pu dire mais je me rends compte de la véracité de mes propos. Elyse était devenue ma famille, une sorte de présence indispensable dans ma vie. Maintenant qu'elle est partie, c'est comme si je ressentais le besoin de retourner dans l'armée, de subir toutes les tortures qu'ils veulent me faire subir, de baisser les bras. Même si je sais qu'elle ne veut pas ça, j'ai besoin de me sentir vivant. Et je n'y arrive pas.

Elyse est morte et elle ne reviendra pas.

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