10. Grace - La meute

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 10. Grace – La meute

Je rate ma spirale et me laisse tomber sur la glace, lassée de la répétition du mouvement. Je reste un instant là, allongée, la tête contre le sol, les bras en étoile, le regard fixé au plafond, essayant de reprendre mon souffle. Ma poitrine monte et descend au rythme de ma respiration, trop rapide. Je coupe la musique dans mon casque afin de me reconcentrer sur l'essentiel.

J'ai encore une fois poussé mon corps jusqu'à ses limites et je ne m'en aperçois que lorsque je m'accorde une pause. Mes jambes commencent à fatiguer et ma tête ne supportera pas une rotation supplémentaire. Je ne sais même pas comment je vais rentrer chez moi dans cet état. J'ai juste envie de me glisser sous ma couette et de dormir dix heures mais pour ça, il faut que je parte d'ici. Je m'aide de mes avant-bras pour me relever en position assise, laissant mes battements de cœur reprendre un rythme normal tout en regardant autour de moi. Je suis la dernière sur la piste, étant une nouvelle fois restée trop longtemps. Un coup d'œil à ma montre me le confirme, mon rêve d'une longue nuit réparatrice s'évanouit.

Je souffle, une séance sur la glace n'était pas nécessaire après la session de danse cet après-midi. Sans patins, on se concentre sur les figures. On décortique les mouvements, on gagne en souplesse et en technique. On approfondit, n'étant pas gêné par les lames et le risque de chute. Pourtant, comme d'autres, j'ai profité que l'équipe de hockey quitte la piste pour l'investir à mon tour. Il y a cette urgence en moi de réitérer les pas appris sur terre ferme afin de les ancrer dans ma mémoire. La glace est synonyme d'ajustement et d'interprétation. C'est sur la patinoire que je lie les figures, que je prends de la vitesse, de l'élan et que je transforme une succession d'éléments pré-requis en un programme entier, pensé en une chorégraphie unique, qui n'appartient qu'à moi.

Je me lève, époussetant mes vêtements de mes mains pour les débarrasser des fins cristaux. Encore échauffée, je ne ressens pas le froid. Je suis habituée à faire face à la glace, à la sentir sur moi. Les chutes sont le revers de la médaille et elles sont nombreuses si on veut accéder au haut niveau. Je remets mes protections plastiques jaune fluo sur mes lames et pars en direction du vestiaire. Si je n'ai pas froid, j'ai quand même besoin d'une douche chaude. Je ne vais pas échapper à la douleur musculaire liée à la fatigue une fois que je serais couchée dans mon lit mais je peux essayer de détendre mes muscles sous l'eau chaude. Je préférais la prendre chez moi mais je sais très bien que je vais m'écrouler sur mon canapé dès que je vais passer la porte de mon appartement. Le peu d'énergie qui me reste doit être utilisé intelligemment. Prendre une douche ici et rentrer chez moi.

J'ai l'impression d'entendre du bruit dans les vestiaires d'à côté mais mes paupières sont lourdes et le jet d'eau emplit mes oreilles. Je n'y prête pas attention, essayant de tenir debout, le dos collé contre le carrelage. Ça m'apprendra de forcer sur mes réserves. Je me change vite. Maintenant que j'ai profité de la chaleur moite de la douche, j'ai froid. Je range mes patins dans mon sac et passe une serviette sur mes cheveux pour les sécher. Je n'ai clairement pas la foi de rester dix minutes de plus ici pour les sécher au sèche-cheveux. J'ai un bonnet dans mon sac pour les protéger du vent.

Sac sur l'épaule, je quitte les vestiaires. Je ne prends pas tout de suite conscience du brouhaha non loin de moi. La patinoire loisir ne ferme que dans plus de deux heures après tout. Des groupes de jeunes ont l'habitude de se retrouver ici pour profiter des nocturnes et ce ne sont généralement pas les plus silencieux. Moins de monde, moins d'enfants surtout, ils ont la piste pour eux et ils n'hésitent pas à être plus rapides, plus joueurs aussi.

Je m'arrête net quand je comprends que les voix sont beaucoup plus proches que ce que je ne pensais. Ce n'est pas un chahut lointain provenant de l'autre côté. J'étais pourtant la dernière sur la glace, tout le monde m'a salué en partant. Marie m'a même fait promettre de ne pas rester plus d'une demi-heure après son départ. Je vois mal qui viendrait à cette heure-ci s'entraîner. Plusieurs voix se détachent, toutes masculines, emplissant l'espace, vide. Je n'arrive pas à comprendre leur discussion mais elle est vivante. J'entends des exclamations et des rires, comme si un groupe d'amis avait franchi la limite entre les loisirs et le professionnel. Ce ne serait pas la première fois que des intrus arrivent jusqu'ici.

Ce ne sont pas mes affaires, je devrais juste rentrer chez moi et prier pour qu'ils ne me remarquent pas. Je suis toujours en train de frotter mes cheveux à l'aide de ma serviette et je suis bien trop fatiguée pour répondre à leurs questions. Je suis pourtant obligée de passer à côté de la patinoire pour rejoindre la sortie.

Je me stoppe à une distance raisonnable quand j'identifie les silhouettes. Je ne connais peut-être pas leurs noms mais leurs carrures sont reconnaissables à des kilomètres. Bien sûr, j'aurais dû y penser. Un groupe d'une dizaine de gars n'aurait pas pu entrer ici sans alerter la sécurité sans laisser-passer. Et quel laisser-passer ! Je me retrouve face à l'équipe de hockey en tenue plus décontractée que leur équipement habituel. Patins aux pieds, ils entrent sur la piste. Je devrais continuer ma route, avant qu'ils ne s'aperçoivent de ma présence.

Je devrais les laisser à leurs occupations mais, alors que je replace la lanière de mon sac sur mon épaule, je m'aperçois que ce n'est pas pour s'entraîner qu'ils sont là. Le brun aux yeux verts dont parlaient les filles dans les vestiaires et qui me regardait l'autre jour s'est placé au milieu de la piste, ses petits copains étant adossés au rebord. Je sens une colère méconnue prendre mes tripes quand je comprends ce qu'il fait. Exit la fatigue et l'envie de rentrer chez moi, j'apprécie peut qu'on se foute de ma gueule et de celle de mon sport.

Je le regarde enchainer les pirouettes ratées, les demi-sauts et les mouvements exagérés de danse. Tout dans sa gestuel démontre son dédain envers le patinage artistique. Il n'a aucun jeu de jambes, aucune attitude sinon celle de la caricature. Il amplifie ses gestes, fait le bouffon sous les applaudissements de ses potes. Il a pourtant bonne mémoire, pour reproduire une partie de mon programme. Une rage que je ne comprends pas circule dangereusement dans mes veines. J'avale ma salive avec difficulté, comme si elle restait coincée dans ma gorge. Mes poings se serrent devant le spectacle ridicule. Il se croit supérieur, parce qu'il joue au hockey. Qu'est-ce qu'il y a de si bien à foncer vers un but, un palet au bout de sa crosse ? Tout ce qu'ils savent faire, au fond, c'est rayer la glace. Leur public vient les soutenir pour se satisfaire d'une violence gratuite.

Je ne sais pas pourquoi je fais ça, pourquoi je m'avance vers eux. Je devrais juste quitter l'établissement, oublier ce que je viens de voir et rentrer chez moi. Ce serait plus sage. Plus judicieux. Mais mes jambes s'activent d'elles-mêmes et je ne suis pas connue pour toujours faire les bons choix. Impulsive, je ne réfléchis pas à la situation dans laquelle je me mets, toute seule.

— C'est un axel et ça ne se fait pas du tout comme ça.

Ma voix résonne, surpassant leurs rires. Soudain, une dizaine de paires d'yeux me fixe et je réalise ma stupidité. J'ai l'impression de faire face à une meute. Je ne fais pas le poids. Je ne sais pas ce qui m'a pris de venir le corriger.

— Tu as même le droit à une pompom girl, Mase ! Quelle chance tu as !

J'adresse un regard noir au roux qui vient de prendre la parole, appréciant peu d'être qualifiée de pompom. Elles sont peut-être reines dans mon pays natal mais je ne suis pas idiote au point de ne pas souligner le côté péjoratif du surnom dans ses lèvres. Je n'ai pourtant pas le loisir de lui répondre. Un blond me coupe dans mon élan.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

Il n'a pas l'air d'apprécier d'être dérangé. Peut-être qu'il est gêné que je les trouve ici, à une heure tardive, clairement pas dans leur état normal. Maintenant que je suis plus proche, et plus éveillée aussi, je me rends compte qu'ils ont bu avant de venir ici. Il n'avait sans doute pas prévu d'avoir des spectateurs à leur petit jeu.

— On se calme le loup. Je viens de finir mon entraînement et je m'apprêtais à rentrer chez moi quand je vous ai vu sur la piste.

— Tu as loupé un mot dans notre nom : « brûleur ».

Il serre des dents, n'appréciant sans doute pas que je ne lui parle pas comme les groupies qu'il a l'habitude d'avoir autour de lui. Je ne lève pas les yeux au ciel, comme j'aurais envie de le faire quand il me menace par sous-entendu. Pas la peine de le faire vriller plus que nécessaire. Je me détache de lui, remarquant que celui qui faisait les figures n'a toujours pas dit un mot. Ses copains se sont empressés de me répondre alors qu'il reste stoïque. Il paraît ennuyé par la situation mais pas comme quelqu'un qu'on viendrait de prendre la main dans le sac. Il semble plus vouloir que tout ça se termine.

— Commence par mettre les bons patins si tu veux t'essayer à l'artistique car, là, tu as plus l'air ridicule qu'autre chose. Mais c'est sans doute le but, non ?

Je ne sais pas pourquoi je m'adresse à lui. Il n'a clairement pas envie d'engager une discussion. Il regarde les tribunes, au loin, comme s'il ne m'avait pas entendu, comme si mes mots ne le touchaient pas. Je ne le quitte pas du regard quand le roux reprend le fil.

— Pourquoi tu ne viendrais pas nous montrer plutôt ? Vu que tu t'y connais si bien...

Je resserre mes doigts sur la lanière de mon sac, me rendant compte que ça dérape. Je ne suis pas d'humeur pour gérer une équipe de hockeyeurs bourrés et il me reste un minimum d'instinct de survie. Je suis toute seule, sans aucun soutien et ils sont bien plus musclés que moi. Je n'aime pas le frisson qui me parcourt la colonne vertébrale et qui appuie ma faiblesse. Je voudrais leur tenir tête mais je réalise qu'il me faut faire marche arrière. Je n'aurais jamais dû rester aussi tard à la patinoire. Lewis va encore m'engueuler demain, surtout s'il apprend que je me suis pris la tête avec des BDL.

— Même si je n'étais pas fatiguée et que j'en avais envie, il vous faudrait une dizaine d'années pour réussir une pirouette. Désolé, mais je vais passer mon tour. Trouvez-vous un autre entraîneur.

Et je bats en retraite. Lâche.

Mais en un seul morceau.

Ça m'apprendra.

Je pense que vous attendiez un peu cette rencontre, non ? J'espère qu'elle vous a plu ! Maintenant que le contexte est posé et qu'ils se sont enfin fait face, on va pouvoir aller au coeur du sujet ! 

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