15. Mason | Match d'avant saison

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15. Mason – Match d'avant-saison

Ça fait dix minutes que je me suis réfugié dans les vestiaires. Dehors, c'est le chaos. On assiste à un véritable défilé d'équipements. Tout y passe : crosses, patins, protections supplémentaires, bouteilles d'eau, ravitaillements, classeurs de tactiques qui ne serviront à rien sur place... Les responsables matériel sont débordés et je suis un peu sonné par toute cette agitation, pas encore en symbiose avec ce ballet incessant de personnes qui fourmillent autour de moi.

J'ai réglé mon réveil une heure plus tôt, bien décidé à aller quand même courir même si j'ai dû écourter mon jogging d'une vingtaine de minutes pour me préparer. On ne peut pas dire que cette séance matinale m'ait réussi. Repasser vite fait la chemise blanche et le pantalon de costume noir que je porte en veillant à ne pas arriver en retard à Pôle Sud s'est avéré un challenge complexe. Tout l'effet bénéfique de la course s'est évaporé dans la précipitation et le grouillement de membres du staff et de hockeyeurs. J'ai prétexté avoir des affaires à récupérer pour filer à l'intérieur, bien décidé pour trouver un moyen efficace d'émerger le plus rapidement possible et, ainsi, de survivre à ce remue-ménage.

La semaine est passée à la vitesse de l'éclair. La visite médicale, mercredi, a perturbé mon rythme. J'ai l'impression que c'était hier que je discutais avec Max en haut des cimes. Le week-end au grand air date pourtant de cinq jours. J'ai été tellement pris par les préparatifs de notre premier match d'avant-saison que je ne me suis pas rendu compte du temps qui passait. Il a fallu réviser les stratégies, pratiquer les différentes formations selon nos positions, les tester sur la glace afin de mieux comprendre nos points forts et nos faiblesses et les exploiter à notre avantage... Je voulais me montrer sous mon meilleur jour pour qu'on m'accorde le plus de temps de jeu possible aujourd'hui et en un clin d'œil, la semaine était déjà terminée. Enfin presque... Il nous faut encore affronter les ducs d'Angers avant de pouvoir se considérer en week-end et je compte bien fêter notre victoire ce soir dans le bar de Gabriel.

— Brun, Faure, vous avez bien toutes vos affaires ?

Bouvier passe la tête à travers l'encadrement de la porte pour aboyer, plus que pour parler. Il m'a sauté dessus alors que je montais les marches de la patinoire tout à l'heure pour s'assurer que je n'avais pas pris un petit-déjeuner trop lourd qui m'empêcherait de glisser correctement sur la glace. Question de bonne augure. S'il me visualise déjà sur la piste, je n'aurais peut-être pas à batailler autant que je le pensais pour réclamer mon entrée. Je n'ai pas eu le temps de lui répondre, il était déjà passé à Arthur pour savoir s'il avait assez dormi, lui reprochant la marque d'oreiller sur sa joue.

— Ne traînez pas trop, l'heure tourne !

Depuis, il suit le matériel au millimètre près, comme s'il s'agissait de la prunelle de ses yeux. On ne doit pas être loin de la vérité. Il enchaine les aller-retours entre l'intérieur de l'enceinte et le parking. Nerveux, il crie dans tous les sens, se tire les cheveux et ne cesse de donner des ordres à qui veut bien l'entendre. Dès qu'il croise quelqu'un, il lui reproche un des points qu'il a en tête : les bouteilles d'eau qui ne sont toujours pas dans le car, les bouchons qu'on va se manger si on a le moindre retard... Même les oiseaux qui chantent sont une bonne raison de monter le ton d'un cran. On est censé partir dans vingt minutes et son visage est déjà aussi rouge qu'une écrevisse, sa tête semble avoir doublé de volume, comme si elle allait exploser d'un instant à l'autre, et sa respiration est saccadée. Il frôle l'infarctus s'il ne ralentit pas un peu.

Pourtant, personne ne bronche. L'anxiété de notre coach ne sembla avoir aucune prise sur le reste de l'équipe qui s'attelle aux préparations dans une sérénité qui frise l'état de méditation. Ils semblent régler comme des horloges et s'attellent à leurs différentes tâches avec minutie sans être ébranlés par le minuteur en furie qui rôde. Jules me fait un clin d'œil tout en refermant la porte de son vestiaire.

— N'oublie pas ta cravate. Il va nous faire un AVC si tu ne l'as pas sur toi.

Je soupire et il rit. La tenue de mise avant le match est costard-cravate. On doit faire bonne figure, montrer notre meilleur profil. Je ne suis pas forcément fan de l'idée mais on s'y habitue avec les années et puis, tout le monde est à la même enseigne.

— Tu veux que je t'aide à faire ton nœud de cravate ou ça va aller ?

— Va te faire foutre, Faure !

Il s'esclaffe de nouveau alors que je passe le bout de tissu autour de mon cou, essayant de me concentrer. J'aurais préféré attendre l'arrivée à Angers pour le nouer, j'aurais même adoré me changer dans le car plutôt que de supporter le trajet habillé en pingouin. Ce n'est pas vraiment la faute de l'habit. Je déteste les trajets en autocar. Ils me ramollissent. Ce n'est pas mon truc de rester assis pendant des heures. J'ai besoin de bouger, de m'exprimer. Courir, glisser, frapper. La perspective de pouvoir dormir devrait pourtant me ravir. J'ai quelques heures de sommeil à rattraper mais je sais très bien ce qu'il va se passer. Je vais me retrouver à demi-assis, demi-allongé, ne sachant pas trop quoi faire de ma carcasse, comme enfermé entre deux sièges. Je ne dors qu'à moitié, un œil ouvre, l'autre fermé, d'un sommeil qui n'a rien de réparateur et qui a plus tendance à me mettre dans le gaz qu'autre chose.

— Bah voilà ! Tu vois quand tu veux, tu peux être beau gosse !

Je lui balance une paire de chaussettes à la figure avant de revérifier une dernière fois mon cassier. Je ne sais pas comment il peut déjà être autant en bordel alors que la saison n'a même pas commencé. C'est une honte. J'en profite pour faire quelques paniers dans la poubelle avec les bouteilles d'eau qui traînent alors que Jules compte les points. Je repointe mentalement la liste que je me suis faite. Crosse, check, patins, check, jogging, check, protections, check, gourde, check, casque, check, barre chocolate, check. Hors de question de m'attirer les foudres du coach s'il me manque quoi que ce soit alors qu'on se trouve à une centaine de kilomètres de la patinoire.

J'entends une nouvelle fois Bouvier à l'extérieur qui risque de venir nous chercher par la peau des fesses si on ne se dépêche pas un peu.

— Bon le mannequin Hugo Boss, on se presse ?

Jules est en train de recoiffer d'une main sa tignasse blonde platine, qui ne semble pas être en accord avec le costume bleu flashy qu'il porte aujourd'hui. Sac sur l'épaule, je sors des vestiaires en lui faisant la remarque et bouscule par mégarde quelqu'un qui voulait entrer. Je me retourne, penaud, avant de réaliser que j'ai manqué de renverser une patineuse qui fait bien une tête de moins que moi, cheveux blonds ramassés en queue de cheval et regard polaire qui ne tarde pas à se darder sur moi. Je m'attends à ce qu'elle me lance une pique mais elle garde le silence et je ne me rends pas compte tout de suite que je bloque le passage. C'est d'ailleurs pour ça qu'elle ne m'a pas encore devancer. On reste à se regarder un instant dans le blanc des yeux quand Arthur interrompt notre échange, arrivant derrière elle et passant son bras autour de ses épaules comme s'ils étaient amis depuis longtemps.

— Ah mais c'est notre chère amie pompomgirl ! C'est gentil de venir nous soutenir pour notre premier match. J'ai une place de choix dans le car pour toi.

Elle a toujours ses yeux plongés dans les miens et je vois l'agacement y poindre le bout de son nez. Elle ne dit pourtant rien, concentrée sur moi mais je vois le mouvement quasi imperceptible vers le côté pour se dégager de l'emprise de mon coéquipier.

— Tu ne vois pas que tu bloques le passage ?

Un grand blond, tête inconnue au bataillon, me fait face, avec de la hargne dans son regard. Je vois, il a sans doute du mal avec les hockeyeurs. Je me range sur le côté, ne comptant pas faire d'histoires alors que Bouvier peut débarquer à tout moment et elle en profite pour passer avec le blond qui lui montre ses dents comme un déterré. Ma seule consolation est que le sourire qu'elle lui rend est plus forcé qu'autre chose.

— Si tu as un problème avec l'équipe de hockey, tu me le dis.

Je manque de vriller en l'entendant faire son speech à deux balles mais la voix tonitruante de notre coach me dissuade de revenir en arrière pour lui faire comprendre qu'il ne fait pas le poids.

— Les gars, vous compter courir après le car ou vous prévoyez de créer un miracle et de sortir d'ici sans nous mettre en retard ?

Se faire engueuler par notre coach n'est pas très glorieux. J'ai l'impression de revenir au temps des colonies de vacances. Pas vraiment l'instant le plus avantageux. Jules passe son bras autour de mes épaules et me fait avancer vers la sortie. 

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