2. Mason - Farces et attrapes

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2. Mason – Farces et attrapes

— Mason ! Par ici !

Je détourne mon regard des tribunes pour le diriger vers la glace, les cris imaginaires s'estompent alors que je repère le groupe d'où la voix s'élève. Mon nouveau coach se trouve devant la glace, entouré d'une partie de l'équipe. Je ne suis a priori pas le seul à avoir voulu arrivé en avance pour la première session d'entraînement de la saison. Je me rapproche de mes coéquipiers tout en leur faisant des signes de tête mais bien vite des mains se tendent vers moi pour que je les checke.

— Bon, toutes les nouvelles têtes sont arrivées ! C'est une bonne chose, vous allez pouvoir faire connaissance dès à présent !

Je ne suis pas le seul à avoir été recruté cet été dans l'espoir de brandir le trophée en fin d'année, trois autres joueurs ont rejoint les rangs des brûleurs de loups. Je suis le seul intrus, cependant, celui qu'on n'attendait pas dans un club tel que Grenoble. Eux évoluaient déjà en haut de la ligue Magnus tandis que je foulais la patinoire de Megève. J'ai bien conscience que tous les radars vont se fixe sur moi, prêts à flasher la moindre de mes incartades. On va me surveiller de près, voir ce que j'ai dans le ventre, s'assurer de ce que je peux apporter à l'équipe. Je vais devoir redoubler d'efforts pour leur prouver que j'ai ma place ici.

— J'étais en train de dire aux gars qu'on allait commencer par une séance de dérouillage aujourd'hui. Ça va vous permettre de reprendre l'entraînement en douceur tout en commençant à vous connaître. Un bon moyen pour rechausser ses patins. Profitez-en, ça ne sera pas aussi doux toute l'année ! Allez, vous pouvez aller vous changer, les autres ne devraient plus tarder à présent !

Je hoche la tête, bien décidé à me montrer sous mon meilleur jour. Franck Bouvier est réputé pour son exigence à tout niveau : sur la piste, dans les vestiaires et en-dehors. Pas vraiment le genre de personne à se mettre à dos. C'est lui que je dois convaincre que je ferais un bon titulaire pour son équipe et ça ne va pas être simple. Malgré les critiques, il tient la barre depuis cinq ans, ici, c'est son équipe, son stade, ses victoires mais aussi ses défaites.

Je suis mes camarades, leur faisant confiance pour trouver le chemin. Ils connaissent le centre mieux que moi après tout. Alors qu'on parcourt le couloir, les discussions vont bon train et ça commence déjà à s'envoyer des piques, me faisant enfin me sentir dans mon élément. J'étouffe peut-être dans cette ville mais je respire hockey, je mange hockey, je dors hockey et je suis content de revenir sur une piste. Le vélo, la course, c'est bien, mais j'en ai assez bouffé en juillet, il est temps que je reprenne la crosse.

Je m'arrête devant mon casier, m'apercevant que mon nom y est déjà inscrit. Je regarde les lettres peintes en blanc, se distinguant du rouge de l'équipement et je réalise que c'est bon, c'est acté. J'ai changé de club, j'ai quitté Megève. C'est officiel.

Je ne m'attarde pas plus longtemps que nécessaire, ne voulant pas susciter des interrogations dans l'équipe. Je pose mon sac sur le banc et en sort mes propres patins, ma crosse. Ils sont adaptés à mon jeu et je me vois mal m'en passer. Je me change tout en répondant aux questions de mes camarades. Même si on apprend à se connaître sur la glace, avec les entraînements et, surtout, les soirées d'après-match, on lance les dés dès le début de la partie. On a besoin de pouvoir se faire confiance, d'être complices pour gagner. Alors on se teste, on s'appréhende, on découvre les personnalités des uns et des autres pour former, à terme, un groupe solide, capable de résister aux plus grandes tempêtes.

Je ne prête pas attention aux regards appuyés sur mon corps alors que je me déshabille. Je suis habitué, on se jauge du regard, j'ai appris à ne pas être pudique dans un vestiaire. Je les laisse donc commenter les différents impacts sur ma peau et balancer quelques vannes sur des cicatrices que j'ai au torse. Je sais qu'ils se demandent si je tiendrais les chocs, si je resterai toujours debout quand on me plaquera contre une vitre. Le hockey n'est pas réputé pour être un sport de gentils. On ne grimace pas à la moindre incartade comme ces foutus footballeurs qui font plus le spectacle que du sport. A la place, on essaie de ne pas trop serrer les dents alors qu'on tombe à même la glace, pour éviter de faire plus de dégâts.

J'enfile mon maillot avant qu'ils n'aient le temps de repérer chacun de mes grains de beauté. A moi le bleu, blanc, rouge, exit le vert. Je ne pensais pas ressentir ce pincement alors que je réalise que je ne porterai plus les couleurs de mon enfance sur les épaules. J'en étais fier, prêt à me battre pour elles. Je ne médite pas plus longtemps dessus, me concentrant plutôt sur la position de mes protections, notamment la coquille qui protège mon entrejambe. J'ai déjà pris ma décision, signé un contrat, déménagé dans une nouvelle ville. Je dois juste m'y faire et taire cette incertitude de ne peut-être pas avoir pris la bonne décision.

La sonnerie de mon téléphone retentit dans le vestiaire, il me semblait pourtant l'avoir passé en silencieux. « Maman » s'affiche sur l'écran. Je ne peux ni lui raccrocher au nez, ni laisser le téléphone sonner en vain dans le vestiaire. Ils seraient capables de venir me le piquer pour répondre à ma place. Je soupire, décrochant tout en sortant de la pièce pour avoir un peu plus d'intimité.

— Mase chéri, comment ça se passe Grenoble ?

— Maman, je ne suis même pas là depuis une heure, et je suis au centre, je n'ai pas le temps de te parler là !

— Si je ne t'appelle pas, je sais très bien que tu ne le feras pas ! J'ai juste besoin de savoir que tout se passe bien !

— Tout se passe bien.

— Ok. Bonne... Bonne journée alors !

— Bonne journée !

Je raccroche, non sans me sentir mal d'avoir écourté la discussion. Je sais très bien qu'elle s'inquiète juste pour moi et qu'elle veut seulement s'assurer que tout va bien. Mais j'ai vingt-quatre ans, je peux bien me débrouiller tout seul. Je retourne dans les vestiaires, enfile le reste de l'équipement avant de frapper deux coups sur mes bras, comme pour me donner le courage d'affronter cette journée.

Je prends mes patins et me dirige vers la patinoire, les chausse avant d'entrer sur la piste et de... tomber immédiatement, face contre glace. Il ne me faut pas longtemps pour comprendre qu'ils viennent de se jouer de moi. Je porte mes doigts à mes pieds et y rencontre une fine couche de plastique à la place du métal tranchant. Ils ont dû profiter de ma sortie des vestiaires pour recouvrir mes lames de scotch. Les gars sont morts de rire et je souris. Je devrais sans doute m'énerver mais c'est la réaction qu'ils attendent et j'ai été le premier à faire ce genre de conneries à mes coéquipiers. C'est aussi comme ça qu'on crée une relation, un esprit d'équipe. On se chahute, on se cherche, on pose certaines limites pour que ça ne vire pas au bizutage de mauvais goût. Ils goûteront de toute façon rapidement à mes poings si ça venait à devenir plus sérieux.

Les bras en avant, je me relève, non sans avoir enlever le scotch avant. De nouveau sur pieds, je glisse pour m'échauffer. Quelques tours de piste pour « se dérouiller » comme dit le coach, avant de rejoindre le centre. On ne perd pas de temps dans les présentations longues et niaises, quelques directives sur le déroulement de la séance, annonces des exercices qu'on va effectuer et bientôt on est placé face aux buts, pour tester notre niveau, un palet devant chaque crosse. Un bon moyen pour montrer tout de suite ce que je vaux. Je ne viens peut-être pas d'un grand club de la ligue mais bien d'un historique et ma formation est béton, je le sais. Je n'ai rien à envier à mes coéquipiers.

Au bout de deux heures, je commence quand même à fatiguer. Il faut rapidement reprendre les bons réflexes et le mois sans hockey n'aide pas. La pause proposée par le coach n'est pas du luxe et je m'écroule sur la glace. Jules me tend une bouteille d'eau que j'accepte, non sans regarder si elle n'a pas été ouverte au préalable. On ne sait jamais avec eux, je ne vais pas me faire avoir une deuxième fois. Il sourit en me voyant faire et me rejoint au sol.

— Ça va être une sacrée saison ! Tu vas voir le rythme en haut de la ligue, c'est autre chose que dans les Alpes. Ce ne sont pas les mêmes sommets qu'on côtoie !

Il me chambre mais il n'a pas tort. Si la passion est la même, le rythme est, lui, différent. Pas la même pression, pas les mêmes attentes, pas les mêmes budgets. Jules est un pilier de l'équipe, il la connaît bien, c'est loin d'être sa première saison ici, c'est son nom qui est scandé dans cette patinoire pour le moment. J'admire son jeu, sa vitesse, ses tactiques. On fait partie du même groupe à présent, et on va devoir faire avec. On a chacun notre caractère, après tout on fait du hockey. On se cogne, on tape des vitres et on envoie des palets à plus de cent quarante kilomètres heure. On ne peut pas se permettre de se rouler par terre parce qu'on nous a un peu tiré le maillot. Pourtant, je sens bien que ça ne sera pas un problème au sourire qu'il affiche, à ses yeux qui pétillent.

Quinze minutes plus tard, on est de nouveau sur nos patins à prendre nos marques. On n'est pas encore coordonnées, on n'a pas encore créé notre propre communication mais je ne doute pas que ça va arriver. D'ici quelques semaines, on n'aura même plus besoin de se parler pour se comprendre. Une chose est sûre, je ne vais échapper ni aux courbatures ni aux bleus demain. La nuit va être réparatrice, le sommeil, lourd. Tout ce dont j'ai besoin.

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