7. Grace - Pirouette

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1. Grace – Pirouette

Ce matin, on n'a pas à partager la glace avec l'équipe de hockey, on peut y rester autant qu'on veut jusqu'au déjeuner. Je suis venue plus tôt pour l'occasion. A sept heures, je sortais déjà des vestiaires, bien décidée à profiter d'un moment de calme. Nous n'étions que trois dans l'enceinte, nous n'allions pas nous gêner dans nos mouvements. Sans même se parler, on s'est séparé la piste en trois et on a commencé nos échauffements et exercices spécifiques chacun de notre côté. J'ai repris plusieurs pirouettes que je maîtrise à présent. Toujours commencer par une réussite, ça conditionne au positif le reste de l'entraînement. Les petites victoires se succèdent et me donnent l'impression que je peux tout réussir, si je veux. Et c'est exactement le sentiment de victoire que j'ai besoin en pleine préparation des championnats.

Au fil des minutes, la patinoire se remplit. Le répit est fini. Les bavardages s'élèvent alors que mes camarades vont se changer. Le bruit des patins sur la glace se multiplie, les conseils criés des entraîneurs se font plus francs. Même le couloir qui mène à la patinoire loisirs est plus bruyant. Des classes scolaires doivent être en train de s'approprier l'espace. En voyant la doudoune rouge de Lewis au loin, je me décide à prendre une pause et à retourner vers le rebord pour attraper une bouteille d'eau et mon casque sans fil. Je ne supporte pas le bruit ambiant quand je patine, j'ai besoin de me créer ma propre bulle pour rester concentrée.

— Tu as dormi au moins ?

— Une nuit de huit heures ! Je me suis couchée à vingt-deux heures hier !

Je lui tirerai bien la langue mais il me traiterait de gamine et il aurait sans doute raison. Il se contente de hocher la tête tout en sortant une banane et un sachet d'amandes de son sac.

— Je suppose que tu n'as pas pris le temps de petit-déjeuner ?

Il me connaît par cœur. Il sait très bien que je préfère patiner tôt. Avoir la glace quasi rien qu'à moi. J'ai tendance à zapper le premier repas de la journée pour ça. Il a arrêté de m'engueuler, comprenant bien que ce n'était pas la solution. A la place, il me donne une collation et s'assure que je l'ai bien mangée avant de retourner sur la piste. Pas de grandes directives ce matin je ne suis pas tenue de répéter mon programme tout de suite. A la place, j'ai champ libre pour m'exercer sur des figures plus complexes, des mouvements que j'aimerais améliorer. Il me fait confiance. Il a de toute façon plutôt intérêt. Il doit aussi s'occuper des deux autres patineuses qu'il entraîne. Elles sont plus jeunes, elles n'ont pas le même palmarès mais elles veulent aller aussi loin que moi et pour ça on a mis en place ces deux dernières années une routine afin qu'il puisse nous voir toutes les trois individuellement. Je reste sa filleule et j'ai pendant longtemps été la seule patineuse qu'il entraînait, ce qui m'a toujours conféré un statut plus particulier mais je ne me plains pas de ce temps partagé. Ça me permet d'être plus autonome et, surtout, de moins l'avoir sur le dos. Nos disputes se sont raréfiées depuis. Pas qu'elles étaient nombreuses mais à force de crier d'un bord à l'autre de la patinoire, les esprits s'échauffent.

Je passe l'heure suivante à glisser sur la glace, ponctuant ma course par des figures plus complexes que tout à l'heure. Mes mouvements sont moins parfaits, mes pieds moins assurés, mon port de tête moins droit. Je flanche, dérape, et chute. Pourtant, je me relève toujours. A genoux, je relève un pied puis l'autre et c'est parti pour un nouveau tour de piste. L'abandon n'existe pas dans mon vocabulaire, on m'a inculqué la culture de l'échec, savoir se relever, ne pas rester sur ses acquis, toujours s'améliorer.

Ça doit bien faire une vingtaine de minutes que je répète en boucle la même pirouette. Je glisse sur une longueur avant de m'élancer dans les airs. Elle me prend toujours autant la tête, même près trois jours, même après les dizaines d'heures de visionnage tard le soir. Je tombe systématiquement au même moment et ça me frustre. Je vais finir par laisser une marque sur la glace à force de me rater à cet endroit. Ça ne devrait pourtant pas être compliqué. Il suffit d'ajouter une rotation à la figure. Une seule et ça serait parfait. J'en fais déjà deux, ajouter une troisième devrait être un jeu d'enfants. Pourtant, j'arrive à peine à entamer un demi-tour de plus sur moi-même avant de retomber sur la glace dans le mauvais sens. Je suis censée arriver en arrière, et non sur l'avant.

Consciente que ça ne m'avance à rien sinon à m'énerver, je m'approche de nouveau du rebord, et sors et mon portable de ma poche pour changer de morceau. Beethoven est censé me calmer et me porter plus haut mais quand je bute ainsi à répétitions sur un obstacle, la musique classique a tendance à me taper sur les nerfs. A la place, je cherche dans ma playlist du moment ce qui pourrait m'aider à me détendre et donc à me reconcentrer.

Cet entracte de quelques minutes me ramène à la réalité, au monde qui continue de tourner autour de moi. Je capte ainsi les premiers chuchotements, les sourires qui s'agrandissent, le changement d'ambiance, plus électrique. Il se passe quelque chose. Je relève la tête et croise le regard d'un hockeyeur au loin. Le fameux brun, plutôt baraque, regard vert, celui qui a tout ce qu'il faut là où il faut. L'échange ne dure que quelques secondes et je retourne à mon portable quand il fronce les sourcils dans ma direction. Il ne m'en faut pas plus pour trouver enfin la musique qui convient et me lancer de nouveau sur la glace alors que les premières notes résonnent dans mes oreilles.

On me parlait d'être numéro un

Quand j'voulais être numéro dix

J'ai fait top un

Quand on pensait que j'ferais top dix

J'ai toujours fonctionné à l'envers

J'partais bille en tête

Frappant la boule au centre

Qu'advienne ce qui s'passera

Si tu t'prends un mur, ou si tu te l'prends pas

J'pensais tout connaître de la passion

Tout ce que j'ai réussi à faire c'est me foutre plus de pression

Alors aujourd'hui même quand je suis en TT

Je continue d'être entêté

Et soudain j'ai le bon rythme. Je sens que je reprends confiance, que je me détends assez pour relever les épaules et sauter. Une fois, de fois, trois fois. Mes bras suivent mes mouvements, ils s'ouvrent quand je m'élance, se referment quand je tourne sur moi-même en l'air. Lewis relève la tête et croise mon regard alors que je retombe. Lui aussi, il a compris. Il m'accorde toute son attention et au bout de cinq tentatives, j'y arrive. Bien sûr, la figure n'est pas parfaite. Il va falloir que je la répète une bonne centaine de fois avant d'espérer pouvoir l'intégrer au programme mais j'ai atterri sur mon patin gauche, la jambe droite levée en arabesque et je glisse vers l'arrière, les bras grands ouverts. Le sourire sur le visage de mon parrain est discret mais je le distingue nettement d'où je suis. Il sait comme moi que j'ai mes chances pour les championnats et que je ne cesse de les renforcer. Ça valait le coup de se lever une heure plus tôt.

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