Chapitre 3

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Harry.

Je suis plongé jusqu'aux coudes dans la vérification d'archives d'une enquête bouclée depuis plusieurs mois, quand la chevelure nacrée de Drago passe devant la petite salle d'études.

— Hey toi, je l'interpelle sur le pas de la porte.

Il se retourne, un sourire discret aux lèvres, avant de me rejoindre dans la pièce protégée des regards.

— Qu'est-ce que tu fais dans les parages ?

— Un témoignage d'expertise sur une affaire de Granger.

Maintenant que son dossier est lavé, il est devenu quasiment la référence potionniste pour les témoignages et contre-témoignages sur les affaires que Hermione défend. Aussi, il n'est pas rare de le croiser dans les couloirs du Ministère, à l'étage de la Justice Magique. J'ai parfois même l'impression qu'il voit Hermione plus que moi !

Il s'adosse contre un rayonnage, mets ses mains dans ses poches dans une posture décontractée.

Il est diablement séduisant quand il quitte sa robe de potionniste pour son costume cintré trois-pièces !

Je le détaille encore quelques secondes, bataille avec l'envie de réduire la distance pour capturer ses lèvres. Ça ne serait clairement pas raisonnable, même s'il nous est déjà arrivé de profiter d'obscures salles vides ces dernières semaines pour grappiller quelques instants ensemble.

— Des nouvelles sur l'affaire de Shacklebolt ? il me demande pour briser la tension palpable.

— Je n'ai pas encore eu de retours pour l'expertise du médicomage. Ils sont tous sous l'eau et il n'y en a pas un disponible pour une analyse complète. Ils rendront leur rapport la semaine prochaine, peut-être celle d'après...

Drago secoue la tête dans un soupir.

— Les médicomages sont toujours très occupés. Mais, ils sont tenus d'avoir des créneaux dédiés pour se rendre disponibles dans ce genre d'enquête. Sans leurs analyses, on est bloqués. Impossible d'avancer à tâtons si on ne sait pas à quoi on a affaire...

— Je sais bien, mais t'as une alternative à proposer ? Des contacts à Sainte Mangouste ?

Drago semble hésiter un instant.

— Oui, il y a bien quelqu'un que je pourrais solliciter. Je lui envoie une note dès que je rentre au laboratoire.

Alors qu'il s'apprête à quitter la pièce, il revient sur ses pas et plonge sa main dans la poche de son veston.

— Tiens, pour tes insomnies.

Il glisse deux fioles dans le creux de ma main.

J'essaie de les refuser, mais il insiste en refermant sa main sur la mienne.

— Elles sont un peu plus fortes que les Sommeils sans Rêves qu'on trouve dans le commerce, mais je préfère savoir ce qu'elles contiennent, plutôt que tu te procures des merdes au marché noir. Et non, promis, elles ne provoquent pas d'accoutumance.

Sa façon de vouloir prendre soin de moi me tord toujours un peu le ventre.

J'ai conscience qu'il flirte avec les frontières de la légalité en me concoctant des potions interdites à la vente, alors je les accepte dans un murmure de remerciement et les enfouis au fond de ma poche.

Puis dans un sourire discret, il quitte la salle et je retourne à l'étude de mes pièces à conviction.

*

L'étage des Potionnistes m'est devenu familier. Plus la peine d'avaler de gorgées de Trompe l'Oeil pour passer inaperçu, les étudiants et le personnel encadrant ont pris l'habitude de me voir débarquer pour échanger avec Drago sur nos affaires en cours.

Notre collaboration professionnelle est connue de tous, notre collaboration plus privée en revanche reste secrète. J'y tiens encore. Aucun souci avec ma bisexualité, mais révéler ma relation avec Drago serait tendre la perche pour faire de nos vies un enfer. J'anticipe déjà les gros titres et le harcèlement des gazettes pour savoir comment mon ennemi d'enfance est finalement devenu mon amant. Aucune envie de m'épancher sur les détails de notre relation. Aucune envie de partager cet équilibre encore instable.
Très égoïstement, je veux garder ce que j'ai avec Drago, juste pour moi.

Je traverse le couloir qui longe les salles d'études et les réserves aux grands tiroirs de plantes séchées.

Plusieurs enseignants animent des classes, souvent en exercices pratiques, d'autres penchés sur de vieux grimoires.

Dans sa salle, Drago écrit une recette sur le tableau noir, d'un geste de baguette gracieux, ses lunettes fines juchées sur le nez.

Je m'engouffre dans son bureau en attendant que son cours touche à sa fin.

Mon regard s'attarde sur son espace de travail, au chaos si différent de sa personnalité. Je n'ose rien y toucher depuis qu'il m'a expressément demandé de ne rien manipuler de dangereux.

Je me contente de m'asseoir sur l'accoudoir du vieux sofa sur lequel il nous est déjà arrivé de baiser, tard le soir après que l'étage se soit vidé. Au souvenir de mes mains qui caressaient ses cuisses pâles, l'envie de sa peau se fait soudain manifeste.

Je me relève pour laisser les souvenirs dans mon dos, rajuste mon pantalon et viens l'observer derrière la vitre qui donne sur sa salle de classe. Quand il m'aperçoit, il esquisse un sourire à mon encontre avant de retourner à sa leçon.

À la fin de l'heure, les pieds des chaises raclent bruyamment le sol avant que les élèves ne se lèvent et sortent dans une ambiance chaotique. Drago et son assistant prennent le temps de nettoyer le tableau noir et de ranger la salle avant de venir dans le bureau. Drago lui donne des directives pour l'heure à venir, et le jeune potionniste note religieusement dans son carnet les tâches et les responsabilités qui lui incombent. Bien, professeur !

Quand l'assistant tourne les talons pour rejoindre les autres étudiants, Drago retire ses lunettes, les range dans la poche de sa cape et réduit la distance qui nous sépare.

— Salut, toi.

— Bonjour, Professeur... Bon sang, que t'es sexy avec tes lunettes de prof et ton air si sérieux...

Il rit en secouant doucement la tête.

Il y a une tension dans sa nuque comme s'il s'empêchait de se pencher pour m'embrasser ou même me toucher le bras.

Quand je jette un oeil au couloir où quelques étudiants traînent encore, son sourire s'évanouit.

Il rassemble ses affaires et lève un sourcil vers moi.

— On y va ou tu veux continuer à flirter devant mes élèves ?

Je fronce le nez et lui fais signe de me suivre.

Je sais que cette discrétion sur la nature de notre relation lui pèse, mais c'est plus sûr ainsi. Et de toute façon plus professionnelle.

Dans les ascenseurs magiques qui nous guident à travers les étages et les services, il prend le temps de lisser sa robe et de s'inspecter devant le grand miroir.

— Je voulais te dire quelque chose, Harry...

Je me glisse dans son dos, effleure la chute de ses reins et approche mes lèvres de son oreille.

— Moi aussi j'ai envie de te dire des trucs, Professeur...

— Je croyais qu'il fallait éviter les lieux publics.

— Cet ascenseur est safe.

— Ah oui ?

— Je m'en suis assuré avec un sort de détection. Et j'ai un pass prioritaire d'Auror. Personne ne montera jusqu'à notre destination.

Il hausse un sourcil, que je sais narquois, avant de redevenir sérieux.

— Pas la peine de prendre des risques inutiles, Harry.

— Pas ma faute si ton aura de Professeur me donne des idées crapuleuses...

Il s'esclaffe devant ma manoeuvre de séduction peu subtile, avant de se retourner vers moi.

— Garde ça pour plus tard. Il faut que je te dise un truc...

Je jette un oeil au décompte, plus que deux étages et un transvasement vertical avant l'étage des médicomages.

J'avance mon genou entre les cuisses de Drago, le fais reculer contre la paroi de l'ascenseur, et glisse mes doigts dans sa nuque pour rapprocher ses lèvres des miennes. Il pose ses mains sur ma taille pour me coller contre lui, et je reste de trop longues secondes accroché à ce baiser interdit.

Quand les portes s'ouvrent dans un ding sonore, je m'écarte aussitôt et Drago pousse un gémissement de frustration.

Ses lèvres sont humides et gonflées, comme une invitation à d'autres baisers.

Il semble hésiter entre lever les yeux au ciel face à mon audace, et m'attraper le col pour me rendre mon baiser volé. À la place, il se mord la lèvre pour retenir son sourire et me donne un coup de coude dans les côtes.

— Allons-y, Auror Potter !

*

Le tumulte du service de médicomagie est comme une vague trop forte qui se déverse soudain sur nous.

Des pleurs se mêlent aux cris qui s'élèvent de la salle d'attente. Des étincelles fusent derrière un paravent où on ausculte un sorcier. Des brancards en lévitation nous dépassent brusquement sans prévenir.

L'hôpital sorcier, magiquement étendu, occupe plusieurs ailes, avec chacune une flopée d'étages où chaque blessure magique a son propre service dédié.

Drago me fait signe de le suivre et nous mène vers le guichet d'accueil où des sorcières en blouse verte dispatchent les blessés selon la typologie de leurs maux.

Quand vient notre tour, Drago se penche vers la petite sorcière.

— Nous avons rendez-vous avec le Docteur Patel.

La petite sorcière lui donne une note, une suite de chiffres et de lettres correspondant à un étage puis à une section. Nous reprenons un autre ascenseur dans le chaos propre aux hôpitaux sorciers, pour arriver enfin à l'étage des maladies pédiatriques graves. Un autre guichet d'accueil nous attend et Drago répète sa requête.

Le guérisseur se détourne du guichet pour se renseigner auprès d'un collègue avant de revenir vers nous.

— Le Docteur Patel est en pleine opération délicate. Je vous laisse patienter dans la salle d'attente ?

Alors que Drago allait accepter, je m'avance et présente mon insigne d'Auror.

— Possible de l'attendre dans un lieu moins exposé au public ?

Le guérisseur hausse un sourcil blasé, mais daigne nous indiquer la salle d'études du service.

Quand la porte claque, le tumulte du service se tait enfin dans notre dos.

La pièce est plongée dans une pénombre à peine repoussée par la lumière qui filtre au travers de vieilles grilles d'aération. De grandes tables dédiées aux médicomages légistes prennent toute la place au milieu d'étagères pleines à craquer de fioles et de grimoires. Comme si l'endroit n'était pas assez glauque, l'odeur forte du désinfectant me pique la gorge.

Tandis que je jette un oeil aux différents instruments médicaux dont je préfère ignorer la fonctionnalité, Drago se racle la gorge.

— Il faut que je te dise, à propos de ce médicomage...

Je repose une pince à l'usage inconnu, et me remémore ce que je sais de lui.

— Damian Patel, 38 ans. Indien par son père, anglais par sa mère. À étudié à l'Université Magique de Bangalore en Inde, a parcouru le monde avant de venir étudier à Londres, pour finir major de sa promo à l'époque...

— Tu as étudié son dossier ?

— Évidemment.

Drago hausse un sourcil, et j'essaie de ne pas me mettre sur la défensive. Ça n'a rien à voir avec de la paranoïa, j'aime juste savoir à qui je m'adresse.

— Patel s'est spécialisé en magie réparatrice, option guérison chamanique avec visiblement de nombreuses publications à son actif. Sur le papier, il est excellent, même si je n'ai aucune idée de ce que ça veut dire réellement...

Drago affiche le sourire narquois, que je trouve souvent séduisant, mais parfois, comme à cet instant, terriblement arrogant.

— Ça veut dire qu'il utilise les éléments naturels pour alimenter ou guérir un réceptacle de magie. Comme le corps humain sorcier, par exemple. Ça peut être le feu, l'eau, la terre... Et il a réussi à l'appliquer à la médecine moderne, ce qui n'était pas très académique jusque là.

Je vois. Comme souvent, Drago est bien plus calé que moi en magie atypique.

— T'as lu ses essais ou quoi ?

— Quelque chose comme ça.

Drago croise les bras, un peu nerveux, alors je m'avance vers lui.

— Tu n'es qu'un nerd, mon cher Malefoy...

— Et toi, j'ignore comment tu as survécu tout ce temps vu ton inculture, mon cher Potter...

J'esquisse un sourire, nos piques ne me lassent jamais. Elles sont finalement ce qu'il y a de plus normal entre nous.

— Disons que je suis toujours bien accompagné...

Je lui glisse un sourire amoureux auquel il répond. J'ai terriblement envie de me pencher pour déposer à nouveau un baiser sur ses lèvres, mais ça serait bien trop risqué.

— Quoiqu'il en soit, je ne veux pas qu'on lui donne nos infos tout de suite. Je veux voir ce qu'il tire de la victime sans rien savoir et constater s'il est aussi doué que le dit son dossier...

Drago fait quelques pas pour aller s'adosser contre une étagère, au fond de la salle.

— Comme tu veux, c'est toi l'Auror.

*

Quand le docteur arrive enfin, je ne m'attendais pas à ça.

L'homme n'a rien d'un médicomage binoclard. C'est un type élancé, aux cheveux bruns parfaitement disciplinés, une peau foncée qui trahit ses origines indiennes, et de grands yeux bordés de longs cils noirs. Il entre, encore en tenue d'opération, un dossier sous le bras. Lorsqu'il retire sa blouse et son masque, je constate qu'il est même plutôt bel homme pour tout dire.

Il prend le temps de se laver les mains, nous jette un regard en les essuyant méticuleusement, passe une main pour recoiffer ses cheveux.

— Auror Potter... Navré pour le retard, une urgence chez une enfant dont la magie s'est retournée contre elle.

— Est-ce qu'elle va s'en sortir ? se préoccupe Drago.

Il l'observe un moment au fond de la pièce, et je reconnais que j'aurais pu moi aussi prendre des nouvelles de sa petite patiente, au lieu de passer pour un indélicat.

— Elle est en observation. J'ai fait de mon mieux, il n'y a plus qu'à attendre que sa magie s'apaise.

Puis il baisse les yeux sur le dossier qu'il a déposé sur son bureau.

— Vous vouliez me consulter pour le cas n°JDX1. D'après ces notes, il s'agit d'une mort naturelle. Pas de trace d'attaque ni de défense, à vrai dire le dossier est très succinct.

— Nous sommes là parce que nous avons justement besoin d'une analyse un peu plus poussée de la victime.

— Hmm, voyons voir... Peter ? Est-ce que tu peux m'amener le corps classé JDX1 ?

Tandis que son assistant s'éclipse dans une salle attenante, le médicomage lève sa baguette, formule quelques sorts et la température de la pièce baisse soudain. Une sphère lumineuse vient se placer au-dessus d'une des tables d'autopsie.

— Qu'est-ce qui amène un potionniste vérifier l'état d'un corps a priori lambda ? demande-t-il pendant qu'il enfile des gants en latex et approche des instruments de la table.

— Les Aurors pensent que le tableau est plus grand que ce cas isolé, répond Drago du fond de la salle. On recherche des signes de magie atypique. N'importe quoi que tu trouverais.... étrange.

— "On" ? demande-t-il en levant la tête vers lui. J'ai raté un épisode, tu bosses pour les Aurors maintenant ?

— "Avec" les Auros...

Le docteur Patel lève un sourcil surpris, et quelque chose de désagréable se met à bourdonner au fond de mon ventre.

Je n'ai pas le temps de m'y attarder que l'assistant revient en faisant léviter un corps recouvert d'un drap et le dépose sur la table d'autopsie.

— Merci, Peter.

Patel fait glisser un tabouret près de la table, imbibe un mouchoir de tissu d'une huile aux senteurs florales qu'il fait léviter jusqu'à Drago.

— Tiens, je crois me souvenir que tu crains l'odeur...

Quand il retire le drap du petit corps, une odeur forte me prend à la gorge. J'identifie des produits de conservations des corps, et je me force à respirer par la bouche pour ne pas tourner les talons et vider le contenu de mon estomac.

Patel a remonté un masque sur son nez et parcourt le dossier.

— Le formulaire a été rempli sommairement, il n'y avait rien à signaler. Une mort naturelle a été privilégiée.

Il lève la tête des notes et s'adresse directement à Drago.

— Tu saurais m'en dire plus sur les autres victimes ?

La boule désagréable dans mon ventre gonfle, et je me sens obligé de m'imposer dans leurs échanges.

— C'est confidentiel. Est-ce que vous pouvez faire une contre-analyse en prenant en compte que c'est probablement une attaque ?

Patel lance un regard à Drago comme en attente d'une réponse, et je perçois son hochement de tête du coin de l'oeil avant que le médicomage ne se tourne vers moi, en fronçant le nez.

— Ça risque d'être un peu long...

J'ignore pourquoi, mais ce type m'est soudain hautement antipathique.

— Vous avez des créneaux d'une heure par semaine dédiés aux Aurors. Considérez que c'est le créneau de votre semaine !

J'ignore pourquoi, j'ai l'irrésistible envie de lui rentrer dedans.

Sauf que le type ne rentre pas dans mon jeu.

— Peter, peux-tu prévenir l'équipe que je ne suis pas disponible pour la prochaine heure ? Je te remercie.

Avant que son assistant ne passe la porte, il le retient.

— Sauf pour la petite en observation. Préviens-moi si son état se dégrade...

Patel fait léviter une tablette et une plume à papote, jette un oeil à l'horloge murale

— Début de la contre-analyse : 10h42.

Tandis que tout mon corps a envie de le détester, le médicomage prend son temps.

Drago reste en retrait, tandis que je m'assois sur l'une des tables vides. J'observe le médicomage manipuler avec délicatesse le corps de la victime. Il jette des sorts dont je ne connais pas l'existence, procède avec des gestes assurés et professionnels.

Quand l'heure est bientôt écoulée, il griffonne quelques notes dans le rapport.

Drago se rapproche un peu et je fais signe à Patel de nous partager ses conclusions.

— Il n'y a pas de blessures superficielles sur le corps, mais de légères marques sous-cutanées. Ce qui est curieux, ce sont les traces de drainage. Comme si... sa magie avait été aspirée. Ce qui paraît impossible, mais je n'ai pas mieux comme explications.

Je dois reconnaître qu'il est doué.

Sa description correspond exactement à celle de Ron et Shackelbolt, preuve de son expertise médico-légale.

Drago esquisse un sourire et hausse un sourcil tout malfoyen.

— Tu aurais une idée de ce que ça pourrait être ? Quelles créatures magiques pourraient infliger ce type de blessures ?

Patel se redresse, prend le temps d'y réfléchir.

— Difficile à dire, sans davantage d'éléments.

Drago poursuit ses questions.

— Un vampire ? Un djinn ? Une sirène ?

Patel le reprend.

— Non. Peu probable pour un vampire. Pas envisageable pour une sirène si on prend en considération les lieux des attaques. Et l'usage de la magie chez les djinns est strictement contrôlé. Enfin, sur le papier.

— Est-ce que tu as détecté des traces de magie noire ?

— Tu sais que c'est plus compliqué que ça. Mais non, je n'ai rien détecté de significatif sur le corps. Après, contrôler et enchanter une créature ne laisse pas forcément de trace...

Il semble réfléchir encore un peu à la question avant de se tourner vers moi.

— Ce n'est pas grand-chose, mais si jamais il y a d'autres victimes - ce que je n'espère pas - demandez à ce que je sois le référent. Autrement, les cas sont distribués arbitrairement selon nos disponibilités...

Il se lève tout en faisant léviter le corps et passer la main à son assistant.

— Je dois remplir ce formulaire en double et vous en donner un.

Il s'installe à un petit bureau et laisse courir sa plume magique.

J'essaie de comprendre pourquoi je l'ai pris en grippe. Le type est calme, patient, pédagogue, il a clairement fait de son mieux pour nous aider dans l'enquête. Lorsqu'il lève la tête de ses notes, il se frotte la mâchoire tout en réfléchissant.

— Peut-être que le Bureau de Contrôle et de Régulation des Créatures Magiques pourrait vous donner d'autres pistes...

Je retiens un ricanement.

— Nous ne cherchons pas une de leurs chimères farfelues.

— Vous savez, Auror Potter, on se moque gentiment de leur service parce ce qu'on parle souvent de leurs affaires les plus exotiques, mais ils ont aussi un registre des créatures plus... humaines.

Patel se lève, l'occasion de me rendre compte qu'il est un peu plus grand que moi, et me tend son formulaire rempli.

— C'est le Bureau des Créatures Magiques qui a longtemps dû recenser les loups-garous et les portées de faunes. Rien de farfelu, pourtant...

Je l'ignorais.

— En tout cas, ils sont calés dans tout ce qui est à la marge. S'ils ont entendu parler de cas suspect ces derniers temps, ils pourraient peut-être vous aiguiller...

Je mets de côté mon ressentiment inexpliqué à son égard et le remercie sincèrement. Cette piste pourrait en effet nous faire avancer.

— Je vous raccompagne, conclut-il.

Tandis qu'il nous guide à travers le dédale du service jusqu'à l'ascenseur principal, il jette un regard en coin à Drago.

— Félicitations pour l'effacement de ton dossier, tu le méritais.

— Merci, Damian.

— Tu as des projets d'expatriation maintenant que tu es libre de tes mouvements ? Syracuse ? Paris ? Peut-être Vienne, qui te tentait à l'époque ?

— Oh, l'Académie de Recherches Magiques de Vienne me fait toujours de l'oeil, mais je reste à Londres. Je gère la co-direction du Département des Potionnistes avec Demelza. Et si au début, c'était sous la contrainte du Ministère, aujourd'hui enseigner me plaît.

— Vraiment ?

— Vraiment.

Sur leurs talons, je sens mon ventre chauffer quand Patel prend le temps de détailler longuement Drago.

— Tant mieux, c'est une belle opportunité. Tu as toujours été excellent en pédagogie, tes étudiants sont chanceux de t'avoir comme professeur.

— Et puis Scorpius se plaît à Poudlard, alors c'est plus simple de rester en Angleterre...

— Le loustic, à Poudlard ! Déjà ?

— Le temps file...

— Je ne te le fais pas dire !

J'ai l'envie furieuse de mettre mon poing dans la gueule du docteur Patel pour effacer le sourire qu'il affiche en dévorant Drago du regard, mais je me retiens.

— Tu lui passeras le bonjour à l'occasion, si ce n'est pas trop bizarre. Il me manque ce gosse...

La boule dans mon ventre grossit jusqu'à chauffer douloureusement dans mes entrailles.

Quand les portes de l'ascenseur se referment sur nous, le silence est lourd.

Drago enfouit les mains dans ses poches, s'adosse contre la paroi. Il ressemble à une gravure de mode bien trop élégant pour moi.

— On peut dire que Damian nous a fourni de nouvelles pistes, lance-t-il. Je peux me libérer pour t'accompagner au Bureau de Régulation des Créatures Magiques, si tu veux qu'on potasse leurs dossiers ensemble...

— "Damian"...

Son prénom est amer sur ma langue et Drago se crispe légèrement.

— Quoi ?

— J'en sais rien...

— Dis le fond de ta pensée, Harry.

C'est qui ce connard ? Pourquoi tu ne m'as jamais parlé de lui ? Qu'est-ce qu'il te veut ?

Les reproches roulent sur mes lèvres, mais je fais un effort pour me reprendre.

— Vous semblez proches.

Drago opine doucement du chef.

— On l'a été.

— À quel point ?

Cette fois, il semble hésiter.

— On est sortis ensemble quelque temps...

Mon coeur se serre. C'était prévisible.

Je me mords la lèvre pour ne pas m'emballer, mais les questions se bousculent.

— T'aurais pu me prévenir...

— J'ai essayé, vraiment, mais tu ne m'écoutes pas.

J'essaie d'inspirer et d'expirer comme m'apprend parfois Drago pour calmer les angoisses, mais ma curiosité malsaine prend le dessus.

— C'était quand ?

— Quand je suis revenu dans la communauté sorcière, il y a une dizaine d'années. Mes premières années à Sainte-Mangouste.

— Et c'était sérieux ?

— Ne panique pas, Harry.

— Je ne panique pas, dis-moi !

— On est sortis ensemble pendant deux ans.

— Deux ans ? C'est un peu plus que juste "sortir ensemble" !

Je fixe les numéros des étages qui défilent.

— J'y crois pas qu'on se retrouve à devoir bosser avec ton ex ! Docteur Parfait là, avec ses cheveux disciplinés et ses mains parfaites !

Drago ne semble pas saisir mon désarroi puisqu'il penche la tête avec un demi-sourire.

— Tes mains sont très belles, Harry...

Comme pour enfoncer le clou, le reflet dans le miroir me renvoie ma tignasse constamment en bataille, alors j'essaie tant bien que mal d'aplatir mes boucles rebelles. En vain.

Soudain, l'ascenseur s'immobilise dans un sursaut et les portes s'ouvrent dans le chaos de l'accueil de Sainte-Mangouste.

Nous sortons sans un mot en évitant la foule qui s'engouffre dans la cage magique, puis nous empruntons un couloir plus calme.

— Tu te fais des films, je t'assure, me souffle Drago en se penchant vers moi.

Ses lèvres frôlent mon oreille, son odeur me chatouille le nez et les angoisses se déversent soudain dans ma poitrine.

— Pas en public, Drago. Par Merlin !

Il fait un pas en arrière comme si je l'avais giflé.

Je jette un oeil au couloir, désert.

Drago se pince les lèvres et évite mon regard en se concentrant sur sa montre à gousset.

— Tu me préviens quand tu vas rendre visite au service des Créatures Magiques ? Je peux essayer de me libérer pour t'accompagner. Enfin, si ça te dit...

Tandis qu'il s'éloigne sasn un mot pour rejoindre son service, je reconnais enfin le sentiment qui s'affole dans mon ventre : une jalousie détestable que je peine à calmer.

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