Le jeune garçon était assis sur le sol, dos appuyé contre le mur de la salle de classe peu éclairée. La tête fourrée entre ses bras, il était clair qu'il pleurait : ses yeux larmoyants étaient à moitié cachés par ses larges mains, et ses lèvres tremblotantes laissaient échapper son souffle court. Ses cheveux d'ordinaire ébouriffés étaient désormais plats et lisses le long de son visage. Des larmes coulaient de ses yeux encerclés de cernes sombres et marquées, descendant tâcher ses manches. Silencieusement, il sanglotait, horrifié par la vision d'horreur qui s'offrait à lui :
Des tâches d'un rouge sombre recouvraient le sol, s'arrêtant à environ cinq centimètres autour du garçon, comme si une barrière invisible l'avait protégé des éclaboussures. Sur sa droite, encastrés dans le casier qu'il s'efforçait de ne pas regarder, avaient été entassés les corps de quatre autres étudiants, portant la même chemise blanche que la sienne. Leurs membres avaient été cassés, broyés, sinon arrachés et laissés étendus au pied du casier. Leurs corps distordus étaient recouverts de sang, et leurs visages étaient encore crispés de douleur et de terreur d'une chose qui n'était plus là. Malgré leur carrure pourtant imposante pour des lycéens, la chose qui les avait, littéralement, massacrés, devait être dotée d'une force imposante, pour pouvoir les écraser d'une façon si singulière.
Le jeune garçon, miraculeusement épargné par le massacre, était toujours recroquevillé sur le sol. Les yeux fous, papillonnant dans les quatre coins de la salle, il se crispa encore un peu plus lorsque son regard recroisa la pile de cadavre empilée dans le casier ouvert. Son souffle accéléra de plus belle, résonnant dans le silence mortel qui régnait. Il ne savait pas quoi faire. Son esprit tourmenté par des souvenirs sanglants et terrifiants n'était probablement pas en état de résonner pour le moment. Après au moins une demi-heure passée immobile, frissonnant et hyperventilant, le jeune garçon se décida finalement à demander du bout de ses lèvres tremblotantes :

« - Ri... ka ? pourquoi ? »

L'atmosphère s'alourdit soudainement, comme un nuage chargé d'éclairs durant un orage. De la pénombre surgirent alors des bras immenses et musculeux, suivis par un corps gigantesque et des tentacules élastiques et noires comme de l'encre. La créature semblait passer au travers d'un portail ténébreux et brumeux, comme si elle traversait le mur de la salle. Sa tête émergea alors à son tour, amas de chair blanchâtre et de dents acérées et tordues encore ensanglantées du sang de ses victimes. Le monstre était horrifiant et immense ; il devait faire au moins cinq fois la taille du jeune garçon. Il aurait très largement pu attaquer ce dernier s'il en avait eu l'envie, cependant il semblait que son objectif était tout autre.

« - Enfin Yuta... ils te menaçaient... te harcelaient...ils méritaient ce châtiment... »

Le jeune garçon ne sut que répondre. Le massacre de ses camarades de classes était totalement injustifié et horrifiant selon lui. Pourtant... une part de lui s'accrochait désespérément au résonnement de la dénommée Rika. Ils le méritaient, n'est-ce pas ? Tout ce massacre... ce sang... était justifié... n'est-ce pas ? Malgré tout, il savait. Il refusait de proprement l'admettre, mais il était tout à fait conscient de la portée des actes de Rika, et des conséquences qu'ils allaient engendrer.
Alors il resta là, silencieux et toujours tremblant et sanglotant, sous la surveillance de l'immense créature, qui balayait du regard la salle et défiait d'un grondement sourd quiconque oserait s'en prendre à son protégé.