Chapitre 54

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« - Malade ? »

Geonhak venait de rentrer de sa réunion qui avait été extrêmement barbante. Les gradés lui avaient vaguement parlé de la situation à Zjarr en abordant les révolutions du peuple ce qui créaient plusieurs cohues mais rien d'ingérables. Puis, ces hommes, que le prince ne portait guère dans son cœur, avaient parlé de quelques mouvements révolutionnaires à Zéphyr et Gaïa à la suite du mariage. En réalité, Geonhak ne savait pas pourquoi on l'avait informé de tout cela, habituellement on ne le mettait pas dans la confidence. Alors pourquoi aujourd'hui ils l'avaient fait ? C'était une question qui le taraudait depuis qu'il avait quitté la salle de rassemblement jusqu'à sa chambre.

Youngjo l'avait regardé intriguer tout le long du trajet, attendant d'être arrivé à la chambrée de son ami afin de lui soutirer des informations. Cependant, il n'eut pas le temps de le faire puisqu'une servante était venue à la rencontre de Geonhak afin de l'informer sur l'état de santé de Dongju.

« - Oui mon prince, avoua la jeune femme. Vous ne pouvez pas voir votre époux tant qu'il ne sera pas rétabli : ordre du médecin royal.

- Pourquoi donc ? S'il est malade, je veux être à son chevet.

- Non, monsieur. Le prince Son Dongju est extrêmement contagieux. Son domestique a aussi contracté la maladie faisant qu'il est en quarantaine actuellement. Il ne serait pas raisonnable que vous vous exposiez à un tel risque, nous vous transmettrons des nouvelles de votre mari régulièrement. »

Sur ces dernières paroles, la jeune femme fit une élégante courbette qui dévoila légèrement sa poitrine à cause du décolleté de son uniforme puis elle s'éclipsa en silence du couloir laissant Geonhak en compagnie de Youngjo : les deux peinaient à digérer la nouvelle. Tout ceci semblait étrangement subit, Dongju était en pleine forme quelques jours auparavant. Serait-il possible que les chaleurs de l'été Ajri soit la cause de son mauvais état de santé ?

« - Je n'aime pas cela, confessa Youngjo en continuant de fixer la femme qui disparaissait dans l'angle du couloir. Elle mentait, il n'est pas malade.

- Comment peux-tu être si sûr ? Tu la connais ?

- Rapidement. Elle fait partie des servantes personnelles du Roi, je te laisse deviner ce qu'elle subit.

- Ouais... Je m'imagine trop bien, avoua le prince en baissant la tête de culpabilité en pensant à l'horrible traitement qu'elle devait subir chaque jour si elle ne faisait pas les choses correctement.

- Elle était terrifiée, cela se voyait dans ses yeux. Puis, ses mains tremblaient beaucoup et plein de signe montrait qu'elle ne disait pas la vérité. Dongju n'est pas malade mais...

- Il lui arrive quelque chose de grave et mon géniteur se trouve derrière tout ça. »

Serrant ses poings de hargne, Geonhak s'apprêtait à tourner les talons afin de rejoindre la salle du trône dans le but d'avoir des réponses à ses questions. Néanmoins, Youngjo le stoppa avant même qu'il puisse faire un pas en avant. Le domestique avait un regard montrant clairement à son ami qu'il ne devait pas faire cela, que cela serait une très mauvaise idée ce que le noble ne comprenait pas.

« - Agir pourrait empirer sa situation et sûrement celle de Wooseok. Cela ne m'étonnerait pas qu'il soit aussi en danger...

- Mais je ne peux pas rester les bras croisés en sachant qu'ils souffrent sûrement tous les deux dans l'enceinte de ce château !

- Je le sais, Geonhak. Néanmoins, je suis certain que si tu agis le Roi trouvera une autre manière de les punir et bien plus fortement qu'actuellement. Tu le connais, tu sais que son sadisme est inarrêtable...

- ... »

Les yeux du futur Roi brillaient, la douleur était visible sur son visage à cause de son expression torturée montrant qu'il était départagé : il voulait tant aider son époux mais Youngjo n'avait pas tort. S'il venait au secours de son ami, celui qu'il devait appeler père serait sans pitié la prochaine fois. Déjà que Geonhak l'avait arrêté une fois, s'il venait à recommencer, son géniteur serait très remonté et il n'hésiterait pas à s'en prendre à son propre fils afin d'infliger sa souffrance à Dongju.

« - Je le hais. »

Le Ajri souffla ces mots tout en tournant son regard vers la fenêtre extérieure. Dehors, le ciel était grisé à la limite du noir. Le vent se levait de plus en plus gagnant des vitesses impressionnantes, la température avait drastiquement chuté ce qui était le temps idéal pour créer un orage dantesque : la Nature semblait en colère. Les oiseaux peinaient à garder leur trajectoire, leur vol était incertain faisant qu'ils ne cessaient de monter et descendre tout en essayant de se poser, néanmoins, la quête était périlleuse.

Soudain, un éclair traversa le ciel tandis que Geonhak ressentit une douleur dans son cœur. Au même instant où la foudre s'abattait, Dongju hurlait à plein poumons dans les profondeurs du palais à cause de la torture infligée. Une larme roula sur la joue des deux protagonistes, un moment commun dans une souffrance partagée : l'un se sacrifiant pour le bien de son ami tandis que l'autre s'inquiétait pour la survie de son mari.

Cette nuit, Mère Nature était haineuse. La Nature s'était déchaînée et elle avait tué plusieurs êtres vivants dans son excès d'émotions alors que Geonhak n'avait pas réussi à trouver le sommeil étant trop tracassé par l'état de santé du Tokësor. Dans quel état allait-il revenir ? Reviendrait-il seulement ? Où se trouvait-il ? Le Roi avait dû choisir un lieu de choix au garçon afin de lui infliger sa sanction. La chambre du souverain ? Une de ses salles cachées ? Les prisons du Palais ? Geonhak ne savait pas, il aurait tant voulu pouvoir détecter la présence de son époux ou celle de Wooseok dans le but de trouver des réponses mais son pouvoir ne lui donnait pas de telle capacité.

Les jours s'écoulaient, les deux amis s'inquiétaient de plus en plus. Ils se rongeaient les ongles matin et soir, passant leurs journées à tourner en rond tout en faisant les cent pas dans l'espoir que la petite servante finisse par revenir leur dire que Dongju n'était plus malade, qu'il était possible de le revoir. Geonhak croyait devenir fou lorsque le soleil se couchait une fois de plus et qu'il était toujours sans nouvelle de son époux : lui qui commençait à développer des sentiments plutôt forts pour son cadet.

« - Du calme Geonhak-ie. Il va revenir, j'en suis certain.

- Comment peux-tu en être si sûr, Youngjo ? Tu sais très bien que mon géniteur est un tyran, les traitements qu'il inflige à ses ennemis sont rarement sans conséquences. Et, régulièrement, cela se termine par la mort de la personne en question. Je n'ai toujours pas compris pourquoi il n'a pas tué ma mère alors qu'elle ne peut plus enfanter et qu'il ne l'aime plus. »

Tout en attrapant une assiette de sa main gauche, le garçon fracassa cette dernière vers le mur en face de lui afin de libérer sa frustration et son angoisse grandissante. Lancé, le noble continua de casser le vaisselier dans le but de se défouler mais, dans son action, le jeune homme s'entailla fortement la main ainsi que l'avant-bras et les pieds.

« - Hey ! Arrête, ce n'est pas une solution de te blesser. »

Youngjo accourut au côté de son ami afin de le stopper mais ce dernier semblait fou de rage. Coupé dans son geste et surpris par l'assaut de son domestique, Geonhak perdit sa prise sur l'assiette qu'il maintenait et cette dernière alla se briser sur le crâne du servant qui s'effondra sous le choc.

« - Youngjo ! »

La raison revenant prendre le dessus, Geonhak sentit sa colère disparaître à l'instant où son ami s'était affaissé à ses pieds avec du sang sortant de son crâne. Le regret s'infiltra avec la peur, le noble prit dans ses bras son ami de manière affolée et il fut soulagé de le voir conscient.

« - Espèce d'abruti, souffla le domestique. Tu t'es fait mal et tu m'as blessé. Bravo...

- Je... je suis désolé... »

Geonhak se mit brusquement à pleurer tout en renforçant son étreinte sur le corps de son ami qui passa péniblement ses bras autour de la taille de son compagnon totalement dépassé par les évènements. Des centaines de perles salées roulaient sur les joues du prince qui tremblait comme une feuille sous les assauts du vent : il avait si mal au cœur depuis que Dongju était « malade », le plus jeune lui manquait tant et il était si inquiet.

« - Tout ira bien pour lui. Le Roi ne peut pas le tuer, cela déclencherait une guerre avec Gaïa et probablement Aral. Tout comme ta mère, le peuple l'aime trop qu'il ne peut pas l'éliminer. Madame Kim est intelligente, elle a su protéger ses arrières en se montrant au Ajri tout en se faisant aimer par eux : ton géniteur ne peut rien y faire, elle est intouchable. »

Youngjo passa sa main sur la joue de son ami qui pleurait énormément, chose plutôt rare en réalité. L'aîné tenta de réconforter le noble qui semblait souffrir d'un énorme chagrin, ce qui était normal à la vue de la situation. Le domestique était aussi très impacté par la disparition brutale du jeune Dongju ainsi que de Wooseok : cela c'était passé sans prévenir, aucun signe avant-coureur. Néanmoins, le serviteur ne pouvait pas se laisser abattre, son but était d'épauler son maître afin de le pousser vers l'avant : il ne pouvait pas pleurer alors que Geonhak se lamentait sur son épaule.

La main de libre de Youngjo vint serrer l'une du Kim puis il tira gentiment dessus afin de mettre son ami en position debout. Le domestique sourit avec compassion et encouragement, sa paume qui était sur la joue de Geonhak remonta dans les cheveux platines de ce dernier puis le servant souffla d'une voix douce et réconfortante.

« - Viens, je vais désinfecter tes plaies. »

Mais par là il n'entendait pas que les plaies physiques de son ami mais aussi celle du cœur du prince Ajri. Tout en l'amenant dans la salle de bain en lui tenant tendrement la main, le servant attrapa la trousse de secours puis il commença à nettoyer les différentes blessures de son ami qui reniflait toujours fortement. La peine du noble était grande et Youngjo savait la cause de l'intensité de cette dernière. Il s'en doutait depuis quelque temps et il l'avait très bien remarqué ce dernier mois : Geonhak était tombé amoureux de Dongju.

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