6 : I S A B E L L E

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Chapitre 6

16 juillet – Isabelle

Ils ont les pieds dans le sable depuis seulement quatre minutes et la plupart d'entre eux sont déjà seulement habillés de leur maillot. Isabelle dispose sa grande serviette orange sur le sable tandis que son frère jumeau ôte son tee-shirt. Elle n'y prête pas attention jusqu'à ce qu'elle entende Sacha dire : « putain, c'est vrai, cette cicatrice ! ». Ces quelques mots sont suffisants pour que la jeune fille comprenne que son ami a remarqué la grande cicatrice le long du flanc gauche de Raphaël. Rien que le fait d'entendre le mot « cicatrice » fatigue Isabelle. Elle enlève à son tour son short et son tee-shirt, et prie pour que le sujet de conversation dévie rapidement. Elle déteste entendre parler de ça. A chaque fois, ça lui rappelle la fois où, à peine âgée de huit ans, elle a poussé de colère son frère sur le bord de la piscine de leurs cousins et qu'il s'est mis à pleurer plus à cause de la quantité de sang déversée que de la douleur. Elle avait fait un caprice qui a coûté le torse de son frère jumeau et n'a nullement besoin qu'on lui rappelle cet évènement pour se sentir mal. Elle culpabilise déjà assez comme ça depuis quinze ans que pour que ses meilleurs amis en rajoutent une couche le premier jour des vacances où ils vont à la plage. Raphaël, quant à lui, ne montre aucun malaise face à ce sujet ; ça fait bien longtemps qu'il a accepté la cohabitation à vie avec cette grande marque. La nonchalance de son frère énerve encore plus Isabelle, mais elle reste calme et surtout silencieuse.

—Purée, j'oublie à chaque fois que tu as cette cicatrice !

Ça tombe bien, ça n'te concerne pas, Faustine !, pense Isabelle avec mauvaise foi. Heureusement, elle garde cette pensée pour elle et attrape le tube de crème solaire dans le fond de son panier en osier. Pendant que les autres sont en plein débat sur cette fichue blessure à vie, la jeune fille se tartine le corps de crème. Elle a la peau sensible aux rayons de soleil et ne compte pas passer les dix prochains jours rouge comme une pivoine. Elle profite du fait qu'elle ait du mal à atteindre son dos pour attirer l'attention sur elle et non plus sur le torse bien foutu de Raphaël.

—Soph', tu peux m'aider à mettre de la crème dans le dos ?

Sophie accepte en attrapant la bouteille orange et asperge le dos de son amie. Cette dernière se crispe sous le piitch froid mais profite du petit massage. Une fois badigeonnée de crème, Isabelle range le tube de crème solaire dans son panier. C'est sans compter sur les garçons qui n'ont nullement pensé à s'équiper d'une telle potion magique.

—On peut te l'emprunter ?

Isa hoche de la tête, un peu à contre cœur, mais elle sait que s'ils venaient à attraper un coup de soleil, ils seraient bien plus insupportables. Elle leur tend alors la crème et les laisse se débrouiller avec.

—Tu peux m'en mettre ?

Isabelle soupire à nouveau mais accepte. Elle applique la crème sur le dos d'Axel, Sacha et Tristan, et une fois qu'elle croit qu'elle en a fini avec ce liquide gras, son frère débarque en face d'elle et lui demande aussi de l'aider. Elle aimerait l'envoyer promener, mais réalise que ça ne serait pas fair-play de sa part ; Raphaël a tenu son panier en osier tout le trajet et est le plus légitime d'utiliser cette crème étant donné que la personne qui l'a achetée est sa mère à lui aussi.

—OK, mais je m'assieds, je commence à avoir mal au dos.

En accompagnant cette remarque, la jeune fille s'assied difficilement sur sa serviette et voit Raph' prendre place devant elle. Faire face à son dos musclé et ses épaules larges fatigue Zab' qui a juste envie de se baigner, mais elle prend son courage à deux mains et étale la crème sur les épaules du garçon. Sans faire exprès, elle touche la fameuse cicatrice du bout des doigts et ressent un frisson. Depuis qu'ils ont abordé le sujet, elle ne peut cacher son anxiété concernant cela. Raphaël remarque la petite main de sa sœur se retirer très rapidement de ses côtes, mais ne dit rien. Il est conscient que sa jumelle culpabilise encore à cause de cela et qu'elle déteste que le sujet soit discuté. Il décide donc de ne pas commenter ce geste surpris de peur d'attiser l'angoisse de sa sœur. Isabelle continue à lui mettre de la crème sans parler et une fois que cela est terminé, les jumeaux Matthys s'éloignent sans même un regard.

—Bon tout le monde a mis de la crème ? On peut aller se baigner maintenant ?, demande Faustine avec un air vraiment enjoué.

C'est fou à quel point Faustine est à la fois la plus mature et la plus « « gamine » » parmi les huit jeunes. Elle peut passer en un clin d'œil de la mère du groupe à un enfant de sept ans fou de joie. Cela a toujours fasciné Isabelle qui se demande comment deux aspects aussi opposés peuvent se retrouver au sein d'une même personne. Malgré cette remarque, tout le monde suit la proposition de la jeune fille et se dirige vers l'étendue d'eau.

—Attendez, par contre, j'ai pas mes lunettes, du coup si quelqu'un pouvait m'aider, je suis chaud, annonce Faustine au moment où elle remarque les autres s'éloigner.

A cette annonce, ils se retournent tous vers la jeune fille qui a parlé et alors qu'Isabelle s'en approchait pour attraper son amie par la main, Sacha l'a devancée en invitant la myope à prendre place sur ses épaules. Une fois tous capables de courir sans tomber sur un parasol ou une personne qui bronze, ils se sont dirigés pour de bon vers la mer et y ont plongé avec de larges sourires au milieu de leur visage. Très vite, ils se sont mis d'accord pour s'amuser comme les enfants qu'ils étaient lorsqu'ils se sont rencontrés pour la première fois sans prendre en compte les regards des gens autour d'eux. Ils sont bien trop heureux que pour tout gâcher par des inconnus aigris et jaloux. Isabelle a du mal à s'amuser autant que les autres au début car elle continue de penser à la cicatrice de son frère ; elle aimerait ne plus songer à ça mais c'est comme si son cerveau avait d'autres projets pour elle. Elle tente tant bien que mal de cacher ses tracas, mais c'est sans compter sur certains de ses amis qui le remarquent. Bizarrement, malgré le froid récent entre elles, c'est Clarissa qui réagit la première :

—Ça va, ma biche ? T'as l'air songeuse.

—Oui, oui, ça va. Je pense juste à un truc, mais ça va.

C'est que du bluff, mais il convient à Clarissa. Cette dernière se contente de passer rapidement sa main sur l'épaule de son amie et retourne jouer à la noyade avec Sacha et Axel. Isa reste encore sur le côté dans ses pensées mais sent tout à coup des mains l'attraper et la jeter à l'eau. Elle vole un peu et ressent une énorme surprise. Elle rêvassait tellement qu'elle n'a même pas remarqué Raphaël s'approcher d'elle sous l'eau pour ensuite l'y balancer. Isabelle, surprise, s'accroche à son frère (sans même encore savoir qu'il s'agit de lui) de toutes ses forces et l'emporte avec elle. Quand elle remonte à la surface, elle ne peut s'empêcher d'éclater de rire.

—C'est mieux comme ça ! Pourquoi tu râles depuis tantôt ?

—Je râle pas, tente-t-elle de se défendre.

—Je te connais Zab' et c'est clairement la gueule que tu tires quand il y a quelque chose qui te convient pas.

Isabelle n'a aucune réponse à émettre. Elle peut mentir à qui elle veut, mais à Raphaël, ça serait de la perte de temps. Il la connaît comme sa poche et est capable de déceler tout et n'importe quoi seulement en la regardant quelques secondes. Au lieu d'argumenter dans le vent, elle décide de se jeter sur lui à son tour et d'essayer de le noyer. C'est sans compter sur les vingt kilos qu'il a en plus qu'elle et qui lui permet de répliquer sans trop de difficulté. Commence alors une bagarre entre les jumeaux Matthys dont la finalité est d'enfoncer la tête de l'autre dans la mer. Soudainement, Isabelle boit la tasse et souhaite le signifier à son frère qui continue. Avec la tête sous l'eau, c'est plutôt compliqué. Elle choisit alors de s'accrocher à lui et de ne plus rendre les attaques. Raph' met quelques secondes à comprendre mais finit par mettre fin à la bagarre.

—Ça va, Zab' ?

La concernée lâche un petit « oui » nasillard en se concentrant pour enlever le sel de son nez. Raphaël reste un instant immobile pour s'assurer que sa sœur va bien. Lorsqu'elle semble avoir retrouvé ses esprits, elle déclare :

—Je fais une pause, mais j'ai pas dit mon dernier mot.

Comme s'ils l'avaient entendue, Sacha et Axel se sont approchés du duo et se sont chargés du frère. Ils l'ont tous les deux attrapés et l'ont jeté à son tour dans la mer. Raphaël a été surpris et s'est immédiatement tourné vers sa sœur.

—C'est franchement pas du jeu !

Isabelle a levé les mains d'un air innocent avec un énorme sourire au milieu du visage. Pour le coup, elle n'est même pas responsable de ce qui vient d'arriver. Pourtant, ça ne l'empêche pas de trouver cela super drôle. Elle n'en peut rien si les deux garçons ont choisi cet exact moment pour rendre la monnaie de la pièce à son frère. Ce dernier semble avoir bu la tasse, information qui amuse davantage Isabelle.

—Je fais une pause aussi, mais j'ai pas dit mon dernier mot non plus, déclare le deuxième Matthys en offrant un regard entendu aux trois personnes autour de lui.

Sur ces paroles, ils se séparent et Isabelle décide de quitter l'eau pour bronzer calmement tant que les autres sont encore dans l'eau. Au moment où l'eau lui arrive aux genoux, elle entend son prénom au loin. Elle se retourne et remarque Faustine, les yeux plissés :

—Pourquoi tu pars ?

—Comment t'as pu me reconnaître sans tes lunettes ?

—T'as un bikini rouge vif, Isa ! Mais pourquoi tu pars ?

—Je vais me poser un peu sur ma serviette au soleil.

—T'inquiète, Fau ! Je la connais, elle va revenir dans l'eau dans moins de cinq minutes, s'exclame Raph'.

Cette déclaration convainc Faustine qui est consciente qu'il s'agit de la vérité. Isabelle sort alors de l'eau une bonne fois pour toute et se dirige vers l'endroit où ils ont laissé leurs affaires. Elle s'installe sur sa serviette orange et enfile son grand chapeau pour se protéger du soleil. Elle se retrouve alors seule avec ses pensées et l'histoire de la cicatrice n'a toujours pas quitté son esprit. Ce sujet est celui qu'elle déteste et qui l'énerve le plus. A chaque fois qu'elle en entend parler, elle ressent une culpabilité qui la ronge alors qu'il y a prescription et que son frère ne lui a jamais montré de la rancune à ce sujet. Elle en est consciente et travaille sur elle pour que ça ne l'impacte plus et dès qu'elle pense que ça n'arrivera plus, aborder cette fameuse cicatrice a l'effet d'une claque en plein visage. Alors qu'elle pense à cela et n'est dans le sable que depuis dix minutes, elle entend que des personnes s'approchent. Elle devine directement qu'il s'agit de ses amis en entendant qu'ils parlent français et reconnaît peu de temps après la voix de Faustine et celle de son frère. En les voyant prendre l'espace autour d'elle, elle se dit que c'est le moment pour retourner de se baigner. La vérité est qu'elle resterait bien au soleil, mais qu'elle préfère éviter son frère pour s'empêcher de trop penser. Sans prévenir, la jeune fille a quitté sa serviette et s'est dirigée machinalement vers la mer. Elle a entendu les deux autres parler derrière elle ; son prénom a été prononcé plus d'une fois, mais elle n'avait aucune envie de faire demi-tour. Isabelle a donc choisi d'agir comme si elle n'avait rien entendu et n'était pas inquiète, et a continué son chemin comme si elle était sûre d'elle.

—Hé Zab' !

Ladite Zab' hausse les yeux au ciel et soupire en reconnaissant la voix de son frère jumeau dans son dos. Qu'est-ce qu'il lui veut encore, lui ? Elle a l'impression que depuis le matin même, il est sur son dos et ça commence à lui peser. Elle ne répond rien et remarque alors Raphaël accélérer le pas pour arriver à sa hauteur. Cette situation exaspère davantage la grande blonde, mais elle ne repousse pas le garçon.

—Fau' pense que tu as un truc contre elle.

—Ben non !

—Alors pourquoi tu pars dès qu'on arrive ?

Isabelle a la réponse à cette question, mais ne la partage pas à haute voix. Raphaël fait partie des personnes avec qui elle ne souhaite pas discuter de la cicatrice et de ce que ce sujet engendre en elle. S'il a cette marque sur le torse, c'est de sa faute à elle et donc elle n'a pas intérêt à s'en plaindre. Ça serait l'hôpital qui se fout de la charité. Raph' remarque le regard fuyant de sa sœur et semble un peu mieux comprendre :

—Ah, c'est moi que tu évites.

Ce n'est pas tout à fait vrai, mais Isabelle ne le contredit pas. Il a le droit de penser cela s'il le souhaite, ça ne changera rien à sa vie à elle. Pourtant, elle a le malheur, au moment où il émet cette observation, de poser le regard sur sa cicatrice et de l'enlever tout aussi rapidement. Raphaël suit le coup d'œil de sa sœur et le mystère se résout devant ses yeux.

—Mais ouais, j'ai compris.

—De quoi ?

—C'est parce qu'ils ont parlé de ma cicatrice.

Isabelle rentre dans un malaise atroce et se tait complètement. C'est sans compter sur son interlocuteur pour en rajouter une couche. Il remarque qu'Isabelle ne veut pas aborder le sujet lorsqu'elle continue à marcher sans prendre en considération son arrêt à lui et surtout ses paroles :

—Isabelle, putain, écoute-moi !

Raphaël a été obligé d'attraper la jeune fille par le bras pour la forcer à s'arrêter. Quand leurs regards se sont croisés, il a cru remarquer l'apparition de larmes, mais n'a émis aucun commentaire.

—Est-ce que c'est parce qu'ils ont parlé de la cicatrice ?

Elle se contente de hausser les épaules, mais ce mouvement parle pour lui-même. Le grand blond comprend que c'est bien la cause du mutisme de sa sœur. Il ressent un malaise à son tour parce qu'ils n'ont plus parlé de ça depuis un bon moment et donc réalise seulement que ça touche plus sa sœur que ce qu'il pensait. Il aimerait la rassurer, mais ils n'ont pas l'habitude d'agir de la sorte l'un envers l'autre.

—Je m'en fous qu'on parle de cette cicatrice, tu sais.

—Pas moi !

Ces mots sont sortis de la bouche d'Isabelle plus fort que ce qu'elle aurait imaginé, mais elle ne montre aucune surprise. A la place, elle accélère le pas à son tour et rejoint les autres dans la grande étendue bleue presqu'en courant. Raphaël reste sur place, l'air penaud. Comment réagir à ça ? Doit-il taire ce sujet à tout jamais ou essayer de percer le mal-être qu'il engendre chez sa sœur ? Cette dernière espère qu'il optera pour la première option et surtout qu'aucun de leurs amis n'abordera à nouveau ce sujet des vacances. Heureusement, Sophie l'a accueillie dès qu'elles se sont retrouvées l'une auprès de l'autre et est parvenue à lui changer les esprits :

—Si tu veux, on joue à l'apnée.

Dans le genre jeux d'enfants de dix ans, Isabelle est servie, mais elle a tout de suite promis sa participation. Si ça lui permet de se changer les esprits et cesser de penser à ce qui la tracasse, elle est preneuse. C'est alors qu'ils ont commencé un concours de celui ou celle capable de rester sous l'eau le plus longtemps possible. Tristan les a tous battus à plate couture, mais ça n'a étonné personne ; il pratique la natation depuis ses huit ans. Malgré le fait que la même personne sortait gagnante de chaque partie, ce jeu enfantin les a tenus durant une bonne demi-heure, jusqu'à ce que 13 heures 30 sonnent. Tout le monde a alors commencé à ressentir de la faim et d'un regard entendu, ils ont quitté la mer pour rejoindre leurs affaires. Là-bas, Clarissa, Faustine et Raphaël sont chacun allongés sur une serviette, soit pour bronzer, soit pour avancer dans la lecture de leur livre.

—Vous n'avez pas la dalle, vous ?, demande Sacha en s'essuyant les cheveux.

Les trois restés dans le sable confirment et tous ensemble, ils se mettent d'accord pour marcher un peu afin de trouver un petit endroit où manger. Tristan déclare, en enfilant son tee-shirt, qu'il y a plusieurs petits bars-restaurants le long de la plage à prix abordables. Cette proposition semble convenir à tout le monde et donc la petite troupe se met en marche à la recherche d'un de ces bars-restaurants. Naturellement, Raphaël a attrapé le panier en osier d'Isabelle et l'a porté comme à l'aller, mais cette fois sans se plaindre. A défaut de se sentir capable d'aller lui parler, il se convient que lui rendre service peut déjà l'aider. Une fois au petit bar, ils ont pris place et ont commandé dans les dix minutes. Isabelle n'a pas beaucoup parlé durant l'heure suivante, trop perdue dans ses pensées. Sophie l'a remarqué et a créé une petite conversation intimiste avec cette dernière. Elle ne lui raconte rien de bien intéressant ; elle cherche seulement à changer les idées de son amie, sans même savoir ce qui la tracasse.

—Vous êtes OK qu'on retourne à l'appart' après jusque 15 heures pour se reposer un peu et ensuite, on revient sur la plage quand le soleil est descendu un peu ?

Cette proposition vient d'Isabelle elle-même. Elle ne cherche pas à être convaincante, mais elle parvient à l'être. Son humeur morose joue probablement dans l'acceptation de ses amis. Elle remarque quand même Clarissa soupirer, mais ne dit rien. Et même si elle avait voulu dire quelque chose, elle n'a pas eu à le faire en entendant Raphaël réagir :

—Si tu veux rester ici, tu peux, Clarissa, hein. On peut se rejoindre après.

Il n'a pas prononcé ces mots méchamment, mais Isabelle est parvenue à y décerner une sorte d'agacement. Clarissa l'a probablement compris aussi car elle a levé les bras en signe d'innocence et n'a plus râlé. Pourtant, elle, Sacha et Tristan ont choisi de rester au soleil. Après s'être mis d'accord et avoir pris les clés du petit-fils des propriétaires de l'appartement, les cinq autres du groupe se sont mis en chemin. Ils sont arrivés à destination dans le quart d'heure et Isabelle est tout de suite montée dans sa chambre. Le fait que sa colocataire des deux semaines soient restées à la plage l'arrange plutôt bien car elle n'a pas la force de se retrouver avec une autre personne. Elle aimerait se reposer un peu et rester dans le calme. C'est sans compter sur Raphaël qui est apparu dans l'entrebâillure de la porte quelques minutes plus tard.

—Tu veux quoi ?

—Te parler.

—Oh, flemme ! J'ai envie de me reposer, Raph'...

—Je te promets, ça sera rapide.

Raphaël accueille le silence de sa sœur en s'approchant du grand lit double et s'installant à la place libre. La présence du garçon à ses côtés tend la jeune fille, mais elle ne bouge pas. Elle se demande bien ce qu'il a à lui dire de si important même si elle se doute que ça va parler de cette fichue cicatrice. Et comme de fait, seulement dix secondes plus tard, il déclare :

—J'ai pas envie que tu penses que je t'en veux pour cette cicatrice.

Raphaël cherche à être bienveillant malgré le malaise que cette conversation engendre en lui. Surtout qu'Isabelle s'est tout de suite renfermée sur elle-même et est devenue presqu'agressive :

—Raphaël, je suis sérieuse, je veux pas parler de ça ! Laisse-moi me reposer !

—Zab'...

Raphaël semble vraiment attristé par la réaction de sa sœur, mais comprend que la meilleure chose qu'il a à faire est partir quand la grande blonde se met dos à lui tout en haussant la voix pour l'inviter à « dégager ». Il descend la queue entre les jambes tandis qu'Isabelle est encore plus retournée qu'avant qu'il ne débarque avec sa pseudo-bienveillance. Que cette cicatrice et toute la culpabilité qu'elle engendre aillent se faire foutre, pense-t-elle en fermant longtemps les yeux. Quelques minutes plus tard, alors qu'elle se pense enfin tranquille, elle entend la porte de la chambre s'ouvrir à nouveau. Elle s'apprête à sommer son frère de dégager à nouveau quand elle reconnait la démarche de Sophie. Cette dernière ne prononce aucun mot et se contente de venir se coucher à son tour à côté de son amie. Sans rien dire, elle la serre dans ses bras et la berce.

—J'ai bien vu que t'étais pas dans ton assiette, aujourd'hui. Je suis là, tu peux calmer ce qui te tracasse.

Isabelle a immédiatement envie de pleurer, mais parvient à se retenir. Cependant, elle accepte le câlin de son amie, et se sent plus légère face à cette tendresse. Elle n'a aucune idée si lui raconter ce qui la met dans cet état l'aiderait à gagner en crédibilité et donc garde le silence.

—Merci, Sophie. Je dramatise certainement un peu, c'est juste que...

—T'es pas obligée d'en parler si tu n'en as pas envie, la coupe-t-elle. Et t'as le droit de dramatiser si tu en as besoin.

Sophie est vraiment la meilleure personne de ce groupe, pense alors Isabelle. Les autres aussi sont gentils, mais peut-être pas autant qu'elle. Le fait que Sophie accepte et comprenne le silence, et le fait que certaines choses doivent rester secrètes est quelque chose qui lui est spécifique et qui la rend si bonne amie. Isabelle se contente alors de recevoir l'affection de son amie et reprend doucement ses esprits. Quand elle se sent prête, elle décide de changer de sujet afin de vraiment éloigner son tourment.

—Alors, ta formation de maquillage, tout s'y passe bien ?

Sophie accueille cette question d'un énorme sourire ; elle semble vraiment épanouie dans le domaine de la beauté et bien qu'elle n'en parle rarement, tout le monde sait qu'elle peut se le permettre vu son talent.

—Oui, c'est génial ! En fin d'année, Anne, la prof', m'a fait pas mal de retours positifs sur mon évolution. C'est super encourageant et du coup, j'ai hâte que l'année reprenne.

—J'imagine que ça t'a permis de pas mal t'améliorer. Cette formation a l'air vraiment complète. Tu peux me montrer ce que tu as fait cette année ?

Isabelle est réellement curieuse de découvrir au calme les œuvres de son amie et cette dernière ne se fait pas prier d'attraper son portable et lui montrer ce qu'elle a produit pour son examen de fin d'année.

—On devait faire un body-painting sur le thème des comédies musicales et j'ai choisi de faire sur Rocky Horror Picture Show, explique-t-elle en présentant chaque partie du corps qu'elle a maquillée.

—Ca m'étonne pas une seule seconde que tu aies choisi cette comédie musicale-là. Et puis, elle te définit plutôt bien...

Lorsqu'Isabelle annonce cela, elle devine que son amie s'apprête à dire quelque chose, mais elle referme très vite la bouche, comme si elle n'assumait plus. Pour éviter qu'un malaise prenne place et pour lui prouver qu'elle aussi accepte le silence de ses amis, Isa reprend la parole pour justifier sa dernière phrase :

—J'ai toujours trouvé que le rouge était la couleur qui émanait le plus de toi et c'est un peu la couleur phare du film, non ?

Sophie dodeline de la tête tout en envoyant un large sourire à son amie. A cet instant, Axel monte les escaliers quatre par quatre et frappe à la porte. Il n'est pas surpris de remarquer les deux jeunes filles aussi proches dans un lit, et explique tout de suite la raison pour laquelle il se trouve là :

—Vous voulez pas retourner maintenant à la plage ?

Très vite, les cinq jeunes se retrouvent dans le hall d'entrée et retournent rejoindre les autres. Isabelle est un peu plus détendue même si le silence soudain de Sophie a attisé sa curiosité. 

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