13. Causes perdues

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- Je ne vois rien à part les larves... Vous savez depuis quand elles sont là ? 

Je me tourne vers Herayun qui hausse les épaules en répondant :

- Impossible de savoir précisément. Un prêtre s'est aperçu que quelque chose n'allait pas il y a une demi-heure. Depuis, elles n'ont fait que devenir plus nombreuses.

Elles ne semblent liées à rien dans la salle, apparaissant un peu partout, sans logique.

- Qu'est-ce qu'il y au-dessus et en-dessous de cette pièce ?

- Au dessus, une série de chambres. Et en dessous, une salle vide. Des prêtres ont vérifié, il n'y a rien qui sorte de l'ordinaire là-bas, elles ne viennent pas de ces pièces.

- Il y a un endroit au temple ou à proximité où il y aurait une forte concentration de larves ?

Elles ne viennent peut-être pas des salles voisines, mais elles viennent forcément de quelque part ! Or, cela m'étonnerait qu'elles aient parcouru une grande distance : les larves ne voyagent pas, elles sont trop liées au passé du lieu qui les retient.

- Non. Enfin, aucun endroit qui ne soit pas déjà sous contrôle.

- Est-ce que quelqu'un est venu aujourd'hui déposer dans cette salle un document ? Un objet ?

- Bien sûr, ça arrive tous les jours ! Mais nos prêtresses ont déjà cherché si quelque chose dégageait une énergie particulière et non, il n'y a rien.

- Hum...

Prudemment, je commence à m'avancer parmi les larves afin de les observer de plus près.

Ni hostiles, ni bienveillantes, elles sont fortement absorbées par elles-mêmes. Notre énergie humaine peut attirer des larves, ou les pousser à nous attaquer, mais le plus souvent elles se contentent d'émettre le mélange d'émotions qui les compose, comme ici. Une intuition me pousse soudain à m'arrêter pour tendre les doigts vers l'une d'elle, qui pend en s'étirant mollement du plafond. C'est alors que j'entends Herayun s'écrier dans mon dos :

- Majesté !

Je fais aussitôt volte-face m'attendant à voir surgir l'empereur. Mais c'est vers moi que la prêtresse avance d'un pas alarmé, suivie de plusieurs prêtres. Elle m'a appelée "Majesté"... et personne à part moi ne semble surpris. Mais ! Combien de gens savent en réalité qui je suis ?!

Herayun ne savait pas que je viendrais aujourd'hui dans cette salle, elle n'a pas pu faire le tri pour n'y réunir que des prêtres déjà dans la confidence... ça veut dire qu'il y en a probablement encore d'autres dans le secret ! Pourquoi avoir mis autant de gens au courant ? Personne ici, à part Rinsheng, n'a réellement besoin de savoir qui je suis, non ? Est-ce que ça ne risque pas de compliquer les choses lorsqu'il faudra tout annuler ?

Bon, peu importe, je verrai ça plus tard, il y a plus urgent. Je me concentre donc de nouveau sur ma tâche, adressant un geste rassurant à la prêtresse :

- Ne vous inquiétez pas, il n'y a pas de danger, je sais ce que je fais.

Herayun fronce les sourcils avant de hocher brièvement la tête. Précautionneusement, je tends de nouveau les doigts vers l'ombre grise, faisant le vide en moi. Quand j'entre en contact avec elle, je ressens aussitôt tout ce qui pesait déjà dans la pièce : mélancolie, abattement, amertume, regret, le tout paradoxalement mêlé à une grande bouffée d'espoir. Je sens aussi l'obscurité, le froid, l'humidité... et autre chose, là-derrière, de semblable et pourtant différent.

Quelque chose de faible, mais qui suffit à confirmer que ces larves ne sont pas seules. Un spectre, très certainement diurne. Et puissant. Ça expliquerait que les larves l'aient suivi et que je n'arrive pas à le voir. L'activité des prêtres et prêtresses l'empêche peut-être d'agir à sa guise, mais pas de réussir à se cacher.

Il ne me paraît pas malveillant, pourtant il est empli d'aigreur. Il est également perdu et... ça n'a pas de sens, mais il me paraît à la fois récent et ancien ! Je romps prudemment le contact avec la larve, aussi neutre et détachée que possible afin qu'elle ne s'occupe pas de moi. J'essaye ensuite de coller entre eux les morceaux, déclarant :

- Bon... elles sont liées à un spectre, même si je ne le vois pas. Ce doit être un spectre diurne. Je ne sais pas pourquoi elles l'ont suivi. C'est bizarre, je n'arrive pas à déterminer si c'est un spectre ancien ou récent. Aussi : est-ce qu'il y a au palais un lieu comme une grotte ? Ou un puits peut-être ? Où des gens iraient prier ou faire des vœux lorsqu'ils sont désespérés ? Je pense que les larves viennent d'un endroit de ce genre.

Rinsheng sort brusquement de sa prière pour échanger un regard de connivence avec Herayun. J'ai le sentiment qu'une partie du mystère est déjà résolu pour elles !

- Oui, il y a bien un puits à prière, confirme Herayun en se tournant vers moi. Un puits, à présent scellé, mais qui était autrefois un lieu de prière pour les causes perdues. Il se trouve dans la partie sacrée de la montagne, il est plutôt excentré ! Je n'aurais jamais pensé qu'il avait accumulé autant de larves sans qu'on ne s'en aperçoive. Mais il est vrai qu'on n'y descend jamais pour vérifier.

Dans un geste machinal, elle réajuste sa ceinture avant de passer ses doigts sur les différents ustensiles qui y pendent.

- Quant au spectre, reprend-elle, je pense savoir de quoi il s'agit. Une jeune fille s'est donné la mort en se jetant dans ce puits, il y a bien quarante ou cinquante ans. Un jour de la Fête de la Montagne, comme aujourd'hui. Normalement, tout a été fait pour que son âme soit apaisée et ne reste pas... je ne comprends pas comment elle aurait pu en réalité passer tout ce temps à errer au palais sans qu'on ne le sache ! Ni pourquoi elle se manifeste maintenant, et encore moins ici !

- Il faudrait en savoir plus sur elle...

- Oui. Et maintenant que nous savons quoi chercher, tout devrait être plus simple ! Merci pour votre aide, Majesté.

Son réflexe premier est de s'incliner avec déférence, mais elle se corrige aussitôt après avoir fait claquer sa langue contre son palais. Elle me fait alors un signe poli du menton, avant de reprendre sa distance habituelle. Puis elle appelle à voix forte :

- Kunsan, Hareivet, Semahiran !

Parmi les prêtres et prêtresses qui l'avaient suivie dans la salle, trois redressent la tête en s'avançant.

- Prenez de quoi descendre au puits et allez voir ce qui s'y passe. Si ces larves proviennent bien de là-bas, faites-nous prévenir immédiatement.

Ils opinent du chef avant de sortir promptement de la pièce. Herayun se tourne alors de nouveau vers moi, m'annonçant :

- Si ce sont bien des larves du puits, j'enverrai une équipe nettoyer là-bas celles qui restent, pendant que nous, nous nous occuperons d'éliminer celles qui sont ici. On se chargera du spectre ensuite, ce sera plus simple. Vous voudrez nous aider à nettoyer la salle, Majesté ?

Son regard est plus qu'aimable, il est encourageant et plein d'attentes. Songeuse, je contemple les larves. À moins qu'elles ne soient dangereuses, nous n'avons pas pour habitude dans le nord de les "nettoyer". C'est inutile : elles finissent toujours par se désagréger d'elles-mêmes.

Mais ici, sans doute à cause de l'éther, elles stagnent apparemment plus longtemps. Et avec tous ces fantômes agités qui perturbent le palais, j'imagine qu'on préfère se débarrasser des larves trop nombreuses avant qu'elles n'aient le temps de devenir hostiles en se liant à un mauvais spectre. Je comprends l'idée.

Malgré tout, ça me dérange de les dissoudre. Bien sûr, ce ne sont pas des âmes, mais elles ressentent les choses, elles restent une forme de vie. Et elles ne m'ont rien fait, ni à moi, ni à personne. D'un autre côté, c'est sûr qu'elles sont envahissantes. Et l'ambiance étouffante qu'elles créent dans cette pièce n'est pas une bonne chose...

- Majesté...?

En pivotant vers Herayun pour lui faire part de mon hésitation, je me rends compte que ce n'est pas moi cette fois-ci qu'elle regarde, mais bien l'empereur, qui fait son entrée dans la salle. Dans sa tenue noire et or, d'une grande richesse, il est aussi éblouissant qu'impressionnant. Lui, évidemment, elle n'hésite pas à le saluer en s'inclinant le plus cérémonieusement possible, comme le font les autres prêtres et prêtresses.

Et moi, comment est-ce que je dois le saluer dans ce contexte ? D'habitude, je fais aussi une révérence, mais parce que je suis censée n'être que la pupille de Xemtei. Kianshei insiste toujours pour que je le salue de manière informelle, mais c'est uniquement lorsque nous sommes seuls. Hum... Au final, je n'ai pas vraiment le temps de réagir quand il me surprend en venant droit sur moi, s'écriant avec enthousiasme :

- Bonjour, Suirei ! Je suis heureux de vous trouver ici.

Il me saisit les mains, avant de se pencher sans gêne pour déposer un baiser sur ma joue. ll souffle alors immédiatement à mon oreille :

- Pardonnez-moi ! Ils trouveraient ça étrange que je sois distant avec vous. Pour eux, nous sommes un vrai couple.

Il se recule aussitôt après m'avoir lâché les mains, me souriant avec chaleur, et je m'efforce de faire de même, quoique plus nerveusement. C'est à peine s'il salue Rinsheng ou les autres. Comment ça "pour eux, nous sommes un vrai couple" ? Est-ce que c'est ça la vraie raison pour laquelle Herayun n'aimait pas que j'appelle Kianshei "l'empereur" devant elle ? En tout cas, je constate que savoir qui je suis ne veut pas dire connaître mon véritable nom... mais c'est vrai que même Rinsheng ne le connaissait pas.

- Alors, où en est-on ? demande-t-il ensuite d'un ton impérieux, baissant les yeux sur Herayun.

La prêtresse lui résume ce que j'ai découvert tandis que le visage de Kianshei s'illumine de fierté. Quand elle a terminé, il passe son bras autour de moi, comme si j'étais un trophée, et fanfaronne :

- Mon épouse vous a bien aidée à ce que je vois ! J'espère que cela aura fait taire les doutes que vous aviez encore à son égard.

Rouge de confusion, la pauvre Herayun balbutie :

- Majesté ! Majesté, jamais je n'ai voulu v...

- Votre prudence et votre méfiance sont de grandes qualités, Herayun, l'interrompt-il comme si elle n'avait jamais pris la parole. Mais vous devriez avoir autant confiance en mon bras droit qu'en moi-même. Bien ! Il ne me reste donc que ce spectre à débusquer, je présume ?

- Ou... oui, Majesté, bredouille-t-elle avec embarras.

Il acquiesce d'un bref mouvement du menton avant de s'intéresser à la salle. Son regard, comme son attitude, changent soudain. Et presque aussitôt, je sens que Boguren est là, à ses côtés, même si l'empereur paraît l'ignorer. Le loup s'éloigne et Kianshei semble le suivre. Il s'arrête à quelques pas d'une étagère remplie de dossiers, fronce les sourcils, l'observe un long moment, avant de tracer quelques signes invisibles, au sol.

Puis il nous rejoint.

- C'est effectivement un fantôme diurne, une jeune femme. Elle sent qu'on la cherche et se cache entre ici et l'ailleurs, mais elle veut quelque chose qui se trouve dans cette salle. J'ai fait en sorte qu'elle ne puisse pas quitter la pièce. Je reviendrai cette nuit, elle sera plus faible que de jour, et j'aurai plus de temps pour m'en charger. Occupez-vous des larves, je ne peux pas rester longtemps et il faut que je m'entretienne avec ma femme.

Son ton déterminé ne souffre pas la contradiction, il oscille quelque part entre l'ordre et l'évidence. Cela me rappelle lorsqu'il s'était adressé à la directrice de l'école, mais aussi son comportement dans le nord. Est-ce que c'est sa façon habituelle de parler en tant qu'empereur ? La manière détachée dont il s'adresse à Xemtei, Rinsheng ou même moi me l'avait fait oublier !

- Venez, me fait-il plus doucement en tendant la main.

Ennuyée, je regarde Herayun en soufflant :

- Je suis désolée, je ne pourrai pas vous aider...

Mes excuses paraissent la déboussoler ! Elle fronce et défronce plusieurs fois les sourcils avant de s'incliner bien bas, sans rien dire. L'empereur m'entraîne alors hors de la pièce, sous les révérences qui saluent son départ. Deux prêtresses à la ceinture rouge nous suivent, à quelques pas de là. Je ne peux m'empêcher de chuchoter avec appréhension alors que nous avançons côte à côte :

- Euh... est-ce que c'est prudent que je vous accompagne comme ça, dans les couloirs, devant tout le monde ? 

- Ne vous inquiétez pas, m'affirme-t-il en refermant ses doigts sur les miens.

En effet, nous ne croisons que des prêtresses ou prêtres qui n'expriment aucun étonnement à me voir ainsi à ses côtés. Je ne sais pas si c'est parce qu'ici, l'autorité de l'empereur est telle qu'on doit tout accepter sans se poser de questions, ou si c'est parce que ceux qui ignorent qui je suis sont une minorité au temple.

L'empereur fait ensuite coulisser une grande porte claire, décorée de paons, qui s'ouvre sur un salon coquet donnant sur un jardin fleuri. Il referme la porte aux nez des prêtresses qui s'inclinent (encore !) puis m'invite à m'asseoir sur une longue banquette de soie beige. 

D'un côté, je suis ennuyée à l'idée de rester trop longtemps au temple. Semkei m'attend : j'ai peur qu'il s'imagine que je lui ai menti ! D'un autre côté, une partie de moi est contente de retrouver ainsi Kianshei et de pouvoir discuter avec lui après l'autre soir, même si je ne sais pas trop pourquoi. Sans doute parce que je n'ai pas assez d'amis ici, et quasiment aucun avec lequel je peux parler des fantôme ? 

Après avoir approché le fauteuil de velours qui me fait face, il s'assoit nonchalamment dedans, incapable de se départir d'un sourire goguenard. Son expression est tellement ravie que j'ai du mal à ne pas rougir.

- Vous ne m'avez toujours pas dit bonjour ! finit-il par rire, comme amusé par ma confusion.

Oh... ah. Oui. C'est vrai. Eh bien, il ne faut pas grand-chose pour le mettre de bonne humeur !

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