33. Comme un jour d'orage

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*Le chapitre du mois ! Je ne sais toujours pas quand je pourrai reprendre une publi par semaine, j'ai pris tellement de retard '^'*

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Cette simple réponse suffit à faire blêmir toute la famille Goseran. Croisant nonchalamment les bras dans son dos, Semjinkin poursuit avec gravité :

- C'est votre fille qui m'a offensé, c'est elle qui me doit réparation. Hayamei Goseran..., gronde-t-il en se tournant vers elle.

La conteuse pince les lèvres, son front se plissant d'inquiétude, tandis qu'il poursuit :

- ... Dans six heures, les grands dignitaires de la cour, dont l'empereur lui-même, participent à un concours de poésie. Je compte sur vous pour me faire gagner ce concours en étant ma partenaire. Voilà votre punition.

Je ne sais pas dire qui est le plus confus : Hayamei, son père, son frère, les compagnons de Semjinkin... ou n'importe qui d'autre qui a assisté à la scène ! Tout le monde, sauf Vilkura. C'est le seul qui ne paraît pas surpris. Le visage de Hayamei oscille entre l'incompréhension et l'hésitation, blême. Elle paraît chercher ses mots, avant de balbutier :

- Oui, seigneur.

- Je vous présente mes excuses, déclare ensuite Semjinkin avec un peu plus de douceur. Je me suis mépris sur votre compte, et je vous ai accusée à tort. Je me suis laissé aveugler par mes préjugés, c'était idiot de ma part. Si je ne crois pas toutefois avoir été aussi impoli et insultant envers vous que vous semblez le penser, j'entends vos reproches et accepte votre point de vue. J'espère que c'est assez courtois de ma part.

Les yeux toujours baissés, terrifiée, Hayamei finit par bredouiller :

- Je... C'est à moi de m'excuser, je... Je n'aurais pas dû m'emporter comme ça, et j'aurais dû vous montrer plus de respect ! Ce n'était pas très mature, je vous prie de me pardonner...

- Ce sera fait dès que vous et moi aurons gagné le concours, sourit Semjinkin avec malice. Vous souhaitez toujours partir à présent, ou vous vous joignez finalement à nous pour le spectacle ? Vous et votre famille demeurez les bienvenus.

Rhanxei et Mehrajei paraissent surpris, ils se tournent vers Hayamei qui souffle, la gorge sèche :

- Je... je vous remercie une nouvelle fois pour l'invitation, mais je ne me sens pas très bien. Je... préfère vous retrouver plus tard.

- Tu veux qu'..., commence à peine Rhanxei.

- Ne vous occupez pas de moi ! l'interrompt-elle d'un air rassurant. J'ai juste besoin d'aller marcher un peu. Mais toi et papa, profitez du spectacle ! Vous me raconterez !

- Tu es sûre ? insiste Merhajei.

- Oui. Merci encore pour l'invitation, fait-elle à l'adresse de Semjinkin.

Surpris, il hausse les sourcils avant d'acquiescer.

- Comme vous le souhaitez. Mais il faudra qu'on prépare le concours. Retrouvez-nous dans quatre heures, près de ce banc ! fait-il en désignant du menton l'endroit non loin où nous patientions tout à l'heure.

- Ou...Oui, très bien.

Après une nouvelle révérence un peu gauche, Hayamei s'enfuit trop rapidement pour que son frère ou son père n'aient le temps de la retenir.

Mi-amusé, mi-amer, Semjinkin se penche vers moi en soufflant à mon oreille :

- À présent, elle sait quel noble je suis.

Je lui rends sa triste grimace.

Merhajei et Rhanxei restent à distance respectueuse de notre groupe, échangeant entre eux à voix basse, sans se mêler de nous. Nous voilà revenus à la situation précédente avec Hayamei, sauf que cette fois, j'évite de m'en mêler ! J'en ai bien assez fait comme ça en croyant aider ! De toute manière, les deux hommes n'ont pas du tout l'air embarrassés par leur mise à l'écart de notre groupe.

Je me tourne donc plutôt vers Semjinkin en faisant remarquer :

- J'ai vraiment cru que vous alliez la punir plus durement.

Tristement sarcastique, Semjinkin serre les dents en déplorant :

- Est-ce qu'au moins un membre de cette cour acceptera un jour de ne pas me voir comme un monstre ? Je me le demande...

- Je ne pense pas que vous soyez un monstre ! je m'exclame. Et puis ce n'est pas de ma faute, vous aviez l'air si grave tout à l'heure !

- C'est que j'ai voulu ménager mon petit effet, rit-il doucement. Je me plains de ma mauvaise réputation, mais je dois bien avouer que j'aime aussi en jouer. C'est une autre façon que j'ai trouvée pour m'en accommoder.

- Vous pensez que vous allez gagner le concours de poésie grâce à la conteuse ?

- Certainement ! Mes adversaires les plus redoutables auront tous pour partenaire une femme à la lignée et à l'éducation trop irréprochables pour que son savoir ne soit pas limité. Toutes ces nobles ont beau avoir un excellent niveau en poésie, elles ne pourront pas rivaliser avec Hayamei. La poésie n'est qu'une sous-famille de la Culture du Langage, ceux qui ont étudié cette discipline en entier ont donc toujours une longueur d'avance sur les autres. Une simple poétesse, ou un simple poète, ne pourra les battre qu'en ayant une plus grande sensibilité artistique qu'eux... mais si l'on est aussi érudit que sensible à l'art, alors on est imbattable.

- Vous paraissez bien connaître le sujet.

Ce qui ne m'étonne pas, je retrouve ici Semjinkin l'érudit.

- C'est que j'ai de l'expérience en la matière. Je ne devrais sans doute pas vous dire ceci, mais...

Se penchant à mon oreille, il murmure :

- ... lorsque nous étions jeunes étudiants, Vilkura et moi, il nous est arrivé de jouer quelques tours. L'un d'eux consistait à faire passer Vilkura pour une femme, et à le choisir comme ma partenaire lors de concours de poésie. Notre duo est toujours demeuré invaincu ! Je vous fais bien sûr confiance pour garder cela pour vous.

- Bien sûr ! Mais qu'est-ce qui vous dit que la conteuse a une bonne sensibilité artistique ?

- Son conte, déjà. Et ensuite, vous ne l'avez pas entendue tout à l'heure ? Même énervée, elle n'a pu s'empêcher de formuler ses insultes sous forme d'images. Mon ton bien propre l'a salie. Mon indulgence l'a jugée coupable. Je suis grossier malgré des habits raffinés. Je suis discourtois malgré mon titre de noblesse...

Il cite les paroles de la conteuse de manière appréciatrice, et maintenant un fin sourire anime ses lèvres. Je ne peux m'empêcher de commenter avec malice :

- Peut-être que vous avez enfin trouvé un esprit féminin à la hauteur de vos exigences ?

Ma phrase le fait s'esclaffer :

- Ce serait une coïncidence un peu trop grosse pour survenir juste après notre conversation sur le sujet !

Difficile de ne pas maugréer :

- J'ai vu assez de coïncidences depuis mon arrivée ici pour commencer à y croire...

- C'est vrai que cette montagne a toujours eu quelque chose de... spécial, souffle-t-il en fronçant les sourcils d'un air méfiant. Toutefois ! Malheureusement pour cette conteuse, ou tant mieux pour elle, je suis incapable d'aimer une femme en dessous de ma condition.

Voyant le choc sur mon visage, il s'écrie :

- Non pas par mépris ! Mais parce qu'il n'y a pas que l'érudition et le savoir classique qui comptent à mes yeux. La noblesse est une culture à part entière ! Elle a ses codes et son langage. Or, leur utilisation plus ou moins subtile trahit l'intelligence, ou la bêtise, de chacun de ses membres. J'y suis si habitué que, malheureusement, je trouve toujours un peu stupides les adultes qui ne la maîtrisent pas. C'est tout à fait injuste et idiot de ma part ! Je sais ! Mais c'est un réflexe que je ne contrôle pas.

Je ne peux m'empêcher de rétorquer :

- Mais ça peut s'apprendre tout ça !

Même si je suis bien placée pour savoir que ce n'est pas aussi simple. Ma réponse le fait sourire de manière paternaliste.

- Jamais parfaitement lorsque l'on n'a pas trempé dans ce milieu depuis sa naissance, répondit-il dans un clin d'œil.

J'écarquille les yeux en demandant :

- Ça veut dire que je suis stupide pour vous ?

- Non ! se défend-il en riant. Vous... c'est différent. Et puis vous êtes encore jeune.

- Hum. En tout cas, vu ce que vous me dites, il vous faudrait une femme qui a été éduquée en tant que noble, et qui en même temps n'a pas été éduquée en tant que noble... Il vous faut quelqu'un qui n'existe pas.

- Je le reconnais ! rit-il à nouveau. Comme je vous le disais, c'est donc une bonne chose que l'amour ne soit pas une priorité pour moi. D'autant que si ce sentiment peut amener certaines personnes médiocres à s'améliorer, j'ai cru remarquer qu'à l'inverse, il tendait à rendre parfaitement idiots des esprits autrement brillants.

- Je sais que tu parles de moi, et je m'en moque complètement ! s'exclame alors dans un rire Tenjusam en se retournant vers nous.

Les deux hommes se mettent à se chamailler gentiment, se jetant des piques et raillant les défauts de l'un et de l'autre. C'est fou de voir la différence d'avec tout à l'heure ! Pour ses amis, Semjinkin est quelqu'un qu'on peut taquiner sans vergogne, mais pour les gens du peuple, c'est un aristocrate autoritaire devant lequel il faut s'écraser.

D'une certaine manière, ça me fait un peu penser à Kianshei et aux deux visages qu'il a, suivant qu'il présente aux autres son statut, ou lui-même.

L'expression insouciante des deux hommes change soudain. Alertes, ils scrutent la foule au loin. Je suis leur regard, mais ne remarque rien d'autre que l'habituel flot de badauds insouciants. Lorsque je reviens à eux, c'est comme si rien ne s'était passé. Ils plaisantent tranquillement.

Leur trouble n'a duré qu'un bref instant, pourtant je me retrouve à observer de nouveau la foule, à la recherche d'une anomalie. Le palais grouille de vie, bien plus qu'aux autres fêtes. Cela va sans doute de pair, mais les soldats qui patrouillent sont eux aussi plus nombreux. Toutefois, aucun d'eux ne paraît plus inquiet que d'habitude.

Presque sans m'en rendre compte, et sans doute parce que je suis sur le qui-vive, j'éveille ma vision spirituelle. Cachés par mes longues manches, mes doigts claquent en rythme avec l'incantation rituelle.

Malgré un ciel éclatant, l'air est aussi chargé qu'un jour d'orage et le soleil me paraît encore plus lumineux. Les paysages anciens s'étirent en brouillard derrière l'actuel, étonnamment présents. Je suis rassurée toutefois de voir qu'aucun spectre ne rôde, certainement grâce au travail des prêtresses et des prêtres.

Je me détends enfin. Dans leur coin, Rhanxei et son père sont en grande discussion. Mon professeur est moins espiègle qu'à son habitude. Avec tout ça, je n'ai pas pu le saluer correctement et j'avoue que ça m'ennuie un peu.

Je m'échine donc à tenter de croiser son regard pour lui faire signe, en vain ! Lui et son père sont totalement absorbés par leur échange. Impossible pour moi d'en saisir le sujet, non seulement parce qu'ils sont à l'écart, mais en plus parce qu'ils chuchotent. En tout cas, ils paraissent aussi sérieux que nerveux. Rhanxei a la main fermée sur sa bourse en tissu dont il triture le lacet avec agacement. Son père agite les bras, secouant ses manches à chaque mouvement.

Est-ce qu'ils se disputent à propos de Hayamei ? Si je n'avais pas demandé à ce que la conteuse se joigne à nous, rien de tout ça ne serait arrivé...

Un mouvement et des cris d'enthousiasme dans la foule détournent à nouveau mon attention. Mais ce n'est qu'un groupe d'hommes d'une soixantaine d'années, très bien habillés et accompagnés de soldats, qui se promènent comme tout le monde. Je suppose qu'ils s'agit de personnes de haut rang.

Je réalise assez vite, à la déception que j'éprouve, que j'espérais que ce soit Kianshei...

Le groupe d'hommes se dirige vers le pavillon de Xanrei, remonte tranquillement la longue file d'attente, puis monte les marches, comme s'ils étaient seuls. On leur ouvre bien sûr les portes, avant de les refermer aussitôt derrière eux.

Je ne peux retenir un grognement mécontent, ce qui fait rire Semjinkin.

- Ils n'ont pas besoin de faire la queue, ils ont déjà leur place réservée à l'intérieur, m'explique-t-il. C'est le cas pour tous les dignitaires et nobles importants, ils ont indiqué à l'avance à quel spectacle ils souhaitaient assister, et des places leur ont été assignées.

Maintenant qu'il le dit, c'est vrai que je ne reconnais aucun grand noble dans la file d'attente, ni ne vois personne habillé de manière vraiment luxueuse.

- Mais vous, vous n'avez pas fait de même ? je m'étonne.

Semjinkin hausse une épaule :

- Eh bien si, mais vu que je n'ai reçu aucune confirmation, cela veut dire qu'il faut que j'attende comme tout le monde. Tous les ans, c'est comme ça, j'ai l'habitude !

- Oh...

- C'est bon signe de les voir arriver, ça veut dire qu'on va bientôt pouvoir rentrer.

D'un côté, je trouve ça vraiment mesquin de la part des organisateurs de faire poireauter Semjinkin dehors ! Mais d'un autre côté, j'aime l'idée qu'un grand noble doive faire la queue comme tout le monde.

Assez vite, d'autres aristocrates importants arrivent, principalement pour le spectacle de Xanrei. Je crois reconnaître Sevijan, et plus loin Lishem. Quelques autres nobles viennent pour Rinmei, nous doublant allègrement sans même nous regarder. Ils parlent de la Culture du Langage, d'un ton nonchalant, vantant leurs mérites ou ceux de leurs fils à travers celui de leurs enseignants.

- Maître Husari est un puits de science, mon cadet a eu la chance de suivre ses cours ! s'exclame l'un.

Son interlocuteur rétorque aussitôt :

- Ah oui ? Quelle chance, je l'envie ! Cependant je n'ai pas à me plaindre, car Xanrei et moi-même sommes parmi les derniers à avoir connu Maître Mebrasem de son vivant...

Après un soupir, je ferme un instant les paupières en bâillant. J'ai hâte qu'on rentre nous aussi, bizarrement je commence à ne plus sentir mes jambes.

- Maître Merhukeshin est le meilleur professeur du palais, mais ce n'est pas le plus ponctuel !

D'un battement de paupières, je rouvre les yeux en sachant déjà que je ne suis plus là où je me tenais la seconde d'avant.

Ce qui n'était qu'un lointain décor brumeux tout à l'heure est à présent la réalité, distincte, vibrante. À mes côtés se tient un jeune homme digne, bras croisés dans ses larges manches sombres, à la mine bien trop austère pour son âge.

Un jeune homme que je reconnais immédiatement.

Koshayaran.

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