Le Problème du Destin

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partie ii

Si on pouvait résoudre la vie à une seule journée, je choisirais celle du 7 juillet 2018. Parce qu'on n'y pense pas – ou on ne veut pas y penser – mais la vie, c'est juste la succession des jours, inlassables, qui ne s'arrêtent jamais et puis un jour, ils s'effondrent, ne restent que la suite sans toi. En fait, j'essaie d'oublier qu'un jour, tout ne sera que poussière et que tout ce qu'on peut bâtir ne sert en définitive à rien parce que tout finira en débris dans l'espace infini. Le Soleil mourra et ce sera la fin alors quel intérêt de se battre ? de construire ? de se relever ? Il n'y a pas vraiment de réponse à ça... mais je crois que la journée du 7 juillet 2018 est un bout de réponse à l'Éternelle Question : à quoi sert la Vie ? Et pas la petite vie, non – bien trop commune – mais celle de la Vie. La Vie qui t'assomme juste pour te dire qu'il faut te redresser.

Je pense aussi que la réponse à cette Question, chacun en a un bout à l'intérieur de soi et que ça ne tient qu'à nous de le montrer. Cette Réponse qui, une fois dévoilée, soufflerait à l'intérieur de tous un petit bout de Vie.

J'ai eu ma réponse, le 7 juillet 2018 ; et jamais je ne pourrais l'oublier.


Ça a commencé à six heures, alors les premiers rayons matinaux emplissaient ma chambre de lumière, à travers les volets entrouverts. J'étais étendue sur mon lit, profitant de l'air frais du matin avant la chaleur pesante de l'été, et je ne pensais qu'à toi, Auréliane. Je t'avais promis, il y a quelques jours, de t'écrire un roman – parce que seul un roman pouvait te décrire – et je sentais mon imagination qui se réveillait, stimulée par la demande, qui grappillait dans chaque geste du quotidien une idée. Une idée que, chaque fois, j'abandonnais tôt ou tard ; niaise, ou ridicule, ou enfantine, ou plagiat. Rien ne m'allait. Alors je profitais des premiers rayons du Soleil pour continuer mon rêve, un rêve chaud et beau et repousser la mauvaise inspiration de l'impatiente imagination.

Non, franchement, je ne m'attendais pas à ce que tu m'appelles une demi-heure après, toute excitée – si tôt alors que c'est habituellement l'heure à laquelle tu te couches – pour me proposer une virée de deux jours à la mer, rien que toi et moi ou si je voulais un ami ou ma sœur ou mes parents si jamais ils avaient peur de me laisser partir ou juste aller camper pour le fun à côté du lac près de chez moi si mes parents voulaient pas ou si moi je ne voulais pas. J'ai essayé de t'arrêter avant que tu ne t'asphyxies mais tu étais tellement enthousiaste, frétillante d'énergie que je n'ai pas su dire autre chose qu'un vulgaire ouais putain meuf, chuis à fond ! Et tout s'est enchaîné : j'ai sauté sur le lit de mes parents – ton énergie m'avait contaminée – je les ai secoués – ils m'ont dévisagée, encore ensommeillés – je les ai presque forcés à accepter, Auréliane, pour pouvoir être avec toi. Quand ils ont acquiescé pour que je parte seule, j'ai poussé un cri de joie – et je suis sûre que tu l'as entendu, Auréliane, parce que tu entends toujours tout, surtout ce que l'on ne dit pas.

J'ai fait mon sac à la va-vite, impatiente de te voir – et de te toucher. J'ai vu ton visage danser derrière ma tête pendant que je fourrais maillot de bain, pyjama, robe et trousse de toilette dans mon petit bagage. Et tu étais tellement belle ! Tes longs cheveux aux reflets rouges depuis tes mèches, ta sveltesse que dissimulait un t-shirt large qui tombait sur tes cuisses, tes lunettes derrière lesquelles tu te caches, avec tes yeux mi-marron mi-vert – tes yeux qui m'attiraient – sans parler de ta bouche qui se mouvait pour me crier sois pas vexée bicheeeeette et tu me courrais après alors que je te tournais le dos par jeu.

Je n'ai même pas eu conscience de prendre mon vélo pour arriver chez toi – je crois que je volais, tu me manquais trop, Auréliane. Tu obnubilais mon présent – et accaparais mon passé – et privatisais mon futur.

Aussitôt descendue du vélo, je t'ai sentie – tu sais, ton parfum, ton odeur propre, elle me prenait le nez et j'étais incapable de m'en défaire – et tu m'as serrée dans tes bras.

Non.

Tu ne me serrais pas dans tes bras ; enfin, dans les faits, oui. Mais ce n'était pas ça. C'était plus fort, c'était plus confus que juste tes molécules qui se collaient aux miennes. C'était dingue, fou et pourtant, j'en redemandais. J'ai inspiré ton odeur, si douce et piquante, et j'ai éclaté de rire parce que c'était la seule réaction possible pou exprimer ce que je pensais. Tu as explosé aussi, tu as reculé d'un pas, toujours serrant mes épaules dans tes mains fines. Le train part bientôt, m'as-tu expliquée avec un sourire. J'ai attrapé la bretelle de mon sac et, après avoir rentré mon vélo dans ton garage, on est parties vers la gare, à quelques minutes de chez toi.


Nous avions 16 ans, et à 16 ans, tout se confond. À 16 ans, on cherche, on découvre, on rencontre, on teste. Et savoir les mots pour décrire ne suffit pas à savoir ce que c'est ; parce que les mots, c'est juste des lettres, et les lettres, c'est juste une forme et une forme ne peut pas décrire ce que l'on veut trouver. Alors on teste et tant pis si on se trompe parce qu'à 16 ans, on a la Vie devant nous et que rien ne peut l'arrêter, c'est toujours beau et infini, et si on se trompe, ce ne sera pas de notre faute – jamais, on est bien trop jeunes pour se responsabiliser.

À 16 ans, Auréliane et moi, on n'avait jamais rien testé. Elle, à cause d'une phobie, moi, à cause d'un rejet involontaire. Et un séjour à la mer avait tout du futur test.

À 16 ans, Auréliane et moi, on n'avait jamais rien osé. Elle, à cause d'une personne qui n'a le nom que de salope, moi, à cause d'une amitié trop toxique pour qu'il en résulte du bon. Et un séjour à la mer avait tout de la folie pour s'échapper des carcans que notre adolescence avait creusé dans nos personnalités.

À 16 ans, Auréliane et moi, on voulait grandir.


Le train s'arrête, je te jette un regard, je descends sur le quai, tu me suis avec un rire aux lèvres – comme toujours. Il y a foule et je sens que je panique alors je me glace et traverse la foule avec des pardons lancés avec l'acidité d'une secrétaire aigrie. Je sens ta présence derrière moi et ça me donne la force de sortir de ce bain de foule. Il est presque huit heures, indique l'horloge de la gare. J'attrape ta main une fois dehors. Je marque une pause alors que les embruns nous assaillent et qu'un vent marin nous emmêle les cheveux. Tu pousses un cri de joie – suraiguë – et tu m'entraînes encourant vers le port.

C'était beau, rafraîchissant.

Malgré des regards appuyés sur nos mains liées, jamais je ne me suis sentie aussi heureuse ; et soudain, je sais que je suis belle. Je saute sur ton dos et malgré ta finesse, tu me retiens sans mal et hurle fuck la police à la vieille dame qui promène son chien. À notre surprise, elle sourit et fait le signe Jül ; on m'appelle l'ovni, répliques-tu. J'éclate de rire et plus rien n'a d'importance que Toi.

À dix heures, on étale les serviettes sur la plage, on essaie de maintenir une distance de sécurité – il y a déjà du monde – mais impossible de résister et je vais derrière toi pour jouer avec tes longs cheveux si beaux. Tu attrapes un élastique dans mon sac – tu sais que j'en ai toujours un – et tu quémandes une coiffure. J'acquiesce, je vais te faire une coiffure de princesse grecque parce que tu es une princesse, Auréliane. Tu roucoules avant de te caler entre mes jambes pour qu'on soit bien installées.

Je glisse mes mains dans tes cheveux, en apprécie la douceur, la longueur, tout. J'attrape des mèches, je tresse, je torsade, je peste quand il y a des nœuds et puis il y a toi, Auréliane, qui commente quiconque a le bonheur de passer devant toi et de se rendre compte que la Vie, c'est de rire et de lâcher prise. Alors que je finis ta coiffure, tu attrapes la crème solaire – le Soleil tape déjà – et tu en étales sur mes jambes, tu fais pleins de commentaires – ouah, elles sont méga douces, comment tu fais, moi, ça fait pas ça – et gênée, je ne sais pas quoi répondre alors je hoche la tête avec un sourire. J'ai fini ta coiffure, j'attrape ta main pour te montrer ce que j'ai fait : une tresse fait le tour de ta tête, comme une couronne – et tu es digne d'une couronne – et tu sautes de joie dans mes bras.

Une famille s'installe à côté, je remarque, et deux enfants qui se dirigent vers l'eau, accompagnés de leur grand frère, je suppose.Tu trouves pas ça bête qu'on aille pas se baigner ?je te dis et sans prévenir, tu t'élances vers les vagues, encore habillée de ton t-shirt. Auréliane, t'es habillée ! je crie avec un rire. Tu te tournes vers moi, fuck the world, et fonces vers la mer. J'éclate de rire, me demande si j'ose te suivre, pense à mon soutif qui est noir et hausse les épaules. Fuck the world. Je te rejoins après un sprint qui me laisse pantelante.

Et on s'éclate comme des gamines à s'envoyer de l'eau dessus, à sauter dans les vagues, comme si on volait – et on volait, je peux vous le garantir – à se pourchasser, à faire un château de sable. Et la marée monte alors on décide d'aller manger un bout, les vêtements trempés.

On découvre la ville, axée vers la mer,en la parcourant en long, en large, en travers, les bras croisés entre nous, les pieds qui partent en vrille parce qu'on arrive pas à marcher en riant aussi fort, on secoue la ville de notre bonne humeur et de notre folie. On écope de regards noirs, de sourcils froncés, de remarques désobligeantes mais on s'en fout, seule compte la Vie. On achète un sandwich dans une boulangerie après moult aventures qui nous explosent les abdominaux.

Et c'est Beau, Auréliane. C'est tellement Beau !

Y a une forêt derrière la ville, tu t'exclames en regardant un plan, la glace au Nutella à la main. Une pinède, ouais, j'acquiesce en lapant le nappage chocolat de la boule à la menthe que j'ai choisie. On décrète qu'il faut y aller. Il fait trop chaud sous le soleil. D'ailleurs, j'ai pris un coup de soleil sur les épaules, alors on passe dans une pharmacie pour de l'après-soleil que tu prends plaisir à étaler. Puis on suit les panneaux pour arriver au cœur de la forêt de pin, où le tapis des aiguilles étouffe nos pas et on se tait, soudain.

La forêt est apaisante, fraîche et on se calme. On a l'impression d'être seules, au cœur du monde – et ce n'est pas pour me déplaire mais tu te colles à moi. Ton odeur m'entoure et je trouve ça réconfortant. J'ai pris une grande serviette, ça te dit, on l'étend et on se pose ? Tu acceptes, trouves la serviette – immense et bleue – et tu l'étales avant de t'étaler dessus, sur le dos. Je pousse un soupir ravi en te voyait allongée avec ta robe qui a séché entre temps. Je tombe aussi, à côté de toi et on fixe la cime des arbres, perdues dans la forêt, loin du monde mais proche de la Vie. Tu te serres contre moi, prise d'un frisson dû aux courants d'air, je passe un bras autour de tes épaules. J'attrape mon téléphone et enclenche la lecture aléatoire. Le premières notes de Children of the Sun résonnent et tu pousses un cri de joie mais tu ne bouges pas. Ta peau me brûle, Auréliane, tu es chaude, chaude comme le feu qui brûlent en toi et qui commence à se propager dans mes veines, tu es chaude et je me sens fondre, tu commences à dire que mes cheveux sentent bon, je te rétorque que c'est la faute du shampooing et de mon bon goût en matière d'odeur et pour toute réponse, je te sens t'insinuer contre mon cou. Un frisson me pique le long de l'échine dorsale et se répand jusque dans mes doigts. Et tu me lèches. Un petit coup de langue, rapide, mais je n'oublierai jamais la sensation de Toi sur moi. Je sens le feu monter, bouillonner dans mon ventre. Je me dis c'est les hormones, c'est normal, je ne suis pas habituée à être aussi proche de quelqu'un et je me penche vers toi, pour voir ton visage.

Tu es Magnifique, Auréliane, n'en doute jamais.


Il est quatre heures, on quitte la fraîcheur de la forêt après notre interlude douceur et papouilles,et je t'offre une crêpe au Nutella. Jusqu'à ce que je te la pique. Tu me poursuis sur la plage, je finis les pieds dans l'eau, la moitié de ta crêpe dans mon estomac. Je lèche exagérément mes lèvres pour goûter le rester du Nutella qui a coulé. Tu pousses un cri à mi-chemin entre la douleur d'avoir perdu des bouchées de crêpe et le plaisir que tu me voies m'amuser à tes dépens. Je m'esclaffe – tu es Belle, Auréliane – et je me dirige vers la plage, trouver une plage, me mettre en maillot cette fois et m'amuser dans les vagues avec toi.

Nos robes ne prendront pas cher la deuxième fois et soudain, je sais enfin quoi raconter sur Toi, Auréliane, je sais quel sera ton roman. Ton roman, ce sera Toi, ce sera Toi avec ta splendeur amusante, ta fraîcheur innocente et ta maturité à l'écoute, ce sera Toi à la découverte du Monde, le Monde à ta découverte, Auréliane. Je veux montrer à tous que tu es Belle. Que tu es Magique. Unique.


Tu t'agrippes à moi alors qu'une immense vague nous renverse, je crache de l'eau quand je me relève, tu éclates de rire devant ma tête dégoûtée. Je hurle un cri de guerre et te saute dessus pour te couler à ton tour. Évidemment, je n'y arrive pas et ton hilarité se déclenche une deuxième fois. Je fais volte-face pour contrer une vague et m'envole alors que tu te la prends en pleine figure. Je me moque de toi – la vengeance est un plat qui se mange froid... ou mouillé – tu prends la pique et m'envoies de l'eau dans les yeux. Les gamines dans les vagues sont de retour et on s'en donne à cœur joie.


Il est presque minuit, nous sortons en douce – mission impossible est de mise – de l'hôtel où nous résidons cette nuit, pour rejoindre la mer. Nous ne sommes pas les seules à avoir eu envie d'un bain de minuit alors on cherche un coin tranquille et on pousse des cris ravis devant la lueur de la Lune qui se reflète sur les vagues. Je lève la tête, croise le scintillement des étoiles, te montre quelques unes que j'ai appris à repérer avec ma sœur et pousse un soupir en te voyant dans l'eau, toujours en robe. Je t'y rejoins et te vois frissonner. Je te serre dans mes bras, en espérant que tu n'attrapes pas froid à cause d'un bain de minuit. Tu me souries, comme une Reine – et tu l'es, n'en doute pas – une Reine, certes très frileuse, mais une Reine quand même. Non. La Reine. Tu es La Reine, Auréliane.

Tu sais qu'Auréliane, c'est le féminin d'Aurélien, qui découle d'Aurèle, qui est un empereur ? Ça te va comme un gant, Auréliane.

Les vagues sont toujours aussi déchaînées, alors on ne tarde pas à sortir – c'est fatiguant – et on s'étend sur nos serviettes, ravies et heureuses. Ce soir, les étoiles scintillent pour nous. J'aime beaucoup cette phrase alors je la note sur mon téléphone. Tu me le piques, relis la phrase avec un sourire de côté. T'as conscience que c'est vachement niais, au moins ? Je pince les lèvres, ton jugement est vrai et je n'aime pas le niais. Je kiffe, en fait, continue. Le juge a tapé du marteau et on ne peut qu'y adhérer.

Je me rencogne contre toi, savoure ta présence comme si tu ne serais plus jamais là.



Le lendemain soir, quand nous rentrons après notre parenthèse d'osmose avec la Vie, j'ai deux coups de soleil sur les épaules, deux robes éprouvées par le sel, un maillot à peine utilisé, une grande serviette piquetée d'épines de pins, 57€ en moins, des souvenirs fabuleux gravés à jamais et une phrase, Auréliane, que je t'offre : tu es Magnifique, ne l'oublie jamais.

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