Chapitre 9 - Frites

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(Chapitre plus long que les autres et non relu)

Je fixai une nouvelle fois l'écran de mon portable. Lina n'avait pas répondu à mes deux appels alors que d'habitude, elle s'empressait de m'avoir au téléphone pour se plaindre de sa journée chiante à mourir. Les tentatives d'appels partaient directement sur sa messagerie. Elle devait être en train de parler à quelqu'un au téléphone ou avait éteint son portable. Les deux cas me paraissaient très peu probables.

Je soupirai une nouvelle fois à cause de mon mal de tête. Je marchai dans la rue en espérant rentrer vite à l'appartement. Mes émotions n'arrêtaient pas de fluctuer depuis ma seconde rencontre avec Vincent. Il était vraiment sympa, comme Sacha l'avait dit, mais avait aussi ce quelque chose qui me fait battre le coeur plus vite.

Portable dans la main, il vibra. Je vis que c'était mes parents qui m'appelaient. Je décrochai avec un léger sourire.

– Allô maman, ça va ?

– Oui et toi ? Je ne te dérange pas ? Tu changes à chaque fois d'horaires de travail, souffla-t-elle.

– Non, je viens de terminer le boulot, je suis en train de rentrer à la maison.

– Tu es toujours avec la même colocataire ?

– Oui, pourquoi ? demandai-je en riant.

– Pour savoir. C'est bientôt l'anniversaire de ton père, tu pourrais peut-être l'inviter ?

– Euh... Je vais lui demander. Je ne sais pas si elle a prévu quelque chose, on verra, dis-je en me pincer des lèvres ensuite. M'man je te laisse, je vais rentrer à l'appart'. Je te tiens au courant. Bisous.

– Bisous mon coeur, dit-elle avec tristesse.

Je restai un instant plantée sur les marches d'escalier à fixer mon portable. Je refoulai les larmes qui allaient s'échapper de mes yeux. J'inspirai puis expirai lentement. Je ne pouvais pas craquer maintenant.

Lina était une fille pleine d'entrain et j'étais presque certaine qu'elle serait libre pour m'accompagner chez mes parents. Mais elle ne savait pas ce qu'il s'était passé pour que je m'en aille de chez eux. Elle ne savait pas toute la souffrance que j'avais gardée en moi.

Mes parents, en lui parlant, penseraient directement à ma sœur. Ils la verraient comme un remplacement et seraient trop gentils envers elle. Mais Lina n'était pas Pauline. Au contraire, physiquement, moi et ma sœur étions proches comme au niveau caractère.

Je soupirai une dernière fois avant de marcher. J'ouvris la porte et sentis l'huile et les frites. Un sourire sur les lèvres s'afficha.

– Je suis rentrée ! criai-je pour qu'elle m'entende de la cuisine.

– Salut ! dit-elle avec un enthousiasme surprenant.

Je levai un sourcil en me lavant les mains.

– Alors le voisin ?

– Quoi, lui ? Ah, lui ! Je ne suis pas allée le voir, tu devrais être contente, dit-elle dos face à moi.

Son ton était presque ironique, mais aussi triste. Je plissai le front ; quelque chose n'allait pas.

– Alors il est venu te voir ? demandai-je en voyant la tarte encore pleine. Ou pas...

– Nope ! Je ne l'ai pas vu de la journée, il doit m'éviter, mais tu sais quoi ? J'ai fait des frites donc m'en fiche !

– Lina... murmurai-je prudemment. Ta mère t'a appelée ?

– Oui, comment tu le sais ? Tu es devin ? conclut-elle en me fixant avec de grands yeux bleus.

– Non, mais la dernière fois que tu as faite des frites était quand ta mère avait appelé au début du mois.

– Je vois pas le rapport, dit-elle en croisant les bras. Je peux très bien faire les frites de ma grand-mère sans que ma mère m'appelle pour me grond...

Lina se pinça les lèvres avant de finir. Un silence s'installa entre nous, mais l'huile pétillait doucement. Ce sujet semblait problématique.

– C'est amusant, ma mère m'a aussi appelé aujourd'hui. Elle voudrait t'inviter à l'anniversaire de mon père la semaine prochaine.

– Trop bien ! Il y aura un gros gâteau ?!

Son visage illuminait d'un sourire me fit rire. Je pris une frite et la mangeai en hochant la tête. Lina leva les bras en signe de victoire.

– Patate ce sera trop bien !

– Oui, mais je ne sais pas si c'est une bonne idée d'y aller... soufflai-je.

Je vis la peine dans le regard de Lina.

– Pas à cause de toi ! Enfin pas vraiment... C'est compliqué... J'avais une sœur et... j'ai peur qu'ils pensent que tu es un remplacement. Ce que tu n'es pas ! M'empressai-je de dire. Tu es Lina, une fille folle, amusante, gentille, géniale, et Pauline avait plutôt mon caractère.

– Tu avais une sœur ? Elle est où maintenant ?

J'éteignis la cuisinière et lui racontai tout. Cela faisait cinq longs mois que ma sœur s'était suicidée. Elle n'avait plus supporté d'être insultée et traitée comme une personne différente. Le coup de grâce avait été sa petite-amie d'un an et demi qui l'avait trompée avec une autre. Ce jour-là, elle s'était simplement tailladé les poignets et cuisses dans la salle de bain en espérant que la douleur de son coeur disparaisse. Finalement, elle n'avait plus eu mal. Mais nous, nous avions souffert. Mes parents et moi.

Nous avons pleuré des jours. Je restais dans sa chambre, cloîtrée en me disant que peut-être un jour, elle apparaîtra comme par magie. Je vivais recluse.

– Et un jour, j'ai trouvé son journal. Nous nous racontions tout d'habitude, mais là dans ce journal, il y avait plus. Tous ses sentiments. Tous ses souvenirs. À partir de là, j'ai compris que je devais m'en aller. Tout recommencer. Je t'ai trouvé cet appartement et toi.

Je reniflai une nouvelle fois et essuyai mes larmes.

– Waouh... Tiens continue de manger les frites de ma grand-mère, elles sont géniales !

J'éclatai de rire et mangeai.

– Mamie était la seule qui me comprenait. Celle qui pouvait suivre mes délires sans problème. Elle était géniale... Quand elle est morte, je suis partie et me voilà ! Le destin a parlé !

Je ris encore, oui le destin faisait bien les choses. Nous parlâmes encore pendant des heures et des heures. Le lendemain, je ne travaillais pas alors j'en profitais pour le passer avec Lina. Elle avait le don de me faire penser à autre chose qu'à ma petite vie triste.

Au cours de la nuit, je vis un message de Vincent à qui j'avais donné mon numéro avant de partir parce qu'il me l'avait demandé, au cas où il y aurait un problème pendant mon jour de congé, avait-il dit. Je n'avais rien pensé de ça, mais peut-être qu'il avait d'autres intentions à mon égard. Je laissai mon portable sans ouvrir le sms sur la table de chevet et restai à papoter avec mon amie.

J'avalai ses histoires comme j'avalais les frites faites maison de Lina. Elle avait raison, même si ce n'était pas les frites que sa grand-mère avait préparées, elles restaient appétissantes.

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