Chapitre 2

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L'ours

ou

royal invité

– Quelqu'un appelle à l'aide ! s'exclama Aldin en agrippant la crinière de son cheval. Viggó, au triple galop !

Le cheval partit à fond de train et Aldin, le souffle saccadé, entendait les cris se rapprocher. L'étalon et sa cavalière surgirent au milieu d'une clairière, juste à temps pour voir un cheval blanc se cabrer, faisant tomber l'homme encapuchonné qui le montait. Aldin regarda passer le cheval devant elle, alors qu'il partait au galop vers le Village, laissant son cavalier seul face à un énorme ours de la forêt. La jeune femme sauta du dos de Viggó et lui fit signe d'aller se cacher plus loin, alors qu'elle-même détachait son arc de son dos.

– Nivest, jura-t-elle tout bas avant d'encocher une de ses flèches.

L'inconnu releva avec un grognement, empoignant son épée de ses deux mains gantées de blanc, alors que l'animal poussait un cri puissant, dressé sur les pattes arrière, près à lui sauter dessus.

– Nivest, il va se faire bouffer... A terre, l'étranger ! s'écria Aldin en concentrant sa magie, ses deux pieds ancrés dans le sol.

L'homme se retourna vers elle avec surprise et Aldin eut à peine le temps de voir l'éclat bleu de ses yeux avant qu'il ne roule sur le côté. Tenant son arc et sa flèche d'une main, elle brandit l'autre vers le ciel, et un éclat vert brilla autour de ses gants de cuir. Elle ferme le poing et un mur de terre jaillit du sol, protégeant l'étranger de l'ours. L'animal, furieux, frappa quelques coups de pattes contre le mur avant de grogner de douleur ; une flèche d'Aldin venait de se ficher dans son épaule gauche. L'ours se tourna vers elle avec un grondement alors qu'elle encochait une deuxième flèche. Il ouvrit grand la gueule et Aldin saisit l'occasion, murmurant une courte prière du bout des lèvres. Elle tira sa flèche au fond de la gorge de l'ours et il tomba sur le côté avec un gargouillis. L'étranger, qui avait escaladé la muraille magique créée par Aldin, sauta sur le dos de l'animal et lui asséna le coup de grâce d'un coup d'épée. Le sang gicla du flanc de la bête qui fut parcourue quelques spasmes avant de s'immobiliser.

Aldin poussa un long soupir en rengainant son arc et siffla Viggó qui entra dans la clairière au petit trot. Elle s'assit au pied d'un arbre pour se reposer après avoir fait disparaitre son mur sous la terre d'un mouvement du bras et l'étranger s'approcha d'elle timidement, rajustant sa capuche d'une main hésitante.

– Je te dois la vie, magicienne... dit-il d'une voix douce et plus juvénile qu'Aldin ne l'aurait pensé.

– C'est bon, l'étranger, répliqua-t-elle en levant la main pour l'interrompre, agacée d'avoir dû utiliser sa magie devant quelqu'un qui n'était pas du Village. Cela m'arrangerait que tu oublies ce que tu viens de vivre, que tu m'oublies, moi, en fait.

– Mais, protesta le jeune homme, je voudrais au moins te récompenser...

– Commence par faire preuve d'un peu de politesse, rétorqua Aldin en se relevant, enlève cette capuche, et dis-moi ton nom.

A ces mots, elle vit un demi-sourire étirer les lèvres de l'étranger qui se découvrit la tête. Ses yeux bleus glacier brillaient d'un vif éclat et sa peau pâle semblait luire comme une perle au soleil, alors que ses cheveux étaient si blonds qu'ils en paraissaient presque tissés de fils d'or. Il écarta légèrement sa cape et Aldin étouffa une exclamation en voyant sa veste à boutons dorés, sa cravate à jabot bouffante et son pantalon à ceinturon d'or. Elle se jeta à genoux devant le jeune homme et dit d'une voix mal assurée :

– Votre Altesse... Veuillez pardonner mon impertinence... J'ignorais votre identité...

– J'ai cru comprendre ! dit le prince Emrys avec un rire léger. Relève-toi et tutoie-moi s'il te plait, cela me fait du bien de parler à quelqu'un comme à un égal, de temps en temps.

Aldin se releva, les joues brûlantes de honte et le prince éclata de rire.

– Dis-moi un peu, magicienne, qui es-tu ? demanda-t-il avec un sourire curieux.

– Je m'appelle Aldin Vesperis, votre Altesse, répondit la jeune fille en dénouant ses cheveux de ses doigts fébriles, je suis la fille cadette du guérisseur Araw Vesperis...

A la mention de son père, la gorge d'Aldin se serra brutalement et elle se mordit violemment la lèvre pour ne pas pleurer, ses longs cheveux tombant devant son visage pâle. Le prince fronça les sourcils en rajustant sa cape autour de son cou, et la jeune femme déglutit avec difficulté, s'efforçant de reprendre contenance.

– ... Araw Vesperis, dont la mort est proche. Et mon frère ainé, Sorin, se prépare à lui succéder. C'est lui qui va devenir guérisseur, après son départ.

Emrys saisit le poignet d'Aldin entre ses doigts gantés de blanc dans un mouvement brusque, la forçant à relever la tête.

– Je suis venu jusqu'ici pour m'entretenir avec ton père, dit-il d'une voix pressée. Je dois absolument lui parler ! Peux-tu m'amener à lui ?

– Euh... Je... Bien sûr, bégaya la jeune femme, prise au dépourvu. Votre – enfin, ton – ton cheval s'est enfui vers le Village. Tu peux monter en croupe de Viggó, on y sera en quelques minutes.

– Ça me va, sourit le prince en rabattant sa capuche sur sa tête, et Aldin se détourna, rattachant ses cheveux en une simple queue-de-cheval, une tresse aurait été trop longue à nouer.

Viggó s'était approché à l'appel de son nom et Aldin l'enfourcha rapidement, avant de tendre sa main pâle au jeune prince.

– Tu montes ? demanda-t-elle avec un sourire.

Emrys ne répondit pas, ses lèvres s'étirant seulement en un sourire, alors qu'il saisissait la main d'Aldin et montait à son tour sur l'étalon alezan.

– Accroche-toi à moi, dit Aldin sans tourner la tête, Viggó est assez sanguin.

A peine Emrys avait-il enserré la taille d'Aldin de ses mains que le cheval partit au galop jusqu'au Village. La traversée de la forêt fut rapide, et Aldin fit bientôt ralentir sa monture en disant :

– Nous y voilà.

Aldin sauta de cheval et offrit sa main à Emrys pour l'aider à descendre alors que deux chasseurs du Village, s'avançaient vers les deux jeunes gens.

– Suylli, Asteria, dit Aldin d'une voix qu'elle s'efforçait de rendre assurée, son Altesse Royale le prince héritier Emrys Domhnall est venu s'entretenir avec Maitre Vesperis.

– Je vais l'escorter, dit Suylli de sa voix de basse en s'inclinant devant le jeune prince. Votre Altesse, votre monture est en ce moment-même dans l'écurie du Village. Nous irons la voir après votre entrevue avec Maitre Vesperis. Veuillez me suivre.

Le prince se tourna vers Aldin, lui saisissant le poignet.

– Nous nous reverrons ? demanda-t-il, les yeux brillants d'espoir.

– Les désirs de Votre Altesse sont des ordres, répondit Aldin en s'inclinant respectueusement.

Le visage d'Emrys se ferma à cette réponse froide et il fit volte-face pour suivre le grand chasseur. A peine eurent-ils passé les portes du Village qu'Asteria, une jolie blonde aux membres potelés et aux yeux noisette si clairs qu'ils en étaient presque jaunes, avait saisi le bras de son amie :

– Il n'y a vraiment que toi pour trouver des princes dans la forêt, rit-elle alors qu'Aldin guidait Viggó vers les écuries.

– Je l'ai tiré d'affaire face à un ours, répondit la brune alors que les deux jeunes femmes arrivaient devant les portes de l'écurie. Il y a d'ailleurs son cadavre dans la Clairière aux Hiboux, il est gros et gras, et n'avait pas fini de changer de pelage. Ça suffira à nourrir le Village pour au moins deux repas et ses poils sont encore épais, on pourra faire de bons manteaux.

- Tu es géniale, sourit Asteria, je vais prendre deux ou trois personnes avec moi et on va le ramener pour tout à l'heure.

– Parfait, dit Aldin en ôtant sa selle à Viggó. Je vais me changer, on se voit au dîner ?

– D'accord, répondit la blonde. N'oublie pas que je suis là si tu as besoin de parler !

– Promis, répondit Aldin en lançant un sourire triste à son amie, alors qu'elle sortait de l'écurie.

Elle retraversa la clairière, salua au passage Hollis qui courait après le chat de Sullyi, et entra dans sa case avec un soupir. Elle accrocha son arc à un crochet près de la porte et s'engouffra dans sa chambre, derrière le rideau de lin. Là, elle ôta son ceinturon et sa cape et les envoya valser sur sa chaise de paille avec une indifférence qui aurait retourné l'estomac de Sorin.

Aldin s'assit sur son lit tendu de draps sombres avec un soupir. Quelle idiote, pensa-t-elle en se prenant la tête dans les mains, ses coudes appuyés sur ses cuisses. Tout de même, il fallait peser le pour et le contre. Elle avait sauvé la vie du prince héritier de la couronne nivestienne, ce n'était pas rien, et c'était bien. Elle lui avait parlé ensuite avec un manque de respect absolument terrifiant. Ça, c'était moins bien. Elle s'était humiliée en lui parlant de son père mourant trente secondes après l'avoir rencontré... Encore un mauvais point.

Il avait tout de même été très gentil et doux avec elle, malgré ses maladresses. Aldin eut un sourire amusé en se rappelant comme avait senti sa peur quand Viggó avait sauté par-dessus ce ruisseau, après la clairière de sable. Le prince avait serré sa taille si fort, il aurait – presque – pu lui briser un os. Bon, ça c'était plutôt positif, si elle avait passé pour quelqu'un de courageux et d'à l'aise sur un cheval. Par contre, quand il lui avait demandé de la revoir... Pourquoi voudrait-il la revoir, du reste ? Cela n'avait aucun sens. Se sentait-il obligé sous prétexte qu'elle lui avait sauvé la vie ? Il faudrait qu'elle lui dise qu'il ne lui devait rien. Mais, aller lui dire, cela reviendrait à retourner le voir... Mais était-ce si terrible... ? Pourquoi avait-elle tant de mal à l'idée de revoir le prince, au fait ? Elle l'ignorait. Et il voulait qu'elle le tutoie, en plus !

Aldin secoua fermement la tête pour elle-même. Son père lui avait appris l'étiquette dès son plus jeune âge, et elle savait parfaitement qu'il fallait toujours appeler un membre de la famille royale par son titre, et ne jamais, ô grand jamais, le tutoyer. Mais Emrys – non, son Altesse le prince – avait l'air triste qu'elle le vouvoie... Mais que pouvait-elle faire d'autre devant Asteria et Suylli ? Il ne manquerait plus qu'Asteria ne se fasse des idées... Aldin adorait son amie, mais elle avait cette imagination dévastatrice qui pourrait la faire aller très loin si elle surprenait quelqu'un tutoyer un prince. Nivest, elle avait tutoyé un prince. Que dirait son père... Son père...

Aldin releva les yeux, sentant l'envahir esprit l'idée de son père qu'elle aimait tant, et le souvenir de la fatalité atroce qui se balançait au-dessus de sa tête comme le fier Sabre de Jamaar, menaçant de chuter à chaque instant sur la tête des agonisants pour leur arracher leur dernier souffle... Le regard d'Aldin se posa sur la statuette de Nivest qui trônait sur son bureau, sa longue natte courant jusqu'à ses pieds, son arc dans une main et une flèche dans l'autre. Aldin eut un sourire triste, sachant soudain quoi faire.

Elle ressortit de sa case d'un pas rapide, ses mains enfoncées dans les poches de son pantalon de lin. Elle traversa la clairière, descendit le chemin terreux et passa devant les écuries, sortant finalement du Village. Aldin détacha ses cheveux en marchant à travers la forêt, vers le lieu de sa naissance, l'esprit plein à craquer de ses milliers de pensées. Ses jambes marchaient toutes seules, alors que sa tête était ailleurs.

Depuis dix-sept ans, Aldin Vesperis vivait dans la forêt de Brühinald, née de l'Arbre Elémentaire et d'une goutte de sang d'Araw Vesperis. Longues ondulations brunes et grands yeux verts, elle était le portrait de son père et de son frère, puissants pouvoirs inclus. Sa vie avait pourtant été monotone, du jardin d'enfants aux cours de guérison, de la guérison au tir à l'arc, du tir à l'arc à la chasse pour le Village... Son père lui avait appris à se servir des pouvoirs hérités de Nivest, aussi bien la magie guérisseuse que le contrôle de la terre et de toutes les plantes, malgré le fait qu'elle ne soit jamais amenée à devenir guérisseuse. Souvent, quand son moral était bas, elle se prenait à douter de son utilité au sein du Village... Pourquoi son père avait-il créé un deuxième enfant si Sorin était déjà là... ?

Les pensées sombres d'Aldin furent interrompues par son arrivée dans une clairière. Elle leva les yeux vers l'arbre gigantesque qui se dressait au centre. L'Arbre Elémentaire était un arbre unique et immortel, planté il y avait de çà des millénaires par Nivest elle-même, étape de pèlerinage essentielle pour les Aspeniens les plus pieux et lieu de naissance d'Aldin. Elle inspira un grand coup et tendit ses mains brillantes d'un halo vert vers les branches de l'arbre. Les rameaux se plièrent et ployèrent d'eux-mêmes, les feuilles s'enroulèrent autour des chevilles et des poignets d'Aldin, et la jeune femme fut emportée dans les hauteurs de l'Arbre Elémentaire. Elle monta jusqu'à la cime et s'assit sur une frêle branche qui ne ploya pas sous son poids.

De là où elle était, elle pouvait voir tout le Sud de Nivestia, le Lac Salin, les champs interminables, la ville de Nijs peuplée d'agriculteurs et de paysans ou les tours des usines d'Aïronid juste devant l'horizon. La forêt de Brühinald étendait ses arbres tout autour d'Aldin, mais ses yeux accrochèrent surtout Domhnall, la capitale. Les maisons étaient petites mais Aldin voyait parfaitement les hautes tours du château de Nivestia se dresser vers le ciel. Je me demande à quoi ressemble la vie de la famille royale, pensa Aldin, le visage d'Emrys dansant devant ses yeux. Elle tourna la tête vers l'Ouest, où on devinait le serpent d'argent qu'était le fleuve Izel et les roches sableuses du Désert de Grès de Jamaariah, et le soleil couchant l'éblouit un peu. Elle ferma alors les yeux, croisa ses doigts sous son menton et, les cheveux au vent et le cœur en morceaux, fit une prière à Nivest.

– Nivest... Mère Nature, Reine Terre... Merci de m'avoir permis de vivre ce jour. Puisses-tu me donner la force d'en vivre encore des milliers d'autres... Merci pour mon pouvoir, que j'utilise avec scrupule et soin, merci pour ma santé, et merci pour les gens à mes côtés. Merci pour Keira, merci pour Asteria, merci pour Sorin, merci pour Père... Puisses-tu retarder son départ... J'ai encore tant de choses à apprendre de lui... Oh, Père !

A la lueur du soleil couchant qui enflammait la cascade de ses cheveux bruns, entre les branches de l'Arbre qui lui avait donné la vie, Aldin Vesperis éclata en sanglots.

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