L'ange gardien

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La scène se déroule au début du printemps, quelques jours après la rentrée des classes. Azken a neuf ans.

An 51
Ville elfique de l'Ouest

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Qui es-tu ? Que veux-tu ? Tu te tiens devant moi, l’air arrogant. Je ne veux pas me battre, mais si tu me cherches, je n'hésiterai pas. Tu crois peut-être que j'ai peur ?
« Tu me cherches demi-portion ? »
Je le regarde noir, cela suffit à ce qu’il me saute dessus. Il attrape sans délicatesse mon haut au niveau des épaules. J'en fais de même, passant mes bras par l’intérieur. Nous commençons une lutte acharnée pour faire reculer, tomber, plier l’autre. Nos forces sont égales. Il finit par me lâcher et lance son poing en direction de mon visage. Je le lâche aussi mais c’est trop tard pour me défendre. Il écrase ma joue. Un peu sonné, mais bouillant de rancune, je me jette sur lui, l'attrape par la taille et le plaque au sol. Nous roulons dans la poussière quelques secondes avant qu'une voix ferme, grave, nous rappelle à l’ordre.
« Azken ! Teku ! »
Une poigne solide m'agrippe et me tire en arrière. Je me débats. Je m'en fous ! Je veux juste coller une bonne raclée à l’autre abruti. Ça ne donne rien, c’est notre professeur qui nous a séparé. Je lève un regard courroucé dans sa direction. De quoi je me mêle ?
Teku se relève sans pouvoir cacher l’animosité dans son regard. Il essuie la poussière sur son vêtement par des gestes brefs et secs, se recoiffe avec dédain. Il m'énerve avec ses manières.
« Je peux savoir ce qui vous a pris ?!
- Il m'a regardé de travers ! répond l'autre avec dédain.
- C’est lui qui a commencé à mal me regarder. Et c’est le premier à m’avoir frappé !
- Votre comportement est inadmissible ! C’est comme ça qu’on vous apprend à être à la maison ? Vous êtes les héritiers de famille respectable alors montrez-vous en dignes enfin ! »
Héritier de quoi ? De rien oui ! Je ne veux pas finir comme tous ces nobles moi ! La gestion de la fortune de la région, ça ne m’intéresse pas ! J'ai pas envie de faire comme tous ces fils à papa et de s'asseoir sur un siège confortable qu’on n’a même pas essayer de mériter !
« Maintenant filer aux toilettes vous lavez le visage ! On dirait deux mendiants qui se sont roulés dans la boue ! Vous passerez me voir ensuite ! Et dans le calme, c’est compris ? »
Silence.
« C’est compris ? »
Je marmonne un « oui » contrarié. Je lui aurais bien réglé son compte à l’autre. Sale gamin va ! Je leur tourne le dos et me dirige vers les toilettes. Je m’arrête devant les lavabos et me regarde dans la glace. J'ai la joue rouge, un peu enflée, c’est chaud, mais ça va. Je passe mes mains terreuses et rougies de quelques égratignires sous l'eau, puis j'asperge mon visage. Étrangement, ce contact avec le liquide frais m'apaise. Il est fluide, il coule entre mes doigts, il court partout, comme si rien ne pouvait l'atteindre. J'aimerai bien être comme ça parfois. Je ferme les yeux pour mieux le sentir sur ma peau. C’est agréable. Je respire. Calme. Paisible.
Je rouvre les yeux en sentant un peu d’agitation à l’extérieur. Ça doit être l’heure où les leçons reprennent. Je me sèche les mains sur le tissu destiné à cet effet, remarque que les égratignures sont parties miraculeusement et file en cours.
Le cours est long. Il ne m’intéresse pas. Je regarde mes mains. Je me demande pourquoi elles se sont soignées. Je n'ai pourtant pas utilisé de magie. Et je ne connais aucune magie de soin de toutes façons. Par ailleurs, l'eau ne peut pas être magiques, nous sommes juste à l’école. Il n’y a pas d’explications. Peu…
« Azken, peux-tu me dire comment tu poses cette multiplication ? »
Le professeur me désigne le tableau, ce qu’il peut être agaçant parfois. À la craie, il a écrit « 14 * 23 ». Il a été vache en plus.
« On écrit les deux nombres l'un en dessous de l'autre.
- Viens le faire ! »
Hmf. Je me lève et croise le regard de Teku. Il a l’air satisfait de mon sort. Tu vas voir… je ne compte pas me faire ridiculiser. J'attrape la craie et pose la multiplication. 3 * 4 ; 3 * 1 ; 2 * 4 ; 2 * 1 ; facile. Je me rends compte que j'ai oublié de décaler la deuxième ligne. Je me corrige. Je finis par additionner les valeurs que j'ai trouvé entre elles. Trois cent vingt-deux. Je l'écris et retourne silencieusement à ma place, sans oublier de lancer un regard fier à Teku.

Le soir, Père me convoque dans son bureau. Mon instinct me dit que je vais me faire passer un savon. Il sait que je me suis battu, le professeur lui a dit. Je pousse la porte à contrecœur. Est-ce que j'ai déjà poussé cette porte joyeusement ? Je ne m'en souviens pas.
« Bonsoir Père…
- Bonsoir Azken. J’imagine que tu sais pourquoi tu es là.
- Oui.
- Je ne veux pas que tu te battes ! Cela donne une mauvaise image de notre famille, et comme je te l'ai déjà dit, quand on fait du commerce et de la politique,  c’est important d’être bien vu ! Tu reprendras toi aussi ce flambeau alors montres-en toi digne !
- Oui… »
Je ne veux pas le reprendre.
« Tu as de la chance que Teku ne viennent pas d'une famille plus prestigieuse que la nôtre, nous aurions pu avoir de gros problème ! J’espère que tu t'en rends compte ! »
Quel genre de problème ? Ce n'est pas comme si j'avais été le seul à frapper… j’espère qu’actuellement, Teku se fait passer un gros savon aussi.
« Maintenant, va te coucher et réfléchis bien à ce que je viens de te dire !
- Oui… »
Je sors de la pièce. Bonne nuit quand même, j’imagine. Je soupire, seul dans le grand couloir de la maison. Vivement que je parte d'ici. Il y a des fois où je rêve de partir à travers le continent comme ces grands chevaliers de légende, de découvrir des terres inconnues, d’aider les plus faibles et de faire connaissance avec de nouveaux peuples.
Je me dirige vers ma chambre, croise ma servante sans lui accorder un regard et pousse la porte sans douceur. Je m'assoie en tailleur sur mon lit et boude. Il fait encore jour, je ne vais sûrement pas dormir tout de suite. Et puis, c’est Teku qui a commencé ! Je n'allais quand même pas me laisser monter dessus ! On me l'aurait reprocher aussi ! Vivement le jour où je partirai d’ici, où je m'éloignerai de ce monde d’injustice ! Je regarde par la fenêtre, dans la rue en contrebas. Deux carrioles circulent, ce sont probablement celles de marchands. Il y a également quelques passants, sûrement des travailleurs tardifs qui rentrent. De chaque côté, de larges maisons s'élèvent, beige ou brune, faites de bois. Les fenêtres commencent à s'éclairer. Une brise agite le rideau de ma fenêtre et me l'envoie dans le visage. Je l'écarte sans quitter ma contemplation. Au-dessus de ça, le ciel commence doucement à prendre des couleurs saumons. C’est joli. Et plus loin, à l’horizon, au dessus des toits, la mer aux reflets du ciel.
On toque à la porte. Je tourne, mécontent d’avoir été interrompu.
« Entrez ! »
C’est Kaa, ma servante. Elle pousse timidement la porte.
« Je vous ai apporté une tisane…
- Merci. »
Elle sourit et entre silencieusement. Elle pose le verre sur ma table de chevet. Kaa est gentille et attentionnée, elle essaie de bien faire. Elle a vu que j’étais contrarié tout à l’heure…
« Votre mère demande si vous avez fait vos leçons.
- Oui. »
Je détache moins regard d'elle pour retourner à ma contemplation. Mère pourrait au moins venir demander d’elle-même… Kaa a déjà bien assez de chose à faire.
« Je me retire…
- Bonne nuit Kaa.
- Bonne nuit Monsieur. »
J'entends la porte se fermer avec douceur. Elle est partie. On ne parle pas beaucoup, mais j'ai l’impression que c’est elle ici qui me comprend le mieux. Peut-être parce que c’est elle qui passe le plus de temps pour moi. Après tout, elle connait ma chambre par cœur, elle lave mon linge, fait les courses, parfois la vaisselle, le ménage…
Je regarde la tisane. Elle fume un peu. Mieux vaut la boire pendant qu’elle est chaude. Je me demande ce qu’elle a mis dedans. Je lui demanderai demain.

Le lendemain, il n’y a pas d’école. J'ai l’après-midi de libre. J'ai demandé à Kaa de venir faire des courses avec moi. Père voulait que je m’achète un costume pour la cérémonie de début d’année qui a lieu dans un peu moins d'une semaine. Ça m'agace, j’ai déjà plein de costumes… mais aucun ne convient apparemment ! Quelle plaie.
Nous arrivons dans les rues marchandes. Il y a beaucoup de boutiques ici si bien que je ne sais jamais par quoi commencer. Kaa me désigne un magasin à la façade sombre, coincé entre deux géants lumineux, avec écrit en lettres rosâtres « Taka Tenue ». Je la regarde et hoche la tête. Je lui fais confiance.
La dame qui tient le magasin nous salue chaleureusement. Il n’y a pas l'air d’y avoir beaucoup de monde. Enfin, ça doit être tout de même assez prestigieux pour se retrouver dans la plus grande rue marchande de la ville. Je regarde les rayons, qui ont l'air plutôt fourni. Et tout cas, ils ont l'air très coloré. J'aimerai surtout quelque chose de discret moi, histoire de ne pas trop me faire remarquer. Kaa passe devant et me fit signe de la suivre. Elle a l’air sûre d'elle.
Kaa commence à fouiller dans les rayons, enthousiaste. Elle est belle. Sa robe claire ondule à chacun de ses pas. Sa chevelure blonde, attaché par un ruban aux couleurs pastels, laisse apparaître son visage doux et délicat. On dirait un ange.
Soudain, elle sort une tenue et me la montre. C’est un haut brun sombre avec des coutures bleu électrique. Le bas présente des couleurs semblables. En bas des pattes, il y a des tournesols dessinés avec du fil doré. J'admets que c’est plutôt joli, même si j'ai peur que ce soit un peu voyant. Après, c’est plutôt dans le thème des fleurs pour un fils d'herboristes. Plus qu'autre chose.
Kaa insiste pour que je l'essaie tout de suite. D’habitude, on en achète plusieurs et on les essaie à la maison… enfin, je suppose que je n'ai rien à perdre.
Dans le miroir, je suis assez surpris du résultat. Je crois qu’on ne va pas avoir besoin d'en acheter plusieurs. Kaa semble voir que ça me plait, son sourire s'élargit. C’est moins voyant que ce que je pensais, c’est même plutôt sobre. Au milieu des autres, ça devrait passer plutôt inaperçu.
La vendeuse passe par hasard à ce moment-là.
« Ça vous va bien ! complimente-t-elle. »
Elle s’arrête et s'approche avec une pile de boîte à chaussures. Elle les dépose avant d'en prendre une.
« Vous devriez essayer ça avec. »
Je jette un regard entendu à Kaa et enfile les chaussures. Ça va bien, elles sont un peu plus foncée que le costume et simple. Je regarde la vendeuse puis Kaa. Je crois qu'il n’y a pas besoin de débattre beaucoup plus.
Kaa replie les affaires. À la caisse, elle paie. La vendeuse engage alors une brève conversation.
« Comment tu vas ? Le travail n’est pas trop dur ?
- Ça va, c’est beaucoup plus tranquille qu'ici.
- Vraiment ? Tant mieux pour toi.
- Il n’y a pas à supporter les clients ! Et toi, les affaires marchent ?
- C’est calme mais c’est suffisant pour vivre. Il ne faut pas que les ventes deviennent plus calmes quoi.
- Tout va bien pour l’instant.
- Ouais. Bonne continuation !
- Toi aussi ! »
Je les regarde silencieusement. Elles se connaissent et s'entendent bien apparemment. Je vois mal Kaa s'entendre mal avec quelqu’un de toute façon, elle est si gentille.
Nous sortons. La rue est calme pour un samedi, même si nous devons faire attention à ne bousculer personne. Soudain, j'entends mon prénom. Je lève la tête. Grossière erreur. C’est Teku avec quelques amis qui ne semblent pas être de bonne fréquentation… même hors de l’école, il faut que je le retrouve. Quelle plaie ! Je me serais bien passer de le voir. Il s'approche, provocateur. Okay, danger, demi-tour.
« Ben alors, on a peur ? Hoou, le trouillard ! crie-t-il dans la rue. »
Les gens se tournent un à un vers nous. Je m’arrête, un peu contraint. Je ne vais quand même pas me laisser marcher sur les pieds en public ! J'ai bien envie de lui casser quelques dents maintenant mais c’est pas comme si je venais de faire passer un savon. En pleine rue en plus… je crois que je vais essayer de me retenir. C’est bien mon petit Azken, tu as de la jugeote…
Teku s’approche dangereusement. Derrière lui, ses copains ricanent.
« Comment va la mauviette ? »
Je le suis du regard, il commence à me tourner autour. Kaa s’approche de moi, je la sens dans mon dos. Elle devrait s'écarter.
« C’est ta cireuse de chaussure cette trainée ? Quelle honte de se promener avec ! ricane-t-il. »
Je serre le poing. Attaque-toi à quelqu’un de ta taille, pauvre demeuré !
« Ben alors, tu as perdu ta langue ? Pauvre chaton…
- Et la tienne est trop pendue. »
J'écarquille les yeux et me retourne. C’est Kaa qui vient de prendre la parole. Sa voix est ferme, son visage clos. Je ne l'ai jamais vu comme ça…
« Qu’est-ce que tu dis la trainée ?
- Que tu es un sombre idiot.
- Sale garce… je vais te montrer moi ! »
Il s’approche. Réagis ! Ne te laisse pas surprendre ! Il va frapper. Je sens la main de Kaa se poser sur mon épaule. Quelque chose résonne en moi, quelque chose se soulève, quelque chose de puissant…
Teku s’arrête net. Un énorme dragon d'eau est apparu devant lui. Il recule effrayé. C’est moi qui ai fait ça ? Je sens quelque chose vibrer en moi. Teku tombe sur les fesses, ses amis se sont tus, de même que tous les gens autour. Le calme revient, le dragon disparaît comme par miracle.
« Partons, me souffle Kaa. »
Et nous partons.

Je m'assois sur mon lit. Je me sens fatigué. Est-ce que c’est à cause du dragon ? Est-ce que cela vient vraiment de moi ? C’est facile à savoir. Il faut voir si je peux recommencer. Je ferme les yeux et me concentre. J'essaie de retrouver ce quelque chose qui s'est soulevé et qui a vibré. Je cherche un moment, jusqu’à ce qu’on frappe à la porte. J'ouvre les yeux.
« Entrez ! »
C’est Kaa. Elle referme la porte derrière elle et s'incline
« Je suis désolée pour tout à l’heure de vous avoir créer des ennuis.
- Non, ne t’inquiète pas, c’est bien que tu sois intervenue. Je lui aurais probablement mis une droite sinon…
- Je m'excuse aussi d’avoir utiliser votre magie.
- Comment ça ? Le dragon… c’était ?
- J'ai le pouvoir de manipuler la magie des autres en les touchant. J'ai donc invoqué ce dragon à vos dépens.
- Ah… »
C’est pour ça que je me sens un peu fatigué.
« Votre père veut nous voir. »
Je lève les yeux. Elle a l’air terriblement triste. Je crois comprendre. Je me lève et nous nous dirigeons vers le bureau de Père. Je toque et entre.
« Bonsoir Père.
- Bonsoir Azken. J’imagine que tu sais pourquoi tu es là.
- Vaguement.
- Cet après-midi, Kaa a répondu à un noble. Et tu ne l'en as pas empêchée ? Les domestiques n'ont pas le droit d'adresser la parole aux autres nobles que leurs maîtres, l'as-tu oublié ? Surtout si c’est pour les provoquer.
- Effectivement, je ne l'en ai pas empêchée.
- De ce fait, Kaa va en payer le prix. »
Je me tends. Qu’est-ce qu’il va me sortir ?
« Je la congédie définitivement de la maison et t'affilie un autre domestique.
- Je refuse. »
Se sent le regard de Kaa se poser sur moi. Je ne devrais pas, hein ? Père fronce les sourcils, mécontent.
« Kaa est ma domestique et je la garde. Elle a répondu cet après-midi à Teku pour me protéger, n’est-ce pas aussi le rôle de tous bons domestiques ? Et si vous tenez tant à punir quelqu’un, punissez-moi. Je n'ai pas su la tenir après tout ! »
J'ai peut-être été un peu sec.
« Très bien, tu passeras la serpillière cette semaine dans toute la maison à la place de Kaa. Maintenant sortez ! »
Que je passe la serpillière ? Je me dirige vers la sortie. Ça me va. Kaa aura un peu de répit. Je crois que Père l’a compris. Je souris. Quand il veut.
« Merci, bonne nuit.
- Bonne nuit Azken. »
Kaa sort derrière moi.
« Je suis désolée ! bafouille-t-elle.
- Mais non ! »
Je pose ma main sur sa tête pour la réconforter et lui souris.
« C’est très bien comme ça ! »

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