Chapitre 7 - L'Ange

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Dans le chapitre précédent :

J'avais été seule pendant longtemps. Trop longtemps. Si je revenais vivante, je voudrais des enfants. Plusieurs enfants. Une vraie famille. Comme celle que j'aurais dû avoir avec mon premier âme-sœur ou comme celle que j'avais abandonnée parce que j'étais faible.

– Dépêche-toi de me marquer avant que je ne parte.

Une supplique de ma part.

Un seul regard plein de reconnaissance et d'amour puis ses crocs s'enfoncèrent dans ma chair. Nous ne faisions plus qu'un devant la Déesse Luxna.

***

La tête relevée, je ne cachai pas ma marque. Toute la meute avait senti le lien qui nous unissait. Un nouveau lien tissé entre deux êtres seuls. Depuis que je marchais près d'Auric, je jouai avec le lien. Jouer était peut-être même un mot trop fort. Je réappris à vivre avec une autre personne, dans ma tête.

J'admirai le calme d'Auric face à mes ouvertures et fermetures d'esprit. Alors que nous marchions aux aléas des bois, je laissai son énergie entrer en moi puis la dégageai comme une malpropre. Mon âme-sœur ne disait rien. Sa tranquillité était même inquiétante, tout comme ses pensées.

Avec notre lien, je ressentais toutes les émotions qui lui passaient l'esprit. Il n'avait mis aucune barrière contre mon invasion dans sa vie privée. Au contraire, il y avait une fluidité constante entre nous deux. Nos loups aussi se tournaient autour. Ils s'accoutumaient à la présence de l'autre.

La méfiance, l'attention, l'affection, la peur. Tant d'émotions qui se mélangèrent aux miens.

Alors, malgré le danger qui nous guettait, je commençais une nouvelle histoire.

« Te souviens-tu de la fille qui voyait des arcs-en-ciel grâce à un ange ? Sache que cet Ange est réapparu. Alors qu'une petite fille se promenait dans la forêt logeant sa famille, elle tomba dans un profond trou creusé dans la terre. Terrifiée, elle cria à l'aide, mais seuls les petits animaux pouvaient l'entendre. Après plusieurs heures en pleurs où la déesse ne fit rien, elle entendit des pas de loup taper sur la terre. Le sourire aux lèvres, elle aperçut des hommes au-dessus de sa prison. Ils lui lancèrent une corde. Elle s'y agrippa de toutes ses forces, même si la fatigue et la faim lui pesaient.

Une fois sauve, elle remercia les hommes puis les suivit. Ils n'avaient pas l'air sauvages. Au contraire, bien habillés, ils lui dirent qu'elle avait été chanceuse. Ils lui dirent qu'elle aurait pu mourir dans ce trou. Ils lui dirent qu'ils allaient la protéger. Ils lui dirent qu'ils allaient la ramener à ses parents.

Et elle les avait crus. Elle avait cru à des mensonges.

Une voiture était garée sur un chemin. Elle y monta sans question posée. Elle regarda le paysage défilé. Elle mangea avec appétit les gâteaux donnés. Elle venait de se faire enlever. Elle venait de se faire droguée ou empoisonnée.

Par qui ? Des chasseurs. Pour quoi ? Parce qu'elle était une louve.

Une cible facile. Une victime parfaite. Une enfant naïve.

Un accident de voiture l'avait sauvée. Une lumière aveuglante l'avait sauvée. Un Ange l'avait sauvée.

La petite fille croyait au début que le poison qui s'écoulait dans ses veines allait la tuer. Elle pensait que sa louve allait mourir avec elle. Mais l'Ange s'abaissa sur son corps inerte sur la terre et la toucha de sa main. Ou le pensait-elle ?

Après cet échange, la petite fille ne ressentit plus aucune douleur. Elle s'assit et aperçut les cadavres des trois hommes. Elle resta, prostrée dans cette position jusqu'à l'arrivée de ses parents. »

Soudain, un craquement de branches se fit entendre suivit d'autres bruits de feuillages. On voulait qu'on les entende arriver. Avec moi et Auric, nous étions quatre. Eux, par contre, nous avaient encerclés. Leurs odeurs étaient partout.

Nous restâmes figés sur nos pieds tandis qu'ils se découvrirent d'entre les arbres.

« Seulement elle, lança un homme qui restait obstinément caché derrière un de ses compères.

– Hors de question, répondit Auric prêt à attaquer.

– Alors une personne mourra. »

Sur ces dernières paroles, ils se retournèrent.

« Attendez, je vous suis ! »

La panique avait parlé. Je ne pouvais pas les laisser partir sans avoir tenté de savoir ce qu'ils souhaitaient de moi.

Avant que je fasse un pas, la main d'Auric prit ma poignée. Mon corps se tourna vers lui pour apercevoir ses yeux désespérés.

« Tout ira bien, soufflai-je dans son esprit. Je suis toujours là et je t'enverrai les informations qu'il faut pour que tu viennes nous sauver. »

Certains traitres restèrent en arrière. Avec Auric et les quatre autres guerriers. Et moi, j'avançai. Derrière un homme dangereux. Il était le fils d'un Alpha. Sa puissance se ressentait. Ma louve, aux aguets, attendait un geste de sa part pour lui bondir dessus et le déchiqueter. Mais je ne pouvais pas risquer la mort des prisonniers qu'il détenait encore. La vie de personnes innocentes était entre mes mains.

À cette révélation, je pris peur. Des années durant, j'étais sous la protection des autres. Des années durant, j'avais oublié ce qu'était la crainte d'être tuée. Des années durant, j'avais vécu sans vivre. Et alors que la vie m'obligeait à changer de direction avec la présence d'Auric, j'étais forcée à vivre un événement que je ne désirais pas.

« Que voulez-vous de moi ? demandai-je pour rompre le silence.

– Me venger, souffla-t-il en continuant sa marche.

– De quelle vengeance parlez-vous, fils d'Alpha ?

– De celle que je construis depuis dix longues et douloureuses années. »

La date concordait avec la mort du père de Christopher Bellwood, le traître des loups-garous.

« Qui êtes-vous ? »

Il ne répondit pas à ma question. Il rit. Jusqu'à s'en tenir les côtes. Un rire jaune et dénué d'humeur. Je déglutis quand son visage se tourna vers le mien.

Soudain, j'entendis quelque chose siffler derrière mes oreilles. Ce fut trop tard quand je sentis la seringue dans ma nuque. Le liquide se déversa dans mon corps et je n'eus plus la force de tenir sur mes jambes. Ma vision se brouilla, mais avant que mes paupières ne se ferment d'elles-mêmes, je la vis.

L'Ange était présente. À deux mètres de moi. Trop loin de moi. Blanche comme dans mes souvenirs fins, elle se tenait debout, et ne fit rien.

Sa présence me réconforta. Elle était toujours là. Elle était toujours près de moi.

« Auric, il m'a droguée, je ne sais pas où il va m'emmener. »

Des dernières paroles rapides avant de sombrer dans le noir.

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